L’amendement n° II-551 tend à moduler le prêt à taux zéro en fonction des ressources et du patrimoine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord attirer votre attention sur la course contre la montre que nous avons engagée. Le nouveau prêt à taux zéro doit être disponible dans les banques dès le 3 janvier prochain. En effet, le projet de loi de finances que nous examinons vise à supprimer, à compter du 31 décembre, les aides à l’accession à la propriété que sont l’ancien PTZ, le Pass-foncier, et le crédit d’impôt sur le revenu consenti au titre des intérêts d’emprunt pour l’acquisition de la résidence principale, dit « crédit d’impôt TEPA ».
Outre la difficulté technique, réelle pour les banques, d’inclure le patrimoine dans les critères d’attribution du prêt, se pose une vraie question de fond liée à la nature même du patrimoine. Prenons quelques exemples concrets. Un patrimoine résultant d’un héritage pourrait être pris en compte dans le calcul du nouveau prêt à taux zéro. Une personne ayant, pendant cinq ans ou dix ans, placé son argent sur un PEL afin de se constituer un apport en capital important lors de son accession à la propriété pourrait voir son épargne considérée comme un élément de patrimoine et, à ce titre, intégré dans le calcul du prêt à taux zéro. Quel serait l’intérêt de prendre en compte cet élément de patrimoine ?
Nous le savons, au plus tard au mois de juin prochain, le Parlement sera amené à étudier la globalité de la fiscalité du patrimoine et à définir l’élément qui devra être pris en considération : le patrimoine ou les revenus du patrimoine ? J’avais cru comprendre que la fiscalisation de ces derniers avait votre préférence. Mais avec cet amendement, vous vous orientez vers le patrimoine en tant que tel.
Monsieur Vanlerenberghe, je vous invite donc à bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement n° II-512 rectifié tend à ramener la durée maximale du différé de remboursement à quatre ans et à fixer la durée totale du prêt à vingt-neuf ans. En quoi une telle mesure simplifierait-elle le dispositif proposé ? Elle changerait totalement le barème, c’est un choix, mais, surtout, elle supprimerait tout l’intérêt du prêt à taux zéro.
En effet, l’avantage de ce prêt concerne moins la durée de remboursement que celle du différé d’amortissement, qui permet à un accédant à la propriété de ne pas payer d’intérêts pendant un laps de temps assez long. C’est pourquoi le Gouvernement émet, évidemment, un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° II-557, qui vise à supprimer le zonage, soulève une vraie question. Comment aider de manière équitable des personnes qui habitent dans des zones où les prix de l’immobilier sont différents ? Concrètement, dans ma ville, Châlons-en-Champagne, le mètre carré s’établit à 1 800 euros, tandis qu’il s’élève à 3 500 euros à Lyon et à 7 000 euros à Paris.
Si le prêt est identique dans chacun des territoires, en pratique, seuls les primo-accédants de la zone C seront aidés – ce qui est d’ailleurs le cas avec le prêt à taux zéro actuel –, à l’exclusion de nos concitoyens voulant devenir propriétaires en zone A, c’est-à-dire dans une grande partie de l’Île-de-France et une partie du bassin méditerranéen, et en zone B1 ou B2, correspondant respectivement aux agglomérations de plus de 200 000 et de 50 000 habitants.
Aujourd'hui, 50 % des prêts à taux zéro, dont la moitié concerne des constructions neuves, sont accordés en zone C, alors que celle-ci accueille 30 % des habitants. Or, en zone A, où il faudrait construire beaucoup plus, à peine 3 % des prêts à taux zéro visent des constructions neuves. Tout le monde se souvient des dérives du dispositif Robien. Qui plus est, si nous n’aidons pas de façon différenciée des territoires où les prix de l’immobilier sont différents, nous ne répondrons pas à la demande de nos concitoyens qui souhaitent devenir propriétaires en zones A, B1 ou B2.
Et n’oublions pas la finalité de cette réforme ? Nous voulons créer une « France de propriétaires » pour atteindre la moyenne européenne et faire en sorte que le nombre de propriétaires soit plus élevé dans les zones A, B1 et B2.
À l’heure actuelle, en zone C, 70 % des résidents sont déjà propriétaires, pourcentage supérieur à l’objectif du Gouvernement tendant à permettre à deux tiers des Français d’accéder à la propriété. En revanche, en zone A, environ 40 % des habitants sont propriétaires, et ils sont à peine 50 % en zone B1 et 51 % en zone B2. Si toute l’aide est concentrée sur la zone C – tel serait l’effet de l’adoption de l’amendement n° II-557 –, le taux de propriétaires continuera à augmenter dans ces parties du territoire. Or nous savons tous qu’un taux de propriété supérieur à 70 % freine la mobilité professionnelle, comme nous pouvons le constater en Espagne. Ne serait-ce que pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mais, de surcroît, et ce point est de loin le plus important, la vraie question posée est celle de l’effet de la mesure sur les prix.
Lors du débat sur l’accession à la propriété qui s’est tenu dans cet hémicycle, j’ai été le premier à soulever le sujet, primordial, des conséquences du « PTZ plus » sur les prix. La question est de savoir si nous parviendrons à les contenir ? Je partage totalement votre préoccupation : c’est le risque majeur qui est induit par tous les outils de la politique immobilière, le prêt à taux zéro, certes, mais aussi le dispositif Scellier ou l’APL.