Séance en hémicycle du 29 mars 2011 à 21h45

Résumé de la séance

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  • culturel
  • diversité
  • d’auteur
  • numérique
  • éditeur

La séance

Source

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Bernard Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 25 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009, relative à la lutte contre la fracture numérique, le rapport sur le fossé numérique en France.

Il a été transmis à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ainsi qu’à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Acte est donné du dépôt de ce document, qui sera disponible au bureau de la distribution.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative au prix du livre numérique (proposition n° 309, texte de la commission n° 340, rapport n° 339).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, cher Jacques Legendre, madame le rapporteur, chère Colette Mélot, mesdames, messieurs les sénateurs, nous célébrerons en cette année 2011 les trente ans de la loi du 10 août 1981, cette loi qui a créé le prix unique du livre et à propos de laquelle le célèbre éditeur Jérôme Lindon, l’un de ses premiers et courageux défenseurs, souligna à fort juste titre que, si elle ne traitait certes d’une question juridique ou économique, elle était avant tout « affaire de civilisation ».

Nous savons à quel point cette régulation a contribué à préserver la diversité culturelle et la créativité éditoriale, tout en accompagnant la croissance quasi continue du marché du livre français depuis trente ans.

Nous savons le rôle joué par cette loi pour permettre à tous les réseaux de vente au détail de coexister, en premier lieu les 3 500 librairies indépendantes.

Nous savons aussi que le prix fixe du livre – je crois utile de le rappeler dans le contexte actuel – est favorable au consommateur, que je préfère nettement, pour ma part, appeler « lecteur ».

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Disposer d’une offre riche et variée et non d’un choix standardisé, réduit à quelques best-sellers, quelle que soit leur qualité : voilà l’intérêt du lecteur ! Et ce d’autant que la loi Lang de 1981, loi fondatrice pour la régulation des industries culturelles, qui a inspiré près de la moitié des pays de l’Union européenne, n’a pas eu d’effets inflationnistes, qu’elle s’est révélée compatible avec une large gamme de tarifs. Ainsi, le prix d’un livre de poche est-il en moyenne de 6 euros.

Notre responsabilité collective est à présent de faire vivre cette loi de civilisation à l’heure du numérique.

Je tiens par conséquent à saluer l’attention soutenue que la représentation nationale, notamment au sein de la Haute Assemblée, porte à un tel enjeu. La proposition de loi relative au prix du livre numérique, dont Mme Catherine Dumas et M le président Legendre ont eu l’initiative, nous fournit l’occasion de définir le cadre de régulation indispensable pour accompagner la chaîne du livre dans un processus de transformation sans précédent depuis l’invention de l’imprimerie par Gutenberg, il y a cinq siècles.

J’ai effectué, au début du mois, un déplacement aux États-Unis riche de bien des enseignements sur la formidable transformation dans laquelle nous sommes engagés. J’en retiens notamment les effets dévastateurs d’une concurrence sauvage sur le marché du livre numérique, illustrée par la terrible guerre des prix que se sont livrés les principaux réseaux de vente de livres numériques aux États-Unis en 2009-2010 et qui a vu certains opérateurs pratiquer de considérables rabais, voire des ventes à perte – un véritable dumping – sur les meilleures ventes, au détriment des équilibres de l’ensemble de la chaîne du livre.

Mais l’effort de régulation et de structuration du marché entrepris récemment aux États-Unis mérite aussi d’être souligné. Comme vous le savez, depuis 2010, les plus grands éditeurs américains ont obtenu le passage au système du contrat d’agence, où l’éditeur contrôle son prix, avec l’appui notable de Google et d’Apple. Contrairement aux prédictions alarmistes, ce changement de modèle économique n’a entraîné aucun fléchissement du marché, lequel, bien au contraire, a continué sa croissance soutenue.

Dans ce contexte, il est clair que l’objectif qui consiste à préserver la diversité éditoriale en prenant appui sur un riche réseau de détaillants reste pleinement d’actualité à l’heure du numérique. S’il est normal que l’arrivée du numérique s’accompagne de transferts de valeur à l’avantage d’acteurs nouveaux, nous devons veiller à ce que cette transformation n’aboutisse pas à une baisse globale de la valeur produite, comme ce fut le cas pour la musique. Il convient d’éviter que des acteurs en position de force n’imposent des conditions défavorables à toute la chaîne du livre.

