Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 23 juin 2011 à 15h00
Bioéthique — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Madame la secrétaire d'État, lors de la première lecture du présent projet de loi, j’avais parlé, et je l’avais fait au nom du groupe socialiste, d’un texte « progressiste, humain et profondément républicain », et c’était avec espoir que nous avions voté en faveur de son adoption.

Aujourd’hui, la situation a changé et, plus que la déception, c’est l’amertume qui domine. Je tiens à dire que nous souscrivons à l’essentiel, pour ne pas dire à la totalité, des propos que vient de tenir M. le rapporteur, Alain Milon.

Le texte adopté par le Sénat en première lecture avait été largement salué comme une avancée significative et conforme à l’évolution de notre société.

En effet, il conciliait à la fois le respect de nos principes éthiques et les évolutions attendues par nos concitoyens, apportant d’ailleurs ce faisant la preuve que le Sénat, si souvent décrié, pouvait se montrer plus progressiste et plus à l’écoute de nos concitoyens que l’Assemblée nationale, du moins telle qu’elle est aujourd’hui composée, n’en déplaise à certains qui avaient tenu à l’égard de notre assemblée des propos particulièrement méprisants à l’issue du vote.

Je regrette amèrement le revirement qui s’est produit en deuxième lecture. Je constate, une fois de plus, que ce sont les forces conservatrices de notre pays qui ont marqué de leur empreinte régressive cette discussion sur la bioéthique et qui ont finalement réussi à imposer leur point de vue, au nom d’une prétendue morale qui reflète, en fait, une vision passéiste de l’enfant, de la famille et de la société tout entière.

Les débats que nous avons eus sur l’assistance médicale à la procréation en sont une parfaite illustration.

J’aurais souhaité que l’on évite les considérations naturalistes, qui conduisent à des jugements moraux subjectifs, et que l’on se concentre plus sur l’intérêt de l’enfant à naître dans une famille aimante, désireuse de l’accueillir et de le mener à l’âge adulte dans les meilleures conditions.

Force est de constater que les motifs qui excluent aujourd’hui les couples homosexuels féminins du droit d’être parents sont fondés moins sur des raisons objectives que sur des préjugés sociaux. L’argument selon lequel il ne saurait exister de « droit à l’enfant » ne sert, en fait, qu’à défendre un modèle familial dominant, ignorant assez largement les évolutions à l’œuvre dans la société française.

À cet égard, je veux saluer la position courageuse prise par la présidente et par le rapporteur de la commission des affaires sociales, qui ont soutenu notre amendement ouvrant l’accès à l’AMP pour tous les couples, y compris les couples de femmes. Je suis sûr que nous y viendrons un jour et je souhaite que ce soit le plus rapidement possible.

Je regrette également la façon dont a été acquis, à quelques voix près, le revirement du Sénat sur la question de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, le Gouvernement mettant la pression sur les sénateurs de la majorité pour qu’ils votent l’article 23 en des termes identiques à celui de l’Assemblée nationale avant la réunion de la commission mixte paritaire où, vous le saviez, madame la secrétaire d'État, votre position aurait été minoritaire.

Cela ne me semble pas très respectueux des droits du Parlement ni même de la liberté de conscience qui devrait être celle de chacun et chacune d’entre nous lors de l’examen de ce genre de texte.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, le principe d’interdiction, dès lors qu’il est assorti d’une exception, ne fournit pas plus de garanties contre les dérives et les abus que ne le ferait un principe d’autorisation. En revanche, une telle attitude envoie un signal négatif à la communauté scientifique internationale, en affichant une défiance préjudiciable à l’égard des chercheurs français.

S’agissant, par ailleurs, de la suppression de l’article 12 ter relatif à l’état civil des enfants nés sans vie, je dois dire que je ne comprends pas, à moins que je ne le comprenne trop bien, l’acharnement du Gouvernement à supprimer chaque fois cette disposition que le Parlement, notamment le Sénat, a déjà votée à plusieurs reprises et qui était également soutenue par « feu » le Médiateur de la République.

Comme mon collègue Jean-Pierre Sueur, également très mobilisé sur ce sujet, j’aurais pu comprendre l’opposition du Gouvernement à de nouvelles mesures, mais il ne s’agit pas de cela.

Les critères de viabilité que nous proposons de retenir n’ont en effet rien de nouveau : ce sont ceux que fixe l’Organisation mondiale de la santé depuis 1977 et ils ont été systématiquement repris par les circulaires françaises de 1993, 2001 et 2008. Ces deux dernières circulaires ont été abrogées afin de tenir compte d’arrêts de la Cour de cassation, laquelle avait alors demandé aux parlementaires de prendre leurs responsabilités…

Mais la circulaire de 1993, elle, est toujours en vigueur. Elle distingue nettement la question de la viabilité médicale de celle des besoins de l’état civil, étant considéré que les seuils sont seulement nécessaires pour l’enregistrement à l’état civil.

Aujourd’hui vous revendiquez une approche purement médicale de la viabilité. Pourquoi ce total changement d’approche ? Madame la secrétaire d'État, vous ne vous êtes jamais expliquée sur ce sujet.

Par ailleurs, il me semble éminemment paradoxal que les conditions de délivrance de l’acte d’enfant sans vie aient donné lieu à un décret d’application, daté du mois d’août 2008, ainsi qu’à une circulaire de treize pages, alors même que cet acte est de nature symbolique et que les conditions d’application du premier alinéa de l’article 79-1 du code civil, qui détermine pourtant la personnalité juridique du fœtus, ne sont, elles, définies nulle part et sont laissées à la totale discrétion des médecins ! C’est incompréhensible et dangereux.

Finalement, le seul point positif à l’issue de cette commission mixte paritaire, c’est le maintien d’une clause de révision de la loi. Cependant, alors que nous avions proposé le délai de cinq ans, la commission mixte paritaire a finalement tranché et retenu celui de sept ans. Une telle échéance me paraît bien lointaine, et j’espère sincèrement que nous n’aurons pas à attendre aussi longtemps !

Dans l’intervalle, soyez assurés que les socialistes, guidés par les principes de laïcité, d’égalité et de solidarité, ainsi que par la volonté d’encourager la recherche au service du plus grand nombre, continueront à se mobiliser pour l’adoption de règles qui permettent de protéger la dignité des êtres humains, tout en soutenant les avancées scientifiques, médicales et sociétales.

Toutefois, avant que ce projet de loi ne soit définitivement adopté, je souhaite, madame la secrétaire d'État, évoquer une dernière fois la question de la gestation pour autrui, la GPA.

Comme je l’ai souligné au cours de la première lecture, c’est ma participation, en 2008, au groupe de travail sur la maternité pour autrui présidé par Michèle André qui m’a convaincu de l’intérêt de légaliser la GPA dans des conditions strictes. Cependant, je comprends tout à fait que l’on puisse y être opposé. Le débat que nous avons eu à ce sujet a d’ailleurs été d’une haute tenue.

En revanche – j’attire particulièrement votre attention, madame la secrétaire d'État –, je ne comprends pas la position du Gouvernement – je n’ose pas dire la vôtre – à l’égard des enfants nés à l’étranger au moyen d’une GPA, qui sont privés d’état civil français et se retrouvent parfois sans mère officielle, voire même apatrides.

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