Intervention de Bariza Khiari

Réunion du 3 novembre 2009 à 14h30
Entreprise publique la poste et activités postales — Discussion générale

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari :

D’ailleurs, un proche conseiller du Président de la République déclarait ce matin, au sujet de La Poste, que le verrou du service public à caractère national ne constituait pas une garantie éternelle.

Le financement des missions de service public de La Poste est compromis, notamment celui de la présence postale. Même en portant à 100 % l’abattement de la taxe professionnelle et la future cotisation complémentaire, comme l’a proposé M. le rapporteur, le fonds de péréquation assurant la présence postale demeurerait sous-alimenté.

Le titre II de ce projet de loi, en entérinant la fin du secteur réservé, fragilise le principe de péréquation tarifaire, instrument essentiel de l’égalité républicaine. La création d’un fonds de compensation, abondé par les nouveaux entrants sur la base du volume d’activité ou du chiffre d’affaires, n’y changera rien. À court terme, l’un des derniers services publics de proximité est voué à disparaître de nos territoires les plus fragiles, c’est-à-dire les moins rentables.

Mes collègues ont évoqué le rôle essentiel de la présence postale dans les zones rurales ; pour ma part, j’aimerais insister sur la présence postale à Paris et dans les zones urbaines sensibles. En 1998, dans un rapport baptisé Demain, la ville, notre collègue Jean-Pierre Sueur s’alarmait déjà. Alors que les 315 000 employés de La Poste permettaient à l’époque d’assurer un ratio d’un employé postal pour 180 habitants, les habitants des zones urbaines sensibles voyaient ce ratio passer à un pour 670 habitants. De surcroît, 40 % des zones urbaines sensibles ne comportaient aucun bureau de poste, alors qu’elles représentaient une population de plus de 4 millions de personnes. Aujourd’hui, on compte un bureau de poste pour 15 000 habitants en Seine-Saint-Denis. C’est catastrophique !

Les effectifs sont également faibles, ce qui explique que le moindre incident vienne perturber l’ensemble du trafic. Les non-remplacements de personnels absents se traduisent ainsi par une ou plusieurs journées sans distribution dans certains secteurs de la première couronne, laquelle compte pourtant un grand nombre d’entreprises contribuant à la vitalité économique de l’Île-de-France. Certains courriers, considérés comme non prioritaires, sont distribués de manière aléatoire et différée, et les temps d’attente aux guichets sont de plus en plus importants.

Alors que les quartiers sensibles souffrent déjà de malaises économiques et sociaux et d’une relégation par rapport à d’autres territoires de la République, va-t-on leur imposer un recul supplémentaire en limitant leur accès aux services postaux ?

C’est bien la question, car en prenant le chemin d’une limitation progressive de l’implication de l’État dans l’entreprise « Poste », on se prive d’un outil fondamental et nécessaire pour aider certaines zones, et l’on renonce à vouloir reconquérir les territoires « perdus » de la République. La convention signée en 2007 entre l’Agence nationale pour le renouvellement urbain, l’ANRU, et La Poste soulignait pourtant le rôle de cette dernière vis-à-vis des zones urbaines sensibles : elle améliorait l’accessibilité des services postaux aux populations de ces quartiers et favorisait une desserte de qualité et un travail de proximité.

Lorsque des logiques de rentabilité seront au cœur du fonctionnement de l’entreprise, comment pourra-t-on envisager des politiques d’aménagement du territoire vraiment efficaces ? Cela aura-t-il un sens ? Ne nous privons pas d’un instrument efficace pour aller vers ces quartiers.

Le service public est consubstantiel à notre modèle social, modèle auquel nous sommes attachés, d’une part, parce qu’il est porteur de valeurs de solidarité, d’autre part, parce qu’il constitue un amortisseur social en temps de crise pour les plus défavorisés. Par conséquent, le groupe socialiste s’opposera résolument à ce projet de loi.

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