Il convient aussi de défendre, à l’heure du numérique, le rôle essentiel de médiateur culturel joué par les libraires pour qui le livre ne se réduit pas à un produit d’appel.

Dans ces conditions, une régulation est plus que jamais nécessaire. Il nous faut naturellement l’adapter à la réalité de ce nouveau marché, notamment en la ciblant sur le livre « homothétique », lequel devrait représenter l’essentiel du marché du livre numérique dans les quatre ou cinq prochaines années. Cependant, l’intervention de cette régulation à un stade précoce est la meilleure garantie pour que le développement du marché s’effectue dans des conditions harmonieuses, sans captation de la valeur par des acteurs dominants.

J’ajoute qu’il est tout à fait normal, et même tout à fait souhaitable, que les éditeurs soient en mesure de contrôler la valeur du livre, quel que soit, j’y insiste, le lieu d’implantation du diffuseur. Afin d’assurer la cohérence du dispositif proposé, en évitant les risques de contournement, ce principe doit s’appliquer à l’ensemble des ventes de livres numériques effectuées en France. Je rejoins donc entièrement l’objectif suivant lequel les distributeurs établis en France doivent pouvoir jouer à armes égales avec ceux qui sont établis hors de nos frontières. Il serait en effet paradoxal que certaines plateformes de distribution de livres numériques échappent à une régulation de cette nature lorsqu’elles s’adressent à des lecteurs français.

Il est toutefois parfaitement légitime qu’il y ait un débat, y compris entre les deux chambres, sur la meilleure stratégie à retenir pour atteindre cet objectif partagé par l’ensemble de la filière. Nous savons que le contrat de mandat a pour effet de restreindre l’autonomie du détaillant et donc le rôle de médiation culturelle des libraires. Malgré cet inconvénient, ce modèle a fait ses preuves, notamment aux États-Unis, à l’égard des grands opérateurs de l’internet.

Par ailleurs, comme vous le savez, ce sujet est suivi avec une grande attention par la Commission européenne, qui a rendu deux avis très réservés sur la proposition de loi française. Nous devons donc avoir conscience des interrogations sérieuses que l’approche développée ici soulève du côté de Bruxelles.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement entend poursuivre le dialogue entamé depuis plusieurs mois déjà avec les institutions européennes. Attentif aux remarques et aux interrogations légitimes de la Commission européenne, le Gouvernement fera valoir en particulier, par une analyse juridique et microéconomique très rigoureuse, que la loi instaurant un prix unique du livre numérique répond à un enjeu crucial de diversité culturelle. La préservation de la diversité culturelle, consacrée non seulement par la convention de l’UNESCO, mais aussi par les traités et la jurisprudence européenne, est un principe cardinal, …

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

… auquel il nous faut donner toute sa portée à l’heure du numérique.

À l’image du conseil Culture informel auquel je me suis rendu ce lundi en Hongrie, je défendrai avec force l’idée que, dans l’univers physique comme sur Internet, le livre demeure un objet culturel singulier, irréductible à sa seule dimension commerciale.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Sans me prononcer sur le fond de la procédure d’enquête récemment engagée par la Commission, je ne manquerai pas, dans le cadre de ce dialogue, de souligner, à tout le moins, mon étonnement devant la disproportion des moyens employés, alors que le marché du livre numérique est tout juste naissant. Cette initiative a pu être perçue comme une manifestation d’hostilité sans précédent à l’égard d’acteurs majeurs du monde culturel. Je comprends ce sentiment. Éditer la Pléiade, Milan Kundera, Umberto Eco ou Günter Grass, ce n’est pas comme vendre des voitures trafiquées !

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

N’oublions pas que le socle de la civilisation européenne, c’est sa capacité de marier l’écrit au génie de la diversité.

Je n’accepte donc pas l’idée que les grands supermarchés numériques, étrangers à toute préoccupation de diversité éditoriale et de rémunération de la création, soient le seul visage du marché intérieur culturel.

Dans ce prétendu paradis du consommateur, qui découvrira les Julien Gracq de demain, qui les fera partager ? Je rappelle que Julien Gracq resta fidèle toute sa vie à un modeste éditeur installé tout près d’ici, José Corti. N’oublions pas que les découvertes sont le plus souvent le fait de libraires et d’éditeurs indépendants, les grands réseaux, y compris numériques, ne faisant qu’amplifier le mouvement une fois qu’il est lancé.

