La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.
La séance est reprise.
(Texte de la commission)
J’informe le Sénat qu’en application de l’article 11 de la Constitution et de l’article 67 du règlement MM. les présidents Jean-Pierre Bel, Nicole Borvo Cohen-Seat, Yvon Collin et plusieurs de nos collègues présentent une motion tendant à proposer au président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
En application de l’alinéa 1 de l’article 67 du règlement, cette motion doit être signée par au moins trente sénateurs, …
… dont la présence est constatée par appel nominal.
Il va donc être procédé à l’appel nominal des signataires.
Huissier, veuillez procéder à l’appel nominal.
L’appel nominal a lieu.
Acte est donné du dépôt de cette motion.
Ont déposé cette motion : Mmes Jacqueline Alquier, Michèle André, MM. Serge Andreoni, Bernard Angels, David Assouline, Jean-Pierre Bel, Claude Bérit-Débat, Jacques Berthou, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, M. Yannick Bodin, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Yannick Botrel, Martial Bourquin, Mme Bernadette Bourzai, M. Michel Boutant, Mmes Nicole Bricq, Françoise Cartron, MM. Bernard Cazeau, Pierre-Yves Collombat, Yves Daudigny, Marc Daunis, Jean-Pierre Demerliat, Jean Desessard, Claude Domeizel, Mme Josette Durrieu, MM. Jean-Luc Fichet, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Mme Samia Ghali, MM. Jean-Pierre Godefroy, Didier Guillaume, Claude Haut, Edmond Hervé, Mmes Odette Herviaux, Annie Jarraud-Vergnolle, Bariza Khiari, MM. Yves Krattinger, Serge Lagauche, Jacky Le Menn, Mmes Raymonde Le Texier, Claudine Lepage, MM. Jean-Jacques Lozach, François Marc, Marc Massion, Gérard Miquel, Jean-Jacques Mirassou, Mme Renée Nicoux, MM. Jean-Marc Pastor, Georges Patient, François Patriat, Mme Gisèle Printz, MM. Marcel Rainaud, Daniel Raoul, François Rebsamen, Michel Sergent, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, René Teulade, Richard Yung, Yvon Collin, Robert Tropeano, Michel Charasse, Jean-Michel Baylet, Jacques Mézard, François Fortassin, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Jean Milhau, Jean-Pierre Chevènement, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Éliane Assassi, Marie-France Beaufils, M. Michel Billout, Mme Isabelle Pasquet, M. Jean-Claude Danglot, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Évelyne Didier, MM. Guy Fischer, Robert Hue, Gérard Le Cam, Mmes Odette Terrade, Josiane Mathon-Poinat, Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jack Ralite, Ivan Renar, Mme Mireille Schurch, MM. Bernard Vera, Jean-François Voguet et François Autain.
Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG se lèvent et brandissent une feuille de papier jaune sur laquelle est inscrit en lettres capitales le mot « référendum ». – Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Sourires
La discussion de cette motion pourra avoir lieu demain, mercredi 4 novembre, de neuf heures trente à douze heures trente.
Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG scandent : « Nous voulons un référendum ! » – Nouvelles exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Par analogie avec les propositions de loi, la discussion de la motion débutera par l’intervention de l’un des auteurs de la motion, vingt minutes maximum.
Qui d’entre vous la présentera ?
La commission pourra ensuite exprimer son avis sur le texte de la motion, de même que le Gouvernement.
En accord avec les groupes, le temps des groupes sera réparti à la proportionnelle. Afin que nous ayons un débat ordonné et non reprographié, les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance avant aujourd’hui, dix-huit heures.
Le Gouvernement pourra, le cas échéant, répondre aux orateurs.
Le Sénat se prononcera par un seul vote sur le texte de la motion et par un scrutin public ordinaire.
Pour l’heure, nous allons poursuivre la discussion du projet de loi sur La Poste.
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jacques Blanc.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – MM. Bruno Retailleau et Daniel Dubois applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans ce débat passionné, ouvert par des consultations par la voie d’urnes dans les rues et qui se prolonge à l’instant par le dépôt d’une motion référendaire, le travail exceptionnel mené par la commission de l’économie – je salue tout particulièrement son président, M. Emorine, et le rapporteur, M. Hérisson –, avec l’accord du Gouvernement, nous permet, me semble-t-il, de prendre un peu de hauteur, …
… suivant ainsi l’appel de La Poste, dont l’emblème, ne l’oublions pas, est un oiseau bleu, …
… que l’on retrouve sur les vélos, les casquettes ou les Renault jaunes des postiers. Cet oiseau bleu fait partie de l’histoire commune des Français, de leur vie quotidienne, et même, j’ose le dire, de leur identité nationale.
M. Jacques Blanc. Il est le fleuron du bloc non négociable des services publics de proximité permettant d’assurer le lien entre nous tous.
Mme Catherine Tasca s’exclame.
M. Jacques Blanc. Le médecin de Lozère que je suis, qui a accompagné des postiers dans la neige
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG
… sait ce que cet oiseau bleu représente dans le tissu social de notre pays.
Pendant la guerre, il a réchauffé le cœur de nos combattants et de leurs familles, mais il a aussi annoncé des drames au sein de ces familles. Dans les hameaux isolés, l’arrivée du facteur représente un moment important.
Concernant les postières et les postiers, personne n’a le monopole du cœur !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. Jacques Blanc. Nous n’avons pas le droit de les tromper ou de les utiliser à des fins politiciennes !
Applaudissements sur les mêmes travées. – Ouh ! sur les travées du groupe socialiste.
De quoi s’agit-il aujourd’hui ? Le projet de loi vise non pas à plomber l’oiseau bleu, mais, au contraire, à lui permettre d’aller de l’avant, en traçant un cap.
M. Jacques Blanc. Ce texte tend à l’alléger, pour qu’il vole plus haut, plus loin et plus vite, au service de l’ensemble de la population.
Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Sarcasmes sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Comme nous tous, mesdames, messieurs de l’opposition, vous êtes responsables de certains faits.
M. Jacques Blanc. L’ouverture à la concurrence au 1er janvier 2011 a été voulue par tous les gouvernements de droite comme de gauche, en France, en Europe et dans le monde entier.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
(Mme Éliane Assassi s’exclame.) Ce sont des faits. Ou bien on cultive le passé, en trompant les postières et les postiers, les femmes et les hommes de notre pays, ou bien on prend le taureau par les cornes et on essaie de trouver des solutions – c’est ce que vous avez fait, monsieur le ministre !
M. Christian Demuynck applaudit.
Chacun le sait, face à l’ouverture à la concurrence, qui est incontournable, à l’évolution du haut débit et de l’internet et à la baisse de l’activité postale – que personne ne peut contester –, on peut se croiser les bras et ne rien faire…
M. Jacques Blanc. … ou, au contraire, oser dire qu’il faut donner à La Poste les armes nécessaires pour se défendre.
Mme Christiane Hummel ainsi que MM. Christian Demuynck et Jackie Pierre applaudissent.
Le changement de statut, qui permettra d’augmenter le capital de l’entreprise des 2, 7 milliards d’euros nécessaires, se fera dans le respect d’une double ambition : permettre à La Poste de rester ce qu’elle est, à savoir une très grande entreprise qui compte dans le monde…
M. Jacques Blanc. … et dont nous pouvons être fiers, même si quelques problèmes se posent de temps en temps, et satisfaire aux exigences d’une entreprise de service public.
M. David Assouline s’exclame.
M. Jacques Blanc. … nous allons inscrire dans la loi – c’est une garantie supplémentaire – que le capital de La Poste restera public.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Grâce à la volonté et à l’action de la commission, nous allons pouvoir faire en sorte que La Poste maintienne les objectifs d’un service au public.
M. Jacques Blanc. Ce service au public sera défini dans la loi. Par conséquent, nous modernisons l’entreprise tout en conservant ses racines, à savoir une forte présence territoriale, gage d’universalité.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Personne ne nous croit ? Regardez ce qui se passe dans le monde entier !
M. Jacques Blanc. Mes chers collègues, nous voulons, je l’affirme ici clairement, sauver ce service public
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG
M. Jacques Blanc. … tout en garantissant son caractère universel, son capital public et une exigence de présence territoriale.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Jacques Blanc. Oui, l’existence des 17 000 points de contact sera désormais inscrite dans la loi !
Exclamations sur les mêmes travées.
M. Jacques Blanc. Comme je suis souvent interrompu, il faut arrêter la pendule, monsieur le président.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
La capacité de nouer des partenariats doit être conservée. Les agences municipales postales constituent une bonne réponse. Encore faudra-t-il sans doute examiner de plus près le statut de leurs agents.
Par parallélisme, il faudra, comme je l’ai proposé samedi dernier, à La Canourgue, quand j’ai reçu des représentants des postiers, que les bureaux de poste dont l’activité est quelque peu limite…
M. Jacques Blanc. … puissent nouer des partenariats avec ERDF ou France Télécom, notamment, pour assurer des activités commerciales.
Mme Christiane Hummel applaudit. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Jacques Blanc. J’ai dit aux postiers de la Lozère que je porterai ce message au Sénat. J’en suis sûr, au-delà des vociférations et du jeu politique, chacun est bien conscient que l’inaction condamnera l’avenir même de La Poste.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.
Mes chers collègues, vous avez obtenu des crédits importants pour le fonds de compensation du service universel postal, ce qui sécurise les 17 000 points de contact. Par ailleurs, la règle des vingt minutes et des cinq kilomètres sera maintenue.
Sourires.
Toutefois, j’ose le dire, des exceptions devront être prévues dans certains endroits, les solutions retenues devant alors faire l’objet d’accords adoptés à l’unanimité des élus.
Sur le terrain, que nous soyons de droite ou gauche, nous défendons tous La Poste !
Mme Christiane Hummel applaudit. – Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Vives protestations sur les mêmes travées.
M. Jacques Blanc. Chers collègues de l’opposition, prenez de la hauteur, à l’image de l’oiseau bleu
Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG
Vives protestations sur les mêmes travées.
Car les fausses consultations peuvent mettre en cause les vraies ! Vous allez discréditer le référendum. Il est tout de même facile d’interroger les gens alors que vous savez que personne ne veut la privatisation de La Poste !
Mêmes mouvements.
Qui défend ici la privatisation de La Poste ? Aussi, en tant que représentants des territoires ruraux, montrons ce que nous voulons !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Dans un brouhaha, l’ensemble des sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG brandissent de nouveau la feuille de papier jaune sur laquelle est inscrit le mot « référendum » et scandent ce mot.
Il me faudrait encore quelques minutes pour achever mon intervention, monsieur le président.
M. Jacques Blanc. Nous voulons un service universel, une unicité tarifaire sur le territoire, une distribution six jours sur sept, une livraison de la presse sur tout le territoire, une présence territoriale assurée par 17 000 points de poste et une accessibilité bancaire.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Il s’agit d’un dossier passionné et difficile. C’est pourquoi nous sommes fiers, grâce au travail mené par la commission en accord avec le Gouvernement, de sauver ici, au Sénat, le service public de La Poste.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, où Mmes et MM. les sénateurs brandissent une nouvelle fois la feuille de papier jaune sur laquelle est inscrit le mot « référendum ».
Sourires.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon intervention sur le « défi du maintien de la présence postale », selon les termes mêmes de l’étude d’impact sur ce projet de loi.
Le Gouvernement se trouve en effet dans une situation paradoxale : comment faire croire que la présence postale va se trouver renforcée alors même que la transformation de La Poste en société anonyme va la contraindre à une plus grande rentabilité économique, indépendamment de son utilité sociale ?
Rappelons qu’un bureau de poste n’est pas forcément rentable, il est avant tout utile. À l’aune de la seule rentabilité, ce sont donc des milliers de bureaux qui seraient voués à la disparition. À ce titre, la présence postale dans les territoires ruraux a déjà reculé depuis plusieurs années, les obligations de La Poste en termes d’aménagement du territoire s’étant trouvées allégées par les lois successives et les contrats de service public qui préparent l’ouverture à la concurrence.
Un rapport de la Commission européenne au Conseil soulignait déjà en 2006 que « l’accès aux services postaux dans les régions isolées risquait de pâtir » de la mise en œuvre des directives de libéralisation.
Il ne s’agit donc pas d’une inquiétude nouvelle pour les élus et les citoyens, qui vous interpellent régulièrement sur cette question. J’ai moi-même, dans mon département, la Meurthe-et-Moselle, été sollicitée par de nombreuses communes et autres collectifs de défense qui ne supportent plus la lente agonie de leurs services postaux.
Bien avant que la réforme ne soit annoncée, tout était déjà mis en œuvre pour tuer à petit feu les agences locales dites « non rentables » et inciter les usagers à se rendre dans des centres plus importants. Ainsi, à Onville et à Leyr, la réduction de l’amplitude horaire d’ouverture des bureaux se poursuit, posant le problème de l’accessibilité des usagers, renvoyés vers d’autres bureaux de poste. À Leyr, la prise d’activité des facteurs a été transférée au centre voisin, situé à vingt kilomètres du périmètre de leurs tournées ! À Onville, l’unique agent du guichet n’est remplacé que de façon aléatoire lors de ses absences. Les usagers sont avertis le jour même, par un écriteau sur la porte, de la fermeture ou, le cas échéant, des horaires du jour ! À cela, La Poste répond que les clients peuvent, désormais, traiter la plupart de leurs opérations sur internet ! C’est oublier que, souvent, ces personnes sont aussi confrontées à l’isolement en termes de réseaux de télécommunication. Je pense particulièrement aux personnes âgées.
Comment ne pas s’émouvoir, alors, des conclusions de la commission Ailleret, qui souhaite que les surcoûts liés aux missions de service public, notamment en termes d’aménagement du territoire, diminuent, pour arriver à l’équilibre.
Si l’État maintient sa participation au capital, parallèlement, il se désengage du financement des missions de service public, au titre desquelles il doit un milliard d’euros à La Poste. La priorité est donc le remboursement des charges indues.
En outre, le changement de statut fait peser un risque sur ces missions, qu’il s’agisse de l’accessibilité bancaire, de la distribution de la presse, du service universel postal et de l’aménagement du territoire. Vous nous direz que celles-ci sont confortées par la loi, monsieur le ministre. Mais comment faire sans financement ?
L’article 2 bis affirme vouloir graver dans la loi la présence de plus de 17 000 points de contact. Mais de quoi parlons-nous ? Depuis que le processus de libéralisation est entamé, le nombre de bureaux de plein exercice a chuté, passant de 14 147 en 1999 à 11 422 au terme de l’année 2008. Parallèlement, le nombre d’agences postales communales et de relais poste n’a fait qu’augmenter. Pourtant, on ne fait pas les mêmes choses dans un simple relais poste ou dans un bureau de plein exercice.
Marques d’approbation sur les travées des groupes socialistes et CRC
…l’aide apportée atteignant péniblement 900 euros.
Ce que vous nommez donc pudiquement « partenariat », nous appelons cela du racket ! Cette logique est assumée par la direction de La Poste, qui estime que la transformation de cinq cents bureaux de poste par an en agences communales ou en relais poste pourrait permettre de ramener le surcoût généré par cette mission d’aménagement du territoire à 260 millions d’euros en 2011. Il s’agit donc bien de réduire la présence postale.
Une telle logique fait craindre le pire pour la mission de service public liée à l’accessibilité bancaire, qui n’est pour sa part assortie d’aucune obligation territoriale.
Pour remplir les obligations en termes d’aménagement du territoire, la loi relative à la régulation des activités postales a instauré un fonds de péréquation de la présence postale. La Commission supérieure du service public des postes et télécommunications a regretté que les modalités de financement de ce dernier n’aient pas été précisées. Quant à ses moyens, ils restent à la fois insuffisants et incertains, ce fonds étant en effet abondé par l’exonération de la taxe professionnelle – cela vous dit quelque chose, mes chers collègues ?
Sourires
Alors que cette taxe est appelée à disparaître dans la prochaine loi de finances, on ne sait toujours pas comment ce fonds sera alimenté à l’avenir. Les directives européennes n’interdisaient pas de faire supporter aux opérateurs une obligation de desserte de l’ensemble du territoire. Pourquoi ne pas avoir choisi cette voie ?
Par ailleurs, les directives n’imposaient nullement un changement de statut. La définition des normes de qualité de service et des règles d’accessibilité des bureaux demeure également une prérogative nationale.
Nous ne voulons pas d’une telle « modernisation ». Les exemples montrant que l’ouverture à la concurrence, cumulée au changement de statut, se traduit par une dégradation des services sont aujourd’hui trop nombreux en Europe. En Suède, notamment, on parle couramment de la « règle du tiers », la libéralisation ayant en effet entraîné la suppression d’un tiers du personnel et d’un tiers des bureaux de poste, sans parler du prix du timbre, qui a augmenté de 40 % pour l’usager, et diminué de 30 % pour les entreprises. Voilà la « modernisation » que vous nous proposez ! La logique est donc toujours la même : le désengagement de l’État.
Pour toutes ces raisons, nous serons des opposants déterminés à ce texte, qui sonne le glas des missions de service public confiées à La Poste, mettant de fait en péril la cohésion nationale et le pacte républicain. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Gouvernement présente ce projet de loi dans un contexte particulier. L’inquiétude de la société française est palpable : inquiétude face aux politiques de libéralisation menées tambour battant par votre gouvernement, inquiétude en raison de la précarité montante, inquiétude liée au sentiment de déclassement, inquiétude pour l’avenir de la nouvelle génération, inquiétude pour le devenir du territoire. Ce qui était assuré hier est aujourd’hui susceptible d’être remis en cause à tout moment.
On peut voir dans le délitement du lien social l’émergence de l’individualisme et le recul des solidarités traditionnelles ; pour ma part, j’impute plutôt cette dissolution au libéralisme non tempéré que vous appliquez à tous les pans de notre économie : la généralisation et la banalisation du travail dominical fragilisent les familles ; le paquet fiscal, contesté jusque dans vos rangs, privilégie les plus aisés et reporte la fiscalité sur les ménages de la classe moyenne.
Parallèlement à ces dérégulations qui précarisent chaque jour davantage nos concitoyens, brouillent leurs repères et dégradent leur vie quotidienne, vous menez une politique qui se résume à l’affaiblissement des solidarités collectives issues du programme du Conseil national de la Résistance, que vous détricotez avec constance. Votre cible principale, c’est notre système de protection sociale et le service public. Non seulement le périmètre de ce dernier s’est réduit comme peau de chagrin, mais, là où il est irremplaçable, indispensable, comme dans les domaines de la santé et de l’éducation, vous ne lui donnez plus les moyens d’être un service de qualité.
Pour dissiper ce climat anxiogène et occulter les vraies difficultés sociales et économiques, votre gouvernement nous propose comme remède un débat sur l’identité nationale. Les Français ont bien compris que le tempo était choisi à dessein : il s’agit, d’une part, d’une manœuvre de diversion face aux problèmes quotidiens, notamment la dégradation de l’emploi, et, d’autre part, de visées électoralistes qui ne trompent personne.
Dans ce débat sur l’identité, il apparaîtra sans doute que l’attachement au service public, notamment à La Poste, est l’une des composantes forte de cette identité. Le lien affectif des Français avec La Poste et son personnel excède en effet largement son rôle économique, tant son rôle social est important. Vous avez les yeux rivés sur un tableau de bord, vous contentant de mesurer les performances financières, les coûts et les surcoûts, sans vraiment prendre la mesure de l’attachement de nos concitoyens à leur Poste.
C’est pourquoi la votation citoyenne a rencontré un si fort écho dans la population. Sur ce plan, vous avez commis une erreur d’appréciation, suivie d’une faute : votre erreur d’appréciation est de ne pas avoir anticipé une telle mobilisation ; votre faute est de l’avoir discréditée en l’assimilant à une mascarade et en la dénonçant comme une manipulation.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Comment un gouvernement issu d’un mouvement dit populaire peut-il à ce point mépriser une expression populaire d’une telle ampleur ? À la lecture de l’ouvrage Facteurs en France, on s’aperçoit que les 100 000 facteurs qui sillonnent la France six jours sur sept contribuent à tisser un lien social fort, que leur passage quotidien représente un rythme important pour nombre de nos concitoyens et qu’ils contribuent à incarner, chaque jour, l’égalité républicaine et l’unité du territoire. À l’instar des « hussards noirs de la République », le postier est l’image de la République.
Le titre Ier de ce projet de loi, consacré au changement de statut, tout comme son titre II, qui transcrit la dernière directive postale, représentent une menace forte sur les missions de service public dévolues à La Poste. Le Gouvernement nous assure qu’il n’est pas question d’ouvrir à des actionnaires privés le capital de l’entreprise. Les expériences récentes nous montrent qu’un changement de statut est bien l’antichambre de la privatisation.
D’ailleurs, un proche conseiller du Président de la République déclarait ce matin, au sujet de La Poste, que le verrou du service public à caractère national ne constituait pas une garantie éternelle.
Le financement des missions de service public de La Poste est compromis, notamment celui de la présence postale. Même en portant à 100 % l’abattement de la taxe professionnelle et la future cotisation complémentaire, comme l’a proposé M. le rapporteur, le fonds de péréquation assurant la présence postale demeurerait sous-alimenté.
Le titre II de ce projet de loi, en entérinant la fin du secteur réservé, fragilise le principe de péréquation tarifaire, instrument essentiel de l’égalité républicaine. La création d’un fonds de compensation, abondé par les nouveaux entrants sur la base du volume d’activité ou du chiffre d’affaires, n’y changera rien. À court terme, l’un des derniers services publics de proximité est voué à disparaître de nos territoires les plus fragiles, c’est-à-dire les moins rentables.
Mes collègues ont évoqué le rôle essentiel de la présence postale dans les zones rurales ; pour ma part, j’aimerais insister sur la présence postale à Paris et dans les zones urbaines sensibles. En 1998, dans un rapport baptisé Demain, la ville, notre collègue Jean-Pierre Sueur s’alarmait déjà. Alors que les 315 000 employés de La Poste permettaient à l’époque d’assurer un ratio d’un employé postal pour 180 habitants, les habitants des zones urbaines sensibles voyaient ce ratio passer à un pour 670 habitants. De surcroît, 40 % des zones urbaines sensibles ne comportaient aucun bureau de poste, alors qu’elles représentaient une population de plus de 4 millions de personnes. Aujourd’hui, on compte un bureau de poste pour 15 000 habitants en Seine-Saint-Denis. C’est catastrophique !
Les effectifs sont également faibles, ce qui explique que le moindre incident vienne perturber l’ensemble du trafic. Les non-remplacements de personnels absents se traduisent ainsi par une ou plusieurs journées sans distribution dans certains secteurs de la première couronne, laquelle compte pourtant un grand nombre d’entreprises contribuant à la vitalité économique de l’Île-de-France. Certains courriers, considérés comme non prioritaires, sont distribués de manière aléatoire et différée, et les temps d’attente aux guichets sont de plus en plus importants.
Alors que les quartiers sensibles souffrent déjà de malaises économiques et sociaux et d’une relégation par rapport à d’autres territoires de la République, va-t-on leur imposer un recul supplémentaire en limitant leur accès aux services postaux ?
C’est bien la question, car en prenant le chemin d’une limitation progressive de l’implication de l’État dans l’entreprise « Poste », on se prive d’un outil fondamental et nécessaire pour aider certaines zones, et l’on renonce à vouloir reconquérir les territoires « perdus » de la République. La convention signée en 2007 entre l’Agence nationale pour le renouvellement urbain, l’ANRU, et La Poste soulignait pourtant le rôle de cette dernière vis-à-vis des zones urbaines sensibles : elle améliorait l’accessibilité des services postaux aux populations de ces quartiers et favorisait une desserte de qualité et un travail de proximité.
Lorsque des logiques de rentabilité seront au cœur du fonctionnement de l’entreprise, comment pourra-t-on envisager des politiques d’aménagement du territoire vraiment efficaces ? Cela aura-t-il un sens ? Ne nous privons pas d’un instrument efficace pour aller vers ces quartiers.
Le service public est consubstantiel à notre modèle social, modèle auquel nous sommes attachés, d’une part, parce qu’il est porteur de valeurs de solidarité, d’autre part, parce qu’il constitue un amortisseur social en temps de crise pour les plus défavorisés. Par conséquent, le groupe socialiste s’opposera résolument à ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous avons entamé hier la discussion a déjà fait couler beaucoup d’encre et a subi un travail de sape constant de la part de certains syndicats et partis politiques d’opposition.
