Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » intervient dans un contexte marqué par deux paramètres importants : d’une part, la crise de certaines filières de production et d’élevage, sur lesquelles je reviendrai au détour de questions que je poserai tout à l’heure à M. le ministre ; d’autre part, la forte volatilité, sur les marchés internationaux, des prix des produits alimentaires, notamment des céréales et du sucre.
Ainsi, à la suite des intempéries survenues cet été en Russie, qui ont détruit l’équivalent de 3 % de la production mondiale, les prix du blé ont flambé, atteignant plus de 200 euros la tonne. La spéculation sur les denrées agricoles renforce encore cette volatilité.
Certes, les agriculteurs réclament de la stabilité, notamment par l’instauration de filets de sécurité. Toutefois, gardons-nous de toute défiance à l’égard du marché international, car c’est lui qui fait rentrer les deniers dans le coffre de la « ferme France », malheureusement trop tournée vers son marché intérieur et le marché européen.
D’ailleurs, la faible consommation des crédits européens pour la promotion de l’agriculture française dans les pays tiers est symptomatique ! C’est pourquoi je soutiens les crédits affectés à la promotion de nos produits agroalimentaires dans le monde. Les exportations agricoles, qui conditionnent assurément le dynamisme de notre agriculture, représentent un enjeu de taille.
Malheureusement, en termes de compétitivité, la France n’est pas bien classée et ses parts de marché dans le commerce agricole s’érodent au profit de puissances montantes, notamment les pays du Mercosur.
Même à l’échelon européen, notre compétitivité est un réel sujet de préoccupation. C’est pourquoi, monsieur le ministre, l’effort budgétaire permettant de financer la baisse des charges sociales patronales pour le travail saisonnier constitue un outil très attendu. On sait le handicap que représente le coût du travail en France par rapport à nos voisins européens. Vous demandiez des propositions constructives sur ce sujet ; je vous rétorquerai, comme vous l’avez fait à plusieurs reprises au cours du débat sur la LMAP : « C’est au niveau européen que cela doit se discuter ! »
À ce propos, je voudrais dissiper immédiatement une idée fausse : en Allemagne, c’est non pas la présence de travailleurs polonais qui tire les coûts vers le bas, mais l’absence de salaire minimum. Il faudrait profiter du fait que nos voisins réfléchissent actuellement à l’introduction d’un salaire minimum dans certains secteurs faisant fortement appel à des travailleurs étrangers, comme le BTP ou le travail agricole saisonnier, pour négocier de manière bilatérale la convergence des coûts de la main-d’œuvre agricole entre les deux pays. Sinon, il ne nous reste plus qu’à jouer sur d’autres leviers de compétitivité, bien difficiles à actionner, comme la qualité de la production ou l’augmentation de la valeur ajoutée des produits agricoles transformés.
On apprécie, monsieur le ministre, les efforts consentis pour soutenir les filières en difficulté. Malheureusement, celles-ci sont encore nombreuses ! J’y reviendrai tout à l’heure, mais, d’ores et déjà, je souhaite tirer la sonnette d’alarme s’agissant de la filière de l’élevage porcin. Il manquerait aujourd’hui 20 centimes d’euro par kilo de carcasse pour couvrir les seuls coûts de production de l’éleveur, qui ont augmenté avec l’envolée des prix des aliments pour animaux. Plusieurs syndicats s’inquiètent de ce que, dans les six prochains mois, un tiers des éleveurs porcins pourraient être endettés à plus de 100 %. Je sais bien que la dette de l’État s’approche de ce seuil, mais ce n’est pas là un exemple à suivre !