Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cinq minutes, il n’est pas possible de faire une analyse minutieuse, détaillée, des crédits de l’agriculture : c’est là la fonction du rapport écrit ! Je souhaite plutôt, au travers de mon propos, mettre ce projet de budget en perspective, en analysant la politique agricole qu’il est censé servir.
Cette approche repose sur trois points.
L’objectif majeur de notre politique agricole, pour maintenir la présence d’agriculteurs sur notre territoire, est bien la garantie des revenus agricoles, qui passe par des prix décents. Cette problématique relève largement, nous le savons, de la politique agricole commune, au titre de laquelle la France reçoit 10 milliards d’euros par an.
Malheureusement, à l’échelon européen, l’ambition régulatrice s’est évanouie au profit d’une orientation par le marché, seul déterminant du prix payé au producteur. On a vu, ces dernières années, les effets dévastateurs sur notre agriculture de la grande volatilité des prix agricoles.
Au moment de construire la PAC du futur, ne faudrait-il pas réhabiliter le concept de régulation, en instaurant des outils consistants, et non de simples filets de sécurité, comme l’a écrit la Commission européenne ?
Cependant, si la politique agricole est d’abord européenne, les États n’ont pas complètement abandonné la partie. La connaissance des prix et des marges, grâce à l’Observatoire de la formation des prix et des marges créé par la LMAP, constitue à cet égard un élément prometteur de transparence, en vue de mettre fin à l’aberration que représente l’écart considérable subsistant entre le prix payé au producteur et le prix payé par le consommateur.
Viande, lait, fruits et légumes : dans ces secteurs, les coûts de transformation des produits n’expliquent pas de tels écarts. On peut, au demeurant, se demander si les cinq emplois prévus au sein de FranceAgriMer pour assurer les missions de l’Observatoire de la formation des prix et des marges seront suffisants, compte tenu de l’énormité de la tâche confiée à celui-ci.
Ma deuxième préoccupation est l’amélioration des conditions de travail des agriculteurs.
Je salue à cet égard l’initiative de l’Assemblée nationale, qui a voté un amendement tendant à prolonger le crédit d’impôt pour recours à un service de remplacement pour congés.
Je regrette au passage que le projet de budget pour 2011 ne soit pas plus ambitieux s’agissant du plan de modernisation des bâtiments d’élevage, dont la dotation baissera de 30 millions à 29 millions d’euros. Ce recul porte atteinte à la fois à la sécurité et aux conditions de travail.
Pourquoi ne pas promouvoir, dans le même esprit que celui qui a présidé, voilà maintenant plus de trente ans, à la création des groupements agricoles d'exploitation en commun – les GAEC –, la mise en commun de nouveaux moyens pour les exploitations ? Si le regroupement est nécessaire en matière de commercialisation des produits, pour peser face à l’amont de la filière, il devient également indispensable en matière de production, pour améliorer son organisation. Des ateliers d’élevage communs à deux ou trois exploitations, avec une identité juridique spécifique, apparaissent dans certains départements. Une telle évolution, qu’il convient me semble-t-il d’accompagner, nécessite une mutation des mentalités, en particulier dans l’élevage, mais elle reste une voie très féconde tant pour gagner en compétitivité que pour améliorer les conditions de travail. En fait, il s’agit d’élargir la panoplie des possibilités déjà existantes.
Rappelons que l’État consent un effort de 500 millions d’euros pour alléger les charges patronales pour l’emploi saisonnier. Cet effort est nécessaire pour améliorer la compétitivité des entreprises, mais quid des conditions de travail de ces salariés ?
Je souhaiterais insister, pour finir, sur le modèle agricole « à la française » – une agriculture à taille humaine reposant sur des propriétaires exploitants – promu par les politiques que nous menons, ainsi que sur la nécessité de parler d’une seule voix au niveau européen au moment de la préparation de la nouvelle PAC.
Il ne faudrait pas que la réforme de la PAC vienne menacer ce modèle. Des dispositifs tels que l’indemnité compensatoire de handicap naturel – dotée de 248 millions d’euros –, la prime nationale supplémentaire à la vache allaitante – dotée de 165 millions d’euros, sur un total de 550 millions d’euros avec l’apport européen –, la prime herbagère agro-environnementale – dotée de 66 millions d’euros –, qui permet d’encourager l’élevage bovin en prairie, doivent être maintenus. Tous les contrats qui devaient prochainement arriver à échéance sont reconduits jusqu’à la fin de 2013 ; c’est une bonne chose, mais que se passera-t-il après l’entrée en vigueur de la nouvelle PAC ? Il est nécessaire que celle-ci maintienne ces outils. Nous ne devons avoir de cesse de défendre cette position. Gardons-nous d’un schéma où les bénéficiaires des aides européennes seraient les propriétaires des fermes, et non plus ceux qui exploitent effectivement les terres.
J’évoquerai brièvement le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », ou CAS-DAR. Il finance des opérations de recherche, de développement et de transfert menées au bénéfice des exploitants agricoles. Les crédits baissent, les compétences augmentent, notamment en matière de génétique animale et végétale. Certes, monsieur le ministre, vous m’opposerez que, en 2011, on pourra utiliser les réserves de 2010 ; mais ensuite ?
J’aimerais enfin exprimer un regret : la LOLF ne permet pas de bien apprécier l’incidence des mesures votées un ou deux ans après leur adoption. Monsieur le ministre, quel correctif nous proposez-vous sur ce point ?
Un trop grand décalage existant entre le présent projet de budget et mes propos, je ne voterai pas, à titre personnel, les crédits présentés ; en revanche, la majorité de la commission de l’économie préconise leur adoption.