Au regard des enjeux auxquels La Poste devra faire face à compter du 1er janvier 2011, il faudrait être aveuglé par je ne sais quel dogme, ou tout simplement inconscient, pour ne pas comprendre qu’il faille lui faire bénéficier d’une plus grande liberté de manœuvre. Aussi, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, de votre implication personnelle dans cette réforme. Vous avez souhaité un débat parlementaire le plus ouvert possible, et je tiens à vous renouveler tout mon soutien pour faire aboutir cette nécessaire réforme de La Poste, afin de garantir sa compétitivité face aux nouveaux défis.
À la lecture du compte rendu de l’audition de Christian Estrosi devant la commission de l’économie, je souhaite attirer votre attention sur deux problématiques figurant dans le projet de loi : d’une part, la détention du capital de La Poste ; d’autre part, le rôle de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
L’article 1er du projet de loi tend à faire évoluer le statut juridique de La Poste en la transformant à compter du 1er janvier 2010 en société anonyme. Suivant la volonté exprimée par la Président de la République en décembre 2008, le Gouvernement s’était engagé à ce que le capital de La Poste reste détenu à 100 % par l’État ou par d’autres personnes morales appartenant au secteur public. Je me félicite que les débats en commission aient substantiellement amélioré la rédaction de l’article 1er, et je tiens ici à saluer l’initiative de notre rapporteur, Pierre Hérisson, qui a souhaité que le capital soit détenu à 100 % par l’État « et » par d’autres personnes morales de droit public.
Cependant, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer que le capital de La Poste soit détenu par l’État et la Caisse des dépôts et consignations, plutôt que par d’autres acteurs institutionnels publics dont les intérêts pourraient fluctuer en fonction des desiderata de leurs actionnaires privés.
Souhaitant donc aller plus loin, l’amendement que je présenterai visera à garantir qu’au-delà de l’État seules des institutions financières publiques françaises exerçant des activités d’intérêt général pour le compte de l’État puissent entrer au capital de La Poste.
À ce jour, seule la Caisse des dépôts et consignations répond à ces critères.
Cela permettrait de ne pas fermer les portes du capital de La Poste à des institutions similaires à la CDC et de maintenir la vigilance à l’égard de ceux qui souhaiteraient y entrer à l’avenir.
Répondant au courrier que je lui ai adressé à ce sujet, Christian Estrosi m’a écrit qu’il partageait mes observations sur le fait que seuls l’État et la Caisse des dépôts et consignations doivent pouvoir détenir le capital de La Poste. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la discussion des articles.
Le titre II du projet de loi élargit les missions de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et définit les obligations de La Poste vis-à-vis de celle-ci.
Selon la lecture que l’on pourrait faire des articles de ce titre II, l’Autorité de régulation semblerait n’imposer des contraintes qu’à La Poste, sans que cela concerne les futurs concurrents de cette dernière.
Même s’il est évident, à mes yeux, que les futurs prestataires, titulaires de l’autorisation prévue à l’article L. 3 du code des postes et des communications électroniques, seront soumis aux mêmes obligations que celles qui sont mentionnées à l’article 20 du projet de loi, j’estime nécessaire que le Gouvernement le précise noir sur blanc afin de dissiper tout doute sur ce point.
Dans un contexte où, sur un sujet de cette importance, l’opinion publique a été abreuvée quotidiennement de contrevérités, cela éviterait de faire accroire à un traitement différencié entre La Poste et ses futurs concurrents.
Aussi, monsieur le ministre, je vous serais très reconnaissant de bien vouloir me confirmer que La Poste et l’ensemble des opérateurs qui officieront sur le territoire national seront traités sur un pied d’égalité par l’Autorité de régulation.
Enfin, monsieur le ministre, le Gouvernement s’est engagé à maintenir et à préserver la présence de La Poste sur l’ensemble du territoire, que ce soit en zone rurale et de montagne ou sur les territoires les plus éloignés.
Votre projet de loi garantit pour la première fois les quatre missions de La Poste.
Ainsi, les critères actuels d’accessibilité au réseau des points de contact au titre du service universel seront maintenus et les articles 2 et 3 consacrent et assurent la mission d’aménagement du territoire de La Poste, ce dont je me réjouis.
Vous avez même proposé d’aller au-delà en prenant des engagements en matière de maintien du périmètre de la mission d’aménagement du territoire ou de pérennité de son financement.
Partout où ils sont présents, les agences postales communales et les points-relais commerçants compensent en partie les carences et remplissent particulièrement bien leurs rôles. Leurs premiers résultats sont d’ailleurs significatifs.
Monsieur le ministre, vous avez marqué votre volonté de poursuivre leur développement et je m’en félicite. Cependant, comme l’a si bien souligné notre collègue Jacques Blanc, il serait judicieux de réfléchir dès aujourd’hui à la possibilité de mutualiser les services publics et d’étendre les missions purement postales de ces bureaux très retirés.
Il m’apparaît nécessaire de sortir du schéma classique où seules La Poste et les collectivités territoriales auraient leur mot à dire, schéma qui conduit inéluctablement à ne raisonner qu’en termes de coût financier, avec une Poste qui se désengage de ses bureaux non rentables et des collectivités territoriales qui refusent d’accroître leurs charges et la fiscalité locale.
Offrir sous un même toit une gamme élargie de services débordant largement de ceux qui sont traditionnellement assurés par La Poste et répondant soit à des activités reconnues socialement nécessaires, soit à des services d’intérêt général indispensables aux besoins de nos concitoyens, pourrait être une solution. Ces points d’accueil pourraient assurer la prestation des services publics aujourd’hui absents ou disparus. Ils pourraient offrir par ailleurs toutes formes de conseils, d’expertises et de services dans des domaines aussi variés que l’aide à la personne, la garde d’enfants ou les services à domicile. Ils pourraient enfin aider à la création d’emplois et à l’insertion professionnelle durable.
Même si cette réflexion sort quelque peu des débats que nous engageons aujourd’hui, vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ne pourrons aider La Poste à se développer face à ses concurrents sans réfléchir à l’évolution de ces points d’accueil dans les zones les plus retirées de notre pays, et ce dans le cadre de la mission de service public, à laquelle tous nos compatriotes sont très attachés.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne le sait que trop, toute réforme structurelle d’une entreprise s’accompagne de casse, tant sociale que des conditions de travail. Aussi, je souhaite vous faire part des craintes importantes des personnels à l’égard de votre réforme.
La Poste, aujourd’hui, tous métiers confondus, ce sont 287 000 salariés, dont 142 000 fonctionnaires et 145 000 salariés de droit privés dits « contractuels », en contrat à durée soit indéterminée, soit déterminée. Ce sont aussi plus de 200 filiales en France et à l’étranger.
On constate la diversité de structures et de situations des salariés, regroupés en de nombreux métiers, parfois très différents, mais tous complémentaires, pour accomplir leurs missions de service public.
Résultat de l’histoire, cette diversité est aussi la conséquence de choix délibérés et constants des pouvoirs publics et des dirigeants de La Poste d’aller à marche forcée vers une société commerciale filialisée.
Déconstruire et diviser par activités, c’est finalement classique, monsieur le ministre ; c’est diviser pour mieux réformer !
L’une des conséquences de la transformation des PTT en deux entités, France Télécom et La Poste, fut le choix donné aux salariés d’être « reclassifiés » ou « reclassés ». Traduisez par « demeurer fonctionnaire ou intégrer la nouvelle structure et devenir un contractuel soumis au droit privé ».
A ainsi été créée une catégorie de salariés que l’on pourrait nommer les « ni ni » : ni tout à fait des salariés de droit privé, car ils n’en ont pas tous les droits, ni tout à fait des fonctionnaires.
Après des années de lutte, ils sont toujours dans une situation de discrimination, dont votre propre rapport, monsieur le président, en soulignait, déjà en 2002, le caractère anormal.
Ainsi coexistent aujourd’hui une multitude de situations salariales et de régimes juridiques hétérogènes et inégalitaires, un « ornithorynque juridique », selon les dires des personnels. Cette superposition de régimes laisse perdurer de nombreuses zones de non-droit.
Après un moins-disant salarial et une aggravation des conditions de travail, votre énième réforme, si elle était adoptée, représenterait en outre un nivellement par le bas des retraites, car elle entraînerait pour ses salariés un passage de l’IRCANTEC vers l’AGIRC, conduisant à une augmentation des cotisations et à une baisse des retraites.
De même, l’IRCANTEC n’y survivrait pas à terme.
Alerté sur cette question, le ministre Christian Estrosi s’est engagé en commission à trouver une solution qui satisfasse toutes les parties. Sachez que nous serons très vigilants quant aux suites données à ce dossier primordial.
Il en est de même de la proposition d’actions gratuites à destination des salariées. Seuls les cadres pourraient y prétendre. Aussi, nous ne pouvons y souscrire, d’autant qu’un tel dispositif, associé à celui des primes, autre proposition de ce projet de loi que nous contestons, favorise une politique de bas salaire. En outre, cette option n’étant valable que deux ans, cela aboutira, à terme, à des reventes de la part des salariés, avec les risques d’une privatisation indirecte et rampante.
Et vous voudriez nous faire croire que, jamais, La Poste ne sera privatisée ! Avec cette réforme, celle-ci deviendrait une société anonyme, comme France Télécom, toutes deux issues des PTT. L’on ne peut s’empêcher de regarder leur destin parallèle. Ainsi, à France Télécom, nous sommes face à de dramatiques situations humaines et il faut savoir que, à La Poste, énormément de salariés souffrent déjà de cette gestion du personnel pathogène.
Nous ne prônons pas le statu quo en refusant que La Poste devienne une société anonyme. Au contraire, nous appelons de nos vœux une réforme d’envergure qui se traduirait, pour les usagers, par la pérennisation d’un véritable service public de La Poste, et, pour les salariés, par l’acquisition d’un statut juridique unifié, notamment grâce à la convention collective unique comportant des droits pour toutes et tous au moins équivalents à ceux qui sont inscrits dans le code du travail.
Pour conclure, à l’heure où l’on commence à mesurer l’étendue et la gravité de la souffrance au travail, ainsi qu’en témoigne la mission parlementaire de la commission des affaires sociales sur le mal-être au travail, à l’heure où certaines entreprises commencent à revenir en arrière et où l’actualité nous rappelle chaque jour les dégâts humains que l’ultralibéralisme engendre, cette réforme est déjà dépassée et n’est plus en phase avec les besoins des populations en ce début de XXIe siècle.
Voilà pourquoi nous voterons contre la transformation de La Poste en société anonyme, laquelle n’est justifiée par aucune nécessité économique, structurelle, salariale, si ce n’est une future privatisation.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je formulerai une première remarque, si vous le voulez bien : ce sont les gouvernements de droite qui ont conduit la négociation de la troisième directive postale. Nous sommes d’accord ?...
Cependant, la proposition de directive n’a pas été fondamentalement modifiée. Et pourtant, la France n’a rien demandé et a approuvé le texte européen. Seuls les eurodéputés de gauche s’y sont opposés, et pour une bonne raison : en fait, tout le discours ultralibéral de la Commission européenne se retrouve dans cette directive que le Gouvernement a avalisée.
Deuxième remarque : franchement, monsieur le ministre, à qui voulez-vous faire croire que, pour affronter la concurrence et se moderniser, La Poste est dans l’obligation de changer de statut ? Tout le monde est persuadé qu’il y a véritablement anguille sous roche et que la transformation en société anonyme constitue le premier pas vers la privatisation. Mais oui ! Le précédent de GDF rôde encore ici au-dessus de nos têtes. Nul n’a oublié, dans le pays, que le ministre Nicolas Sarkozy avait promis urbi et orbi de ne pas privatiser Gaz de France.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
D’ailleurs, instruits par ce précédent et quelques autres, les Français peuvent vous écrire la suite de l’histoire de La Poste si celle-ci devient demain une société anonyme, surtout après les propos qu’a tenus ce matin le conseiller de l’Élysée.
Ainsi, un à un, les piliers du service public à la française tomberont au champ d’honneur.
Quoi que vous nous disiez, vous avez choisi de vous attaquer à l’un des seuls symboles du service public encore debout. Et ce ne sont pas les faux remparts que vous faites mine d’ériger contre la dérive de privatisation ainsi engagée qui rassureront les Français.
Monsieur Teston s’est largement exprimé…
M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l’économie. Ça, c’est vrai !
Sourires
…sur cette digue de papier que pourrait être l’amendement visant à faire de La Poste un service public national.
En vérité, le sort de l’entreprise a été décidé et ficelé depuis longtemps. Le Gouvernement a pioché dans le rapport Ailleret, l’habillage du moment, pour préparer ce qui a toujours été envisagé par la droite, à savoir la privatisation future de La Poste.
C’est votre choix. Assumez-le ! Inutile d’invoquer l’Europe ou des questions de techniques de financement. En fait, ce changement de statut est surtout dogmatique et vous avez décidé d’engager une bataille idéologique contre les services publics. Vous nous trouverez en face de vous, car notre volonté est de sauvegarder une entreprise publique dont l’utilité sociale et économique est reconnue de tous. Ce choix-là, nous l’assumons !
Notez bien que c’est cette même volonté qui s’est affirmée lors de la votation citoyenne, une votation que certains, ici, ont tenté de disqualifier. Je rappelle que cette forme de référendum fut inspirée par celui qui a été mis en œuvre par la Ligue des droits de l’homme.
Il fallait être majeur, présent physiquement et signer une liste d’émargement !
Dans l’Aude, par exemple, 45 000 votants, sur une population de 320 000 habitants, se sont déplacés pour montrer leur attachement à La Poste.
À ceux qui doutent, à ceux qui dénigrent, je leur dis que les listes d’émargement sont à leur disposition.
Mon collègue Marcel Rainaud ne me démentira pas.
Cette votation, plusieurs membres du Gouvernement ont voulu l’ignorer ou l’ont même dédaignée. Et c’est cette même volonté qui se serait affirmée très largement si le Gouvernement avait accepté d’organiser un référendum.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Plusieurs sénateurs de ces mêmes groupes brandissent de nouveau la feuille de papier jaune sur laquelle est inscrit le mot « référendum ».
Eh oui ! l’attachement des Français à La Poste est très fort, car La Poste n’est pas une entreprise comme une autre. Elle est bien plus qu’un réseau de transport et de distribution : c’est un vecteur de lien social, de développement économique et d’aménagement du territoire. C’est le symbole du service public à la française, c’est le symbole de l’égalité républicaine.
Admettez, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, que les sociétés de l’avenir ne sauraient être vouées totalement à la performance et à la réussite financière.
Admettez, comme d’autres l’ont écrit, que la solidarité et le dévouement au bien commun, ainsi qu’une organisation fondée sur l’intérêt collectif, c’est-à-dire le service public, puissent équilibrer la toute-puissante logique de la rentabilité.
Monsieur le ministre, votre projet de loi est néfaste pour le service postal et pour les personnels. Vous persistez à refuser un référendum. Pour notre part, nous persistons à considérer que le peuple a son mot à dire, car La Poste, c’est la propriété des Français !
Pourquoi refusez-vous de consulter les Français sur un projet dont les enjeux sont particulièrement lourds, en termes de lien social, dans les zones rurales comme dans les quartiers populaires, et en matière d’aménagement du territoire ? Auriez-vous peur du résultat ?
M. Roland Courteau. Si, plutôt que d’ignorer ou de dédaigner la votation citoyenne du 3 octobre le Gouvernement avait pris cette mobilisation en considération, il aurait pu constater que l’attachement des Français au service public de La Poste débordait largement les frontières partisanes. Sachez-le, des citoyens de gauche comme de droite ont exprimé leur attachement à ce service public.
Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
De toute manière, tôt ou tard, vous n’échapperez pas au référendum d’initiative populaire, car il faudra bien un jour inscrire à l’ordre du jour des travaux du Parlement le projet de loi organique relatif à cette disposition constitutionnelle.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Vous saurez alors ce que pense réellement le peuple !
Oui, votre projet est néfaste pour le service public. Nous considérons que le statut public de l’entreprise constitue une garantie dans le domaine de la préservation des missions de service public ou du contrôle de la stratégie du groupe. Le statut d’exploitant autonome public nous paraît tout à fait adapté à la modernisation de La Poste et à son développement.
Oui, nos craintes, avec le changement de statut de La Poste, sont très fortes. Non, nous ne voulons pas que La Poste devienne un vestige de notre modèle social.
Le projet de loi, en l’état, ne garantit pas un financement suffisant et pérenne des missions de service public : ni le Fonds de compensation du service universel ni le Fonds postal national de péréquation territoriale, même après les modifications apportées par la commission, ne disposent de ressources suffisantes et pérennes dans un temps de réforme de la fiscalité locale.
Nous proposerons donc des amendements sur cette question majeure à nos yeux. Car en l’absence d’un financement intégral, La Poste cherchera à diminuer encore ses coûts : suppression d’emplois, réduction de la présence postale, remise en cause de la distribution des courriers six jours sur sept et à j+1.
En conclusion, pour que La Poste poursuive son développement et sa modernisation, elle doit aussi pouvoir s’appuyer sur l’ensemble de son personnel. Elle doit donc disposer d’un pacte social ambitieux afin de préserver l’emploi et offrir de bonnes garanties sociales aux postiers.
J’ai récemment reçu des lettres où il était écrit : « il vous appartient de choisir entre l’aventure et le bon sens, entre l’intérêt général et une orientation mercantile ».
M. Roland Courteau. Eh bien ! monsieur le ministre, vous l’aurez compris, mon choix, qui est aussi celui du groupe socialiste, est fait : c’est celui du bon sens et de l’intérêt général. Voilà pourquoi nous nous opposerons à votre projet.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, La Poste occupe une place centrale dans la vie quotidienne de dizaines de millions de Français, aussi bien par les missions qu’elle assume partout sur le territoire que par sa mission sociale forte. Il est important de rappeler qu’elle est le premier employeur du pays après l’État.
Ces dernières décennies, La Poste a su évoluer et s’adapter aux mutations de l’économie et de la société. Il est vrai que, ces derniers mois, nous avons su, grâce aux textes proposés par la majorité, soutenir le projet de la Banque postale qui spécifiait que La Poste devait rester implantée au maximum dans les territoires.
La Banque postale est une réussite totale parce que ses dirigeants ont su gérer sans s’aventurer, contrairement à d’autres groupes financiers.
Pourtant, La Poste est aujourd’hui confrontée à un bouleversement majeur de son environnement qui pourrait rendre son avenir incertain. En particulier, l’insuffisance de ses fonds propres l’empêche de procéder aux investissements nécessaires pour affronter ses concurrents les plus directs.
Or son statut actuel d’établissement public ne l’autorise pas à accéder à des sources de financement élargies. Pour remédier à cette situation, il est nécessaire de modifier sa forme juridique.
Tel est le sens du projet de loi qui nous est soumis.
Je tiens à insister sur deux points essentiels, sur lesquels le Gouvernement s’est engagé, et auxquels tout le monde semble attaché : la présence territoriale et le maintien du caractère entièrement public de l’entreprise.
La commission de l’économie, sur l’initiative de son rapporteur, Pierre Hérisson – qui effectue un travail remarquable sur le dossier de La Poste depuis des années –, et de plusieurs sénateurs, a tenu à apporter des garanties pour apaiser les inquiétudes liées à la présence postale. Ainsi a-t-elle décidé que le nombre de points de contact de l’opérateur sur le territoire national ne pourra être inférieur à 17 000. Cette disposition mérite d’être pleinement approuvée et le Gouvernement s’est d’ailleurs à son tour engagé sur ce point.
La Poste prendra la forme d’une société anonyme tout en demeurant une entreprise publique ; le ministre a été très précis hier. Le texte créé simplement le cadre juridique qui permet au groupe La Poste de procéder à une augmentation de capital par une souscription de l’État ou d’établissements publics dépendant directement de l’État.
La Poste a besoin d’un minimum de 2, 7 milliards d’euros pour atteindre le même niveau de compétence et de compétitivité que les autres postes européennes. Cet apport sera exclusivement le fait de l’État ou d’entreprises publiques. Pas un seul euro ne devra provenir du secteur privé. La commission a précisé qu’en dehors de l’État seules des personnes morales de droit public pourraient détenir une part du capital de la future société anonyme.
Enfin, la transformation en SA ne changera en rien la situation des personnels, fonctionnaires et contractuels. Les fonctionnaires conserveront leur statut et les garanties d’emploi et de retraite qui y sont associées.
Au fur et à mesure de la réflexion et après les réunions successives de la commission, le projet de loi évolue vers une rédaction plus satisfaisante, qui apporte davantage de sûreté à nos populations et à nos territoires. Il répond aujourd’hui à nos préoccupations, à celles des territoires et de leurs habitants. Nous saurons défendre ce projet et nous faire comprendre des populations qui savent que nous voterons un bon texte.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, reste-t-il encore quelque chose à ajouter
Non ! sur les travées de l ’ UMP.
J’exprimerai donc une simple interrogation sur la présence de M. Estrosi au banc du Gouvernement.
Plutôt que de demander à M le ministre de l’industrie de présenter ce projet de loi, il aurait été plus symbolique, pour montrer que La Poste n’est pas une entreprise comme les autres, de mandater M. Éric Woerth : ministre du budget, il aurait pu nous parler de l’investissement de l’État ; ministre des comptes publics, il aurait pu nous parler du suivi de la Caisse des dépôts et consignations ; ministre de la fonction publique, il aurait pu nous parler de la mission de service publique de La Poste ; ministre de la réforme de l’État, il aurait pu nous parler de la modernisation nécessaire de cet établissement public.
Vous donnez un mauvais signe en demandant au ministre de l’industrie de défendre ce projet de loi.
Je formulerai maintenant une remarque sur le second volet de ce texte, qui concerne la libéralisation ou, en termes plus académiques, la transposition de la troisième directive européenne concernant le secteur postal.
L’argument, souvent repris, est qu’il faut s’adapter à la législation européenne et, en conséquence, soumettre le secteur postal à la concurrence, libéraliser le marché. Certes ! Pour un peu, on percevrait des regrets de devoir aboutir à une telle situation.
Mais si ! Qui a voté cette directive européenne, si douloureuse à appliquer ? Pas les eurodéputés Verts, qui s’y sont opposés. Ce sont, bien sûr, les eurodéputés de l’UMP.
Bien sûr que non, puisque cette directive a aussi reçu l’aval des ministres du Gouvernement.
Sur le plan européen, l’UMP est donc pour la libéralisation du marché postal, l’ouverture à la concurrence. Et l’on voudrait nous faire croire qu’il y a une coupure totale entre les parlementaires de l’UMP de Bruxelles et les parlementaires de l’UMP du Palais de Luxembourg ! Cela ferait désordre pour un parti aux commandes, qui joue un rôle important sur le plan européen et dont le chef incontesté se targue de moraliser le capitalisme et de supprimer l’ensemble des paradis fiscaux de la planète.
Alors, soyons sérieux et considérons que la ligne politique et idéologique de l’UMP c’est l’ouverture de la concurrence dans le secteur postal. Oui, mais voilà, il n’est pas si simple de mettre en œuvre une telle ligne politique dans un pays aussi attaché aux services publics à la française. Car le Gouvernement craint la mobilisation des salariés de La Poste, le rejet de la réforme par l’opinion, attachée aux voitures jaunes et à l’oiseau…
…sillonnant les campagnes Cela a été confirmé, le 3 octobre, par la participation de plus de deux millions de personnes à la votation citoyenne.
Le Gouvernement craint également la rébellion d’élus ruraux, soucieux de maintenir la présence de services publics sur l’ensemble du territoire. Oui, mes chers collègues, la résistance d’élus de l’UMP à certaines réformes existe !
Enfin, le Gouvernement craint le rejet du projet de loi par le Conseil constitutionnel ; je fais référence au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
C’est pourquoi le Gouvernement avance masqué.
Pour étouffer les résistances, vous clamez avec des accents de sincérité, la main sur le cœur, que La Poste doit rester une entreprise publique, qu’il ne s’agit en aucun cas de la privatiser, et que vous voulez même la rendre « imprivatisable ».