Au marché dérégulé qui, en vertu d’une vision très abstraite de l’intérêt du consommateur, fait le jeu de certains acteurs à prétentions hégémoniques, pour lesquels le livre n’est qu’un produit d’appel, l’Europe se doit de préférer le développement équilibré de l’« écosystème » des industries créatives et le soutien à la compétitivité des acteurs industriels européens, ce qui passe aussi par une TVA à taux réduit pour le livre numérique, à l’instauration de laquelle je m’emploie sans relâche.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi examinée ce soir ne créera pas les conditions d’une économie de rente pour certains acteurs mais celles du développement d’une offre légale abondante, attractive pour le lecteur, tout en préservant une assiette stable de rémunération pour les ayants droit, en particulier les auteurs, qui doivent pleinement bénéficier de cette « nouvelle frontière » du monde de l’édition.

Je regrette donc que les discussions entreprises depuis plusieurs mois entre auteurs et éditeurs aient été interrompues à l’orée du Salon du livre, alors que d’importantes avancées paraissaient à portée de main. Il n’est pas interdit de se demander, à cet égard, si la loi ne devrait pas sanctionner très vite les résultats les plus solides de ces discussions. Je pense aux avancées les plus susceptibles d’enrichir notre code de la propriété intellectuelle, lequel, s’il mérite d’être adapté au monde numérique, ne peut l’être qu’après une instruction rigoureuse par les pouvoirs publics. Dans tous les cas, j’invite les parties à reprendre leurs discussions et leurs négociations le plus rapidement possible.

Bien entendu, cette proposition de loi trouve sa place – éminente – dans la stratégie globale sur le livre numérique mise en œuvre par le Gouvernement, et dont vous connaissez les grands axes.

« Quand on proclama que la Bibliothèque comprenait tous les livres, la première réaction fut un bonheur extravagant. Tous les hommes se sentirent maîtres d’un trésor intact et secret ». Certes, nous sommes encore loin de l’utopie babélienne explorée par Jorge Luis Borges. Il reste que, vous le savez cependant, la France est le seul pays d’Europe à avoir mis en place un système de financement ambitieux de numérisation des livres, d’un montant de 10 millions d’euros par an, qui a permis de numériser, d’une part, les fonds patrimoniaux de la Bibliothèque nationale de France – plus de 1, 2 million de documents sont à ce jour disponibles dans Gallica –, d’autre part, les catalogues papier « vivants » des éditeurs, soit à ce jour un total de 600 000 titres.

J’ai également eu le plaisir de signer, il y a quelques semaines, avec René Ricol, commissaire général à l’investissement, et les professionnels concernés un accord-cadre de portée historique, qui permettra la numérisation de 500 000 livres du XXe siècle indisponibles dans les librairies, compte tenu notamment de la difficulté de réactualiser les contrats de manière simple pour les éditeurs.

Alors que, aux Etats-Unis, la justice vient de rejeter le projet d’accord entre Google et les auteurs et éditeurs américains concernant l’exploitation de plusieurs millions d’œuvres protégées, la stratégie ainsi mise en œuvre en France par le ministère et les professionnels français du livre pour favoriser la diffusion des œuvres dans l’univers numérique tout en respectant le droit d’auteur se trouve, de ce fait, pleinement confortée.

Outre l’action en faveur de la lecture, en lien avec les bibliothèques et les médiathèques de nos territoires, à travers les quatorze propositions de mon « plan lecture », et le soutien à près de 500 libraires indépendants, à travers le label « librairie indépendante de référence », j’ai placé l’adaptation de la librairie traditionnelle au numérique au cœur de mes priorités.

Je m’attache ainsi à soutenir, via le Centre national du livre, le projet « 1001libraires.com », qui entend fédérer, sur Internet, l’offre du plus grand nombre de libraires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, à l’heure du « capitalisme cognitif » et des formidables transformations liées au numérique, l’adaptation de l’écosystème du livre doit être accompagnée par les pouvoirs publics, à travers une régulation efficace, proportionnée, garante de la diversité culturelle.

La proposition de loi examinée ce soir, cette « loi de développement durable du livre numérique », répond à une telle exigence. Elle recueille donc mon plein soutien.

