Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cet article 56 a de quoi laisser quelque peu perplexe qui garde en mémoire la discussion de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA : la déductibilité des intérêts d’emprunts immobiliers avait alors constitué l’une des mesures phares d’un texte devenu le manifeste de la « rupture de 2007 ».
Entre autres raisons, cette perplexité tient au fait que l’opposition parlementaire avait privilégié, à l’époque, un renforcement du prêt à taux zéro tel qu’il est défini à l’article 244 quater J du code général des impôts, plutôt que la mesure de défiscalisation qui nous est proposée aujourd’hui.
À première vue, le Gouvernement se serait donc finalement rangé à l’opinion de l’opposition, qui souhaitait réduire autant que faire se peut une dépense fiscale dont l’absolue pertinence n’a pas été démontrée. D’ailleurs, depuis 2007, il avait déjà été procédé à un ajustement du dispositif, tendant notamment à le « verdir », en en réservant le bénéfice aux acquisitions de biens immobiliers à bonne ou haute performance énergétique.
En vérité, la préoccupation première du Gouvernement n’est pas l’amélioration de la situation des ménages, qui le cas échéant impliquerait, notamment, leur désendettement.
Cet article a pour objet de faire en sorte que perdure le mirage de l’accession à la propriété – après tout, on n’est jamais propriétaire que de ses dettes, sauf exception ! –, afin de permettre aux activités bancaires de croître et embellir sur un terreau fertile et abondant !
En effet, l’article 56 tend à renforcer non pas les allégements de l’impôt sur le revenu des particuliers, mais le montant de la réduction d’impôt accordée aux établissements de crédit distribuant les prêts à taux zéro. Le marché et les conditions de financement évoluant, on fait varier les dispositions relatives au prêt à taux zéro.
En 2007, les taux d’intérêt étaient élevés et les prix de l’immobilier connaissaient une relative détente, après plusieurs années de surchauffe. Nous sommes, cette année, dans un contexte très différent, puisque les prix de l’immobilier battent de nouveau des records, tandis que les taux d’intérêt sont particulièrement bas, leur moyenne s’établissant désormais autour de 3, 3 % dans le neuf et de 3, 2 % dans l’ancien. Ainsi, depuis l’adoption de la loi TEPA, on a pu observer une diminution de près de 200 points de base des taux d’intérêt !
Le Gouvernement a donc « adapté » cette disposition de la loi TEPA à la nouvelle donne du marché, et décidé de soutenir la production de prêts immobiliers, quand bien même la hausse des prix consommerait le « bonus » de la réduction des taux d’intérêt pour les particuliers. En effet, comme l’observe la presse spécialisée, la hausse des prix annule la baisse des taux, et le niveau d’endettement des ménages ne diminue pas, au contraire. Cela signifie que, en moyenne, le remboursement du capital et des intérêts d’un emprunt immobilier continue de représenter près de quatre années de revenu d’un ménage.
En soutenant la production de prêts, le Gouvernement entend sans doute favoriser les transactions et progresser vers son objectif de long terme : accroître la proportion de Français propriétaires de leur logement. Mais il prend aussi le risque de pousser les prix à la hausse, puisque le prêt à taux zéro « renforcé » devient l’accessoire indispensable, la « roue de secours » d’un prêt principal. Sa quotité, notons-le, pourra atteindre 60 % de 312 000 euros pour une famille de quatre personnes, c’est-à-dire près de 180 000 euros… À titre de comparaison, la part de dette publique d’une famille de cette taille n’atteint pas 100 000 euros, montant que certains jugent déjà insupportable…
Nous ne sommes pas partisans, pour notre part, d’accroître de manière inconsidérée l’endettement des ménages. Nous ne souhaitons pas, en effet, qu’apparaisse chez nous le « syndrome irlandais », caractérisé par un écroulement du marché, les familles rencontrant des difficultés croissantes pour rembourser leurs emprunts immobiliers.
Le Gouvernement, au-delà d’une simple volonté d’affichage, a donné une fois encore la priorité au soutien au secteur financier sur la défense du pouvoir d’achat et de l’épargne des ménages modestes et moyens. Nous ne voterons donc pas l’article 56.