M. Jean Desessard. Je ne reviendrai pas sur les précédents, mais la démarche est connue, habituelle : d’administration publique, on devient établissement public, puis SA à capitaux publics à 100 %, puis à 51 % pour garder la majorité, puis à 34 %, pour détenir une minorité de blocage, et on finit par une SA tout court, avec 26 % de capitaux publics pour France Télécom !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Je prends acte de votre principal argument pour défendre le changement de statut.
Non pas l’argument, non dit, non avoué, qui motive le patron de La Poste, celui qui a été à l’origine de ce changement de statut. Je ne parlerai pas de l’avantage en termes de rémunérations, avec la multiplication par deux, trois, voire plus des revenus des cadres dirigeants.
M. le rapporteur fait un signe dubitatif.
Mais si, monsieur le rapporteur ! Vous savez bien que, dans ce cercle, les dirigeants jouent à qui aura la plus grosse
Rires.
Non pas l’argument, non dit, non avoué, qui motive les dirigeants, multipliant les acquisitions, les cessions, les fusions, les liquidations.
Bref, le statut de société anonyme autorise le jeu favori des dirigeants prédateurs : le Monopoly boursier.
L’argument officiel est le besoin de financement, évalué à près de 2, 7 milliards d’euros, pour moderniser La Poste. Comme les règles européennes, au nom du respect de la libre concurrence, ne permettent pas à l’État de faire cet investissement, il faut doter La Poste d’un statut de société anonyme pour que la Caisse des dépôts et consignations et l’État investissent cette somme sous forme de capital.
Rires
Comme je serai présent toute la semaine, ce que je ne dirai pas maintenant, vous aurez l’occasion de l’entendre plus tard ; à moins que vous ne soyez plus là !
Vous pensez que la Commission européenne sera dupe de cette grosse ficelle : l’État et un établissement financier contribueront à hauteur de 2, 7 milliards d’euros, sans exiger un retour sur investissement, et cela passerait inaperçu auprès de la concurrence et de la Commission européenne…
Autant le dire tout de suite, vous lancez la privatisation de La Poste, avec un cadeau de 2, 7 milliards d’euros.
Avant de conclure, j’adresserai une remarque à M. le ministre.
Plusieurs sénateurs de l’UMP constatent que le temps de parole de l’orateur est écoulé : « Zéro ! ».
Monsieur le ministre, vous avez dit hier, lors de la présentation du projet de loi, craindre que l’opposition ne vous pourrisse la semaine ! Eh bien ! je prends ce risque, car je considère que ce projet de loi va pourrir la vie de milliers de salariés et de millions d’usagers pour des années et des années !
Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de l ’ UMP.
C’est pourquoi les sénatrices et les sénateurs Verts, à l’instar de l’ensemble de l’opposition, s’opposeront à ce texte, qui doit, selon eux, faire l’objet d’un débat au sein de la société et être soumis à un référendum national.
Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Les feuilles de papier jaunes portant la mention « référendum » sont de nouveau brandies sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mes chers collègues, l’examen de la motion référendaire aura lieu demain matin, à neuf heures trente.
La discussion débutera par l’intervention de l’un des auteurs de la motion, M. Bel, qui disposera de vingt minutes.
Le rapporteur, M. Hérisson, et le président de la commission, M. Emorine, pourront ensuite s’exprimer pendant vingt minutes.
Le Gouvernement pourra, le cas échéant, répondre aux orateurs.
Le temps attribué aux groupes est de trente-neuf minutes pour le groupe UMP, de trente-deux minutes pour le groupe socialiste, de seize minutes pour le groupe Union centriste, de quinze minutes pour le groupe CRC-SPG, de treize minutes pour le groupe du RDSE et de cinq minutes pour les sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
Après la réponse des ministres, nous examinerons trois motions de procédure. Puis nous entamerons l’examen du texte, avec vingt-sept amendements visant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er. Dix-huit orateurs sont inscrits sur l’article 1er. La séance devrait être levée ce soir vers minuit, afin de permettre l’examen de la motion référendaire demain matin à neuf heures trente.
L’accord des groupes ayant été obtenu sur cette organisation, vous pouvez ranger vos feuilles de papier jaunes, mes chers collègues.
Non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Les feuilles de papier jaunes portant la mention « référendum » sont de nouveau brandies.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il est vrai que les Français aiment La Poste ; nous l’aimons tous.
Monsieur Fischer, vous ne pouvez pas douter de cet amour que nous avons tous pour La Poste.
Madame Borvo Cohen-Seat, si vous me laissez m’exprimer, je vous donnerai des preuves !
J’aborderai les questions relatives à l’aménagement du territoire et Christian Estrosi évoquera les autres aspects du texte.
Tout d’abord, nous sommes très attachés à La Poste en tant que symbole du service public, capable de s’adapter : on compte, en France, 17 000 points de contact de La Poste ; nous sommes le seul pays européen, avec le Portugal, me semble-t-il, a en avoir autant. C’est ce maillage de l’ensemble du territoire qui fait l’originalité de La Poste.
Un certain nombre de garanties sont apportées soit par le projet de loi lui-même, soit par les amendements qui ont été adoptés par la commission et acceptés par le Gouvernement.
Le texte rappelle tout d’abord les missions de service public exercées par La Poste : le service universel postal, la contribution à l’aménagement et au développement du territoire, le transport et la distribution de la presse, l’accessibilité bancaire.
Ces quatre missions essentielles, différentes les unes des autres, forment, aux yeux de nos concitoyens, un ensemble que l’on ne peut pas partager. Dans le plus petit des hameaux, le facteur apporte chaque jour le courrier et le journal ; ce service est à la base de notre vie sociale. Il est tout aussi primordial que chacun puisse trouver à moins de cinq kilomètres ou à moins de vingt minutes en voiture de son domicile un point de contact de La Poste.
L’existence d’une banque postale, où tout le monde peut ouvrir un compte, donne une perception de l’activité bancaire différente de celle que l’on a pu avoir au travers de la crise financière, et c’est très bien ainsi.
Le projet de loi tient compte à la fois de cet attachement aux missions de service public de La Poste et de l’évolution des technologies, avec la dématérialisation du courrier. Il serait vain, par exemple, de vouloir maintenir partout des bureaux de poste et de ne pas offrir aux zones rurales l’accès au très haut débit. Il faut au contraire conserver la présence postale sous un mode adapté et, dans le même temps, permettre à tous les territoires de notre pays d’accéder au très haut débit. Tel est l’objectif du Gouvernement !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
J’aborderai maintenant les missions d’aménagement du territoire.
Près de 14 000 communes, sur les 36 000 que compte notre pays, ont un point poste et 60 % du réseau de La Poste est situé dans des communes de moins de 2 000 habitants. Cette présence postale, à laquelle nous sommes tous attachés, est remarquable.
Le projet de loi maintient ces quatre missions de service public, alors que rien n’obligeait le Gouvernement à les rappeler. Le texte obéit à une obligation constitutionnelle de transcription des directives, et le Gouvernement a choisi de graver de nouveau ces missions dans le marbre législatif et de donner un certain nombre de garanties supplémentaires.
Vous avez une relation lointaine avec la pierre, monsieur Raoul : le marbre fond rarement !
Quelles garanties supplémentaires figureront dans la loi grâce au travail de la commission et de son rapporteur ?
Tout d’abord, pour la première fois seront inscrits dans un texte législatif les 17 000 points de contact de La Poste. Des discussions ont lieu entre la commission et le Gouvernement pour en assurer le financement ; nous aurons l’occasion de discuter de cette question primordiale lors de l’examen des articles.
Le coût de cette mission de la présence postale doit être établi clairement. La Poste avance un chiffre ; une expertise indépendante doit être menée au préalable, et nous sommes prêts à accepter les amendements qui iront dans ce sens. Nous mettrons au point un mode de financement qui assure le maintien de ces 17 000 points de contact, qui sont essentiels à notre politique d’aménagement du territoire, notamment rural.
Je souhaite, pour ma part, pouvoir utiliser La Poste pour d’autres services publics. On pourrait, par exemple, installer dans les points de contact des bornes de visioconférence pour la Mutualité sociale agricole, la sécurité sociale ou tout autre service social.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Il faut à la fois moderniser La Poste et apporter un plus dans les points poste. Il ne s’agit pas de se contenter de ce qui existe déjà : il faut aller plus loin et conduire une politique qui assure la présence des services publics sur l’ensemble des territoires, notamment ruraux. Nous aurons l’occasion d’en discuter lors des Assises des territoires ruraux.
La Poste, service public, service au public, présent de façon exceptionnelle sur l’ensemble des territoires : tel est l’objectif du Gouvernement !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Brouhaha sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. –Plusieurs sénateurs du groupe CRC-SPG brandissent une nouvelle fois les feuilles de papier jaunes portant la mention « référendum ».
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais répondre à chacun des dix-sept orateurs.
Je connais certains d’entre vous depuis longtemps déjà.
M. Christian Estrosi, ministre. Il ne sert à rien de brandir vos panneaux « référendum » : il est des moments où l’on doit pouvoir se parler en se regardant droit dans les yeux !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je sais aussi, et je ne le conteste pas, que l’opposition est dans son rôle.
Depuis plusieurs années, mesdames, messieurs les sénateurs, un certain nombre d’entre vous, siégeant sur l’ensemble des travées, m’ont régulièrement rendu visite dans mon bureau, notamment lorsque j’étais ministre chargé de l’aménagement du territoire.
Certains s’adressaient à moi en disant : « monsieur le ministre » ; d’autres, même parmi ceux qui siègent sur les travées gauches de l’hémicycle, m’appelaient plus familièrement par mon prénom.
D’aucuns déploraient d’être en zone blanche de téléphonie mobile, d’autres de ne pas avoir l’ADSL, d’autres encore de ne pas être inclus dans les pôles d’excellence rurale que nous venions d’inventer et qui auraient eu des effets positifs sur la santé, sur la culture, sur l’agriculture, sur le sport, sur le tourisme, sur les loisirs, sur la filière bois, sur l’élevage…
Au moment du grand débat sur les pôles de compétitivité, quand il s’est agi pour le Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire du 12 juillet 2005 d’arbitrer s’il en fallait soixante ou seulement douze, combien sont venus plaider la cause des PME qui, sur leur territoire – leur canton, leur circonscription leur département… –, en se regroupant, en créant des partenariats avec l’université, pouvaient permettre de développer plus rapidement une nouvelle économie ?
Nous avons discuté avec l’Association des maires de France de la charte des services publics en milieu rural, afin de trouver des solutions.
Je sais très bien la tournure que prendra le débat : il y aura un soutien, il y aura une opposition ; c’est ainsi que va la vie démocratique. Dans l’immédiat, il est important de rappeler – mais vous le savez bien ! – que, y compris Michel Mercier et moi-même, nous sommes tous des élus locaux et que, depuis des années, quel que soit le territoire sur lequel nous exerçons nos responsabilités, nous sommes tous confrontés aux mêmes réalités. Certains d’entre vous m’ont invité à leur rendre visite dans leur circonscription ou leur département, parfois même pour inaugurer des bureaux de poste.
M. Christian Estrosi, ministre. Nous savons tous la différence qui existe malheureusement entre le terrain, la réalité humaine, et le débat politique et politicien. Les choses sont ainsi faites !
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Lorsque le Président de la République et le Premier ministre m’ont confié, voilà quelques mois, ma mission actuelle, …
… figurait dans mon décret d’attributions la charge de l’une des plus belles entreprises publiques de notre pays, La Poste.
Après tous les combats que j’ai menés dans les villages, dans les cantons, pour essayer de sauver ici le greffe d’un tribunal d’instance, …
M. Christian Estrosi, ministre. … là une brigade de gendarmerie, une trésorerie, un bureau de poste, je connais tout cela par cœur.
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Aussi, jamais je n’aurais accepté, dans le cadre de mes responsabilités actuelles, de venir présenter au Parlement cette réforme de La Poste si, au fond de moi-même, j’avais craint que, d’une manière ou d’une autre, elle ne remette un tant soit peu en cause le caractère et les missions de service public de La Poste ou le maintien intégral de son statut public : je peux l’affirmer avec toute la force de mes convictions et de ma détermination.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Nous entrons maintenant dans le débat et, bien évidemment, le besoin d’explications s’impose.
M. Christian Estrosi, ministre. Vous essayez d’utiliser le spectre de la privatisation.
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Je regrette vivement – car j’ai pu constater à quel point nombre d’entre vous, quand il s’agit de l’intérêt général, adoptent une démarche constructive –…
… que nous ne saisissions pas l’opportunité – il n’est pas trop tard ! – que nous offre cette semaine de débat pour que, de toutes les travées, fusent de vraies propositions pour donner sa chance à La Poste. Car c’est bien de cela qu’il s’agit !
Vous pourrez dire tout ce que vous voudrez sur les postiers : si nous nous soucions vraiment d’eux, si nous nous préoccupons véritablement des dix millions de Françaises et de Français qui, toutes les semaines, franchissent la porte d’un bureau de poste, nous devons prendre en compte le fait qu’à partir du 1er janvier 2011 nous risquons de voir, semaine après semaine, mois après mois, année après année, des concurrents venir s’emparer de parts de marché.
Nous avons déjà l’expérience des centres de tri : vous les avez privatisés !
Nous voulons maintenir la spécificité de cette grande entreprise publique à la française, nous voulons conserver ce modèle, parce que c’est le nôtre, et parce que nous y restons profondément attachés. C’est là la seule préoccupation qui devrait nous guider, qui devrait vous guider !
M. Christian Estrosi, ministre. Vous pouvez m’interrompre autant que vous le voudrez, cela ne changera rien ! Quand j’entends le dernier orateur reconnaître : « oui, nous avons décidé de vous pourrir la semaine », je m’étonne. De la part d’un grand démocrate, d’un représentant des élus du peuple, monter à cette tribune pour exprimer comme seule volonté celle de « nous pourrir la semaine », eh bien ! permettez-moi d’avoir le sentiment que ce n’est pas si digne que cela !
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’
L’honneur et la dignité d’un élu de la République, c’est de venir dans cette Haute Assemblée afin de formuler des propositions pour l’avenir de La Poste. Or, des propositions, je n’en ai entendu aucune, ou si peu, depuis hier !
Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
La seule chose que j’entends de la part de l’ensemble des orateurs de ce côté gauche de l’hémicycle, c’est : « non à la privatisation » !
M. Christian Estrosi, ministre. Pourtant, nous avons apporté toutes les réponses nécessaires. D’ailleurs, pour reprendre les mots du sénateur Hervé Maurey, j’ai l’impression que « l’opposition joue à se faire peur en agitant le spectre d’une privatisation qui n’existe pas ».
Mêmes mouvements.
Je crois même que l’opposition va plus loin que se faire peur avec la privatisation.
M. Christian Estrosi, ministre. Elle utilise à dessein le spectre de la privatisation pour faire oublier qu’elle n’a pas de projet pour La Poste ! Telle est la réalité !
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
C’est faux, et vous le savez ! Sarkozy avait dit la même chose pour GDF !
… grâce à un amendement du sénateur Bruno Retailleau sur lequel le Gouvernement émettra un avis favorable. Bruno Retailleau a parfaitement expliqué hier de quoi il s’agissait.
Pas du tout, puisque, en application du préambule de la Constitution de 1946, …
M. Christian Estrosi, ministre. … il s’agit bien d’un service public à caractère national, ce qui, dès lors que cet amendement sera adopté par la Haute Assemblée, rendra La Poste imprivatisable.
Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Effectivement, mesdames, messieurs les sénateurs, il restera une possibilité de rendre La Poste privatisable après l’adoption de cet amendement. Mais, auparavant, il faudra supprimer plusieurs dispositions qu’un certain nombre d’entre vous ont décidé d’inscrire noir sur blanc dans le projet de loi : le livret A, la distribution du courrier six jours sur sept, l’aménagement du territoire, le transport de la presse. En d’autres termes, conformément au préambule de la Constitution de 1946, il faudra supprimer non pas un seul service public, mais ces quatre missions de service public.
M. Christian Estrosi, ministre. Qui pourrait souhaiter une telle suppression ? Certainement pas celles et ceux qui auront décidé de les inscrire dans la loi !
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Un doute peut donc naître, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition : n’auriez-vous pas le dessein de réellement privatiser La Poste un jour, comme vous l’avez fait avec Air France, avec France Télécom, avec EADS, avec Thomson, avec les Autoroutes du sud de la France ? Telle est la réalité !
Applaudissements sur les travées de l’UMP.
D’ailleurs, je constate que, parmi les six cents amendements d’obstruction que vous avez déposés, certains visent à supprimer le prix unique du timbre, la distribution du courrier six jours sur sept, la possibilité pour les salariés et les fonctionnaires de La Poste de devenir eux-mêmes actionnaires de leur entreprise !
M. Christian Estrosi, ministre. Oui, nous pouvons nous demander qui souhaite privatiser La Poste si ce n’est de ce côté gauche de l’hémicycle !
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Il a été question de statu quo, il a été question de revenir sur l’ouverture à la concurrence, il a été question de ne rien changer.
M. Christian Estrosi, ministre. Pour un peu, il faudrait revenir au temps où La Poste était une administration des PTT, voire au temps des diligences !
Exclamations d’indignation sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Est-ce là l’avenir de La Poste ? Est-ce lui refuser toute perspective de développement ? Est-ce surtout, mesdames, messieurs les sénateurs, lui refuser les 2, 7 milliards d’euros que veulent apporter l’État et la Caisse des dépôts et consignations en entrant à son capital ? Qui connaît un seul gouvernement au monde qui, ayant la volonté de privatiser une entreprise publique, commencerait par y injecter 2, 7 milliards d’euros d’argent public ?
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Sincèrement, il n’y a qu’à Socialo-Fantasmaland que ce serait imaginable !
M. Christian Estrosi, ministre. En réalité, de tous les intervenants que j’ai entendus hier soir, un seul proposait un projet : le sénateur Jean-Claude Danglot suggérait la création d’un grand pôle public réunissant la Banque de France, la Caisse des dépôts et consignations, Oséo, La Poste… Eh bien ! monsieur Danglot, je veux vous remercier, car sincèrement, de toute la soirée, vous avez été le seul sur ces travées à formuler une proposition intéressante, le seul à avoir ouvert une perspective d’avenir.
Exclamations amuséessur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Je note dans le même temps que, malheureusement, le groupe CRC-SPG n’a pas déposé d’amendement pour reprendre cette proposition.
C’est vous qui nous refusez cet amendement ! Reprenez-le, ne vous en privez pas !
M. Christian Estrosi, ministre. Sans doute s’est-il rendu compte qu’elle serait difficile à mettre en œuvre et n’apporterait pas forcément grand-chose aux Français pour des missions et services que remplissent très bien, en fonction de leurs spécificités propres et au mieux de leurs compétences, Oséo en matière de crédits aux entreprises, la Caisse des dépôts et consignations en matière de logement social, La Banque Postale en matière de livret A… Au total, hormis le statu quo, aucun projet alternatif n’est proposé.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’indigne.
Monsieur Teston, vous avez parlé de sérénité.
Ce n’est pourtant pas le Gouvernement qui a tout fait pour ralentir le débat ou déposer des amendements d’obstruction !
Votre intervention m’a surtout marqué par son manque d’ambition et de projet pour La Poste : votre seul projet, comme je le rappelais, c’est le statu quo ! Quel dommage que vous n’ayez rien à proposer pour l’avenir de La Poste.
Monsieur Plancade, vous avez rappelé que la libéralisation des services postaux avait commencé avec l’Acte unique de 1986. C’est exact ! Et elle s’est poursuivie avec la première directive postale adoptée en décembre 1997.
J’irai même jusqu’à dire que la première réforme de la poste est intervenue en 1981, lorsque François Mitterrand a décidé de la transformer d’administration en établissement public : c’est à ce moment-là, en réalité, que le processus a débuté.
J’ai noté, monsieur Plancade, que vous vouliez des garanties sur la pérennité du service public. Le Gouvernement les apporte en acceptant d’inscrire les 17 000 points de contact dans la loi, ou encore en préservant les grandes exigences de qualité du service universel postal. Et si, pour compléter l’ensemble de ces missions, vous aviez d’autres amendements à proposer en cours de débat, Michel Mercier et moi-même pourrions bien évidemment les examiner avec intérêt.
Monsieur Danglot, vous avez eu des mots très durs en évoquant un « processus mortifère » à propos du projet du Gouvernement. Mais ce qui serait mortel pour La Poste, monsieur Danglot, ce serait que nous ne lui donnions pas les moyens nécessaires pour résister à l’ouverture à la concurrence et à la montée d’internet, ce serait qu’elle ne bénéficie pas de l’effort de l’État !
Monsieur Jackie Pierre, vous avez dit : « Il faut arrêter de voir le diable là où il n’est pas ». Vous avez tellement raison ! Que ce soit vis-à-vis des Français ou des postiers, nous avons tous le devoir de débattre sereinement de l’avenir de La Poste et de lui donner les moyens de son développement.
Monsieur Dubois, vous avez formulé une remarque très importante : il ne faut pas « réduire le débat au seul changement de statut ». Vous avez raison ! Le groupe Union centriste a d’ailleurs enrichi de manière significative le texte initial, en inscrivant les 17 000 points de contact dans la loi. C’est une véritable avancée, que je salue.
Monsieur Mirassou, je note que vous voulez « sortir par le haut ». Vous avez toute la semaine pour le faire. Il s’agit d’une opportunité qu’il ne faut surtout pas laisser passer.
Monsieur Tropeano, vous considérez que les droits et statuts des personnels doivent être au cœur du projet de modernisation. Mais c’est ce que fait le Gouvernement avec l’IRCANTEC, pour garantir aux salariés de La Poste qu’ils continueront de bénéficier de leur régime de retraite complémentaire actuel, et avec un dispositif de prévoyance santé, qui sera un droit nouveau pour les fonctionnaires de La Poste.
Monsieur Jacques Blanc, selon vous, il faut faire preuve de hauteur. Je suis d’accord avec vous : La Poste mérite mieux que des débats stériles sur une privatisation qui n’aura pas lieu !
Vous avez parlé de votre expérience de médecin en Lozère qui connaît la force du lien social créé par La Poste, le fameux « oiseau bleu ». En tant qu’élu local, je partage votre sentiment. Nous avons milité ensemble, en Lozère comme en Languedoc-Roussillon, pour défendre des valeurs communes au service de nos territoires.
Vous avez raison : nous n’avons pas le droit de tromper les postiers. Ensemble, nous allons assurer l’avenir de leur entreprise.
Madame Didier, vous avez axé votre intervention sur la présence postale territoriale. Il s’agit d’un sujet auquel le Gouvernement est particulièrement attentif, puisqu’il a accepté d’inscrire les 17 000 points de contact dans la loi. C’est une garantie majeure pour tous ceux qui craignaient une réduction de la présence postale territoriale.
Par ailleurs, la commission de l’économie a adopté un amendement de M. le rapporteur prévoyant que le contrat pluriannuel de la présence postale territoriale fixera les conditions minimales que devront remplir les points de contact en termes d’horaires d’ouverture et d’offre de base de services postaux et financiers. La mission d’aménagement du territoire est donc confirmée et garantie.
Madame Khiari, vous avez rappelé le rôle social de La Poste et l’attachement que les Français portent à cette entreprise. Le Gouvernement y est également attaché ! C’est pour cette raison qu’il déploiera les moyens nécessaires pour améliorer les services proposés.
Vous avez fait allusion à la mobilisation du 3 octobre dernier. Mais le message que nous ont adressé les Français, c’est qu’ils ne voulaient pas de privatisation. Nous non plus, puisque nous écrivons noir sur blanc que le capital de La Poste restera à 100 % public.
Sourires.
Vous avez parlé d’un conseiller du Président de la République.
M. Christian Estrosi, ministre. Je viens de l’indiquer en début d’après-midi aux députés : en effet, aucune garantie n’est éternelle !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Christian Estrosi, ministre. Mon pire cauchemar serait qu’une nouvelle majorité défasse le texte que vous allez adopter.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Monsieur Frassa, vous avez souligné, à juste titre, que le Gouvernement aborde ce débat parlementaire avec le plus grand esprit d’ouverture possible.
Vous avez également mentionné la détention du capital de La Poste : le Gouvernement a accepté la proposition de M. le rapporteur de rendre plus claire encore la rédaction du projet de loi en inscrivant dans le texte que le capital de cette société sera détenu uniquement « par l’État et par d’autres personnes morales de droit public ». En tout état de cause, il va de soi que seuls l’État et la Caisse des dépôts et consignations pourront être actionnaires.
