Permettez-moi d’apporter mon éclairage sur l’instauration d’un moratoire.
Comme je l’ai assez longuement expliqué lors de la discussion générale, je suis, à l’instar du président de la commission de la culture, tout à fait favorable à la suppression définitive de la publicité sur les chaînes du service public afin de les libérer des contraintes commerciales et de celles de l’audimat. Aussi a-t-il raison d’insister sur cet objectif, que l’on se doit d’atteindre.
Pour autant, je considère que l’audiovisuel public doit pouvoir bénéficier d’un schéma de financement solide, pérenne et stabilisé. Ce n’est d’ailleurs pas moi qui le dis. Dans son rapport, la Cour des comptes considère que l’audiovisuel public, compte tenu de l’ampleur des réformes qu’il a à conduire, lesquelles vont bien au-delà de la suppression de la publicité, doit absolument être préservé des revirements et des atermoiements qui ont caractérisé ces dernières années.
Je tiens par ailleurs à rappeler que le législateur avait prévu la suppression de la publicité en deux étapes. Il s’agissait – je reprends les propos du rapport que Michel Thiollière et moi-même avions rédigé – de mesurer « les impacts culturels et financiers » de la suppression de la première tranche de publicité. La clause de revoyure souhaitée par nos collègues de l’Assemblée nationale, et que le Sénat avait approuvée, était donc importante.
Elle était d’autant plus importante que les financements correspondants à la suppression de la seconde partie n’ont toujours pas été prévus par le Gouvernement. C’est d’ailleurs ce qui a motivé l’étude que mon collègue Claude Belot de la commission des finances et moi-même avons conduite, nous amenant au bout du compte à formuler des propositions en vue de mener à terme la réforme. Nous avons ainsi déposé une proposition de loi.
Dans le cadre de cette loi de finances, et ainsi que l’a rappelé M. le rapporteur général, la commission de la culture et la commission des finances, à travers les propositions des uns et des autres, ont prévu un schéma solide, reposant sur deux mesures me semblant indissociables, pour parvenir à une suppression totale de la publicité dans de bonnes conditions.
La première mesure est un moratoire allant jusqu’au début de l’année 2015.
La seconde est la réintégration des résidences secondaires dans l’assiette afin d’abonder la contribution à l’audiovisuel public. Cette mesure aurait pu nous permettre d’obtenir une somme de 200 millions d’euros.
Le moratoire est rendu possible grâce à l’indexation et à la revalorisation de la redevance, que nous avons défendues contre vents et marées l’année dernière.
S’agissant des résidences secondaires, je rappelle – cela a déjà été dit par les orateurs précédents – que, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, le Sénat, à la suite de l’avis défavorable du Gouvernement, a décidé de ne pas les réintégrer.
Afin de compenser pour France Télévisions la suppression de la publicité, il nous faudra malgré tout 380 millions d’euros supplémentaires. La contribution à l’audiovisuel public rapporte 50 millions d’euros chaque année. Cela veut dire que nous aurons atteint en 2015 200 millions d’euros sur les 380 millions d’euros. Il manquera donc 180 millions d’euros pour financer la suppression définitive de la publicité, ou alors il faudra se reposer sur les dotations budgétaires, donc aggraver peut-être le déficit de l’État.
Je ferai une proposition : nous pourrions en revenir à la date proposée par la commission des finances de l’Assemblée nationale, soit 2016, ce qui permettrait encore de gagner un an, mais avec l’engagement que le groupe de travail sur la contribution à l’audiovisuel public, promis par le Premier ministre, soit effectivement mis en place ; il faudrait que le comité de suivi de quatre députés et quatre sénateurs, établi à la suite de l’adoption d’un amendement, se traduise dans les faits, alors que tel n’a pas été le cas jusqu’à présent : c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons déclenché l’étude sur les financements de France Télévisions. Voilà ce que je voulais dire, pour éclairer ce débat.
Nous voulons un audiovisuel dynamique, qui remplisse ses missions de service public, mais, en même temps, nous voulons pouvoir lui assurer un financement pérenne sans grever les finances de l’État.