Intervention de David Assouline

Réunion du 29 mars 2011 à 21h45
Prix du livre numérique — Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Ils nous ressortent donc aujourd'hui le même argument à propos du livre numérique. La Cour de justice de l’Union européenne leur a pourtant donné tort sur le fondement du droit à une politique culturelle soucieuse de préserver la création.

Si l’application du prix unique du livre papier à l’ensemble des éditeurs de la planète distribuant en France est conforme aux textes européens en vigueur, en quoi l’extension de ce principe au livre numérique pourrait-elle constituer une attaque contre les directives instituant le marché européen ? Nous n’avons pas de réponse à cette question !

La proposition des députés contribuera à créer deux types d’entreprises : d’une part, les entreprises nationales, qui seront soumises à un prix unique du livre numérique, d’autre part, les entreprises étrangères, qui pourront agir comme bon leur semblera. En d’autres termes, le texte voté par l’Assemblée nationale donnera lieu à une distorsion de concurrence entre entreprises puisque toutes ne seront pas soumises aux mêmes règles.

Il s’agit là, paradoxalement, d’une attaque réelle du principe de concurrence libre et non faussée, principe pourtant défendu par l’Union européenne, et dont je ne suis du reste pas le plus ardent défenseur. En suivant cette logique, la concurrence serait en effet complètement faussée !

Amazon est du reste assez mal placé pour donner des leçons de concurrence à qui que ce soit. Bien loin d’être un acteur d’un marché ouvert, la plateforme britannique constitue la parfaite illustration d’un circuit fermé où les différentes activités sont concentrées au sein d’un même groupe, au détriment de la diversité de l’offre et du maintien des différents métiers de l’édition. Ainsi le groupe possède-t-il sa propre tablette de lecture numérique, le fameux Kindle. De fait, et tout utilisateur vous le confirmera, mes chers collègues, les fichiers Amazon ne peuvent être lus que sur PC, grâce à un logiciel Amazon, ou, depuis peu, sur iPhone.

En d’autres termes, Amazon verrouille son marché. Que cette entreprise ne vienne donc pas nous dire que nous ne sommes pas pour la libre concurrence !

À trop vouloir défendre le principe de libre concurrence, les députés n’ont pas vu qu’ils créaient une situation ubuesque, où la concurrence serait mise à mal. Le président de la Fnac, Alexandre Bompard, ne s’y est d’ailleurs pas trompé, qui a estimé qu’une loi visant uniquement les entreprises nationales entraînerait immanquablement leur disparition puisqu’elles ne pourraient faire face efficacement aux offres des compagnies étrangères, déjà en position dominante sur le marché.

Affaiblir nos entreprises et renforcer la concurrence déloyale : tel est le résultat annoncé d’une mesure dont les députés n’ont peut-être pas mesuré les effets.

Je tiens donc à saluer le fait que Mme le rapporteur maintienne les dispositions adoptées par le Sénat en première lecture. J’espère qu’un dialogue avec l’Assemblée nationale nous permettra de convaincre nos collègues députés que le Sénat peut parfois avoir raison avant eux !

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