Vous avez mentionné les pouvoirs de l’ARCEP. Le Gouvernement a déjà accepté des amendements de M. le rapporteur et je vous confirme qu’il est prêt à en accepter d’autres si ceux-ci contribuent à une régulation équilibrée du secteur postal.
Madame David, vous avez fait état de la situation des fonctionnaires, notamment ceux que l’on nomme de manière impropre les « reclassés ». Plusieurs amendements ont été déposés à cet égard. Nous aurons le temps d’en débattre lorsque ces amendements seront examinés, à l’article 7 du projet de loi.
Vous avez évoqué l’IRCANTEC. Là encore, je me suis déjà exprimé et j’ai souligné que les droits des salariés actuels seront totalement maintenus.
Monsieur Courteau, vous êtes revenu sur la privatisation et sur le changement de statut. Vous restez sur une position, hélas ! par trop dogmatique.
Monsieur Fouché, je suis d’accord avec vous : La Poste a connu de grands succès, notamment la création de La Banque Postale. Il faut continuer à aller de l’avant. C’est pourquoi le Gouvernement a déposé ce projet de loi.
Enfin, monsieur Desessard, vous avez, vous aussi, parlé de privatisation. J’ai déjà eu l’occasion de déclarer que le Gouvernement avait inscrit dans la loi le caractère 100 % public de La Poste. Par ailleurs, comme je l’ai indiqué, La Poste sera « imprivatisable ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, ne vous y trompez pas : le débat que nous avons en ce moment se tient devant les Françaises et les Français.
Nous allons engager 2, 7 milliards d'euros pour permettre à La Poste de faire face à la concurrence, qui ne sera pas seulement celle de la Deutsche Post ou de la TNT néerlandaise, mais qui viendra également des petits groupements d’opérateurs qui se développeront et s’organiseront sur chacun de vos territoires.
Qui peut prétendre aujourd'hui que La Poste n’a pas perdu 10 % de l’activité liée au courrier ?
Qui peut nier que, lorsque nous nous rendons dans les bureaux de poste, les facteurs nous révèlent que, chaque matin, leur sac est un peu plus léger ? Voilà la réalité !
Dans trois ou quatre ans, La Poste subira une baisse de ladite activité de 40 % à 50 %. Comment ne pas profiter de cette semaine pour, ensemble, transformer La Poste en une grande entreprise européenne en matière de logistique, de transport de colis et de Chronopost grâce au TGV, aux avions
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
...dotée de plateformes logistiques exemplaires et tournée vers le courrier électronique, qui est le cœur de son activité ? Faisons en sorte que La Banque postale conserve sa spécificité et continue à offrir ses services aux plus vulnérables, tout en lui donnant les moyens de se hisser à un niveau de performance égal à celui des grandes banques européennes.
Laisser passer cette occasion serait, pour certains d’entre vous, une opportunité manquée. Je remercie les sénatrices et les sénateurs de la majorité, qui, je n’en doute pas, seront au rendez-vous, parce qu’ils sont attachés au caractère public de La Poste et à l’amélioration de ses services, laquelle est attendue par l’ensemble des Françaises et des Français.
Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – M. le président de la commission et M. le rapporteur applaudissent également.
M. Roland du Luart remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.
Je ne peux m’empêcher de constater qu’un proche conseiller du Président de la République a désavoué, en quelque sorte, M. le ministre en indiquant qu’aucune garantie n’était éternelle.
C’est vrai pour toutes les entreprises publiques. En vertu du principe de parallélisme des formes, en effet, quel que soit le texte qui a été adopté, le Parlement peut toujours défaire ce qu’il a fait.
Par ailleurs, je ne suis pas convaincu que, dès lors que le monopole de La Poste sera supprimé et que la concurrence s’exercera, ce que rend possible la troisième directive postale, le Conseil constitutionnel pourra toujours considérer La Poste comme un service public national. J’espère qu’il en sera ainsi, mais nous nourrissons des doutes sérieux à cet égard.
Alors, ne laissons pas croire à nos concitoyens qu’une simple inscription dans la loi suffira à apporter une garantie éternelle.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Je fais miennes les craintes exprimées à l’instant par Michel Teston.
Monsieur le ministre, depuis qu’a commencé ce débat, nous ne cessons de vous objecter que l’inscription dans la loi de l’« imprivatisation » de La Poste n’a pas de valeur juridique. Vous ne pouvez pas faire aux parlementaires l’injure de considérer qu’ils ne connaissent pas la hiérarchie des normes : si vous voulez empêcher qu’une nouvelle loi ne puisse revenir sur les missions de service public de La Poste, inscrivez dans la Constitution que La Poste est un service public national.
Nous avons très bien saisi les enjeux du projet de loi. Nous avons parfaitement compris la position du Conseil constitutionnel qui, naguère, a validé la privatisation de GDF.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne nous laisserons pas tromper par de simples déclarations !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Je suis saisi, par M. Danglot, Mmes Beaufils et Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (n° 51, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la motion.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, je défendrai la motion d’irrecevabilité contre le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Les motifs d’inconstitutionnalité ne manquent pas. Pourtant, depuis que ce texte est envisagé, les dirigeants de notre pays essaient de créer l’illusion que La Poste restera une entreprise publique. Or rien dans le projet de loi ne garantit expressément une participation majoritaire, pérenne, de l’État au capital de la nouvelle société anonyme créée. Mes chers collègues, j’espère que vous ne vous laisserez pas abuser par ce mensonge martelé. L’expérience et le contexte devraient nous y aider.
Le changement de statut de l’exploitant public et sa soumission au droit commun des sociétés s’inscrivent dans un contexte de désengagement de l’État et d’ouverture à la concurrence du secteur postal déjà largement engagée en vertu de politiques communautaires, politiques que vous avez expressément soutenues en votant, au sein du conseil des ministres européens, la dernière directive postale. Forte de cela, la direction de l’entreprise n’a eu de cesse de réduire les coûts pour réaliser des bénéfices au détriment des usagers et des personnels. Cette lecture mercantile du service public n’est pas acceptable.
Si nous ne pouvons soulever l’inconstitutionnalité de toutes les décisions qui ont mis à mal le service public postal, nous allons faire la démonstration aujourd’hui que ce projet de loi, qui tend à donner le coup de grâce à l’opérateur historique postal, est inconstitutionnel et doit, à ce titre, être rejeté.
Tout d’abord, le projet de loi contrevient au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » §
Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de revenir sur ces notions à l’occasion de la loi relative au secteur de l’énergie, qui privatisait GDF, en dépit des belles promesses du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie d’alors, devenu depuis Président de la République !
Mais c’est une jurisprudence plus ancienne du Conseil constitutionnel qui explicite les notions de monopole de fait et de service public national. La Poste revêt ces deux caractères et, à ce titre, le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 doit être respecté.
Dans sa décision du 26 juin 1986, le Conseil constitutionnel a jugé que la notion de monopole de fait « doit s’entendre compte tenu de l’ensemble du marché à l’intérieur duquel s’exercent les activités des entreprises ainsi que de la concurrence qu’elles affrontent dans ce marché de la part de l’ensemble des autres entreprises ».
Historiquement, que ce soit au travers de l’administration des PTT ou de la création de l’établissement public en 1991, La Poste a toujours eu le monopole de l’activité postale. Elle détient donc une position prépondérante, pour ne pas dire exclusive, dans le secteur de l’activité postale, qu’il s’agisse de la collecte, du tri, du transport ou de la distribution des envois postaux, secteur représentant la majorité de son activité globale.
La Poste exploite un service public national du fait du législateur, et une partie de son activité peut être rattachée au service public constitutionnel de la justice.
Sur ce point, on sait que la jurisprudence constitutionnelle est très restrictive en ce qui concerne la qualification de services publics constitutionnels. Ces derniers étant, pour l’essentiel, des services publics régaliens, ils ne peuvent faire l’objet d’une privatisation.
Certaines activités postales doivent être considérées comme se rattachant à des services publics nationaux constitutionnels. Je pense au service public de la justice : la lettre recommandée est une formalité légale obligatoire créatrice d’effets juridiques en termes de délai et de preuve. Elle constitue également une formalité obligatoire dans la citation en justice : baux ruraux, tribunaux d’instance, prud’hommes.
Or l’article 19 du projet de loi, qui tend à supprimer l’article L. 3-4 du code des postes et des communications électroniques, confirme la volonté du Gouvernement de privatiser cette activité de La Poste et de la faire échapper à tout contrôle, même réglementaire.
Monsieur le rapporteur, vous ne serez pas insensible à cette question, puisque vous aviez vous-même défendu, lors de l’examen de la loi de 2005, un amendement visant à réserver cette activité à La Poste.
L’article 1er du projet de loi, qui ouvre la voie à la privatisation de La Poste, combiné à l’article 19 du même texte, constitue donc une violation du neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
Il existe des services publics nationaux autres que constitutionnels, qui tombent aussi sous la protection du préambule de la Constitution de 1946.
Il ressort de la jurisprudence de 1986, notamment de son considérant 53, que « si la nécessité de certains services publics nationaux découlent de principes ou de règles à valeur constitutionnelle, la détermination des autres activités qui doivent être érigées en service public national est laissée à l’appréciation du législateur ou de l’autorité réglementaire selon les cas ».
La Poste fait partie de la catégorie des services publics nationaux par détermination de la loi. En effet, en 2004, le Conseil constitutionnel a considéré ceci : « en maintenant aux sociétés nouvellement créées les missions de service public antérieurement dévolues aux personnes morales de droit public Électricité de France et Gaz de France [...] le législateur a confirmé leur qualité de services publics nationaux ».
En ce qui concerne La Poste, l’organisation du service public postal a été fixée historiquement à l’échelon national et confiée par le législateur à une seule entreprise. Aujourd’hui encore, la Poste reste – ce qui est confirmé par l’article 14 du projet de loi – le seul prestataire du service universel postal. Le service public postal est toujours confié à titre exclusif à une seule entreprise : La Poste.
En ouvrant le secteur postal dans sa totalité à la concurrence, le projet de loi tend à dévoyer largement la notion de service public national.
En l’état actuel, on peut considérer que l’entreprise exploite un service public national. Or, par ce projet de loi, vous retirez à l’entreprise son caractère de service public national, et ce n’est pas en présentant des amendements d’opportunité que vous maintiendrez ce caractère. La réalité est que le projet de loi vide le service public national de sa substance.
Il s’agit maintenant de déterminer si, en dépit du changement de statut de l’exploitant public, La Poste reste la propriété de la collectivité. La réponse est non, car même avec une privatisation partielle, La Poste cesse d’appartenir à la collectivité.
La modification apportée au texte, en commission, visant à passer de l’expression « personnes morales appartenant au secteur public » à celle de « personnes morales de droit public » ne garantit pas que le capital reste majoritairement entre les mains de l’État. Aussi, parmi les parts détenues par le public, l’État ne sera pas majoritaire au regard de l’ensemble.
Une pluralité d’indices montre que La Poste va cesser d’appartenir à la collectivité : le défaut de majorité garantie à l’État, la privatisation du statut, les incertitudes quant au régime applicable aux personnels sont autant d’éléments qui vont dans le sens d’une gestion privée de La Poste.
Rien ne garantit dans le texte une nouvelle intervention du législateur en cas de privatisation de La Poste. Or cette privatisation est parfaitement envisageable si l’État ou les personnes morales visées cèdent leur part du capital, conformément aux règles applicables aux sociétés anonymes.
Avec le changement de statut de La Poste en société anonyme, avec la logique de rentabilité qui sous-tend de telles structures conçues pour faire des bénéfices et la possibilité de diviser le capital et la gestion privée de l’ensemble, le poids des intérêts privés sera déterminant dans la gestion de l’entreprise, comme en témoigne d’ailleurs la composition du conseil d’administration.
Or si les intérêts privés deviennent déterminants dans le fonctionnement de La Poste, non seulement La Poste ne répondra pas aux besoins des usagers, mais on peut en conclure sans détour que ce service public ne sera plus la propriété de la collectivité. Il en découle que l’article 1er du projet de loi est contraire au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
Ce projet de loi contrarie les principes constitutionnels d’égalité devant les services publics, d’égalité des salariés, de liberté syndicale.
Dans sa décision du 16 juillet 2009 relative à la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, le Conseil constitutionnel a examiné la compatibilité de cette loi avec le principe à valeur constitutionnelle d’égalité devant les services publics, issu de l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. La décision précise : « Les établissements de santé privés exerçant des missions de service public seront tenus, pour l’accomplissement de ces missions, de garantir l’égal accès de tous à des soins de qualité ». Or le projet de loi que nous examinons ne garantit pas l’égal accès à un service postal de qualité.
L’article 2 du texte décline les missions de service public à la charge de La Poste et précise que la nouvelle société anonyme contribue, par son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire. Or, même avec la mention des 17 000 points de contact, à l’article 2, le réseau se situe déjà en dessous des exigences d’un service public de qualité et il est mis en danger par le changement de statut de La Poste et l’absence de consolidation du fonds postal national de péréquation territoriale.
Le statut de société anonyme et la fin du contrôle de l’État risquent d’aggraver une situation d’inégalité qui existe déjà sur le territoire, notamment en termes d’accessibilité. On le sait, le contenu même de l’activité postale varie énormément selon la structure proposée, ne serait-ce qu’en raison du statut des agents ou du commerçant, donc des opérations qu’ils sont en droit de réaliser.
Ainsi, en ce qui concerne les lettres recommandées, si le dépôt se fait dans un relais poste, la preuve du dépôt est envoyée sous enveloppe à l’expéditeur par l’établissement de rattachement dont dépend le relais poste. Dans ce cas, la seule date de dépôt faisant foi est celle qui est saisie par l’établissement de rattachement. L’usager n’est donc pas traité de la même manière selon que les missions de service public sont confiées à un relais poste ou à un bureau de poste.
Dans les relais poste, pour un retrait sur un compte courant postal ou un livret A dématérialisé, le titulaire du compte, domicilié dans la ou les communes de la zone, ne peut disposer que de 150 euros par période de sept jours consécutifs.
Le principe constitutionnel d’égalité devant les services publics ne doit pas être conçu comme une idée abstraite que seuls le juge constitutionnel ou le législateur seraient à même de comprendre : il s’agit des droits de nos concitoyens. On parle ici de situations concrètes et de problèmes injustifiables auxquels sont confrontés plus durement les habitants des zones rurales et des zones urbaines sensibles.
Les usagers ne sont pas les seuls à être touchés dans leurs droits par le projet de loi. Les personnels sont également mis à mal.
L’article 8 du projet de loi tend à supprimer certaines dispositions de l’article 31 de la loi de 1990 revisitée par le législateur en 2005. En effet, l’article 8 prévoit que La Poste peut, comme toute société commerciale, employer des agents contractuels. Il fait référence à l’article 31 de la loi de 1990 auquel il soumet les nouveaux agents de la société anonyme. Cependant, l’article 31 précise que ni les dispositions du code du travail relatives aux comités d’entreprise ni celles qui concernent les délégués du personnel et les délégués syndicaux ne sont applicables aux agents contractuels. Et cet article renvoie à un décret en Conseil d’État pour définir les conditions dans lesquelles les agents de La Poste sont représentés dans des instances de concertation chargées d’assurer l’expression collective de leurs intérêts, notamment en matière d’organisation des services, de conditions de travail et de formation professionnelle. Or, à ce jour, ce décret n’a toujours pas été publié.
En d’autres termes, les agents contractuels de La Poste société anonyme, contrairement à n’importe quel salarié de droit privé, ne sont protégés, dans ces domaines, ni par le code du travail ni par d’autres textes, en raison de la carence du pouvoir réglementaire. En soumettant les salariés de La Poste à un régime moins favorable que tout autre salarié d’une société anonyme, le législateur se rend coupable d’une violation du principe d’égalité des salariés.
De plus, cette absence de réglementation concerne les conditions dans lesquelles la représentation individuelle des agents de droit privé est assurée, les règles de protection, au moins équivalentes à celles qui sont prévues par le code du travail pour les délégués du personnel.
L’article 8 constitue également, à ce titre, une violation de la liberté syndicale, principe à valeur constitutionnelle qui découle du sixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ».
Enfin, le Gouvernement se rend coupable d’un détournement de la procédure constitutionnelle aux seules fins de servir ses choix et au mépris de l’intérêt général.
L’article 3 de la Constitution dispose : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».
Mais la Constitution prévoit également, dans son article 11, que le peuple a un droit d’initiative s’agissant des consultations populaires.
Depuis le vote de cette faculté constitutionnelle, deux événements majeurs sont intervenus. Tout d’abord, le Gouvernement a retardé le dépôt du projet de loi organique permettant d’exiger la consultation référendaire. Mais, dans nos communes – vous l’avez vu, mes chers collègues –, plus de deux millions de personnes se sont déplacées pour rejeter le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui.
Ce rappel des faits est d’une importance majeure pour comprendre l’empressement du Gouvernement à faire passer sa réforme en engageant la procédure accélérée. Cette dernière, qui prive le Parlement d’une seconde lecture et raccourcit les délais concernant les travaux préparatoires, ne se justifie aucunement au regard des exigences communautaires.
Le droit communautaire n’impose pas le changement de statut comme préalable à l’ouverture totale du secteur postal à la concurrence. Je vous rappelle que l’échéance est fixée au 1er janvier 2011.
J’abrège la fin de mon intervention, monsieur le président !
On fait débattre en urgence un projet de loi dans le seul but de tenir en échec une révision constitutionnelle déjà votée, mais non encore totalement exécutoire du fait du retard même du Gouvernement. En bref, la procédure accélérée a pour seul objet d’éviter la procédure constitutionnelle autorisant la consultation populaire.
Moins d’un an après l’adoption de la réforme constitutionnelle, le Président de la République a pu s’exprimer devant les parlementaires à Versailles, mais le peuple, lui, est muselé !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Sur cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, j’ai déjà eu l’occasion de donner les principaux éléments de réponse lors de la discussion générale ; je n’y reviens donc pas.
Le présent projet de loi n’est contraire à aucune disposition constitutionnelle ou législative. Au contraire, il donne à La Poste les moyens de continuer à exercer ses missions de service public en pleine conformité avec le préambule de la Constitution de 1946.
Quant au titre II du projet de loi, je vous rappelle que la transposition en droit interne d’une directive communautaire est une exigence constitutionnelle. Ce projet de loi est non seulement recevable, mais absolument nécessaire.
J’émets donc un avis défavorable.
Je me limiterai à évoquer le respect du principe d’égalité devant les services publics. Permettez-moi de vous dire que, s’il est une entreprise qui respecte ce principe, c’est bien La Poste.
Les Français, où qu’ils vivent sur le territoire, ont un égal accès à un point de contact de La Poste, lequel est situé, au maximum, à cinq kilomètres et à vingt minutes de trajet en voiture de leur domicile.
M. Christian Estrosi, ministre. Vous parlez d’un principe d’égalité rompu ! Permettez-moi donc de répondre sur ce point plus précisément.
Mme Annie David proteste.
Les Français, quel que soit l’endroit où ils vivent, quel que soit le jour de l’année, ont droit à un service de levée du courrier six jours sur sept, même si vous voulez le supprimer par un amendement ; les Français, quel que soit leur revenu, peuvent ouvrir gratuitement un livret A et y domicilier leurs revenus et leurs paiements ; les Français, enfin, ont droit à des journaux acheminés chez eux à des conditions préférentielles par La Poste, afin que tous aient un égal accès à l’information.
La Poste est donc une entreprise exemplaire en matière d’égalité devant les services publics. Tout cela est réaffirmé dans ce texte. Votre motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité est à contre-courant de la réalité des principes d’égalité, que nous inscrivons dans ce texte.
C’est pourquoi le Gouvernement appelle au rejet de votre motion.
Les services publics ne doivent pas être considérés comme de simples activités marchandes. C’est pourquoi, en 1946, le constituant a souhaité protéger les citoyens contre la domination des puissances économiques et financières.
L’État a donc le droit, mais surtout le devoir, d’intervenir dans certaines activités, car il est le seul à pouvoir préserver l’intérêt général.
En réservant la propriété des services publics nationaux à la collectivité, le constituant a entendu protéger celle-ci des appétits privés. Par notre motion, nous dénonçons solennellement devant vous l’atteinte grave qui est portée au préambule de la Constitution de 1946 et, à travers lui, à l’intérêt général. Or cette atteinte est inadmissible, car nous touchons là au noyau irréductible de ce qui doit demeurer sous le contrôle de la collectivité, de ce qui doit appartenir à l’ensemble de la communauté.
L’exploitant public La Poste constitue un monopole de fait et exploite un service public national du fait de la volonté du législateur. Certaines de ces activités dépendent de services publics constitutionnels, comme celui de la justice, mais également de la défense. C’est pourquoi le projet de loi du Gouvernement, en dépossédant la collectivité au profit de la satisfaction des intérêts privés, est inconstitutionnel.
Cette nouvelle atteinte du Gouvernement au socle des services publics est d’autant plus grave que ce même Gouvernement fait reposer sur l’opérateur historique de lourdes responsabilités en matière de défense nationale et de sécurité publique.
Ainsi, l’article R1-1-25 issu du décret du 5 janvier 2007 relatif au service universel postal et aux droits et obligations de La Poste et modifiant le code des postes et des télécommunications électroniques dispose : « La Poste prend, conformément aux directives du ministre chargé des postes, toute mesure utile pour assurer l’exécution des missions de défense nationale et de sécurité publique qui lui sont prescrites.
« À ce titre, elle accomplit toute opération considérée comme indispensable à la continuité de l’action gouvernementale. »
On voit mal comment demander à La Poste, société anonyme, d’assurer de telles missions. C’est pourquoi il est nécessaire que l’entreprise reste un exploitant public sous le contrôle exclusif de l’État.
La volonté du Gouvernement de livrer in fine, coûte que coûte, l’exploitant public au privé, alors même qu’il s’agit d’un service public national, entraîne des incohérences dans le texte.
À calquer un peu vite le modèle de la société anonyme sur l’établissement public, le Gouvernement a oublié quelques règles élémentaires.
Ainsi, l’article 7 du projet de loi prévoit que les fonctionnaires de La Poste sont sous l’autorité du président de La Poste et gérés par lui. Le Gouvernement a rappelé l’avis du Conseil d’État du 18 novembre 1993, pour nous rassurer sur une éventuelle violation de l’article 13 de la Constitution et de l’ordonnance du 28 novembre 1958. Ce texte précise les conditions dans lesquelles le pouvoir de nomination du Président de la République peut être délégué par lui.
Cependant, l’article 7 du projet de loi, en prévoyant que le président de La Poste peut autoriser la subdélégation de ses pouvoirs de nomination et de gestion, dépasse largement les questions posées au Conseil d’État en 1993 et entre en contradiction avec l’article 13 de la Constitution. En effet, cela revient, à l’avenir, à permettre la nomination des fonctionnaires par des salariés de droit privé, par exemple.
Vous le voyez, les griefs d’inconstitutionnalité du projet de loi relatif à l’entreprise publique de La Poste et aux activités postales sont nombreux.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous vous dites prêt à soutenir un amendement visant à reconnaître le caractère de service public national de la Poste. Très bien, mais dans ce cas, tirez-en les conséquences et retirez votre projet de loi !
Vous dites : « Service public national/société anonyme » ; pour notre part, nous disons : « Service public national/établissement public national ». Nos différences sont irréductibles, malgré vos manipulations pour laisser penser le contraire !
De plus, le Conseil constitutionnel a précisé que le transfert au secteur privé d’une entreprise exploitant un service public national suppose que le législateur prive ladite entreprise des caractéristiques qui en faisaient un service public national.
Mes chers collègues, en votant le changement de statut de La Poste et le titre II du projet de loi, qui met en œuvre l’ouverture totale à la concurrence, que fait le législateur si ce n’est priver La Poste de ses caractéristiques de service public national ?
Le Gouvernement veut inscrire dans la loi que La Poste exploite un service public national et, par cette même loi, il prive l’entreprise de tous les éléments qui en font un service public national !