Transposant à l’univers numérique, moyennant les adaptations nécessaires, les principes vertueux de la loi Lang, ce texte constitue une contribution essentielle à la construction civilisée du marché du livre numérique que, tous, nous appelons de nos vœux.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, de l ’ Union centriste, du RDSE et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la navette législative se poursuit donc sur cette importante proposition de loi, qu’avaient déposée le président de notre commission, Jacques Legendre, et notre collègue Catherine Dumas.

Je vous rappelle qu’il s’agit d’accompagner la mutation du secteur du livre, caractérisée par l’émergence du livre numérique. En effet, l’ensemble des filières culturelles sont désormais concernées par ces véritables révolutions des modes de création, de diffusion et de « consommation » – je suis d’accord pour considérer que le terme n’est guère approprié – des biens culturels avec Internet et avec le développement du processus de dématérialisation qu’il entraîne.

Voilà quelques jours, pour son trentième anniversaire, le Salon du livre a réuni à Paris 180 000 visiteurs en quatre jours ! Le succès de cette manifestation, qui est la grande occasion annuelle d’échanges entre les professionnels et le grand public ne se dément pas, preuve de la vitalité de ce secteur culturel. Parallèlement, le Salon permet de débattre des évolutions en cours.

Ainsi, pour la quatrième année consécutive, le Salon du livre a présenté un espace consacré à l’édition numérique et à la lecture sur supports mobiles, ses organisateurs affirmant que « désormais, la question n’est plus de savoir si le livre sera ou non numérique, mais bel et bien d’en saisir concrètement toutes les opportunités et les enjeux ».

C’est parce que les parlementaires en sont parfaitement conscients qu’ils souhaitent adopter une régulation adaptée de ce nouveau marché. Il s’agit d’encourager le développement de l’offre légale de livres numériques, d’accompagner et d’encadrer sa montée en puissance, tout en favorisant la concrétisation des objectifs suivants : tout d’abord, promouvoir la diversité culturelle et linguistique, notamment en application de la convention de l’UNESCO, ce qui suppose le maintien de la richesse de l’offre éditoriale et de sa mise en valeur à l’égard des lecteurs ; ensuite, respecter une concurrence loyale, non susceptible de conduire à une concentration excessive du marché de la librairie numérique, étant entendu que, à cette fin, les libraires physiques, qui contribuent au maillage culturel de notre territoire et doivent pouvoir aussi exister dans des conditions viables sur ce nouveau marché ; enfin, je citerai, bien entendu, l’objectif relatif au respect du droit d’auteur.

La propriété intellectuelle étant appelée à demeurer la clef de voûte de l’édition, les éditeurs doivent conserver un rôle central dans la détermination des prix, comme le prévoit le texte, qui applique ce principe au livre numérique dit « homothétique ». Nous savons tous que d’autres types d’œuvres numériques fleuriront, mais les règles de concurrence ne semblent pas permettre, à ce stade, de les viser.

Je vous rappelle que ce texte, adopté en première lecture par le Sénat le 26 octobre 2010, a été examiné par l’Assemblée nationale le 15 février dernier.

L’Assemblée nationale a adopté des modifications de portée rédactionnelle à l’article 1er, qui définit le livre numérique et le champ d’application de la loi, ainsi qu’à l’article 5, qui régit les relations commerciales entre éditeurs et détaillants.

Elle a adopté conformes l’article 4, relatif aux ventes à primes, l’article 6, traitant des sanctions, et l’article8, qui prévoit les modalités d’application du texte outre-mer.

À l’article 2, relatif au principe de fixation du prix de vente par l’éditeur, elle est revenue à la rédaction initiale du premier alinéa, c’est-à-dire à l’application du texte aux seuls éditeurs établis en France – j’y reviendrai tout à l’heure.

Toujours à l’article 2, elle a en outre introduit un dispositif consensuel qui n’avait pas pu être trouvé avec les professionnels lors de notre première lecture, afin d’instituer une exception au principe de la fixation du prix de vente par l’éditeur, exception applicable aux seuls livres numériques intégrés dans des offres composites spécifiques destinées à un usage collectif et dans un but de recherche ou d’enseignement supérieur. Notre commission a adopté cette disposition qui concerne notamment les éditeurs scientifiques.

À l’article 3, qui impose au libraire de respecter le prix de vente fixé par l’éditeur, les députés sont revenus au texte initial de la proposition de loi, en ne visant que les libraires établis en France, alors que, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Leleux, nous avions décidé à l’unanimité que la pleine efficacité du dispositif supposait son application à l’ensemble des libraires exerçant leur activité sur le territoire national.

