Intervention de Claude Biwer

Réunion du 3 décembre 2010 à 15h00
Loi de finances pour 2011 — Compte spécial : développement agricole et rural

Photo de Claude BiwerClaude Biwer :

Encore une fois, la politique du Gouvernement consistant à soutenir à tout prix le pouvoir d’achat des Français, en limitant le coût du panier de la ménagère, a des effets pervers : certaines grandes surfaces proposent des portions de viande à moins de 1 euro. Dès lors, comment s’étonner que les producteurs se paupérisent !

Certes, l’Observatoire de la formation des prix et des marges, que la LMAP a fait renaître de ses cendres, permettra à votre ministère d’avoir une vision assez précise de la répartition des marges. Encore conviendra-t-il, monsieur le ministre, d’œuvrer pour en tirer les conséquences, sans administrer les prix, mais en déverrouillant des blocages structurels, liés par exemple à l’insuffisante organisation des producteurs !

Ainsi, quand vous annoncez vouloir faire du « renforcement des mesures de soutien au revenu des agriculteurs » une priorité, je vous réponds qu’il faut veiller à ne pas maintenir le monde agricole sous perfusion étatique permanente. Ces aides sont nécessaires, mais elles ne doivent pas amener à négliger les dépenses de long terme, visant à une réforme plus profonde, à un accompagnement de la logique du marché, au soutien au regroupement des agriculteurs. Sinon, ceux-ci resteront dépendants des aides de l’État et de l’Union européenne.

Vous avez par ailleurs voulu faire de la contractualisation un instrument destiné à pallier la faiblesse structurelle du monde des producteurs et des éleveurs.

C’est une excellente orientation, mais malheureusement les modalités pratiques de la contractualisation restent floues et ne semblent pas correspondre à la réalité commerciale.

En tout état de cause, il apparaît que la contractualisation n’offre pas aujourd’hui une protection suffisante aux producteurs, et conserve au contraire aux industriels leur position de supériorité dans les négociations. Espérons cependant, monsieur le ministre, que cette mesure phare de la LMAP porte les fruits que vous avez annoncés ! Il est encore un peu tôt pour en juger.

De manière générale, la LMAP témoigne d’une volonté optimiste de réformer l’agriculture, mais l’examen de ce projet de budget nous rappelle que les marges de manœuvre financières sont réduites. Le difficile équilibre du budget de FranceAgriMer est symptomatique : on confie de nouvelles missions à cet office – mise en place de l’Observatoire de la formation des prix et des marges, gestion des crises, mise en œuvre des mesures annoncées en faveur des filières animales –, mais les crédits semblent manquer. Peut-être aurait-il été sage de lui affecter ne serait-ce que 30 % des provisions destinées à feu la taxe carbone…

Je salue en tout cas la sanctuarisation des crédits affectés au soutien à l’installation de quelque 11 000 jeunes agriculteurs chaque année. C’est d’autant plus nécessaire que la crise du secteur rend difficile et peu attrayante la création ou la reprise d’activités agricoles.

Cela étant, sans un enseignement technique agricole performant, point d’installation de jeunes ! Je regrette à cet égard que le Gouvernement mesure parfois la performance au nombre de postes supprimés ! Monsieur le ministre, si le groupe de l’Union centriste est très sensible à la dérive de nos finances publiques, il est très réservé sur le fait que l’application d’une règle de non-remplacement d’un pourcentage de fonctionnaires partant à la retraite soit considérée en soi comme un objectif de politique publique, quand bien même le taux ne serait que de 25 %, au lieu de 50 %. Partons des besoins, des perspectives de développement, et affectons les moyens adéquats : la formation est tout de même un domaine important ! N’ayons pas peur de réduire les effectifs, mais seulement si cela se justifie.

J’évoquerai enfin d’un mot la filière des biocarburants. L’arrêt des aides fiscales en 2011 est un sujet de craintes, car il mettrait en péril la compétitivité des biocarburants par rapport aux énergies fossiles importées. L’objectif communautaire de porter à 10 % la part des sources d’énergie renouvelables dans la filière des carburants doit nous inciter à poursuivre le soutien à la production de biocarburants. C’est une condition indispensable, me semble-t-il, pour ne pas décourager les entreprises déjà présentes sur ce créneau ou qui envisagent de lancer une production à partir de matières premières agricoles, voire de déchets.

Tels sont, monsieur le ministre, mes doutes, mes craintes et mes vœux pour cette nouvelle année budgétaire. J’espère que la politique de votre ministère et la répartition des crédits permettront de mener des actions pragmatiques, structurelles et courageuses pour sortir l’agriculture française de son atonie. C’est à cette aune que nous mesurerons la « performance » de votre action !

Dans cette attente, le groupe de l’Union centriste votera bien entendu les crédits de la mission.

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