Il s’agit pour nous de protéger l’intérêt général, de préserver des activités régaliennes de l’État et un outil essentiel de la solidarité nationale ! C’est pourquoi, les sénateurs du groupe CRC-SPG soutiennent avec force cette motion et voteront bien évidemment pour.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, je souhaite poser une question concernant notre règlement. À ma connaissance, celui-ci prévoit, pour les motions de procédure, l’intervention de l’auteur de l’initiative et d’un orateur d’opinion contraire. Or, jusqu’à présent, seul le rapporteur s’est exprimé et il n’a pas développé très longuement les raisons pour lesquelles il était opposé à l’adoption de cette motion. Notre règlement en la matière n’a donc pas été respecté, me semble-t-il.
Par ailleurs, nous sommes bien évidemment favorables à cette motion.
Je ne reviendrai pas sur la manière dont le Gouvernement explique que le changement de statut sera sans incidences et que La Poste restera un service public national. La transposition de la directive européenne qui ouvre totalement le marché des services postaux va à l’encontre de la définition du service public national. L’arrivée de nouveaux opérateurs brisera le monopole évoqué au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
Par la suite, le Gouvernement pourra donc, sans enfreindre ce préambule, présenter un jour ou l’autre un nouveau projet de loi permettant d’ouvrir le capital de La Poste à des capitaux privés.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 10 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi, par MM. Bourquin, Teston, Botrel, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 540 tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (n° 51, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Martial Bourquin, auteur de la motion.
J’aimerais tout d’abord lever une ambigüité : nous sommes là non pas pour « pourrir la semaine du Sénat », mais pour travailler !
Tout à l’heure, j’ai évoqué avec le président du Sénat la séance d’hier : il m’a dit que les interventions étaient toutes d’un bon niveau. L’existence de désaccords n’autorise pas à caricaturer les opposants, …
… à les traiter d’« archéos » sous prétexte qu’ils ne proposent rien, parce que nous devons voter le projet de loi proposé !
Jeter ainsi l’opprobre sur l’opposition est d’une incroyable facilité.
M. Martial Bourquin. Nous sommes là pour travailler et faire des propositions.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le ministre, malgré les divergences, on ne brocarde pas l’opposition, on l’écoute !
Je tiens d’ailleurs à saluer la qualité des interventions de tous les opposants à ce texte, notamment Michel Teston, entendus hier lors de la discussion générale. Ils ne sont pas d’accord avec vous, mais respectez-les ; c’est très important.
Au demeurant, ce n’est pas parce que vous ne cessez d’affirmer, la main sur le cœur et d’une voix vibrante, que jamais La Poste ne sera privatisée que cette promesse sera tenue ! En la matière, et on s’en souvient tous, GDF constitue un précédent. Mais il y a pire ! Dans les territoires ruraux, les DDE, qui étaient des facilitateurs de projets, ont disparu.
Faut-il que je rappelle aussi les nombreuses fermetures de classe et de casernes de gendarmerie ?
Le Gouvernement actuel ne peut pas se poser en défenseur des services publics.
Nombreux sont ceux ici, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, à vivre cette réalité en tant qu’élus locaux et à se dire qu’il est peut-être temps de mettre un terme à un tel « déménagement du territoire ». Pour cela, l’État doit être le garant de l’équité territoriale et mener une politique d’aménagement du territoire qui prenne le pas sur la révision générale des politiques publiques.
Très souvent, des élus ruraux comme des élus urbains, notamment les maires, sont amenés à prendre le relais de l’État pour pallier la disparition des services publics nationaux, et ce dans nombre de domaines. Cette situation ne peut plus durer !
D’un côté, il est reproché aux collectivités territoriales de coûter cher et d’augmenter les impôts locaux ; de l’autre, celles-ci se voient sans cesse attribuer des compétences supplémentaires. Certains présidents de conseil général, de droite comme de gauche, m’ont ainsi confié il y a peu de temps leur incapacité, dans les conditions actuelles, à boucler leur budget avant le mois de mars. Leur explication est toujours la même : les départements doivent supporter des charges de plus en plus lourdes, le Gouvernement prenant des décisions qu’il n’assume pas.
C’est dans ce contexte que nous abordons la question du statut de La Poste.
(M. Bernard Piras applaudit.) Parmi nous, il y a des maires, des présidents de conseil régional ou général, des élus du suffrage universel, et, à ce titre, nous devons être respectés !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le ministre, la façon dont vous avez abordé le débat constitue un manque de respect à l’égard de l’opposition. §
Nous avons des divergences, certes, mais attachons-nous à parler du fond.
Vous verrez ! L’intervention de notre collègue Michel Teston comportait de nombreuses propositions. Et il y en aura d’autres !
Je pense profondément que la loi visant non pas à sauver La Poste, mais à assurer son financement dans la perspective de l’ouverture à la concurrence est encore à inventer. En tout cas, vous ne la proposez pas ! J’ai la faiblesse de penser…
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler que vous ne siégez pas sur les travées de l’opposition ; vous êtes assis au banc du Gouvernement et vous devriez donc avoir une certaine retenue.
Vous venez de me dire que vous me feriez des propositions !
Patience, je vais vous les faire ! J’ai quinze minutes pour cela !
J’ai la faiblesse de penser, disais-je, que le présent projet de loi représente le premier étage d’une fusée qui en compte deux.
Aujourd'hui, le Gouvernement transforme La Poste en société anonyme pour qu’un autre Gouvernement – puisque qu’il y aura probablement un remaniement après les régionales – puisse, demain, la privatiser en toute sécurité.
Ce n’est pas parce que vous inscrivez dans la loi que le capital sera détenu à 100 % par des personnes publiques que les choses seront définitivement cadrées. Ce n’est pas vrai : ce qu’une loi met en place, une autre peut le défaire !
À cet égard, le statut d’EPIC constitue une garantie, et c’est d’ailleurs pour cela que vous y êtes résolument opposés. Vous prétendez que c’est la transposition de la directive européenne qui vous oblige à transformer en société anonyme l’établissement public industriel et commercial qu’est aujourd'hui La Poste. C’est faux : cela n’est mentionné nulle part !
Vous n’avez rien compris à la crise financière ! La libéralisation à outrance de l’économie et la bulle financière nous ont menés au chaos. Or la solution que vous proposez pour La Poste, à terme, c’est la privatisation : d’abord en partie, puis totalement.
Les conséquences réelles de votre projet doivent être connues de tous les élus des territoires. La présence postale sera considérablement diminuée. Vous évoquez les 17 000 points de contact ; mais s’agit-il d’une garantie ?
Bien sûr que non, et je vais vous le démontrer très facilement.
Siégeant à la commission départementale de présence postale territoriale, je connais très bien le procédé employé pour fermer un bureau de poste : il suffit de diminuer son amplitude horaire. Imaginez un magasin qui n’ouvre qu’une ou deux heures par jour, qu’une demi-journée au lieu d’une journée : plus personne ne s’y rend ! Il ne reste plus qu’à constater cette inéluctable désaffectation pour prononcer la fermeture.
Cela a une double conséquence : d’une part, la suppression de nombre d’emplois, et c’est d’ailleurs l’objectif réellement recherché tant il y a rarement eu autant de suppressions de postes qu’aujourd'hui ; d'autre part, la précarisation maximale des postiers, qui n’ont plus que quelques heures de travail par jour.
Je ne veux pas jeter la pierre aux maires qui doivent se contenter de mettre en place une agence postale, voire un simple point de contact, dans leur commune : ils n’ont pas le choix !
Monsieur le ministre, avec ce texte, vous préparez l’ouverture à la concurrence en opérant un véritable « déménagement du territoire » !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Sur cette question, je vous trouve assez absent ; j’aurais préféré vous voir faire preuve d’une volonté politique beaucoup plus forte.
La société anonyme n’est pas la panacée ! Le Gouvernement a choisi d’injecter 2, 7 milliards d'euros pour faire face à 6 milliards d'euros de dettes et à un ambitieux programme de modernisation. Pourquoi ne pas avoir proposé de financer des projets d’avenir de La Poste par le biais du grand emprunt ? Pourquoi, surtout, n’avez-vous pas profité du contexte de défiance à l’égard des banques pour renforcer les compétences de la Banque postale au sein d’un pôle financier public ?
Monsieur le ministre, vous attendiez mes propositions, en voilà deux ! Épargnez-moi donc vos leçons en la matière !
Les banques inspirent aujourd'hui une grande méfiance. D’après un récent sondage, la moitié des Françaises et des Français se disent prêts à en changer. Contrairement au reste du secteur, la Banque postale n’a pas joué avec les capitaux nocifs. Comment se fait-il donc qu’aucune grande action de communication n’ait été organisée pour promouvoir l’image d’une banque différente, proche des citoyens ?
Je l’ai dit, vous vous abritez derrière l’Europe pour justifier le changement de statut. Tout à l’heure, vous nous avez accusés d’être des idéologues. Mais lorsqu’on affirme que l’ouverture à la concurrence passe forcément par la transformation en société anonyme, on est en pleine idéologie !
Hier, lors de la discussion générale, Michel Teston a brillamment démontré que l’établissement public industriel et commercial qu’est La Poste était tout à fait en mesure d’affronter la concurrence et, surtout, de se moderniser. Par certains côtés, cette modernisation est déjà à l’œuvre, et de façon remarquable, d’ailleurs.
Monsieur le ministre, vous n’avez jamais envisagé sérieusement d’autres scénarios juridiques et financiers pour assurer le financement pérenne de La Poste.
Restant sourd aux propositions qui ont pu vous être formulées, vous n’avez pas d’autre finalité que de transformer La Poste en société anonyme. Vous martelez, sans pouvoir dire autre chose, que modernisation et transformation en société anonyme sont intimement liées. Il est impensable de raisonner ainsi !
Vous auriez pourtant pu vous battre pour faire reconnaître par l'Europe l’originalité du modèle français. Notre pays s’est souvent distingué dans différents domaines, notamment sur les questions culturelles. Pourquoi ne montrez-vous pas que le statut d’EPIC est tout à fait compatible avec l’ouverture à la concurrence ?
Je n’aurai de cesse de le répéter, ce projet de loi constitue le premier étage d’une fusée qui en compte deux : il préfigure une privatisation qui, certes, interviendra plus tard, mais n’en sera pas moins réelle.
J’ai d’ailleurs pu constater que M. Guaino n’avait pas la même vision que vous sur cette privatisation : lui ne la rejette pas a priori.
M. Martial Bourquin. Il faudra donc veiller à accorder vos positions, car, pour l’instant, force est de constater que la cacophonie règne au sein du Gouvernement !
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
M. Guaino n’appartient pas au Gouvernement. Quant à la cacophonie, elle règne surtout chez les socialistes !
Alors que plus de 2 millions de personnes ont, par leur vote, exprimé leur souhait de voir La Poste rester publique, vous allez à contre courant de ce souhait en préparant une future privatisation.
Vous avez le droit de défendre des positions, monsieur le ministre, y compris une privatisation, mais encore faut-il le faire ouvertement, ce qui n’est pas votre cas ! §Pour notre part, nous nous opposons fermement à votre projet, en assumant nos choix politiques. Je vous invite à faire de même !
Je voudrais m’adresser maintenant à mon collègue Hervé Maurey, pour lui dire que je n’ai pas du tout apprécié son intervention hier soir.
Mon cher collègue, vous ne pouvez pas dénigrer comme vous l’avez fait les plus de 2 millions de citoyens qui sont allés mettre un bulletin dans une urne pour manifester leur souhait de garder La Poste telle qu’elle est et de conserver la présence postale sur le territoire.
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Force est de constater que certains propos ne font pas plaisir à entendre !
Monsieur Maurey, la pilule a eu bien du mal à passer, mais je vous ai écouté ! On ne peut pas s’exprimer ainsi : plus de 2 millions de personnes, c’est énorme ! Je vous lance un défi : si vous pensez que le vote a été mal organisé et qu’il faut faire autrement, eh bien ! faisons-le.
M. Bernard Piras brandit la feuille de papier jaune sur laquelle est inscrit le mot « référendum ».
M. Martial Bourquin. Lançons un référendum national, organisé par les collectivités locales, pour consulter l’ensemble de la population française, et nous verrons ce que cela donnera. Ayez le courage de le faire !
M. Charles Guené lève les bras au ciel.
Jeune parlementaire, j’ai assisté à la réunion du Congrès à Versailles pour permettre au Président de la République de s’exprimer devant le Parlement. Cela n’a pris que quelques heures. Pourquoi n’y a-t-il toujours pas de loi prévoyant la possibilité d’organiser un référendum sur des grandes questions telles que l’avenir de ce grand service public qu’est La Poste ?
Monsieur Maurey, vos amis centristes ont pris le pouvoir au Japon : leur première décision politique a été de stopper la privatisation de la poste, qui s’est traduite par un désastre sur leur territoire. Vous devriez vous en inspirer !
Par ailleurs, j’ai vu aussi beaucoup d’impréparation, notamment sur la question des retraites : aussi incroyable que cela puisse paraître, certains ministres n’ont pas semblé se rendre compte que la transformation de La Poste en société anonyme risquait de mettre en danger l’IRCANTEC.
Ils ont simplement prévu que les anciens salariés resteraient à l’IRCANTEC ; ceux-ci pourraient donc, à terme, faire valoir leurs droits à la retraite. Mais en l’absence de nouveaux cotisants, l’IRCANTEC va se trouver en difficulté.
Quand je vois ce niveau d’impréparation de la part du Gouvernement, doublé d’une très grande précipitation, je me dis qu’il y a anguille sous roche, …
…que rien n’est prêt, que l’on va faire des bêtises !
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur ce projet de loi. Plutôt que d’agir sous la pression, prenons notre temps : nous pourrons avoir un véritable débat après avoir consulté les Françaises et les Français par référendum !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
La commission est défavorable à cette motion tendant à opposer la question préalable.
Je me bornerai à formuler quelques observations, qui confirmeront nos divergences d’approche sur la manière de faire évoluer et de moderniser cette grande entreprise publique qu’est La Poste.
S’en tenir au entraînerait une lente asphyxie de La Poste, qui se trouverait dans l’impossibilité de répondre aux défis qui l’attendent. Nous ne souscrivons pas à ce qui vient d’être dit. Le présent projet de loi est absolument nécessaire, à un double titre : sur le plan juridique, afin de parachever le processus de transposition des directives européennes postales, entamé voilà plus de dix ans ; sur le plan économique, afin de donner à La Poste les moyens de faire face à la concurrence.
M. Christian Estrosi, ministre. M. Bourquin a parlé de respect, or il me semble avoir consacré beaucoup d’énergie à rencontrer les élus sur l’ensemble du territoire, quelle que soit leur sensibilité politique. Je crois leur avoir ainsi montré combien je les respecte. Qui peut d’ailleurs avoir le sentiment qu’on lui a manqué de respect, sinon le ministre auquel on a annoncé qu’on allait lui « pourrir la semaine » ?
Applaudissementssur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Qui donc s’est montré irrespectueux ? Sur ce point, vous ne me prendrez jamais en défaut !
Si vous voulez des exemples précis, j’en ai, monsieur le ministre ! Ils remontent au dernier débat budgétaire !
Bien volontiers, monsieur Bel : c’est pour moi une autre façon de respecter les sénateurs !
La parole est à M. Jean-Pierre Bel, avec l’autorisation de M. le ministre.
Monsieur le ministre, les propos que vous nous avez reprochés à plusieurs reprises depuis hier n’ont été repris que sous forme de boutade par l’un d’entre nous, précisément parce que vous les aviez d’abord prononcés. Puisqu’ils semblent constituer votre argument principal, dites-nous qui a affirmé que nous avions l’intention de vous « pourrir la semaine ». J’aimerais vraiment le savoir, car cela commence à devenir insupportable ! Levez ce suspense, afin que nous puissions vous répondre avant de passer aux arguments de fond !
Monsieur Bel, je vais vous donner la preuve matérielle que le groupe que vous présidez est complètement associé à cette volonté de « pourrir le débat » sur la réforme postale, tout au long de cette semaine. De même, je vais vous démontrer, en répondant à M. Bourquin, que vous vous complaisez à habiller certaines réalités.
Je commencerai par répondre sur le fond, car ce débat sur La Poste le mérite à mes yeux.
Vous affirmez, monsieur Bourquin, que les 2, 7 milliards d'euros pouvaient être apportés à La Poste tout en maintenant le statut d’EPIC. Or vous savez très bien que l’Union européenne interdit un tel apport à un établissement public ! Si nous le faisions, nous serions immédiatement condamnés et La Poste devrait rembourser cette somme au Gouvernement. C'est la raison pour laquelle le seul moyen de conserver le caractère public de La Poste tout en lui apportant 2, 7 milliards d'euros consiste à la transformer en société anonyme à caractère public.
Par ailleurs, vous m’avez annoncé que vous alliez formuler des propositions, mais vous avez surtout parlé de bulle financière et agité le spectre de la privatisation. Le maintien de 17 000 points de contact postaux n’est pas une garantie à vos yeux et vous relevez qu’aujourd'hui la situation de certains bureaux ou agences est précaire – constat sur lequel nous pouvons nous rejoindre –, mais vous n’indiquez pas comment et avec quels moyens nous allons améliorer les choses : vous estimez au contraire qu’il ne faut rien changer, ce qui est pour le moins paradoxal ! Vous nous accusez d’adopter une démarche idéologique et de procéder au « déménagement du territoire », mais vous ne présentez pas la moindre proposition, préférant en rester à des procès d’intention et à une addition de bons sentiments.
Cela étant, alors que le sujet qui nous occupe fait débat depuis des semaines, vous venez enfin de formuler publiquement une suggestion : assurer le financement de La Poste par le biais du grand emprunt. Je prends donc acte de ce que le parti socialiste est favorable à un recours au grand emprunt pour financer La Poste : cela figurera au Journal officiel ! Cependant, que les 2, 7 milliards d'euros proviennent du Gouvernement et de la Caisse des dépôts et consignations ou du grand emprunt, où est la différence ? Cela reste de l’argent public, et nous nous heurterons à l’opposition de l’Union européenne dans les deux hypothèses, car l’État n’a pas le droit d’apporter 2, 7 milliards d’euros à un établissement public !
Telle est la seule proposition que vous ayez faite, après en avoir annoncé de nombreuses ! Entre nous soit dit, elle n’est d’ailleurs pas des plus originales !
Il est vrai que vous proposez également de mener un combat sur le plan européen pour faire accepter que des établissements publics puissent recevoir de l’argent public sans avoir besoin de changer de statut. Comment peut-on suggérer de s’engager dans cette voie alors que l’ouverture à la concurrence interviendra dans moins d’un an ? Compte tenu du temps qu’il faut pour amener les instances européennes à revoir si peu que ce soit leur position, La Poste aura disparu avant que nous ayons obtenu le moindre résultat, absorbée par des concurrents qui auront pu, eux, évoluer pour se renforcer. Cela dit, le fait que l’un de vos amendements prévoie de modifier le statut de La Poste en 2045 montre à quel point vos propositions sont caricaturales !
Je parlerai maintenant une dernière fois de privatisation, ayant déjà donné suffisamment d’explications sur ce point pour ne plus avoir à y revenir ensuite. Désormais, ce qui compte à mes yeux, c’est de débattre de l’avenir de La Poste, de sa modernisation, de la grande entreprise de logistique, leader européen, que nous voulons créer. Il est temps de tourner la page : La Poste ne sera pas privatisée ! Vous pouvez bien brandir ce spectre, cela ne m’intéresse pas ! Ma seule préoccupation est de donner toutes ses chances à La Poste.
Néanmoins, je tiens à réfuter absolument votre argument relatif à l’IRCANTEC, qui ne doit pas inquiéter les salariés. Au mois de juillet dernier, nous avons répondu à leurs attentes en ouvrant les négociations, notamment avec l’AGIRC-ARRCO. Il sera inscrit dans la loi que l’AGIRC-ARRCO versera une soulte à la hauteur des engagements nécessaires pour permettre aux salariés de La Poste de bénéficier du régime de l’IRCANTEC.
Enfin, vous avez fait référence à une boutade d’un conseiller du Président de la République sur le caractère non éternel de toute chose en ce bas monde : ce qu’une loi fait, une autre loi peut le défaire, a-t-il dit.
M. Christian Estrosi, ministre. Assurant que le projet de loi offre les plus grandes garanties possibles pour interdire la privatisation, M. Guaino a rappelé que nous sommes en démocratie et que si demain les socialistes ont la majorité et veulent changer la loi, ils le pourront. Vous n’êtes pas allé jusqu’au bout de la citation, monsieur Bourquin ! Tout comme M. Guaino, la seule chose que je craigne, c’est que demain vous ne reveniez au pouvoir pour changer la loi et privatiser La Poste !
Riressur les travées de l’UMP.
En ce qui concerne votre volonté de « pourrir la semaine », …
… elle était exprimée dans une dépêche annonçant que le Sénat se préparait à un affrontement « sévère » sur le statut de La Poste : « “on va leur pourrir la semaine ”, proclamait-on au groupe socialiste » ; « “on sera nuit et jour dans les tribunes pour faire une lecture critique de chaque amendement ”, avertissait le représentant du comité national contre la privatisation de La Poste ».
M. Christian Estrosi, ministre. Ce sont vos amis, ceux avec lesquels vous avez organisé cette votation qui n’avait ni queue ni tête !
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
M. Christian Estrosi, ministre. Les propos tenus tout à l’heure par l’un des orateurs de votre groupe à cette tribune n’ont fait que confirmer cette intention !
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Je souhaite répondre à l’interpellation de M. Bourquin et expliquer notre vote, afin d’apaiser M. Teston, qui semblait désespéré que nous ne nous exprimions pas…
Monsieur Bourquin, je confirme que ce que vous appelez une « votation » n’était qu‘une scandaleuse mascarade !
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
M. Hervé Maurey. Et quand de surcroît on demande aux gens de voter contre la fermeture d’un bureau de poste qui, en l’occurrence, n’est absolument pas menacé, c’est même une escroquerie intellectuelle !
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Cela étant, M. Bourquin m’a permis de prendre conscience que je suis complètement en phase avec mes homologues nippons, ce que j’ignorais : comme eux, je suis hostile à la privatisation des services postaux. Mais, encore une fois, ce n’est pas la question qui nous occupe aujourd'hui.
J’ai beaucoup de respect et d’estime pour MM. Bourquin et Teston, mais je ne comprends pas leur position dans ce débat. En les écoutant, deux mots me viennent à l’esprit : archaïsme et surréalisme.
M. Hervé Maurey. Je parle d’archaïsme parce qu’ils s’arc-boutent sur la défense du statut d’EPIC : depuis quand un statut juridique est-il une fin en soi ? La finalité, c’est que La Poste reste une grande entreprise de service public, que ses missions de service public soient confirmées et confortées : tel est l’objectif visé par le groupe de l’Union centriste au travers d’un certain nombre d’amendements, que nos collègues ne manqueront pas, du moins je l’espère, de voter.
Signes de dénégation sur les travées du groupe socialiste.
Nous souhaitons que l’entreprise La Poste puisse faire face à l’ouverture à la concurrence européenne. Voilà ce qui compte, au-delà de la question du statut, EPIC ou SA, qui relève en fait du détail !
Un étudiant en première année de droit – je parle sous le contrôle de M. Gélard – sait que le statut d’EPIC n’est nullement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public. Je vous invite à retourner à la faculté de droit le plus rapidement possible…
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
En outre, votre démarche est surréaliste dans la mesure où, alors que nous examinons un projet de loi qui, je le répète, ne prévoit pas la privatisation de La Poste, …
… vous tenez absolument à évoquer un hypothétique futur texte relatif à cette privatisation. Certes, ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire, mais quel parlementaire pourrait s’en émouvoir ? C’est le principe même de la démocratie !
Cessons donc de débattre d’un projet de loi qui pourrait venir ultérieurement modifier celui que nous examinons aujourd'hui, d’autant que, si l’on entend s’opposer à la privatisation de La Poste, le maintien du statut d’EPIC n’est pas une garantie pour l’avenir : rien n’empêcherait qu’une autre loi intervienne ensuite pour transformer directement La Poste en société de droit privé, le passage par le statut de SA n’étant en rien une étape obligatoire.
