Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le paradoxe veut que la première mission du budget général – 82 milliards d’euros de crédits – soit aussi celle à laquelle nous consacrerons la discussion la plus courte.
Certes, la mission « Remboursements et dégrèvements » peut paraître relativement dépourvue d’enjeux, dans la mesure où elle ne fait que traduire l’incidence sur les restitutions d’impôts des décisions de politique fiscale prises par le Gouvernement. Pour autant, cette mission constitue un indicateur utile, non seulement des effets de la conjoncture sur les recettes, mais aussi de l’érosion progressive de ces recettes, à mesure que la dépense fiscale poursuit sa progression.
La budgétisation pour 2011 s’inscrit en recul de près de 13 % par rapport à 2010. Quelques points saillants expliquent cette évolution.
Les remboursements et dégrèvements associés à l’impôt sur les sociétés traduisent la dissipation des effets du plan de relance et baissent de 4, 8 milliards d’euros par rapport au montant révisé pour 2010. Cette évolution résulte essentiellement de la fin de la mesure de restitution anticipée des créances non imputées de crédit d’impôt recherche.
Les remboursements et dégrèvements en matière d’impôt sur le revenu sont estimés à 7, 4 milliards d’euros pour 2011, dont 2, 6 milliards d’euros pour la partie restituée de la prime pour l’emploi – la PPE –, soit une diminution de 0, 2 milliard d’euros par rapport au montant révisé pour 2010.
Cette baisse s’explique principalement par la montée en puissance moins rapide que prévu du revenu de solidarité active, dans sa partie « complément d’activité ». Elle ne doit néanmoins pas masquer la progression dynamique de certaines dépenses fiscales, notamment du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt. Hors PPE, les remboursements et dégrèvements d’impôt sur le revenu augmentent en effet de 450 millions d’euros.
Retouché par le présent projet de loi de finances, le crédit d’impôt en faveur du développement durable devrait voir son coût diminuer de 87 millions d’euros au titre de la seule part restituable.
Je consacre, dans mon rapport, une brève analyse à cette dépense fiscale, qui a représenté un coût croissant et globalement mal anticipé. D’après les annonces qui nous sont faites, l’évaluation de l’efficacité de ce dispositif devrait intervenir avant la fin du premier semestre de 2011. Je recommande que ces travaux soient assortis d’une analyse selon les revenus des bénéficiaires et que soit examinée l’opportunité de concentrer le bénéfice de l’avantage fiscal sur les foyers les plus modestes.
Enfin, la prévision associée au coût du bouclier fiscal diminue de 5 %, pour s’établir à 665 millions d’euros. Cette révision tient à l’inclusion, dans le calcul du bouclier, des revenus distribués pour leur montant brut.
À la veille d’une refonte globale de la fiscalité patrimoniale, je suis convaincue qu’une meilleure connaissance des bénéficiaires du bouclier fiscal demeure nécessaire, afin d’évaluer l’atteinte des objectifs assignés à ce dispositif. Je poursuivrai donc mes travaux de contrôle engagés en 2010 sur ce sujet, afin de rapporter devant la commission des finances dans le courant du premier semestre de 2011.
Par ailleurs, 11, 1 milliards d’euros sont demandés pour 2011 au titre des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux, soit 4, 8 milliards d’euros de moins qu’en 2010. Cette baisse est essentiellement imputable aux effets de la réforme de la taxe professionnelle, qui se traduit par une diminution très forte du dégrèvement pour plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, ainsi que par la création du dégrèvement en fonction du barème de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
L’État, en raison de la politique fiscale qu’il mène en direction des ménages et des entreprises, demeure néanmoins le premier contribuable local, comme on le dit fréquemment, et acquittera un cinquième du produit des principaux impôts locaux en 2011.
Je conclus en formant le vœu que l’amélioration de la maquette budgétaire, opérée sur l’initiative de notre commission des finances, pour les remboursements et dégrèvements d’impôt d’État soit rapidement étendue aux remboursements et dégrèvements d’impôts locaux, en espérant que les outils informatiques prochainement mis à disposition le permettront.
Nous n’ignorons pas les contraintes techniques objectives qui font obstacle à une refonte plus aboutie du projet annuel de performances. C’est néanmoins à ce prix que l’examen des crédits de la mission fera émerger de véritables enjeux de politique publique et ne se limitera pas à un enregistrement comptable d’arbitrages fiscaux déjà rendus.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances invite le Sénat à adopter les crédits de la mission.
À titre personnel, tout comme les autres membres du groupe CRC-SPG, je voterai contre le budget de cette mission, qui ne fait que « collationner » les conséquences d’autres décisions.