Par ailleurs, nos collègues députés ont complété l’article 7, qui institue un rapport annuel au Parlement, en prévoyant la constitution d’un comité de suivi et un développement spécifique dudit rapport sur le droit d’auteur. Il s’agit là d’une faible contrepartie à la suppression de l’article 5 bis, article que nous avions adopté à l’unanimité, sur l’initiative de notre collègue David Assouline, en vue de garantir une rémunération des auteurs tenant compte de l’économie résultant du recours à l’édition numérique.

Enfin, l’Assemblée nationale a introduit un article 9, en adoptant deux amendements identiques de son rapporteur, M. Hervé Gaymard, et du groupe socialiste. Il s’agit d’une validation législative en faveur du mécénat culturel. Cette disposition concerne un permis de construire dans l’enceinte du Jardin d’acclimatation, à Paris, afin de permettre la poursuite de la construction du musée d’art contemporain édifié par une fondation d’entreprise. En effet, le motif d’annulation de ce permis de construire tient exclusivement à ce qu’une simple allée intérieure du jardin a été, bien que n’étant ni routière ni circulante, considérée comme une « voie », ce qu’elle n’est pas au sens des règlements d’urbanisme.

Je précise que, outre son caractère d’intérêt général, cet article est conforme aux exigences posées par le Conseil constitutionnel en matière de validations législatives.

Depuis notre premier examen du texte, deux événements sont intervenus : les avis circonstanciés de la Commission européenne, à la suite des notifications, par le Gouvernement, de la proposition de loi initiale, puis du texte voté par le Sénat, ainsi que l’opération conduite chez certains éditeurs par les autorités européenne et française de la concurrence pour vérifier que leurs pratiques ne sont pas susceptibles de relever d’une entente. Cette démarche illustre la brutalité des rapports de force sur le marché des œuvres culturelles numériques, en particulier de la part de l’oligopole américain constitué d’Amazon, d’Apple et de Google, avec des méthodes trop souvent prédatrices.

La Commission européenne a émis des réserves dans ses deux avis, donc sur les deux textes évoqués. Elle conclut de ses analyses que la proposition de loi pourrait restreindre la liberté d’établissement et la libre prestation de services, et qu’elle pourrait également être incompatible avec certaines dispositions de la directive Services et de la directive relative à l’e-commerce. Elle ajoute que, dans la mesure où un objectif de diversité culturelle serait susceptible de justifier l’une des restrictions de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services potentiellement imposées par la proposition de loi, ces restrictions ne semblent pas appropriées pour atteindre des objectifs de diversité culturelle et ne sont pas proportionnelles à ces objectifs.

Nous avons cependant relevé que la Commission européenne n’avait pas « fermé la porte ». Elle a émis des réserves certes fortes, mais elle a aussi posé au Gouvernement français une série de questions, certaines d’ordre général, d’autres relatives au droit de la concurrence : les réponses que nous y apporterons devraient toutefois permettre de lever ces réserves. Cela suppose un volontarisme politique déterminé à la fois du Parlement et du Gouvernement, ainsi qu’une présentation complète et claire des objectifs du texte, de même que l’apport des preuves et « éclaircissements » attendus par la Commission sur les différents point relevés, en particulier pour justifier le respect des principes de l’adéquation et de la proportionnalité entre les objectifs de la proposition de loi et les moyens choisis pour les atteindre.

Les points de divergence avec nos collègues députés recouvrent deux questions.

La première est celle de l’adoption ou non d’une clause d’extraterritorialité concernant les éditeurs de livres numériques, d’une part, à l’article 2, et les libraires, d’autre part, à l’article 3. À cet égard, la commission a rétabli les dispositions votées à l’unanimité par le Sénat en première lecture sur proposition de notre collègue Jean-Pierre Leleux.

La seconde question concerne le droit d’auteur, en raison de la suppression par l’Assemblée nationale de l’article 5 bis, que nous avions introduit sur proposition de notre collègue David Assouline. La commission a également rétabli cet article afin de mieux encadrer les négociations entre éditeurs et auteurs, ces derniers étant souvent dans un rapport de force défavorable pour obtenir une rémunération équitable en cas d’exploitation numérique de leur œuvre.