Je suis quelque peu chagriné de voir des collègues pour qui j’ai beaucoup d’estime et de sympathie…
M. Hervé Maurey. … s’enferrer dans une attitude archaïque et surréaliste. Naturellement, nous ne voterons pas la motion.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Pour notre part, nous voterons la motion de procédure présentée par le groupe socialiste, car nous considérons que ce projet de loi est dangereux pour le service public postal. À qui fera-t-on croire que l’ouverture à la concurrence de l’ensemble des activités postales et la transformation de l’opérateur national en simple société anonyme permettent de garantir un service public efficace et moderne ?
Vous n’avez de cesse, monsieur le ministre, de nous dire que les missions de service public et la maîtrise publique seront sauvegardées, mais si ces missions sont définies – de manière relativement imprécise – dans le texte, leur financement reste plus qu’incertain.
Ainsi, la suppression du secteur réservé, prévue au titre II du projet de loi, va, une nouvelle fois, priver La Poste de ressources indispensables pour mettre en œuvre le service universel.
Dans ces conditions, la création du fameux fonds de compensation du service universel postal, inscrite dans la loi relative à la régulation des activités postales, devient plus que jamais nécessaire. Ce fonds devait initialement être géré par la Caisse des dépôts et consignations ; celle-ci prenant part au capital de La Poste, il vous revient donc de créer un établissement public dédié.
Je ne parlerai pas ici du fonds postal de péréquation territoriale, cette question ayant déjà largement abordée par mes collègues lors de la discussion générale. Son avenir est mis en péril par la suppression annoncée de la taxe professionnelle.
Le projet de loi s’articule autour de la notion de service universel, notion qui est pour vous le plus sûr outil du démantèlement des services publics à la française. On le constate encore dans ce texte, qui prévoit que les prix soient fixés en fonction des coûts : il n’est donc plus question de services publics, mais de services rendus dans des conditions économiquement intéressantes pour les actionnaires.
Vous renforcez encore le rôle et les pouvoirs de l’ARCEP, dont la mission est de permettre l’entrée sur le marché des opérateurs privés dans des conditions favorables. Les autres instances, curieusement, ont été mises en sommeil, notamment la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications.
Je formulerai maintenant des propositions, comme vous nous y avez invités à juste titre, monsieur le ministre, car si nous refusons le changement de statut, nous ne voulons pas non plus le statu quo.
À votre exigence de rentabilité maximale, nous opposons l’instauration de complémentarités et de coopérations comme bases du service public et de la cohésion nationale.
À l’échelle européenne, mettre en œuvre des réseaux transeuropéens a du sens. En revanche, organiser une guerre fratricide entre les services publics nationaux n’aboutit qu’à un vaste gâchis humain et financier.
À l’échelle nationale, nous proposons d’ouvrir le chantier de la création de deux pôles publics. J’ai cru comprendre que vous étiez favorable à la mise en place du premier d’entre eux, à savoir un grand pôle public financier, articulé autour de la Banque de France, de La Poste, de la Caisse des dépôts et des consignations et d’OSEO, afin d’orienter les finances publiques vers la satisfaction des besoins, sans recourir aux produits toxiques. Puisque vous nous avez félicités de cette proposition, monsieur le ministre, je vous prie de bien vouloir intervenir auprès des services du Sénat pour que l’article 40 de la Constitution ne soit pas opposé aux sous-amendements que nous allons déposer à cette fin.
Par ailleurs, puisqu’il faut accompagner la complémentarité des usages d’une complémentarité des offres, pourquoi ne pas s’appuyer sur le formidable atout que représente le réseau postal pour lutter contre la fracture numérique ? Il y a là une piste importante à explorer en vue de la modernisation que nous appelons de nos vœux, l’objectif étant la création d’un grand pôle public des postes et télécommunications du xxie siècle. Il faudrait pour cela en finir avec la logique qui anime toutes les réformes que le Gouvernement entreprend en se défaussant de ses responsabilités sur le privé ou sur les collectivités locales, comme on le voit avec les APC et les RPC, ce qui mène à l’impuissance des pouvoirs publics à répondre aux besoins et à offrir des services à tous.
Pour toutes ces raisons, les 2, 3 millions de personnes qui se sont exprimées le 3 octobre dernier peuvent compter sur les sénateurs du groupe CRC-SPG et, au-delà, de toute l’opposition pour faire entendre leur voix. Pour notre part, nous respectons leur démarche, monsieur Maurey, et nous regrettons que le Gouvernement ait choisi de les mépriser. Nous sommes à leurs côtés, déterminés à affirmer que La Poste a un bel avenir devant elle, à condition de mettre en échec votre projet de loi de privatisation – c’est bien de privatisation qu’il s’agit – de ce grand service public postal. Nous voterons donc la motion tendant à opposer la question préalable présentée par nos collègues socialistes.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Madame Schurch, permettez-moi de vous rappeler, d’une part, que les orateurs doivent respecter leur temps de parole, et, d’autre part, que ce ne sont pas les services du Sénat qui décident l’application de l’article 40 de la Constitution, mais la commission des finances.
La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
Monsieur le ministre, l’article que vous avez cité tout à l’heure ne mentionne aucun nom, et je ne me souviens pas que le groupe socialiste, le groupe CRC-SPG ou les Verts aient annoncé vouloir « pourrir la semaine » ! Qu’est-ce que cette rumeur ? Se servir ainsi d’un article d’ambiance n’est pas digne d’un gouvernement, …
… et nous sommes en droit d’espérer autre chose.
Monsieur le ministre, vous nous demandez comment financer l’EPIC. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ! M. Teston vous a dit hier que, pour le transport de la presse et la présence postale sur le territoire, il était possible d’allouer des financements publics à l’accomplissement d’un service public. En outre, un « rebasage » de La Poste est possible avant l’ouverture à la concurrence, car depuis des années l’État ne contribue pas à la présence postale.
Ces questions sont sérieuses et méritent d’être discutées. Nous ne disons pas : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Lorsque notre pays assurait la présidence de l’Union, la question des services publics aurait pu être placée, avec celle de la crise financière, au cœur du sommet européen, dont l’organisation, soit dit en passant, a coûté très cher…
Murmures sur les travées de l ’ UMP.
Par ailleurs, la question du grand emprunt est posée, ainsi que celle des pôles publics, dont la création est proposée par M. Danglot. Et puisque l’on cherche de l’argent pour financer La Poste, monsieur le ministre, pourquoi ne pas restreindre le bouclier fiscal ? Si La Poste est vraiment le joyau que vous avez décrit toute la journée, cela vaut la peine !
M. Martial Bourquin. Sachez, monsieur Maurey, qu’il y a partout à la fois de l’archaïsme et du modernisme. Mais franchement, lorsque 2, 4 millions de personnes vont voter, parfois avec la peur au ventre
Protestations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste
, on ne peut pas ignorer leur démarche. Il s’est passé quelque chose de fort, et les médias ne s’y sont pas trompés. Les Français ont exprimé leur attachement au plus ancien de nos services publics. Nous ne débattrions certainement pas comme nous le faisons aujourd’hui s’il n’y avait pas eu cette votation !
M. Hervé Maurey proteste.
Monsieur Maurey, si vous voulez, en tant que gaulliste, un référendum en bonne et due forme, alors organisez-le !
M. Martial Bourquin. Enfin, je voudrais signaler à M. le ministre que, en ma qualité de maire d’une commune de 15 000 habitants, je suis assigné au tribunal administratif pour avoir pris une délibération sur La Poste…
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Nous avons organisé un référendum de façon bénévole, en dehors des lieux publics et des heures de travail des salariés. Qu’est-ce qui nous en empêche ? Qu’est-ce qui nous empêche d’adopter une motion tendant à demander que La Poste reste un établissement public ?
M. Martial Bourquin. Comment peut-on nous déférer devant le tribunal administratif pour une telle raison ? Monsieur le ministre, je demande solennellement que les préfets retirent ces assignations, afin que l’on puisse débattre en toute sérénité.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je mets aux voix la motion n° 540, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 11 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi, par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d’une motion n°541.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (n° 51, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Michel Teston, auteur de la motion.
Le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales marque une rupture certaine dans l’organisation de nos services publics. Il constitue, à n’en pas douter, une étape de plus dans la remise en cause de notre modèle social, fondé sur des services publics correcteurs d’inégalités sociales et territoriales.
En effet, on ne saurait négliger les conséquences du basculement du statut d’EPIC vers celui de SA, tant sur le plan social et des statuts du personnel que sur le plan financier, avec la mise en œuvre de l’évaluation financière de La Poste ou encore l’attribution d’actions au personnel. Ces points méritent toute notre attention, car il s’agit là d’un véritable bouleversement de l’organisation de La Poste, consistant en un alignement sur le droit commun des SA.
Certaines questions restent sans réponse, qu’il s’agisse du régime conventionnel auquel seront soumis les personnels ou de la pérennisation du régime de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques, autrement dit l’IRCANTEC. Le projet de loi n’a rien prévu à cet égard, ce qui signifie que ce régime est condamné à terme.
Le basculement vers le droit commun des sociétés anonymes annonce l’extinction progressive des emplois de fonctionnaire. Or la cohabitation des fonctionnaires avec les contractuels soulève un certain nombre d’interrogations, dans la mesure où les contractuels devraient être régis par les conventions collectives.
Plus précisément, la coexistence de plusieurs régimes de conventions collectives, qu’il s’agisse de la convention collective de La Poste, de celle de la Banque postale, plus avantageuse, ou de celles des concurrents potentiels du fait de l’absence d’une convention commune pour les activités postales, risque de susciter de nombreuses injustices et inégalités entre les salariés. Cela est d’autant plus problématique que l’on observe, dans les postes étrangères, une nette dégradation des conditions de travail et une multiplication des emplois précaires.
Par ailleurs, la suppression dans le projet de loi d’une disposition de l’article 31 de la loi n° 90-568 faisant référence aux « conditions de travail » parmi les thèmes abordés par les instances représentatives du personnel, les IRP, est fortement symbolique : elle présage à coup sûr une diminution de la protection des salariés. Il semble pour le moins inopportun de supprimer l’expression collective des instances représentatives sur les conditions de travail à l’heure où celles-ci, sous la pression de plus en plus forte des objectifs de rentabilité, se dégradent dans toutes les entreprises.
On a pu voir, en particulier chez Renault ou France Télécom, à quel point l’évolution d’une entreprise publique était susceptible d’engendrer de fortes contraintes et ainsi d’entraîner un mal-être parmi les salariés. Les drames dont nous sommes témoins chaque jour doivent nous inciter à prendre le temps d’analyser les conséquences, pour les salariés, de la pression concurrentielle, ainsi que des exigences de productivité et de rentabilité.
Les questions et les problèmes que je viens d’évoquer auraient justifié un avis de la commission des affaires sociales et de la commission des finances, voire la mise en place d’une commission spéciale.
Pour ce qui relève, tout d’abord, de la commission des affaires sociales, l’article 9 du projet de loi vise à étendre le champ d’application des mécanismes d’épargne salariale et d’intéressement à l’ensemble des personnels de La Poste. L’intéressement, distinct de la participation, associe collectivement les salariés aux résultats ou aux performances de l’entreprise, tandis que le plan d’épargne salariale leur donne, toujours de manière collective, la faculté de participer à la constitution d’un portefeuille de valeurs mobilières. Ces dispositions, comme celles qui sont relatives à la représentation et à l’information des salariés, à la formation économique, juridique, ou encore aux conditions d’ancienneté, s’appliqueront à l’ensemble des personnels de La Poste, y compris les fonctionnaires en activité.
Par ailleurs, cet article précise les modalités selon lesquelles des augmentations de capital ou des cessions d’actions réservées pourront être réalisées dans le cadre d’un fonds commun de placement d’entreprise. Enfin, il étend le dispositif de participation aux résultats de l’entreprise.
Ainsi bascule-t-on concrètement dans le droit commun des SA, que ce soit avec l’intéressement du personnel de La Poste à la réalisation des objectifs de productivité et de performance de l’entreprise ou avec ces autres formes de rétribution, telles que les primes, qui ne font pas partie de la rémunération. Il s’agit de permettre aux salariés de constituer un portefeuille de titres émis par La Poste SA, pour les faire bénéficier d’un régime fiscal favorable, ce qui devrait, au demeurant, les inciter à agir pour faire monter le cours des actions de leur entreprise. Espérons que le changement de statut de La Poste, s’il intervient, ne préfigure rien de comparable à ce qui s’est passé dans d’anciennes entreprises publiques, comme GDF, avec l’instauration de mécanismes d’allocation et de distribution de stock-options aux dirigeants.
L’article 18 vise à compléter l’article L. 3-2 du code des postes et télécommunications en transposant des dispositions de la troisième directive européenne concernant, notamment, les « exigences essentielles ». Il s’agit de mettre en place des procédures transparentes et peu coûteuses de traitement des réclamations, de garantir l’accès aux services et aux installations des personnes handicapées, d’assurer la neutralité des envois postaux concernant l’identité de l’expéditeur. À cela s’ajoute une disposition introduite par le Parlement européen pour protéger les salariés, qui impose que « les obligations légales et conventionnelles » en matière de conditions de travail et de sécurité sociale soient respectées.
En outre, selon le considérant 53 de la directive, les dispositions adoptées ne doivent pas affecter le droit du travail, c’est-à-dire les dispositions légales ou contractuelles « concernant les conditions d’emploi, les conditions de travail, y compris la santé et la sécurité au travail, et les relations entre les employeurs et les travailleurs ».
Ces exigences essentielles devraient donc s’imposer à tous les prestataires de services postaux, sans préjudice du statut de fonctionnaire du personnel de La Poste. Encore faudrait-il qu’une harmonisation vers le haut des diverses conventions puisse être réalisée dans toute la branche ou le secteur des activités postales, afin d’éviter tout « dumping social » !
Or des incertitudes demeurent à cet égard. Comme je l’ai déjà indiqué, la mise en place d’une convention collective dans le secteur des activités postales est loin d’avoir abouti. En l’absence d’une telle convention, nous avons de bonnes raisons de penser que, après l’ouverture totale à la concurrence, les concurrents de La Poste continueront à appliquer des conventions moins avantageuses.
Enfin, ce projet de loi compromet l’équilibre financier du régime de I’IRCANTEC. Or, à ce jour, rien n’a été prévu pour pallier les conséquences de cette réforme. En effet, alors que les fonctionnaires conserveront leur statut et les garanties d’emploi et de retraite afférentes, il n’en ira pas de même pour les 160 000 salariés contractuels, dont le régime va être modifié et qui vont, par conséquent, perdre le bénéfice de leur régime de retraite complémentaire. Que va-t-il se passer pour tous ces salariés ? La question reste sans réponse. Ils seront a priori affiliés à un régime beaucoup moins avantageux, avec des cotisations plus élevées pour des pensions plus faibles. De plus, l’affiliation de ces salariés à l’AGIRC-ARRCO aura des conséquences financières défavorables pour l’IRCANTEC, dont les contractuels de La Poste représentent environ 6 % de l’effectif cotisant et près de 30 % de la marge technique. L’IRCANTEC se trouvera donc gravement fragilisée, ce qui aura pour effet de remettre en cause les bénéfices escomptés de la réforme de 2008. Les conséquences du changement de régime risquent d’être désastreuses pour l’IRCANTEC si l’on devait transférer les agents concernés vers l’AGIRC et l’ARRCO.
Nous regrettons en outre que la commission des finances n’ait pas été saisie pour avis sur un projet de loi qui crée une société anonyme par actions, avec à la clé l’annonce d’une augmentation de capital de 2, 7 milliards d’euros, dont 1, 2 milliard d’euros seraient apportés par l’État et 1, 5 milliard d’euros par la Caisse des dépôts et consignations.
Nous nous interrogeons, par ailleurs, sur la provenance des fonds mobilisés par l’État, à l’heure où les contraintes qui pèsent sur son budget, d’un côté, et les charges de la dette, de l’autre, laissent peu de marges de manœuvre financières. Dans l’hypothèse où la Caisse des dépôts et consignations participerait à l’augmentation de capital pour répondre aux besoins de financement de La Poste et assurer ainsi son développement, rien ne l’empêcherait de revendre sa part d’actions à tout moment. Il est d’ailleurs perceptible, au travers de ses dernières interventions, que la CDC semble cantonner son rôle à l’apport d’une aide transitoire à certaines entreprises en difficulté et/ou présentant un intérêt stratégique pour la France ; en aucun cas elle n’a vocation à demeurer perpétuellement au capital de l’entreprise à laquelle elle apporte des moyens de financement.
La commission des finances aurait encore eu son mot à dire sur la mise en place du fonds de compensation alimenté par l’ensemble des opérateurs postaux, au prorata de leur chiffre d’affaires. Son avis nous paraît tout aussi nécessaire sur l’amendement portant l’abattement, au titre de la taxe professionnelle, de 85 % à 100 % pour financer le fonds de péréquation, puisqu’il est prévu que la différence soit compensée, à due concurrence, par la dotation globale de fonctionnement.
De plus, de sérieux doutes existent quant à la possibilité de préserver le caractère public du capital de l’entreprise en cas d’abandon du statut d’établissement public. En effet, nous savons bien quelle évolution ont connue les grandes entreprises publiques ayant été soumises au même processus de transformation en SA : à terme, cela a abouti à leur privatisation. La fusion intervenue entre GDF et Suez illustre bien ce mouvement de privatisation. Le Gouvernement se défend de vouloir suivre cet exemple, arguant que la comparaison avec GDF n’est pas pertinente ; nous dirons simplement, à ce stade, que nous ne sommes pas dupes. J’ajouterai, en guise de démonstration supplémentaire, que de nombreux États ayant privatisé leur poste ont vu dans cette opération le moyen de récupérer des fonds destinés à alléger leur dette. Est-ce que ce projet de loi concernant La Poste le permettrait aussi à terme ? La question est posée.
M. le rapporteur affirme que La Poste sera certes une entreprise, mais « pas comme les autres », avec un capital à 100 % public. Or, face au jeu de la concurrence et des marchés, difficilement contrôlable, comment garantir effectivement que cette entreprise demeurera « pas comme les autres » ?
Par ailleurs, quelle sera la rémunération des nouveaux actionnaires ? L’État, en tant qu’actionnaire, percevra-t-il des dividendes, alors qu’il ne compense pas intégralement, comme il le devrait, le surcoût lié aux missions de service public ? Comment utilisera-t-il ces nouveaux dividendes ponctionnés sur la société anonyme ? Quel sera le retour sur investissement exigé par la Caisse des dépôts et consignations ? Toutes ces questions mériteraient un débat.
Dans ce contexte, comment La Poste, devenue société anonyme, pourra-t-elle garantir le financement de ses quatre missions de service public, à savoir le service universel postal, la présence postale, le transport et la distribution de la presse, l’accessibilité bancaire ? Aucune garantie n’est en effet donnée quant à un financement suffisant et pérenne de La Poste.
Si le projet de loi maintient La Poste comme le prestataire du service universel pour une durée de quinze ans, on relève l’absence de moyens nouveaux pour assurer cette mission. La nouvelle société anonyme risque de se voir contrainte à réduire ses coûts, ce qui se traduira probablement par des suppressions d’emplois, ainsi que par un recul de la présence postale et de la distribution du courrier. Les exemples ne manquent pas à cet égard en Europe, où nombre de services publics voient leurs missions se réduire du fait d’un environnement concurrentiel.
Pour toutes ces raisons, nous demandons le renvoi de ce projet de loi à la commission des affaires sociales et à la commission des finances, compétentes pour donner leur avis sur les dispositions que je viens de rappeler.
Enfin, compte tenu de l’incidence que peut avoir le changement du statut sur l’aptitude de La Poste à exercer ses quatre missions de service public, nous considérons que le projet de loi devrait être renvoyé en commission spéciale, s’il devait advenir que les commission des affaires sociales et des finances ne soient pas saisies, comme nous le demandons.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG.
Je voudrais d’abord apporter une précision sur le mode de fonctionnement de notre assemblée : la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire est pleinement compétente en matière de services postaux. Elle a mené dans la plus grande transparence des auditions auxquelles les sénateurs membres du groupe d’étude postes et communications électroniques, que j’ai l’honneur de présider, ont participé. Je remercie d’ailleurs ceux de nos collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, qui ont assisté à ces nombreuses auditions ; ils ont ainsi pu se forger une opinion très précise sur les diverses questions abordées, notamment celle des retraites. Il aurait été bon que tous les intervenants sur ce sujet aient entendu les représentants de l’IRCANTEC et de l’AGIRC-ARRCO, car cela aurait peut-être permis que les appréciations soient un peu plus nuancées…
Le temps est maintenant venu de passer à l’examen du projet de loi et des amendements.
La commission ne pouvant souscrire à la motion présentée par le groupe socialiste, elle émet un avis défavorable.
Je souhaite formuler une remarque de fond.
Monsieur Teston, l’équilibre financier de l’IRCANTEC ne sera nullement mis en péril. En effet, un amendement déposé par le groupe UMP prévoit expressément un mécanisme financier de compensation au profit de cet organisme, afin de prendre en compte le fait que s’il conservera les salariés actuels de La Poste, les nouveaux salariés relèveront pour leur part de l’AGIRC-ARRCO.
Par ailleurs, en ce qui concerne les droits des fonctionnaires, le groupe du RDSE a déposé un amendement tendant à créer un dispositif de prévoyance santé au bénéfice de ces derniers, ce qui représente une garantie supplémentaire pour les agents de La Poste.
Au bénéfice de ces éclaircissements, il me semble que la motion tendant au renvoi à la commission n’a plus de raison d’être. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Je mets aux voix la motion n° 541, tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 12 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Ce rappel au règlement porte sur l’organisation de nos travaux.
Selon les indications fournies par M. le président Larcher sur la suite de nos travaux, le Sénat devrait débuter la discussion des articles du présent projet de loi avant l’examen de la motion référendaire, demain matin. Cette proposition me semble incongrue, monsieur le président : il s’agit d’un non-sens constitutionnel évident.
Vous me rétorquerez que le règlement le permet. Mais comment imaginer que l’on puisse commencer l’examen du corps d’un texte alors que le Sénat n’a pas encore décidé de sa propre compétence pour débattre de ce dernier et surtout pour le voter ?
En effet, l’adoption de la motion référendaire déposée sur le présent projet de loi signifierait que le Sénat a décidé que le peuple est souverain pour engager l’avenir de La Poste et que ni un individu, ni une institution ne saurait le faire à sa place.
Le débat parlementaire n’est pas un jeu de dupes. L’opposition sénatoriale a pris une décision rare, visant à permettre au Sénat de se dessaisir au profit du peuple tout entier. Une telle initiative mérite respect : il s’agit non pas d’une manœuvre procédurière pour gagner une heure ou deux de débat, mais d’un acte citoyen répondant à l’attente d’une population qui rejette massivement ce projet gouvernemental de libéralisation de La Poste.
Monsieur le président, mes chers collègues, il n’est donc ni sérieux, ni légitime, ni conforme à l’esprit de la Constitution et de notre règlement de débuter maintenant la discussion des articles. Je demande solennellement, par conséquent, la suspension de ce débat jusqu’après l’examen de la motion référendaire. En tout état de cause, je sollicite une suspension de séance immédiate, afin de permettre à chacun des groupes, mais plus particulièrement à ceux de l’opposition, de faire le point sur les arguments avancés.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Je suis en total désaccord avec l’interprétation de M. Fischer, qui ne repose sur aucun argument juridique fondé.
Des précédents existent. Par le passé, sous le gouvernement de M. Jospin, nous avons nous aussi, alors que nous étions dans l’opposition, déposé des motions référendaires, qui n’ont même pas été examinées par l’Assemblée nationale après avoir été adoptées par le Sénat… En tout état de cause, nos travaux s’étaient poursuivis jusqu’à ce que ces motions puissent être discutées. Je demande donc simplement que cette jurisprudence s’applique aujourd'hui. Dans l’hypothèse où la motion référendaire serait adoptée, nous devrions naturellement suspendre nos travaux sur le présent texte.
Je rappelle en outre qu’il n’appartient pas au Sénat de décider seul dans cette affaire ; l’Assemblée nationale doit aussi se prononcer.
Le Sénat peut certes demander l’organisation d’un référendum, mais pas seul !
Je demande donc que nous poursuivions nos travaux. Demain matin, nous examinerons la motion référendaire : si elle est adoptée, l’examen du projet de loi sera interrompu.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. Michel Teston. J’ai bien écouté les propos de nos collègues Guy Fischer et Patrice Gélard, et c’est avec le premier d’entre eux que je me sens en phase.
