Intervention de Joël Bourdin

Réunion du 3 décembre 2010 à 15h00
Loi de finances pour 2011 — Compte spécial : développement agricole et rural

Photo de Joël BourdinJoël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, étant donné les contraintes horaires qui s’imposent à nous, je serai aussi synthétique que possible.

Je commencerai par le calibrage global de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». Il nous est proposé de doter cette mission de 3, 59 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 3, 67 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2011. Il s’agit d’un budget d’après-crise, taillé pour un monde agricole encore convalescent. Cette dotation se caractérise par une certaine stabilité par rapport aux crédits votés pour 2010 : les autorisations d’engagement baissent de 1, 8 %, tandis que les crédits de paiement progressent de 1, 8 %. Hors crédits de personnel, les variations sont plus significatives, puisque les dotations sont marquées, par rapport à 2010, par une baisse des crédits de 0, 5 % en autorisations d'engagement et une hausse de 4, 3 % en crédits de paiement.

J’indique toutefois une limite à cet exercice de rapprochement des crédits entre lois de finances initiales d’une année sur l’autre. Il est en effet probable que, comme à l’accoutumée, la mission sera abondée en gestion par des ouvertures de crédits supplémentaires importantes. Au gré des crises subies par le monde agricole, climatiques, économiques ou sanitaires, nous assistons au retour de cette pratique année après année. Or le suivi de ces redéploiements par les parlementaires est toujours difficile. Cette situation témoigne, monsieur le ministre, d’une budgétisation au plus juste des crédits et nous montre que la question des aléas doit faire l’objet d’une prise en charge plus satisfaisante par les politiques agricoles.

Je souligne que l’exécution budgétaire en 2009 et en 2010 présente un profil très perturbé. L’année dernière, 935 millions d’euros en autorisations d’engagement et 838 millions d’euros en crédits de paiement ont ainsi été ouverts en cours d’année pour la mission, ce qui représente une augmentation de 29 % et de 24, 1 % respectivement par rapport aux dotations prévues par la loi de finances initiale pour 2009. Aucun autre département ministériel ne connaît, me semble-t-il, de telles variations.

La crise grave traversée par l’ensemble des filières agricoles ne suffit pas à expliquer un tel écart. Ce phénomène résulte aussi de la budgétisation clairement insuffisante de certains postes en loi de finances initiale. Monsieur le ministre, il conviendrait que votre collègue du budget en tienne compte dorénavant.

Avant de formuler quelques remarques sur chacun des programmes de la mission, je voudrais, monsieur le ministre, vous parler des dépenses fiscales en matière agricole, ainsi que des réformes portées par votre ministère, qui emportent, sur le plan budgétaire, des conséquences que je souhaite voir préciser.

J’observe ainsi que les dépenses fiscales de la mission, concentrées sur le programme 154, ne font pas l’objet d’une évaluation suffisante. Je demande, monsieur le ministre, qu’un effort important soit accompli à cet égard pour les prochains exercices.

En ce qui concerne les réformes, le ministère de l’agriculture est entré ces dernières années dans un processus profond de modernisation du point de vue tant de l’organisation de ses services et de ses opérateurs que de ses dispositifs d’intervention.

L’Agence unique de paiement et le Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles ont été fusionnés en 2009 au sein de l’Agence de services et de paiement, l’ASP.

Les principaux offices agricoles ont été regroupés au sein d’un établissement unique, FranceAgriMer. Je précise à cet égard que la commission des finances a demandé pour 2011 à la Cour des comptes, en application du 2° de l’article 58 de la LOLF, une enquête sur cette fusion des offices agricoles et la création de l’ASP. Ce travail sera l’occasion de faire le point sur les enjeux et la cohérence de cette réforme.

L’effort de modernisation des opérateurs concerne aussi la politique forestière, avec la fusion du Centre national de la propriété forestière et des dix-huit centres régionaux de la propriété forestière. La situation difficile de l’Office national des forêts, l’ONF, sur laquelle j’ai eu l’occasion d’attirer l’attention du Sénat il y a un an, s’améliore. Cela devra permettre de renouer avec la trajectoire définie par la révision générale des politiques publiques, la RGPP. L’arrivée d’une nouvelle équipe de direction devrait y aider, avec la désignation de notre collègue député Hervé Gaymard à la présidence du conseil d’administration et de M. Pascal Viné, votre ancien directeur de cabinet, monsieur le ministre, au poste de directeur général.