Le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national de l’édition ont engagé des négociations interprofessionnelles voilà quelques mois. S’ils ont obtenu certaines avancées, dont on peut se féliciter, il semble en revanche qu’ils ne soient pas parvenus à un accord sur des sujets majeurs, tels que la durée du contrat et les conditions de rémunération. Un cadrage par le législateur reste donc d’actualité.

Je vous propose, mes chers collègues, de suivre la commission, qui a travaillé dans un esprit très constructif, au service de l’efficacité et du pragmatisme. J’en remercie tous mes collègues, en particulier notre président, Jacques Legendre, que ce sujet passionne également.

Comme nous l’avons encore constaté à l’occasion de la table ronde que nous avons organisée le 9 mars dernier avec différents acteurs de la filière, ce texte est très attendu par les professionnels.

Il s’inscrit dans un ensemble de réflexions et, en quelque sorte, de combats en faveur de l’écrit et de sa diffusion, les technologies numériques devant se développer dans des conditions telles qu’elles représentent une opportunité plutôt qu’une menace pour les acteurs et pour la diversité culturelle, et donc aussi pour les lecteurs. Je pense en particulier à l’alignement de la TVA applicable au livre numérique sur celle du livre papier, mais aussi aux œuvres orphelines ou encore au débat plus général sur l’harmonisation des niveaux d’impôt sur les sociétés au sein de l’Union européenne.

Notre mobilisation en faveur du secteur du livre ne faiblira donc pas dans les mois à venir et je suis convaincue, monsieur le ministre, que le Gouvernement aura également à cœur de sensibiliser tant les institutions européennes que les autres États membres sur la nécessité d’appréhender au mieux les intérêts de l’Europe dans ces domaines.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – Mme Françoise Laborde et M. David Assouline applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

« La diffusion du livre connaît depuis quelques années une mutation commerciale dont les conséquences sont loin d’être neutres sur le plan culturel ». « La vente du livre a vu apparaître et se développer au fil des ans de nouvelles formes de distribution, lesquelles ont engendré une concurrence très vive, qui a porté parfois atteinte à tout un ensemble d’ouvrages de grande valeur. »

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce sont là les propos prononcés par Jack Lang alors qu’il défendait la loi sur le prix unique du livre : ils n’ont rien perdu de leur actualité. Cette loi, qui non seulement n’est en rien contestée, mais qui continue d’être saluée – elle l’a encore été par M. le ministre tout à l’heure –, trente ans après son adoption, se révèle chaque jour comme un grand succès.

Le marché du livre est loin d’être anecdotique, comme en témoigne l’affluence au Salon du livre. Il représente aujourd'hui 5 milliards d’euros. Il est donc apparu nécessaire de légiférer, car la révolution numérique s’effectue jusqu’à présent dans un vide législatif.

Même si le livre numérique n’est pour l’instant qu’un épiphénomène – il ne constitue que 1 % du marché, ce qui n’est au demeurant pas si mal –, il est appelé à se développer, comme le montre notamment l’exemple du marché américain, où il représente 10 % des ventes. Il était donc nécessaire, pour défendre le principe du prix unique du livre, d’adapter la fameuse loi de 1981 au livre numérique. Une telle adaptation n’est pas si simple : il ne suffit pas de remplacer, dans le texte, le mot : « livre » par les mots : « livre numérique ».

Deux sujets donnent lieu à des divergences de points de vue avec l’Assemblée nationale : nous ne sommes pas d’accord avec la façon dont elle les appréhende.

Nous le savons, le numérique ne connaît pas de frontières. Il nous faut tenir compte de cette donnée et, sans qu’il soit question de nous replier frileusement sur nous-mêmes, défendre la culture, qui n’est pas une marchandise comme les autres. Il nous faut donc de nouveau légiférer aussi sur ce point.

Cependant, je trouve particulièrement important que la question globale fasse l’objet d’un consensus politique, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. Cela va donner de la force à nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Néanmoins, je l’ai dit, deux points – les auteurs et l’extraterritorialité – ne font pas l’objet d’un consensus.

Paradoxalement, la ligne de partage se situe non pas entre la droite et la gauche, mais entre l’ensemble des familles politiques du Sénat et, disons-le clairement, le groupe UMP de l’Assemblée nationale, qui porte une appréciation différente de la nôtre sur ces questions. Je ne comprends pas pourquoi ! Non que les députés de l’UMP ne voient pas les problèmes, mais ils pensent que nos solutions pour les résoudre sont dangereuses.