Rires sur les travées de l ’ UMP.
J’espère que vous m’accordez ce droit, chers collègues de la majorité !
Nous allons aborder l’examen des articles du projet de loi. Or, si demain matin, au terme de nos débats, un certain nombre de membres de la majorité sénatoriale, convaincus qu’il faut s’en remettre au peuple, acceptent de voter avec nous, nous aurons travaillé pour rien ce soir, …
… et surtout montré que nous ne faisons guère cas de l’avis du peuple.
Il me semble donc absolument indispensable de satisfaire la demande formulée par M. Fischer. En tout cas, pour ce qui nous concerne, nous la soutenons pleinement. J’ignore si le règlement du Sénat prévoit que nous puissions voter sur ce point, mais cette proposition me paraît excellente. Monsieur le président, pour que nous puissions en discuter entre nous, ne serait-il pas opportun de suspendre quelques instants la séance ?
M. le président. Mes chers collègues, je vous ai écoutés avec intérêt. En tant que président de séance, je ne vois pas de raison d’interrompre nos travaux.
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
M. le président du Sénat m’a indiqué tout à l’heure qu’il avait fait valider par les présidents des groupes politiques les modalités suivantes d’organisation de nos débats : à la suite du rejet des trois motions de procédure s’engagerait la discussion du titre Ier du projet de loi, commençant par l’examen de vingt-sept amendements portant articles additionnels avant l’article 1er et par douze interventions sur celui-ci. M. le président du Sénat m’a demandé de respecter ce schéma et de lever la séance vers minuit, pour qu’elle puisse s’ouvrir demain matin à neuf heures trente. Je vous rappelle, monsieur Fischer, que nous avons évoqué cette question lors de notre déjeuner commun…
Exclamations amusées sur les travées de l ’ UMP.
Je me suis exprimé non pas en tant que vice-président du Sénat, mais comme simple sénateur ! N’usez pas d’arguments fallacieux, monsieur le président !
À la demande de la commission, je suspendrai nos travaux à dix-neuf heures trente, pour qu’elle puisse se réunir à vingt et une heures quinze, la séance reprenant à vingt et une heure quarante-cinq.
Nous passons donc à la discussion des articles.
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA POSTE ET MODIFIANT LA LOI n° 90-568 DU 2 JUILLET 1990 RELATIVE À L’ORGANISATION DU SERVICE PUBLIC DE LA POSTE ET À FRANCE TÉLÉCOM
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 3, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cette division et son intitulé.
La parole est à Mme Annie David.
Le titre Ier, sous prétexte de moderniser La Poste, qui ne saurait, nous dit-on, survivre en l’état, vise à modifier le statut de l’établissement.
Nous estimons quant à nous que le changement de statut, loin d’être un préalable nécessaire à la modernisation de La Poste, représente au contraire un véritable danger pour l’accomplissement des missions de service public.
Ce projet de loi vise à transformer La Poste en société anonyme, dont le capital social serait détenu dans un premier temps par l’État et des personnes morales de droit public, mais sans que soit garantie leur présence majoritaire depuis que le texte a été modifié en commission.
Malgré les affirmations du Gouvernement, qui veut faire croire que ce changement de statut ne constitue en aucun cas un prélude à l’ouverture du capital aux entreprises privées, ce projet de loi cache très mal une volonté de privatisation de La Poste.
M. Mercier nous a juré, la main sur le cœur, qu’il aimait La Poste, mais les précédents de France Télécom, d’EDF et de GDF…
… ont montré que les déclarations de bonnes intentions, selon lesquelles la présence de la puissance publique dans le capital serait maintenue malgré la transformation de la forme juridique en société anonyme, sont absolument dépourvues de valeur.
Rien, si ce n’est la volonté de permettre, à terme, la privatisation de La Poste ne justifie d’ailleurs que l’on change le statut juridique de cette entreprise publique. J’en veux pour preuve l’absence de garantie en ce sens et le rejet par la commission de nos amendements ayant pour objet de prévoir clairement que seule la Caisse des dépôts et consignations entrerait au capital ou d’inscrire en toutes lettres dans le projet de loi l’affirmation d’un service public national de la poste.
Parce que nous sommes résolument opposés à tout projet de loi permettant la privatisation d’une entreprise qui accomplit des missions de service public, nous demandons la suppression du présent titre Ier.
Nous souhaitons que les missions essentielles de La Poste, telles que le service universel, la contribution à l’aménagement du territoire, le transport et la distribution de la presse ou l’accessibilité bancaire, soient garanties. Or l’accomplissement de ces missions n’est possible que pour une entreprise publique, au service de l’intérêt général, et non pour une société privée dont l’objectif est de dégager du profit !
Concrètement, si le texte était adopté en l’état, rien ne garantirait plus l’existence d’un service postal de proximité pour tous et sur l’ensemble du territoire français, y compris là où cette activité n’est pas rentable financièrement, par exemple dans les zones rurales ou de montagne. Rien ne garantirait non plus le maintien des accords conclus entre La Poste, l’État et la presse écrite pour assurer le transport et la distribution de cette dernière, qui traverse une crise assez grave, mettant en jeu sa survie même.
Pour garantir un véritable service public de qualité, assurant des missions de cohésion sociale primordiales, nous souhaitons donc que le titre Ier de ce projet de loi, qui ouvre la voie à une privatisation inacceptable, soit supprimé.
L'amendement n° 4, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l'intitulé de ce titre :
Dispositions préparant la privatisation de La Poste
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
Par cet amendement, nous souhaitons donner au titre Ier du projet de loi un intitulé qui soit véritablement conforme à son contenu.
En effet, nous estimons que l’intitulé actuel de ce titre Ier tend à faire croire à l’ensemble des Français qu’il ne s’agit là que d’un simple toilettage de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom, d’une « petite réforme », ne changeant quasiment rien à la situation actuelle de La Poste.
Or il n’en est rien : c’est bien d’une transformation profonde qu’il s’agit ! Derrière une formulation technique et d’apparence anodine se cache en réalité un projet politique clair : préparer le terrain et les conditions juridiques d’une future privatisation de La Poste.
Le passage du statut d’établissement public industriel et commercial à celui de société anonyme constitue un pas supplémentaire vers ce que l’on pourrait appeler la « privatisabilité » de La Poste.
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
La transformation en société anonyme constitue un changement radical dans la manière de gérer une entreprise. C’est la porte ouverte à l’actionnariat, à la financiarisation et à tous ses abus, tels que nous les voyons se manifester quotidiennement ; c’est surtout véritablement la fin de la notion de service public à la française qui prévalait dans cette entreprise.
En effet, la forme actuelle de l’EPIC permettait déjà de trouver un équilibre entre le service rendu à tous les Français et la rentabilité de l’établissement, nécessaire à sa pérennité. La transformation de La Poste en société anonyme n’est aujourd’hui nullement justifiée sur les plans économique, structurel ou juridique. C’est uniquement en vue d’une future privatisation que le Gouvernement promeut la forme juridique de la société anonyme. Dès lors, pourquoi ne pas l’indiquer clairement dans le projet de loi ? Tel est précisément l’objet de notre amendement.
Ainsi, les choses seraient clairement exprimées, sans langue de bois. Le Gouvernement et les partisans de cette réforme ont beau marteler que jamais La Poste ne sera privatisée, tous les précédents en la matière – EDF, France Télécom, entre autres – nous portent à croire que cette privatisation aura malheureusement bien lieu, à plus ou moins brève échéance. Dans ces conditions, autant l’inscrire dans le projet de loi !
Il est inenvisageable de laisser La Poste dépourvue face à la transformation de son environnement économique. La commission a soutenu la transformation de La Poste en société anonyme, et elle émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 3.
En ce qui concerne l’amendement n° 4, il relève d’un pur procès d’intention. Le projet de loi préserve au contraire l’avenir de La Poste en tant qu’entreprise publique. La commission émet donc également un avis défavorable.
L’adoption de ces deux amendements empêcherait d’allouer à La Poste les 2, 7 milliards d'euros dont elle a besoin pour relever les défis de l’avenir… Nous ne pouvons faire un tel choix. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote sur l’amendement n° 3.
Nous soutenons bien entendu les deux amendements de nos collègues du groupe CRC-SPG.
L’argumentation présentée par M. le ministre ne tient pas, dans la mesure où La Poste, sous sa forme actuelle d’établissement public à caractère industriel et commercial, peut parfaitement être subventionnée, au travers de la loi de finances initiale, pour l’accomplissement de deux de ses quatre missions de service public : la présence postale, le transport et la distribution de la presse. Or, pour l’heure, l’État n’appuie pas La Poste pour la première de ces missions, et il ne le fait qu’insuffisamment en ce qui concerne le transport et la distribution de la presse !
Il est possible de maintenir le statut d’EPIC : c’est la position que nous défendrons tout au long de ce débat.
Nous ne pouvons que demander la suppression du titre Ier, ou du moins sa réécriture, puisqu’il ne s’agit finalement que d’un déploiement de dispositions visant non pas à transformer La Poste en société anonyme pour lui permettre d’accroître ses fonds propres, comme vous l’affirmez, monsieur le ministre, mais bien plutôt à modifier sa forme juridique pour qu’elle puisse être privatisée.
Formellement opposés à la privatisation de toute entreprise publique, et donc de La Poste, nous nous prononçons pour la suppression de ce titre dans sa globalité. Je le répète, ces dispositions ne sont en réalité qu’un prélude à l’ouverture du capital à des entreprises privées !
Tout d'abord, les missions d’accessibilité bancaire sont remises en cause. Même si un article du projet de loi semble réaffirmer qu’elles correspondent à une mission de service public, la privatisation, que permet le titre Ier, conduira La Poste à devenir une banque ordinaire, sujette aux dérives que l’on connaît et qui sont à l’origine de la crise économique mondiale.
Ainsi, le livret A permettait de collecter l’épargne populaire au profit du financement du logement social, et la Banque postale garantissait le droit au compte pour tous. Or l’ouverture partielle à la concurrence a remis en cause ces missions : le livret A est désormais proposé par toutes les banques, qui l’utilisent à des fins exclusivement commerciales, et La Poste tente déjà de restreindre l’accès aux services bancaires pour les personnes qui ne « rapportent » pas assez ; la privatisation ne fera qu’aggraver ce phénomène !
En outre, si l’article 2 bis prévoit que le réseau de La Poste maintiendra au moins 17 000 points de contact, les caractéristiques de ces derniers seront précisées dans un contrat pluriannuel qui fixera les heures d’ouverture, ainsi que la gamme des services postaux offerts… Ainsi, aucune garantie n’est apportée par la loi, et la nature de ces points de contact postaux n’étant pas déterminée, la possibilité reste ouverte de confier les missions de service postal à des relais postaux, à côté des bureaux de plein exercice, ce qui correspond à un service moindre.
L’article 2 ter, quant à lui, porte à 100 % l’abattement dont bénéficie La Poste sur la base des impositions locales, telle la cotisation de la taxe professionnelle. Toutefois, quand on sait que le projet de loi de finances pour 2010 prévoit de réformer la fiscalité locale, notamment en supprimant la taxe professionnelle, comment ne pas s’interroger sur la portée d’un tel article ! De plus, introduire une telle disposition revient, encore une fois, à faire supporter aux collectivités locales le poids financier des missions régaliennes de l’État.
La dégradation de la présence postale et du service rendu au public sur le territoire a déjà été entamée avec l’ouverture partielle à la concurrence. Une ouverture totale, liée à la privatisation de La Poste, ne pourrait qu’aggraver encore cette dégradation, au préjudice de la population.
Ce titre ne vise donc qu’à entériner la loi du profit, de la rentabilité financière et de la concurrence, au détriment des services rendus.
Comme l’a dit tout à l’heure M. le ministre, il est défendu de subventionner un EPIC, même en essayant de distinguer entre ses activités. Si nous le faisions, nous serions condamnés au remboursement des sommes versées, voire à des amendes !
Par conséquent, nous ne pouvons nous engager dans cette voie. M. le ministre a parfaitement raison.
Très bien ! sur les travées de l ’ UMP.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote sur l’amendement n° 4.
Je ferai observer à M. Gélard que, depuis de nombreuses années, l’État subventionne le transport et la distribution de la presse. Ainsi, dans la dernière loi de finances, ces crédits, répartis entre deux missions distinctes, s’élevaient à 242 millions d’euros. Certes, c’est insuffisant, il conviendrait de faire plus, mais cela n’a jamais suscité aucune remarque, …
… car l’Union européenne, je le répète, considère qu’en matière de présence postale ou de transport et de distribution de la presse, chaque État membre est compétent. C’est en quelque sorte une application du principe de subsidiarité.
En revanche, il n’en va pas de même en matière de service universel postal…
… et d’accessibilité bancaire, encore que, aux termes de la directive, si le Fonds de compensation du service universel postal n’est pas réparti équitablement entre les opérateurs, rien n’empêche un État membre d’intervenir.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La Poste, exploitant autonome de droit public, exploite un service public national.
La parole est à Mme Odette Terrade.
La Poste exploite un service public national, et certaines de ses activités peuvent être rattachées à un service public national constitutionnel.
Contrairement au service public national du fait du législateur, les services publics constitutionnels ne peuvent cesser de relever de la collectivité, même si le législateur en décide ainsi. Préciser dans la loi qu’un service public est national ne permet donc pas d’éviter une privatisation, mais cela garantit que le législateur sera saisi de la question. Bref, on écarte une privatisation par voie réglementaire.
Par ailleurs, en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il suffit au législateur de priver l’entreprise concernée des caractéristiques qui en faisaient un service public national pour pouvoir la privatiser. Or c’est exactement ce qu’entend faire le Gouvernement par le présent projet de loi, qui vise en effet à transposer le droit communautaire, livrant totalement le secteur postal à la concurrence, ainsi qu’à ouvrir l’ensemble des activités postales aux opérateurs privés et à supprimer le secteur réservé.
Quand le Conseil constitutionnel a voulu déterminer si GDF exploitait un service public national, afin de se prononcer sur la conformité de sa privatisation au Préambule de la Constitution de 1946, il a jugé « que les obligations de service public définies par l’article 16 de la loi du 3 janvier 2003 s’imposent non seulement à Gaz de France, mais encore à l’ensemble des entreprises concurrentes intervenant dans le secteur du gaz naturel ; qu’il en est ainsi en ce qui concerne les obligations de service public fixées par la loi, au niveau national, sur chacun des secteurs d’activité », et que, par conséquent, la loi déférée faisait perdre à GDF son statut de monopole public, rendant possible de procéder à sa privatisation.
Ainsi, dès lors que l’on change le statut de l’exploitant autonome de droit public dans le contexte d’ouverture à la concurrence du secteur postal, rien n’empêchera la privatisation totale de l’entreprise. M. le ministre déclare qu’il va rendre La Poste « imprivatisable » : outre que ce mot ne figure pas dans le dictionnaire, il n’a aucune réalité…
Par cet amendement, pour lequel nous demandons un scrutin public, nous proposons de maintenir le statut d’exploitant autonome de droit public de La Poste. C’est en effet le seul moyen efficace d’empêcher toute privatisation. Au-delà, nous souhaitons la suppression de toutes les dispositions du projet de loi, car ce texte dans son ensemble remet en cause le service public postal national.
Nous avons déjà eu en commission une discussion sur cet amendement. Nous avions alors proposé à M. Danglot de le rectifier pour le rendre identique à l’amendement n° 579 de M. Retailleau, que nous examinerons ultérieurement.
Si la commission a approuvé la mention du service public national, la référence au statut d’exploitant autonome de droit public rend l’amendement incompatible avec la transformation en société anonyme.
Cet amendement n’ayant pas été rectifié dans le sens souhaité par la commission, celle-ci émet un avis défavorable.
Je partage l’avis de la commission, mais je veux insister, madame Terrade, sur le fait que je suis favorable à l’inscription dans la loi du caractère de service public national de La Poste.
Cela étant, je vous invite à vous rallier à l’amendement n° 579 de M. Retailleau, qui fut d’ailleurs le premier à soulever ce point lors de la réunion de la commission de l’économie du 20 octobre. Un amendement identique a ensuite été déposé par M. Fortassin et certains de ses collègues du groupe du RDSE. Finalement, vous ne faites aujourd’hui que reprendre la proposition de M. Retailleau, …
… en ayant pris soin d’insérer votre amendement avant le sien dans la discussion, ce qui me paraît tout à fait inapproprié.
Notre amendement n’a pas du tout la même portée que celui de M. Retailleau.
L’amendement n° 579, d’abord présenté en commission, vise à réaffirmer le caractère de service public national de La Poste, en garantissant ainsi que cette dernière ne pourra faire l’objet d’une privatisation. Il s’agit de faire en sorte que la transformation en société anonyme ne puisse avoir pour conséquence de remettre en cause le caractère de service public national de La Poste.
Cet amendement a été retiré, car le Gouvernement voulait réfléchir à cette proposition, puis il a été redéposé en séance. M. le ministre, qui a pu vérifier qu’il n’engageait à rien, semble maintenant vouloir le soutenir…
Notre amendement est différent. Tout d’abord, nous demandons le retrait du projet de loi, notamment bien sûr la suppression de son article 1er, qui procède au changement de statut de La Poste. Ensuite, nous souhaitons que le caractère de service public national de cet établissement soit expressément inscrit dans la loi.
De plus, notre amendement vise à préciser que La Poste conserve le statut d’exploitant autonome de droit public, car seul ce statut garantit la pleine maîtrise de l’État et le respect de l’alinéa 9 du Préambule de la Constitution de 1946.
Si la majorité ne vote pas notre amendement au nom de la défense du service public postal, elle le fera sans doute au nom de l’identité nationale, thème qui lui est cher ! En effet, selon les résultats d’un sondage publiés dimanche dernier par le Journal du Dimanche et Le Parisien/Aujourd’hui en France, 60 % des Français placent les services publics parmi les éléments importants qui constituent l’identité de notre pays !
Au nom de la défense des services publics, de la protection des usagers et du respect de l’alinéa 9 du Préambule de la Constitution de 1946, nous vous proposons, mes chers collègues, de voter notre amendement.
Nous sommes favorables à cet amendement, dans la mesure où ses cosignataires ont pris la précaution de bien expliquer qu’ils sont pour le maintien du statut actuel d’exploitant autonome de droit public, tel que prévu par la loi de 1990, statut assimilé à celui d’établissement public à caractère industriel et commercial par un arrêt du Tribunal des conflits et un arrêt du Conseil d’État, datant tous deux de 1998.
Le groupe CRC-SPG précise que cet établissement public à caractère industriel et commercial exploite un service public national au sens du Préambule de la Constitution de 1946. Nous sommes d’accord avec cette rédaction, tandis que celle de l’amendement n° 579 donne à croire que l’on restera dans le cadre du service public national tout en ouvrant la voie à un changement de statut.
Je rappelle d’ailleurs que la SNCF a changé de statut.
Par ailleurs, s’agissant des subventions allouées au transport et à la distribution de la presse écrite, je souligne que c’est bien cette dernière qui est aidée, et non La Poste ! Si demain d’autres opérateurs participaient à la distribution des journaux, ils bénéficieraient du dispositif au même titre que La Poste.
M. Patrice Gélard. En outre, l’État peut subventionner le fonctionnement, mais absolument pas l’investissement : pour cela, il est nécessaire de passer au statut de société anonyme. Sortons de ce dialogue de sourds : si l’on ne va pas dans le sens que je viens d’indiquer, le service public continuera à être assuré par un établissement public industriel et commercial privé de toute possibilité d’évolution !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Nous voulons insister, à propos du statut d’EPIC, sur un point qui nous paraît fondamental.
Nous n’avons jamais parlé d’investissement, mais uniquement de fonctionnement. M. Gélard est d’accord avec nous pour dire que l’État peut continuer à subventionner le fonctionnement de l’EPIC qui assure le service public postal comme il le fait aujourd’hui. Cela ne pose aucun problème.
Si l’État augmentait régulièrement ses subventions, les fonds propres de La Poste seraient bien plus importants qu’ils ne le sont aujourd’hui et il ne serait pas nécessaire de l’aider à financer ses investissements.
Telle est la réalité ! Pour que notre débat soit serein, nous devons être précis et dire la vérité à nos concitoyens, qui suivent nos discussions : oui, il est possible de subventionner le fonctionnement d’un EPIC tel que La Poste, …
M. Didier Guillaume. … et si l’État le fait de façon régulière, année après année, alors les fonds propres de La Poste lui permettront d’investir et de se moderniser.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 13 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 6, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport comportant une étude approfondie sur les conséquences sociales de l'ouverture à la concurrence du secteur public postal est présenté au Parlement avant la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. Bernard Vera.
Notre amendement vise à introduire un préalable indispensable à tout changement de statut de l’entreprise publique La Poste.
Avant l’entrée en vigueur de la loi, nous souhaitons en effet que soit présenté au Parlement un rapport sur les conséquences sociales de l’ouverture partielle du secteur public postal à la concurrence.
Le présent projet de loi tend à conférer à La Poste une nouvelle forme juridique, celle de société anonyme. En dépit des affirmations trompeuses du Gouvernement, selon lesquelles il s’agit de permettre à La Poste de lutter « à armes égales » avec ses concurrents, l’objectif est, à terme, la privatisation. À l’origine de ce texte se trouvent les notions de concurrence et de compétitivité dans un contexte européen, la directive du 20 février 2008 fixant au 31 décembre 2010 l’échéance pour la libéralisation totale des marchés postaux.
Placées sous l’égide du dogme libéral du marché et de l’entreprise privée, ces justifications éludent les conséquences réelles, malheureusement néfastes, de l’ouverture à la concurrence, qui sont pourtant prévisibles au regard de l’expérience européenne actuelle.
Avant l’entrée en vigueur d’une loi libérale, qui aura des répercussions pour tous les usagers de La Poste, il nous semble donc indispensable d’évaluer, par le biais d’une étude ad hoc, l’incidence de la concurrence sur le plan social, afin que puissent être prises en compte les situations problématiques qui ne manqueront pas d’apparaître, mais que le Gouvernement et les élus de la majorité se gardent d’évoquer.
Il est d’ailleurs fort regrettable qu’une telle étude n’ait pas été réalisée avant même l’élaboration du présent projet de loi. En effet, l’impact social de l’ouverture à la concurrence ne concerne pas que les seuls salariés de La Poste, car cette entreprise publique de proximité joue quotidiennement un véritable rôle de lien social auprès de nos concitoyens, qui se matérialise par la distribution du courrier par le facteur et par la présence de ses bureaux dans les zones géographiques isolées.
Ce rapport permettrait aussi de faire la lumière sur les réorganisations et fermetures de services qui ont eu lieu, les suppressions massives d’emplois qualifiés et sous statut, la précarisation de l’emploi, ainsi que sur la dégradation des conditions de travail, qui a pour corollaire la détérioration du service rendu.
Enfin, il contribuera à mettre en évidence, par la mention de faits avérés, que l’ouverture à la concurrence conduit à l’abandon du principe d’égalité et à la structuration du service postal selon des critères de rentabilité financière, la privatisation et la libéralisation dévoyant les missions de service public.
L'amendement n° 7, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 30 décembre 2009, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport sur le bilan de la déréglementation dans le secteur postal. Ce rapport examine l'impact en termes d'emploi, de santé au travail et d'aménagement du territoire de la transposition des directives européennes.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
Depuis plus de vingt ans, l’Europe est devenue, pour les salariés du secteur postal, synonyme de déréglementation et de mise en concurrence. La privatisation de La Poste qui sous-tend ce projet de loi est, à n’en pas douter, l’aboutissement de ce processus.
La Commission européenne a d’abord adopté le Livre vert sur le développement du marché unique des services postaux, qui découle de l’Acte unique européen de 1986. Puis, en février 1994, fut approuvée la résolution du Conseil européen sur le développement des services postaux communautaires. En janvier 1999, conformément à la première directive postale européenne, adoptée en 1997, fut ouverte à la concurrence la distribution des lettres d’un poids supérieur à 350 grammes. Ensuite, en 2002, avec la transposition de la deuxième directive postale, ont été concernés les envois d’un poids supérieur à 100 grammes, le seuil étant encore abaissé à 50 grammes en janvier 2006. Enfin, est prévue pour le 1er janvier 2011 la mise en concurrence de la distribution des lettres de moins de 50 grammes, ce dernier acte de dérégulation résultant, quant à lui, de la troisième directive postale, adoptée en 2008.