Autre sujet qui nous est cher, le regroupement des Haras nationaux et de l’École nationale d’équitation au sein de l’Institut français du cheval et de l’équitation, l’IFCE, le 1er février dernier, mérite également d’être mentionné : conformément à ce que j’ai pu préconiser voilà quelques années en tant que rapporteur spécial, il a été choisi de recentrer l’IFCE sur des missions de service public, les activités des Haras nationaux dans le secteur concurrentiel étant désormais confiées au GIP France Haras.

Au total, je regrette que l’incidence budgétaire à moyen terme de ces réformes, qu’elles soient liées à la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ou au bilan de santé de la politique agricole commune, ne soit pas encore évaluée avec précision ; je ne doute pas que cela viendra.

Je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir confier à vos services le plus rapidement possible une mission d’évaluation des coûts et, surtout, des gains de toutes ces réformes, en explicitant les hypothèses de travail et la cohérence des résultats au regard de la programmation pluriannuelle des crédits de la mission.

Je formulerai maintenant quelques observations rapides sur chacun des programmes de la mission.

Le programme 154, doté de plus de la moitié des crédits de la mission, est le support privilégié de la politique d’intervention du ministère. J’ai observé en son sein une réduction drastique en un an, de 9 millions d’euros à 4, 7 millions d’euros, des subventions allouées aux filières cheval de sport et cheval de trait. Une telle baisse n’est pas acceptable, monsieur le ministre, et je présenterai, au nom de la commission des finances, un amendement visant à amortir ce choc. Je sais que notre collègue Ambroise Dupont, président de la section cheval du groupe d’études de l’élevage, a également déposé un amendement analogue.

Pour le programme 149 « Forêt », je retiens que le principal opérateur concerné, l’ONF, doit poursuivre ses efforts de rationalisation et mettre en place une véritable politique commerciale. Il doit y être aidé par une clarification de ses relations financières avec l’État, les collectivités territoriales et les forestiers privés.

Au sujet du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation », je précise que la réduction des crédits n’est qu’apparente, la plupart des actions bénéficiant en fait de moyens renforcés en 2011. Cette baisse optique résulte principalement de mesures de transfert, de la résorption du stock des farines animales à détruire et du transfert du financement de l’équarrissage aux filières professionnelles, l’État ne restant payeur que du seul service public résiduel. Je salue en outre le fait que vous ayez souhaité donner la priorité à l’alimentation, monsieur le ministre ; cela se traduit par une hausse de 80 % des autorisations d’engagement de cette action par rapport à 2010.

En ce qui concerne le programme 215, programme support de la mission, je souligne l’effort consenti par le ministère pour respecter en 2011 la règle d’économie de 5 % sur les dépenses de fonctionnement. La démarche de suppression d’emplois est poursuivie. J’observe de nouveau que la concentration des dépenses de personnel de la mission au sein d’un unique programme ne se justifie pas et qu’elles devraient, dans le prochain projet de loi de finances, être ventilées entre les programmes.

Avant de conclure par les articles rattachés et le statut des coopératives agricoles, je dirai quelques mots sur la mission « Développement agricole et rural », qui correspond au compte d’affectation spéciale dit « CAS-DAR ».

Je formulerai deux remarques : premièrement, la justification des crédits doit être améliorée pour s’assurer que ceux-ci ne sont pas distribués en vertu d’une logique d’abonnement des organisations par lesquelles ils transitent ; deuxièmement, de nouvelles missions au coût durable, autour de la génétique animale, ont été confiées au CAS-DAR, alors que ses recettes fluctuent chaque année. Je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur ce point : confier ce type de missions au CAS-DAR est-il bien raisonnable ?

Je dirai maintenant quelques mots des deux articles rattachés à la mission, qui seront examinés samedi soir ou dimanche matin.

Il s’agit, d’une part, de supprimer une exonération de cotisations sociales salariales pour les saisonniers agricoles de moins de 26 ans, car c’est un dispositif qui n’a pas fait ses preuves.

Il s’agit, d’autre part, de fixer à 1, 5 % pour 2011 le taux d’augmentation de la taxe pour frais de chambres d’agriculture. Cette hausse mesurée fait suite à un gel des recettes fiscales de ces organismes en 2010 et doit permettre d’accompagner le processus de mutualisation de leurs moyens, ainsi que le surcoût résultant du transfert des associations départementales pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, les ADASEA.

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