Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette mission retrace les principales subventions versées par l’État pour équilibrer les comptes de plusieurs régimes spéciaux de retraite. Elle met en évidence le caractère structurellement déficitaire d’un ensemble de régimes, maintenus sous perfusion depuis des décennies grâce à la solidarité nationale.
Plus de 6 milliards d’euros y seront consacrés l’an prochain, soit 5, 3 % de plus qu’en 2010. Inévitablement, le besoin de financement de ces régimes spéciaux va continuer de progresser dans les prochaines années, car l’évolution à la hausse de leurs dépenses sous l’effet du papy-boom et le mouvement à la baisse de leurs ressources créent un « effet de ciseaux ». Les dotations de l’État, qui jouent le rôle de variable d’ajustement, sont donc appelées à augmenter.
Or rien ne garantit qu’elles seront en mesure de suivre l’évolution des besoins. C’est pourquoi la commission des finances s’interroge sur la pérennité de ces subventions. Ne peut-on pas craindre, monsieur le ministre, que le contexte budgétaire contraint et les arbitrages financiers qui en découlent conduisent, à terme, à un abondement insuffisant de la mission ?
L’évolution des crédits pour 2011 met en lumière quatre éléments principaux : une hausse relativement contenue, de 2, 3 %, de la dotation à la caisse autonome de retraite de la SNCF, qui s’établit à près de 3, 2 milliards d’euros, dans la continuité de la tendance observée ces dernières années ; une stabilisation à 527 millions d’euros de la dotation à la caisse autonome de retraite de la RATP ; une très légère augmentation de la subvention d’équilibre accordée au régime des marins, laquelle atteint environ 800 millions d’euros en 2011 ; une forte progression de 25 % de la subvention versée au régime des mines, qui s’élève à 1, 2 milliard d’euros. Cette dernière évolution est la conséquence, d’une part, de la diminution des transferts au titre de la surcompensation, dont le régime est l’un des principaux bénéficiaires, d’autre part, du moindre rendement des actifs immobiliers du régime en question.
Ce débat m’amène surtout à dresser le bilan de la réforme des régimes spéciaux qui a été engagée en 2007 par les pouvoirs publics et qui est entrée en application au 1er juillet 2008.
En harmonisant progressivement les règles en vigueur dans les régimes spéciaux avec celles qui sont applicables dans les régimes de la fonction publique, cette réforme visait deux objectifs : rétablir une plus grande équité entre les assurés sociaux et garantir la viabilité financière de ces régimes sur le long terme.
Je rappelle également que l’adoption de cette réforme avait été subordonnée à l’instauration de mesures salariales d’accompagnement actées dans le cadre des négociations d’entreprise.
Bien sûr, ce dialogue social approfondi était nécessaire, mais je crains qu’il n’ait abouti à des contreparties qui pourraient, à terme, vider la réforme d’une partie de sa substance. L’an passé déjà, notre commission s’était inquiétée du fort potentiel de dépenses supplémentaires que représente l’octroi de mesures de compensation aux salariés.
Les nouvelles estimations dont nous disposons, grâce notamment à l’excellent rapport d’information de notre collègue Bertrand Auban, nous permettent de confirmer cette analyse.
Ainsi, le régime spécial de la SNCF présente des perspectives d’économies de l’ordre de 300 millions d’euros par an sur la période 2009-2030, soit 10 % de la subvention d’équilibre versée par l’État au régime. En 2030, le gain cumulé dépasserait 6, 5 milliards d’euros.
En revanche, du point de vue de l’entreprise SNCF, le coût annuel global de la réforme de 2008, intégrant les contreparties sociales et le facteur démographique lié au recul de l’âge de départ, est très significatif : de 170 millions d’euros en 2009, il passerait à 418 millions en 2012.
Autrement dit, il semble que la réforme des régimes spéciaux opère un transfert de charge substantiel du régime de retraite, dorénavant budgétairement et juridiquement autonome, vers l’entreprise.
Pour la caisse de retraite de la RATP, la réforme ne commencera à produire des économies qu’à compter de 2015, et encore celles-ci seront-elles faibles puisqu’elles ne devraient atteindre que 23 millions d’euros en 2020, soit 2, 2 % du total des pensions servies.
Du côté de l’entreprise RATP, les contreparties salariales devraient entraîner une augmentation de la charge des salaires de 10, 5 millions d’euros dès 2012, alors même que la réforme n’aura, à cette date, produit aucune économie. À compter de 2015, cette charge supplémentaire atteindrait près de 14 millions d’euros, si bien que, sur la période 2015-2018, les économies issues de la réforme de 2008 seraient inférieures aux surcoûts salariaux.
Aussi, notre commission estime que les gains résultant de la réforme des régimes spéciaux pourraient au final s’avérer beaucoup plus faibles pour la collectivité que ce que les prévisions initiales, particulièrement optimistes, ne le laissaient penser.
Cela étant, notre commission ne peut que soutenir l’adoption des crédits de cette mission pour 2011, car ils sont indispensables à la survie de ces régimes de retraite.