Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Daniel Soulage étant souffrant, il m’a demandé de vous faire part à sa place des réflexions que lui inspirent, en tant que rapporteur pour avis, les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2011 sur deux points : la gestion des risques et la situation de la filière fruits et légumes.
Concernant la gestion des risques en agriculture, le projet de budget pour 2011 confirme les objectifs ambitieux fixés dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Les exploitants agricoles connaissent de grandes variations de leurs revenus, du fait des aléas climatiques ou économiques, difficilement prévisibles et d’ampleur de plus en plus forte.
Il existe des dispositifs fiscaux d’encouragement à l’épargne de précaution, comme la déduction pour aléas, qui a été élargie, l’année dernière, à l’aléa économique. Ils permettent de faire face à des situations imprévues. Notons, au demeurant, que, à côté de cette épargne individuelle, la collectivité a mis en œuvre un plan de soutien exceptionnel à l’agriculture en 2009 et en 2010, pour soutenir massivement la trésorerie des exploitations en difficulté.
Mais la prudence n’est pas seulement individuelle, elle est aussi collective. L’objectif fixé au travers du projet de budget pour 2011 est de couvrir les aléas climatiques par un système d’assurance généralisé. Les normes de couverture sont établies pour 2011 à 49 % pour les grandes cultures, contre 26 % en 2009 ; à 29 % pour les vignes, contre 14 %, à 27 % pour le maraîchage, contre 11 %, et à 15 % pour les cultures fruitières, contre 2 %.
Les trois quarts des crédits de l’action n° 12 du programme 154 concernent les assurances, 33 millions d’euros devant venir compléter les 100 millions d’euros de crédits communautaires prévus dans le cadre du bilan de santé de la PAC pour subventionner la souscription d’un contrat d’assurance récolte.
Le développement de l’assurance est un bon principe, mais il se heurte à trois difficultés.
Tout d’abord, la diffusion de l’assurance doit être plus rapide. Or, dans une période où la situation de trésorerie des exploitations est tendue, le pari sur un passage « entre les gouttes » peut l’emporter sur la raison, qui impose de s’assurer pour être sauvé en cas de sinistre important. Nous ne sommes pas allés vers l’assurance obligatoire, mais il ne faudra pas échouer sur l’assurance volontaire.
Ensuite, le montant des soutiens au financement des primes d’assurance récolte est-il suffisant ? L’enveloppe nationale et européenne s’élèvera à 133 millions d’euros en 2011, soit un montant un peu plus faible qu’en 2010. Or l’objectif de couverture reste bien de doubler les surfaces assurées en deux ans. À moyens constants, la prime versée pour souscrire une assurance récolte a donc vocation à être fortement réduite. L’incitation à l’assurance sera-t-elle alors suffisante ?
Enfin, le développement de l’assurance à de nouveaux secteurs, comme l’élevage avec un dispositif d’assurance fourrage, est-il encore possible ? Lors de l’élaboration de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, nous avions estimé qu’il fallait développer un système de réassurance pour permettre une offre nouvelle de produits d’assurance.
Monsieur le ministre, où en sont les réflexions communes à votre ministère et au ministère du budget sur ce sujet, en particulier sur la perspective d’une réassurance publique ?
Pour faire face aux risques, j’insiste sur la nécessité de développer davantage les fonds de mutualisation dans les filières animales. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer où en est notre pays dans la mise en œuvre de tels fonds, pour lesquels le bilan de santé de la PAC a dégagé 40 millions d’euros par an ? Ces sommes viendront-elles compléter les financements nationaux pour indemniser les éleveurs ou les remplaceront-elles ? Quelle part restera à la charge des éleveurs au travers de leurs cotisations professionnelles ? Enfin, monsieur le ministre, à quel organisme support avez-vous choisi de confier la gestion de ce fonds ? Personnellement, je vous avais suggéré de désigner la Fédération nationale des groupements de défense sanitaire du bétail, puisque celle-ci représente l’ensemble des éleveurs.
Je serai plus bref sur la situation de la filière fruits et légumes.
La campagne 2009-2010 s’est bien mieux déroulée que la précédente. Je salue à cet égard votre action énergique, monsieur le ministre, qui a apporté aux producteurs une grande bouffée d’air, grâce au dispositif d’exonération de charges patronales pour les travailleurs saisonniers, dont le coût est de près de 500 millions d’euros par an et qui absorbe près d’un quart des crédits du programme 154.
La compétitivité passe par la maîtrise des coûts, mais aussi par un meilleur rapport de force entre producteurs et acheteurs.
La LMAP permet de jouer sur deux leviers : la contractualisation et la transparence, par le biais de l’Observatoire de la formation des prix et des marges, aujourd’hui en place.
En revanche, la portée de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a été plus modeste en termes de massification de l’offre au travers des organisations de producteurs, ne mettant pas fin à ces dernières sans transfert de propriété. Quelles sont les perspectives vraiment ouvertes s’agissant des regroupements de producteurs ? L’instrument des associations d’organisations de producteurs, les AOP, a été mis en place, car permis par l’organisation commune des marchés « fruits et légumes », mais quelle est l’efficacité réelle des AOP ?
Enfin, quelles aides, tant nationales, au travers des crédits de FranceAgriMer, qu’européennes, pourrons-nous mobiliser pour favoriser l’organisation des producteurs et promouvoir une organisation plus efficace des filières ? L’effort prévu à ce titre dans le projet de budget pour 2011 me semble assez modeste.
Telles sont, monsieur le ministre, les réflexions que notre collègue Daniel Soulage m’a chargé de vous livrer sur les crédits de la mission pour 2011, dont il recommande l’adoption.