L’Assemblée nationale est en effet revenue sur deux propositions que nous considérons, avec la majorité sénatoriale, comme essentielles. Au risque de voir notre relation avec l’Assemblée nationale devenir conflictuelle, nous estimons nécessaire de les réinscrire dans la proposition de loi, car ces deux dispositions constitueraient une réelle avancée. Leur suppression réduirait la portée novatrice de ce texte et son importance. Il est rare que des dispositions fassent ici, au Sénat, l’objet d’un tel consensus, comme l’a rappelé Mme le rapporteur.

Les députés ont refusé que les dispositions du présent texte puissent s’appliquer aux plateformes de distribution du livre numérique situées en dehors du territoire national. En clair, ni Amazon ni Apple ne seraient concernés par les mesures que nous prenons ensemble alors qu’ils constituent, à l’échelon mondial, les plus gros fournisseurs de contenus numériques.

Autrement dit, si le dispositif que nous proposons ne devait viser que les entreprises françaises, il ne ciblerait qu’une infime partie du secteur. La loi serait caduque dans son principe ! Elle serait même dangereuse, car elle imposerait aux entreprises françaises des contraintes que les autres n’auraient pas ! En fait, il ne faudrait pas légiférer du tout – ce n’est évidemment pas ce que je souhaite – afin que ces entreprises puissent s’adapter et disposer des mêmes armes que leurs concurrents étrangers.

À partir du moment où nous légiférons, nous devons absolument apporter une réponse à cette question afin de ne pas prendre le risque de dégrader la situation des entreprises françaises en voulant bien faire.

Je suis pour le moins surpris par l’argument selon lequel les directives européennes s’opposeraient à une telle extension parce qu’elle constituerait un moyen de porter atteinte au principe de libre concurrence et de créer des entraves protectionnistes.

Je signale pour mémoire que le prix unique du livre a déjà fait l’objet d’attaques dans le passé, de la part des libéraux de tout poil, qui estimaient déjà qu’il constituait un obstacle à la libre concurrence et qu’il était, de ce fait, contraire aux directives européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ils nous ressortent donc aujourd'hui le même argument à propos du livre numérique. La Cour de justice de l’Union européenne leur a pourtant donné tort sur le fondement du droit à une politique culturelle soucieuse de préserver la création.

Si l’application du prix unique du livre papier à l’ensemble des éditeurs de la planète distribuant en France est conforme aux textes européens en vigueur, en quoi l’extension de ce principe au livre numérique pourrait-elle constituer une attaque contre les directives instituant le marché européen ? Nous n’avons pas de réponse à cette question !

La proposition des députés contribuera à créer deux types d’entreprises : d’une part, les entreprises nationales, qui seront soumises à un prix unique du livre numérique, d’autre part, les entreprises étrangères, qui pourront agir comme bon leur semblera. En d’autres termes, le texte voté par l’Assemblée nationale donnera lieu à une distorsion de concurrence entre entreprises puisque toutes ne seront pas soumises aux mêmes règles.

Il s’agit là, paradoxalement, d’une attaque réelle du principe de concurrence libre et non faussée, principe pourtant défendu par l’Union européenne, et dont je ne suis du reste pas le plus ardent défenseur. En suivant cette logique, la concurrence serait en effet complètement faussée !

Amazon est du reste assez mal placé pour donner des leçons de concurrence à qui que ce soit. Bien loin d’être un acteur d’un marché ouvert, la plateforme britannique constitue la parfaite illustration d’un circuit fermé où les différentes activités sont concentrées au sein d’un même groupe, au détriment de la diversité de l’offre et du maintien des différents métiers de l’édition. Ainsi le groupe possède-t-il sa propre tablette de lecture numérique, le fameux Kindle. De fait, et tout utilisateur vous le confirmera, mes chers collègues, les fichiers Amazon ne peuvent être lus que sur PC, grâce à un logiciel Amazon, ou, depuis peu, sur iPhone.

En d’autres termes, Amazon verrouille son marché. Que cette entreprise ne vienne donc pas nous dire que nous ne sommes pas pour la libre concurrence !

