On l’aura compris, cet amendement n’est pas essentiellement de caractère financier ; il est motivé par la très forte préoccupation de la commission de la culture devant la disparition du concept de francophonie dans les manifestations de l’État.
Ainsi, quelle n’a pas été notre inquiétude en constatant que le vocable même de francophonie n’apparaissait plus dans la titulature d’aucun membre du nouveau gouvernement. Ce n’est pas la première fois, au demeurant, puisque M. Jospin avait lui aussi, en son temps, fait disparaître ce mot en constituant son gouvernement, avant de rattacher quinze jours plus tard la francophonie au secrétariat d’État à la coopération.
Il nous paraît tout de même préoccupant que, trois semaines après le sommet des chefs d’État et de gouvernement francophones qui s’est tenu à Montreux, la francophonie n’apparaisse pas dans le titre dévolu à un ministre ou à un secrétaire d’État.
Il est vrai que nous avons eu la satisfaction d’apprendre que Mme le ministre des affaires étrangères prendrait directement en charge les questions de francophonie. Cependant, nous serions encore plus rassurés si cette attribution figurait expressément dans son titre. Nos très nombreux partenaires de la francophonie, qui ont tous un ministre chargé de la francophonie, pourraient ainsi aisément identifier un interlocuteur au sein du Gouvernement français.
À côté de cette préoccupation, la constitution de la nouvelle équipe gouvernementale nous a pourtant aussi apporté des motifs de satisfaction. Nous apprécions la nomination de Mme Alliot-Marie au Quai d’Orsay, ainsi que la présence au sein du Gouvernement de MM. de Raincourt et Lellouche. J’ai pu apprécier le soin que vous mettiez à défendre la francophonie, monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous étiez chargé des affaires européennes. Ainsi rassurés sur les personnes, nous souhaiterions l’être également sur les symboles et sur l’affirmation du message de l’État.
Je voudrais dire aussi, à la suite de mon collègue Louis Duvernois, combien nous sommes malheureux que la LOLF ait fait disparaître la francophonie en l’intégrant à la mission « Aide publique au développement ». L’aide publique au développement est certes une préoccupation éminemment noble et importante, mais la francophonie, c’est autre chose ; il ne faut pas mélanger ces deux concepts.
Voilà pourquoi nous voudrions obtenir l’assurance que, à l’avenir, nous pourrons débattre de la francophonie lors de l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de la France ». Cela nous semble relever de la cohérence la plus élémentaire.
Cet amendement est donc avant tout l’occasion d’adresser un message. À travers lui, nous avons voulu très clairement affirmer que la francophonie restait un élément important de l’action extérieure de la France.
Cela étant, je suis également inquiet de la diminution des crédits de l’Agence universitaire de la francophonie. Cette agence fonctionne bien, elle rencontre le succès, et de plus en plus d’universités de par le monde veulent en être membres. Dans ces conditions, est-ce bien le moment de réduire ses moyens, alors que la mondialisation est en train de jouer contre la présence de la langue française dans de très nombreuses universités ?
Voilà trois semaines, je participais à Kyoto à un colloque sur la place à donner aux différentes langues et littératures étrangères dans les universités japonaises à l’ère de la mondialisation. Au Japon aussi se manifeste une tendance à se concentrer sur l’étude de l’anglo-américain, pour des raisons d’économies, et à réduire la place des autres langues. Nous devons lutter contre cette tendance et, à cet égard, l’AUF constitue un moyen d’action essentiel.
Même si cet amendement devait finalement être retiré, je souhaiterais au moins que son message de fond soit bien retenu. Promouvoir la francophonie, c’est affirmer nos valeurs et notre engagement en faveur de la diversité culturelle. Il y faut aussi des moyens !