On le voit bien, aux trois directives postales ont correspondu trois trains de libéralisation, les commissaires européens, à commencer par M. Barroso, n’ayant qu’une obsession : poursuivre la dérégulation qu’ils avaient entamée avec le secteur des télécommunications.
L’argument est toujours le même : il faut coûte que coûte supprimer les barrières nationales, les protections, et privilégier la mise en concurrence. L’objectif est d’aboutir à une économie libre et non faussée, fonctionnant sans aucune intervention des pouvoirs publics. Et qu’importe si la réduction des prix annoncée n’est pas toujours au rendez-vous ! Natacha Tatu, du Nouvel Observateur, observe, avec raison, que, « à Bruxelles, la dérégulation est devenue une vraie théologie et les fonctionnaires se sont mués en inquisiteurs traquant sans merci les hérétiques subventions et aides publiques ».
Chers collègues de la majorité, à l’heure où vous allez transformer La Poste en société anonyme, en renonçant ainsi au service public postal, nous entendons, pour notre part, mettre en exergue les conséquences de ces politiques pour les salariés, leur santé physique et psychique, ainsi que pour la qualité du service public offert aux Français.
L'amendement n° 362, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement un rapport spécifique sur l'évolution globale de l'emploi et les conditions de travail dans le secteur postal au plus tard le 30 juin 2010 puis tous les deux ans.
La parole est à M. Yannick Botrel.
Cet amendement a pour objet de demander au Gouvernement l’établissement, préalablement à toute entrée en vigueur des dispositions européennes, d’un rapport sur la situation de l’emploi et des conditions de travail dans le secteur postal. Ce rapport sera transmis au Parlement avant le 30 juin 2010, afin que ce dernier ait le temps d’en évaluer, en toute transparence, les conclusions.
Ainsi que le démontrent les expériences menées dans les autres États membres de l’Union européenne, l’ouverture totale à la concurrence aura des conséquences certaines sur l’emploi et les conditions de travail.
Force est de constater que l’ouverture du marché à la concurrence a partout entraîné des réductions d’effectifs chez les opérateurs historiques, des emplois précaires étant créés, parallèlement, chez les nouveaux acteurs. Nous redoutons donc, non sans raisons malheureusement, des conséquences similaires pour le service public postal français.
Certes, le dépôt d’un tel rapport est prévu à l’article 23 de la troisième directive postale. Toutefois, dans la perspective de l’entrée en vigueur des dispositions en question, nous souhaitons pouvoir prendre plus rapidement connaissance de l’état des conditions sociales dans le secteur postal français, puisque, comme l’indique M. le rapporteur, des incertitudes existent quant à l’évolution globale de celui-ci.
Nous espérons que la tradition sociale de La Poste, telle qu’elle est décrite dans le rapport de M. Hérisson, à savoir celle d’une entreprise publique qui « vise à renforcer les emplois stables […] et à réduire significativement le nombre de contrats à durée déterminée », ne soit pas reniée au nom de la réponse à de nouveaux défis et de la conquête de nouveaux marchés.
Pour avoir un service public de qualité, il faut l’adapter aux évolutions technologiques, sans renoncer à investir dans les ressources humaines. C’est à ce prix que La Poste, premier employeur de France après l’État, pourra rester une entreprise « pas comme les autres » !
Par ailleurs, nous souhaitons que la stratégie de Lisbonne, qui consiste notamment « à promouvoir la croissance » et à « créer davantage d’emplois et des emplois de meilleure qualité », selon les termes employés lors du Conseil européen de mars 2005, préside à la transposition de la troisième directive postale, dont nous contestons néanmoins toujours le bien-fondé, ainsi que les objectifs qui la sous-tendent.
L'amendement n° 357, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 30 juin 2010, le Gouvernement soumet au Parlement un rapport sur les conditions de l'application de la directive 97/67/CE modifiée par la directive 2002/39/CE au secteur postal français.
La parole est à M. François Patriat.
Cet amendement, qui s’inscrit dans la même veine que le précédent, vise à assurer au Parlement une information précise et transparente sur les conditions d’application des directives postales européennes, ainsi qu’à prévoir une mission d’évaluation. Cette information ne serait pas un luxe ; elle aurait même dû être un préalable à l’élaboration du projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis.
Depuis la première directive postale de 1997, la Commission européenne a obligation d’élaborer régulièrement des rapports sur l’application des directives postales, rapports qui se fondent sur des études « indépendantes ». À nos yeux, ce dernier point pose problème, car la réalisation de ces études est confiée à des cabinets d’audit dont le travail aboutit invariablement à la même conclusion : il faut restructurer les entreprises et réduire les coûts.
Peut-on confier l’évaluation de l’accomplissement de missions de service public à des cabinets d’audit qui n’ont aucune obligation de prendre en compte les objectifs sociaux, économiques et politiques des traités européens, pas plus que l’exigence de cohésion économique et sociale ou le rôle des services publics ? Ne laissons pas les services publics être traités comme de simples entreprises !
J’ajoute que les conclusions tirées par la Commission européenne sont elles aussi purement idéologiques : comment peut-on accepter que des commissaires européens considèrent que l’organisation d’un service postal universel et le maintien d’un secteur réservé sont un « obstacle juridique » à l’application de « règles du jeu équitables ». Mais oui, cette formulation figure bien dans la troisième directive postale ! C’est un joli euphémisme pour désigner la concurrence organisée par les seules forces des marchés. Nous sommes loin de la concurrence régulée et maîtrisée des services, que chacun ici appelle de ses vœux.
L’évaluation que j’évoquais doit donc être reprise en main à l’échelon politique, comme en témoigne éloquemment la révision de la directive dite Bolkestein, première mouture de la directive relative aux services, révision obtenue grâce à l’implication des parlementaires de toute l’Union européenne.
Les parlementaires des différents États membres seraient parfaitement à même d’effectuer ce travail indispensable. La troisième directive postale impose à la Commission européenne de fournir un nouveau rapport d’évaluation à l’horizon de 2013, échéance qui nous paraît bien tardive. Le dernier rapport, qui date de l’été 2009, n’est pour l’instant disponible qu’en anglais.
Que le Parlement puisse évaluer, indépendamment des études commandées par la Commission européenne, les conséquences réelles de l’application des directives européennes postales déjà en vigueur avant toute éventuelle application de la troisième directive postale nous paraît un minimum. Nous souhaitons une évaluation plus politique que celle des cabinets privés.
L'amendement n° 358, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement tous les deux ans, et pour la première fois au plus tard avant le 30 juin 2010, un rapport sur les tarifications commerciales du secteur postal.
La parole est à M. Martial Bourquin.
Cet amendement vise à établir une véritable transparence des tarifications commerciales du secteur postal, en demandant au Gouvernement la remise d’un rapport sur ce sujet au Parlement.
On peut s’inquiéter des tentations que peut éprouver La Poste de facturer, notamment aux PME, la distribution du courrier à une heure qui était jusqu’à présent considérée comme normale. Selon un journal satirique dont la qualité des enquêtes ne peut être mise en cause, les entreprises devraient désormais payer triple tarif pour recevoir leur courrier avant onze heures du matin, ce qui est pour elles une absolue nécessité.
On n’ose imaginer les conséquences d’une telle politique tarifaire, qui manque totalement de transparence, sur le budget des PME, surtout pour celles d’entre elles qui sont situées dans des zones peu denses et dont l’activité est essentielle pour la vitalité de leur territoire !
Cette tendance ne pourrait être que renforcée par l’application de la logique de la troisième directive postale, dont il nous est proposé de transposer certaines dispositions, et non des moindres.
La mise en question du financement du service postal universel, la fin du secteur réservé et la fixation des prix en fonction des coûts auront des incidences notables sur les tarifs.
Cette situation pourrait d’ailleurs être encore aggravée par l’adoption éventuelle d’une proposition de directive relative à la suppression de l’exonération de la TVA pour les services postaux que la Commission européenne vient de soumettre à nouveau au Conseil. Nous reviendrons plus longuement sur les conséquences d’une telle proposition.
En conclusion, l’augmentation des coûts pèsera lourdement sur les particuliers, mais surtout sur les budgets des petites et moyennes entreprises. Aussi souhaitons-nous que le Parlement puisse étudier de façon régulière les données précises de la facturation réelle des services proposés.
L'amendement n° 363, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard au 1er janvier 2012, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport détaillé examinant l'évolution de l'emploi dans le secteur postal ainsi que celle des tarifs du service public postal depuis l'ouverture totale du marché.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
Cet amendement, qui s’inscrit dans la même logique que les précédents, a pour objet de demander au Gouvernement de transmettre au Parlement un rapport détaillé sur l’évolution de l’emploi dans le secteur postal et des tarifs du service public postal avant l’ouverture totale du marché des services postaux en Europe.
On ne peut que s’inquiéter, en effet, des conséquences de la libéralisation du secteur, que de nombreux exemples en Europe mettent désormais en lumière.
La Confédération européenne des syndicats a elle aussi appelé à une évaluation des conséquences de l’application de la troisième directive postale pour l’emploi et la situation des travailleurs avant que l’on aille plus loin dans cette voie. Elle considère également qu’il est tout à fait contraire aux objectifs du modèle social européen de se borner à remplacer les monopoles publics par des oligopoles privés, au lieu de créer des emplois meilleurs et plus nombreux, et de substituer à des emplois sûrs des emplois précaires assortis d’horaires de travail ne permettant pas de concilier vie professionnelle et vie familiale.
En un mot, l’application de cette troisième directive postale, qui concerne plus de 1, 6 million de salariés, risque d’entraîner des conséquences graves et permanentes pour l’emploi. L’ « optimisation » des ressources humaines au titre de la gestion des coûts du service universel a gagné tous les pays européens qui ont ouvert leur secteur postal à la concurrence. C’est un bel euphémisme, qui masque une réalité pouvant inspirer de grandes inquiétudes.
Ainsi, en Grande-Bretagne, l’équivalent de La Poste a déjà procédé à la suppression de 35 000 emplois, et un second plan de grande ampleur est annoncé. Depuis le 23 octobre dernier, les postiers britanniques sont d’ailleurs en grève. Au nom de la compétitivité, c’est la précarité qui s’installe ! En Belgique, de faibles salaires sont désormais proposés aux jeunes, aux retraités et aux femmes au foyer qui voudraient devenir facteurs de leur quartier, cela afin de limiter le coût de la distribution du courrier. De tels emplois, rémunérés 25 euros bruts par jour, ne sont viables que si on les combine avec une pension de retraite ou des indemnités de chômage : 8 000 ont été proposés, tandis que, parallèlement, 8 000 emplois ont été supprimés en cinq ans !
Au-delà des questions d’emploi et de conditions sociales pour les salariés des services postaux, on constate partout en Europe que les services sont rendus à des prix élevés, à la fois pour les particuliers et pour les entreprises, sans que les prestations fournies se soient pour autant améliorées.
Ces constats inquiétants nous font souhaiter que soit conduite une évaluation objective de toutes les conséquences d’une ouverture plus grande, voire totale, à la concurrence. Par conséquent, nous demandons instamment au Gouvernement la remise d’un tel rapport d’évaluation avant l’entrée en vigueur de la troisième directive postale.
L’amendement n° 6 prévoit la remise au Parlement, avant la promulgation de la présente loi, d’un rapport étudiant les conséquences sociales de l’ouverture à la concurrence du secteur public postal.
Monsieur Danglot, j’ai du mal à comprendre votre proposition. En effet, si cette mesure était adoptée, elle serait, comme toutes les autres dispositions du texte, applicable après la promulgation de la loi. Comment peut-elle donc prévoir la remise d’un rapport avant cette échéance, sauf à remonter dans le temps ?
Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.
Les autres amendements faisant l’objet de la discussion commune visent à prévoir la remise au Parlement de rapports portant sur des sujets divers, parfois dans des délais peu réalistes. La commission est défavorable aux amendements n° 7, 362, 357, 358 et 363.
En toute sincérité, mes chers collègues, combien d’entre nous lisent les rapports dont nous demandons régulièrement la remise en élaborant des textes de loi ?
Même avis que la commission, monsieur le président.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote sur l’amendement n° 6.
Je trouve que la réponse de M. le rapporteur est tout de même un peu légère !
En effet, il nous reproche de prévoir des délais trop courts pour la remise des rapports sollicités, alors que notre amendement n° 363 fixe comme date butoir le 1er janvier 2012 ! Ce n’est quand même pas là une échéance trop rapprochée !
En outre, il me semble normal, et même indispensable, de pouvoir évaluer les conséquences sur l’emploi et sur les tarifs du service public, par exemple, de l’ouverture du secteur postal à la concurrence. Nous sommes les porte-parole des citoyens, notamment des 2, 4 millions d’entre eux qui, voilà un mois, ont voté contre vos propositions, même si vous ne voulez pas l’entendre !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Il nous paraîtrait plus qu’opportun d’étudier les conséquences sociales de la libéralisation et de l’ouverture à la concurrence du secteur postal, en France et dans les autres pays d’Europe. Pourquoi refuser que soient évalués, dans des conditions sérieuses, les effets de cette évolution ? Pourquoi refuser la transparence et la connaissance des faits, sinon pour occulter les conséquences sociales, que l’on sait néfastes, de l’ouverture à la concurrence, fût-elle partielle comme en France : réduction et précarisation des emplois, diminution du nombre des bureaux de poste, restriction des services offerts ? La réalisation d’une telle étude interdirait de les nier
Depuis 2001, La Poste a ainsi perdu 25 000 emplois, et 600 bureaux de poste ont été fermés en 2007. Très concrètement, cela signifie une baisse du nombre de facteurs, et donc un allongement des tournées en zones rurales ou périurbaines. Cela signifie aussi que, pour assurer des missions de service public qui ne sont pas entièrement financées par l’État, La Poste joue sur la qualité de la couverture territoriale, les services aux usagers et les conditions de travail du personnel.
Il est intéressant de noter que, pour la première fois depuis la création de La Poste, on assiste à une baisse du volume du courrier, à hauteur de 3 % en 2008. Or La Poste évalue à 100 millions d’euros par an l’incidence financière d’une baisse de 1 % du volume du courrier.
Dans le contexte actuel d’ouverture à la concurrence, La Poste obéit à une logique de recherche de nouvelles parts de marché, au prix d’une dégradation du service, de la suppression de bureaux de poste et d’emplois !
La réponse qui nous a été faite m’a quelque peu surpris.
Aujourd'hui, on le sait, les PME connaissent de grandes difficultés, souffrent d’une grave pénurie de liquidités : l’année à venir sera très difficile pour elles. Ma question sera simple : comment pourraient-elles, dans ces conditions, payer trois fois plus cher qu’aujourd’hui pour que le courrier leur soit délivré avant onze heures ?
On ne nous répond pas sur le fond, alors que de telles questions le méritent et que l’on nous propose d’avoir un débat solide et sérieux…
Mon explication de vote portera en fait sur l’amendement n° 357.
La troisième directive postale devrait entrer en application à compter du 1er janvier 2011. À ce jour, des études ont été commandées à l’échelon européen pour tenter de mesurer les effets de la mise en œuvre des deux premières directives, mais aucune véritable évaluation de cet ordre n’a été conduite par les administrations françaises.
Avant que la troisième directive postale n’entre en vigueur, il nous semble pourtant absolument indispensable que le Parlement français puisse évaluer, et ce indépendamment des études commandées par la Commission européenne, les conséquences réelles de l’application des deux directives précédentes. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé l’amendement n° 357.
En commission, il nous avait été suggéré d’enrichir le débat et le projet de loi par des amendements, dont M. le ministre a dit qu’il était disposé à les prendre en considération s’ils apportaient quelque chose.
Permettez-moi de vous relire l’amendement n° 362 : « Le Gouvernement présente au Parlement un rapport spécifique sur l’évolution globale de l’emploi et les conditions de travail dans le secteur postal au plus tard le 30 juin 2010, puis tous les deux ans. » Très franchement, je ne vois pas en quoi cet amendement mérite d’être rejeté par la commission. Nous ne demandons rien d’extraordinaire !
De mon point de vue, non seulement il apporte quelque chose, mais, alors que l’on a reproché aujourd’hui à l’opposition de faire de l’obstruction sur un certain nombre de sujets, il contribue à faire avancer le débat sur un point dont l’importance ne doit échapper à personne : il s’agit en effet des ressources humaines d’une grande entreprise, La Poste, et des égards que nous devons à un personnel sur lequel, les uns et les autres, nous ne tarissons pas d’éloges.
Par conséquent, il me semblerait normal de procéder à un inventaire, ce qui nous permettrait ensuite de dresser des bilans d’étape et de prendre la mesure des évolutions à attendre.
Nous sommes tous très attachés au développement économique, et nous voulons que les entreprises puissent traverser ces temps de crise dans les meilleures conditions possibles.
En présentant l’amendement n° 358, M. Bourquin a souligné qu’il n’était pas normal que les entreprises doivent payer deux ou trois fois plus cher pour recevoir leur courrier avant onze heures – courrier qui comprend notamment des commandes. Est-il normal que les entreprises doivent payer deux ou trois fois plus cher pour pouvoir envoyer un devis ou un dossier à un client après l’heure limite de dépôt du courrier, fixée dans certaines zones beaucoup trop tôt dans la journée ?
Or c’est bien là le sujet qui nous intéresse ! En matière de développement économique, la dérégulation du service de distribution du courrier, telle qu’elle est en train de se mettre en place, privera les entreprises d’une part importante de leur réactivité.
C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste a déposé l’amendement n° 357. Il ne s’agit pas de demander un rapport supplémentaire : d’ailleurs, il est bien possible que le Gouvernement commande beaucoup plus de rapports que le Parlement ! Nous voulons simplement pouvoir examiner sereinement la situation, notre objectif étant de maintenir un niveau élevé d’activité économique sur l’ensemble du territoire. Bien sûr, l’aménagement du territoire passe par le maintien de 17 000 points de contact de La Poste, mais il faut également que les entreprises de notre pays puissent continuer à travailler et à communiquer avec leurs clients et leurs partenaires.
Nous souhaitons pouvoir disposer d’un véritable état des lieux du secteur postal en France, avant toute transposition en droit interne de la directive européenne censée être à l’origine du changement de statut juridique de La Poste.
En effet, à l’heure où le Gouvernement voudrait faire franchir à La Poste une étape de plus dans sa conversion en entreprise entièrement commerciale, il est à nos yeux indispensable de dresser un bilan de la déréglementation de ce secteur, et ce de toute urgence : une telle étude d’impact, qui n’a jamais été réalisée, doit être menée dans les meilleurs délais, c’est-à-dire avant le 31 décembre prochain. Il est nécessaire que soient examinées concrètement et minutieusement les incidences de ce changement de structure, notamment en termes d’emploi, de santé des travailleurs et d’aménagement du territoire.
La transformation de l’établissement public industriel et commercial qu’est aujourd’hui La Poste en une société anonyme aura des conséquences très lourdes pour le personnel. Il n’est qu’à voir les problèmes que lui pose déjà la coexistence de deux régimes juridiques différents, avec l’empilement des statuts, les bricolages, les rafistolages auxquels donne lieu la création d’un véritable « ornithorynque juridique », certains personnels, dits les « ni-ni », n’étant ni des salariés de droit privé, ni de véritables fonctionnaires.
Le changement de statut doit également être précédé d’une étude sérieuse visant à mettre en lumière ses conséquences pour la santé au travail des salariés actuels et futurs de La Poste. À l’heure où l’on commence à mesurer l’étendue et la gravité de la souffrance au travail et où des missions parlementaires se constituent sur ces sujets, tandis que l’actualité nous rappelle chaque jour les dégâts humains causés par l’ultralibéralisme, il nous semble indispensable de nous interroger sur ces réalités et de commander un rapport portant notamment sur ces thèmes primordiaux.
Enfin, il convient également de mesurer l’impact de cette réforme sur l’aménagement du territoire, car elle risque d’engendrer une forte réduction de la présence postale.
C’est pourquoi il est selon nous nécessaire que ce rapport soit élaboré par le Gouvernement et adressé aux représentants de la nation avant le 30 décembre prochain.
Mes chers collègues, nous avons adopté l’année dernière une révision constitutionnelle qui a renforcé une mission que nous exercions peu dans le passé, celle de contrôle.
Il nous revient donc d’établir les rapports supplémentaires que certains d’entre vous réclament au Gouvernement : il nous appartient, durant les deux semaines consacrées chaque mois au contrôle sénatorial de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques, de nous atteler à cette tâche.
Par ailleurs, en ce qui concerne l’application des directives européennes, je vous rappelle que les compétences de la commission des affaires européennes ont été accrues. C’est à elle qu’il incombe désormais de nous remettre des rapports sur toutes ces questions.
Effectivement, monsieur Gélard, le contrôle fait partie intégrante de notre activité de parlementaires. Cela étant, encore faut-il pouvoir disposer des moyens de l’exercer. Par conséquent, le fait de prévoir dans la loi la remise par le Gouvernement d’un certain nombre de rapports me semble être une sage précaution.
Certes, M. Hérisson vient de nous avouer qu’il ne lisait pas les rapports. En outre, il a estimé que les dates prévues pour leur remise étaient trop rapprochées.
Quant à vous, monsieur le ministre, vous vous êtes contenté de valider les avis de M. le rapporteur. Au cours de ce débat, vous avez déploré que l’opposition vous fasse un procès d’intention et vous attribue des arrière-pensées que vous n’avez pas. Or vous pourriez très facilement nous prouver que nous sommes injustes avec vous : il vous suffirait de nous dire sur quels points vous êtes d’accord pour faire la transparence, et de quels délais vous avez besoin. Ainsi, si vous jugiez qu’il est matériellement impossible au Gouvernement de remettre pour le 30 juin 2010 certains des rapports que nous demandons, sans doute accepterions-nous de rectifier nos amendements pour repousser l’échéance d’un an. Nous pouvons comprendre que des raisons techniques imposent un tel report.
Par exemple, en ce qui concerne l’évaluation des conséquences de la réforme envisagée sur les conditions de travail, tous les parlementaires sont aujourd’hui confrontés, sur le terrain, au problème du stress au travail dans les entreprises, quel que soit le statut de celles-ci. Cela est tellement vrai que la conférence des présidents de notre assemblée a décidé à l’unanimité, sur l’initiative de Mme la présidente de la commission des affaires sociales, de mettre en place une mission d’enquête sur cette question. En effet, il n’est pas acceptable que le travail puisse conduire certains salariés à perdre la vie.
Par conséquent, monsieur le ministre, appliquez le principe de précaution et acceptez nos propositions. Étudions quelles seront, dans cet avenir que vous prétendez radieux, les conditions de travail des salariés de La Poste. C’est une question qui intéresse tout le monde ! Dites-nous simplement de quel délai vous avez besoin pour réaliser un rapport sur ce thème. J’ajoute que prévoir la remise d’un tel document constituerait aussi un signal adressé à la direction de l’entreprise, qui saurait ainsi que le Parlement examinera de très près les conditions de travail de son personnel. Qui parmi nous pourrait être gêné par la présentation d’un rapport sur l’évolution de celles-ci ? Personne, c’est une question de bon sens ! Nous sommes prêts à prendre en considération, je le répète, d’éventuelles difficultés techniques imposant d’allonger les délais.
Monsieur le rapporteur, votre rejet de nos amendements correspond-il à une position systématique ? Considérez-vous que le texte est parfait, et donc non amendable ? Toutefois, je sais que vous êtes trop averti – ou plutôt affranchi, s’agissant de questions postales !
Sourires.
– pour vous livrer à ce petit jeu. Nous vous offrons en quelque sorte l’occasion de nous démontrer votre bonne foi et votre ouverture d’esprit, vous devriez vous faire une joie de la saisir !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Monsieur Frimat, tout au long de l’examen des 629 amendements ayant été déposés sur ce texte, j’aurai maintes occasions de faire preuve de mon ouverture d’esprit lorsque vos propositions en vaudront la peine ! Dans le cas présent, je ne vois pas l’utilité de ces demandes de rapports, sinon pour faire de l’obstruction !
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Je mets aux voix l'amendement n° 6.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 14 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures cinquante.