Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 3 décembre 2010 à 15h00
Loi de finances pour 2011 — Compte spécial : développement agricole et rural

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Monsieur le ministre, « nous avons avec notre agriculture de l’or entre les mains », avez-vous dit. C’est de l’or encore trop souvent potentiel ; ne le laissons pas se changer en plomb !

Tous les prévisionnistes reconnaissent que la demande alimentaire mondiale va croître à moyen terme. La France doit donc valoriser ses atouts dans le domaine agricole et votre responsabilité est engagée.

Votre projet de budget pour 2011 traduit des priorités correspondant à des situations difficiles. Par exemple, il maintient à un niveau satisfaisant l’indemnité compensatoire de handicap naturel, il sanctuarise les aides à l’installation des jeunes agriculteurs et il reconduit le crédit d’impôt pour recours à un service de remplacement, qui permet aux agriculteurs de prendre des congés. Il engage également des actions plus structurelles par le biais du plan de développement des filières, en plaçant au cœur de la réflexion les pêcheurs et les agriculteurs, afin de stabiliser leurs revenus, qui ont dramatiquement chuté.

On peut néanmoins s’étonner que la mise en œuvre de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, votée en juillet dernier et porteuse d’ambitions, se fasse à budget constant, pour ne pas dire en baisse, car la hausse affichée de 1, 8 % n’est que la conséquence de la budgétisation de mesures jusqu’alors financées par des taxes affectées.

Votre projet de budget répond à l’exigence d’assainissement de nos dépenses publiques, et les mesures prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques devraient engendrer de nouvelles économies ; on ne peut que s’en réjouir.

En revanche, concernant le développement de l’assurance récolte, je m’interroge sur certains points.

La baisse de 5 millions d’euros des crédits pour l’année 2011 peut se justifier par l’accroissement du cofinancement de l’Union européenne, porté à 75 %. S’agissant du taux de pénétration, les objectifs ont été revus à la hausse, en raison d’une meilleure prise en charge des primes. Toutefois, l’écart entre la réalisation en 2009 et la prévision pour 2011 – vingt-trois points pour les grandes cultures, treize pour l’arboriculture, quinze pour la viticulture et seize pour le maraîchage – me semble manifester un excès d’optimisme. Dispose-t-on déjà des chiffres de 2010 ?

La programmation pluriannuelle jusqu’en 2013 ne prend pas en compte le coût de la réassurance publique, dont le principe est pourtant inscrit dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, son article 10 prévoyant la remise d’un rapport d’évaluation au Parlement. Le délai n’est pas encore échu, mais avez-vous déjà une idée du coût et des modalités de cette réassurance publique ?

La promotion des filières agricoles françaises à l’étranger constitue un autre sujet de préoccupation. Pouvons-nous réduire les crédits destinés à promouvoir les produits de la « ferme France » à l’international quand nos entreprises doivent faire face à une concurrence mondiale toujours plus dure ? Il est anormal que le seul Fonds pour les investissements stratégiques des industries agroalimentaires, le FISIAA, ait perdu plus de la moitié de ses crédits en trois ans, alors que la France, premier exportateur mondial de produits agroalimentaires jusqu’en 2004, a régressé au quatrième rang, derrière les États-Unis, l’Allemagne et les Pays-Bas, et qu’elle veut remonter sur le podium. Le plan sectoriel export agroalimentaire, qui repose sur la promotion de l’image de la France, doit être mis à jour en 2011. Quels seront vos choix ? Envisagez-vous la création d’un label France fédérant les producteurs, à l’image de ce que font, avec beaucoup d’efficacité, nos voisins Italiens ?

Un chiffre m’a interloqué : seulement 8 % des crédits accordés à la France par l’Union européenne pour soutenir ses exportations sont utilisés pour la promotion vers les pays tiers, qui comprennent notamment des pays émergents à croissance forte, comme la Chine ou le Brésil, les 92 % restants étant consacrés aux pays européens. Cette situation est absurde !

Je prône depuis toujours le retrait des exportations vers les pays de l’Union européenne de la comptabilisation du commerce extérieur et la définition d’une stratégie en direction des pays émergents, qui représentent des marchés beaucoup plus prometteurs. Monsieur le ministre, vous qui êtes, je le sais, très attaché au renforcement de notre compétitivité, remédiez à cette absurdité qui handicape nos exportations !

Enfin, l’innovation est essentielle dans ce contexte international. Nous devons donner la priorité à la recherche et à l’innovation pour développer notre compétitivité et ne pas être dépassés par les recherches agronomiques audacieuses menées dans les pays émergents ; je pense, en particulier, au Brésil.

Monsieur le ministre, comme vous, j’ai confiance dans le talent et l’imagination des agriculteurs français, car ce sont eux qui donnent une valeur concrète à la richesse de notre agriculture et de nos territoires. Vous devez supprimer les quelques anomalies ou absurdités que j’ai soulignées.

Nombre des membres de mon groupe vous font également confiance pour défendre avec passion, lucidité et détermination au sein des instances internationales, notamment le G 20, le secteur stratégique qu’est notre agriculture. Avec eux, je voterai donc votre projet de budget.

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