À trop vouloir défendre le principe de libre concurrence, les députés n’ont pas vu qu’ils créaient une situation ubuesque, où la concurrence serait mise à mal. Le président de la Fnac, Alexandre Bompard, ne s’y est d’ailleurs pas trompé, qui a estimé qu’une loi visant uniquement les entreprises nationales entraînerait immanquablement leur disparition puisqu’elles ne pourraient faire face efficacement aux offres des compagnies étrangères, déjà en position dominante sur le marché.

Affaiblir nos entreprises et renforcer la concurrence déloyale : tel est le résultat annoncé d’une mesure dont les députés n’ont peut-être pas mesuré les effets.

Je tiens donc à saluer le fait que Mme le rapporteur maintienne les dispositions adoptées par le Sénat en première lecture. J’espère qu’un dialogue avec l’Assemblée nationale nous permettra de convaincre nos collègues députés que le Sénat peut parfois avoir raison avant eux !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je n’ai plus le temps d’évoquer la question des auteurs, mais je dirai que je suis très heureux de voir les dispositions que j’ai proposées en première lecture réintégrées dans le texte de la commission.

Sachant que l’offre numérique permettra de réaliser des économies et que la manne globale ainsi dégagée retombera sur l’ensemble de la chaîne de l’édition, il serait absolument incompréhensible que les auteurs ne puissent pas bénéficier d’une rémunération juste et équitable. J’ai trop entendu, dans cet hémicycle, promouvoir, au nom de la défense des auteurs et de la création, la loi HADOPI – une loi que, au demeurant, je combattais –, pour accepter qu’on me dise aujourd'hui que les auteurs, finalement, ce n’est pas le sujet et qu’il n’y a pas lieu d’en parler dans ce texte-ci.

Là où le marché se développe – aux États-Unis, au Canada, au Japon –, l’édition numérique a permis de réaliser des économies très importantes sur les coûts, et j’en apporterai la démonstration lors de la présentation de mes amendements. Il faut donc que les auteurs, sans remettre en cause le cadre contractuel, personnel, qui les lie à leur éditeur, puissent s’appuyer sur un principe simple : leur rémunération doit être juste et équitable. Et le fait que l’Assemblée nationale ait renvoyé la question, comme pour s’en débarrasser, à un rapport futur n’était guère de nature à nous rassurer !

Par conséquent, je suis heureux non seulement de pouvoir voter la présente proposition de loi dans sa rédaction issue des travaux de la commission – et je salue à nouveau la ténacité de Mme le rapporteur –, mais également de savoir que nous serons ensemble pour mener le combat afin de convaincre nos collègues députés.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi qu’au banc de la commission. – Mme Françoise Laborde et M. Yann Gaillard applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’arrivée du numérique bouscule l’économie du livre. La numérisation massive pose la question de la protection non seulement des droits d’auteur, mais également de l’ensemble des acteurs traditionnels de la chaîne du livre, qui est potentiellement en danger.

Bien que le marché du livre numérique soit encore balbutiant, nous assistons déjà à une mutation commerciale sans précédent, dont les conséquences sont loin d’être neutres sur le plan culturel et dont les effets seront exponentiels dans les mois et les années à venir.

La proposition de loi sur le prix du livre numérique, que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture, répond à l’objectif primordial de préservation de la diversité culturelle, en visant à une régulation du secteur.

Néanmoins, il est important de fixer un cadre légal suffisamment souple pour accompagner l’évolution technologique. C’est la meilleure solution pour éviter d’être pris au dépourvu par la vague du numérique.

L’article 7 de la proposition de loi fixe une « clause de revoyure », rendez-vous législatif annuel permettant d’observer l’évolution des pratiques du marché et d’étudier ses effets sur l’ensemble de la filière. Ainsi pourrons-nous nous adapter au fur et à mesure à ce nouveau mode de consommation de la culture, qui nous semble encore très virtuel.

Certaines dispositions adoptées par l’Assemblée nationale introduisent de la souplesse en permettant de tenir compte des spécificités des offres proposées à des fins d’usages collectifs ou professionnels, grâce à l’instauration d’un cadre de négociation des prix approprié à ces usages. Cela concerne notamment les établissements publics de diffusion du savoir et de la connaissance, comme les bibliothèques universitaires et de recherche ; c’est une excellente disposition.

Par ailleurs, je me réjouis que la commission de la culture du Sénat ait réintroduit l’obligation de fixer un prix de vente pour les éditeurs établis hors de France et commercialisant leurs livres sur le territoire français. L’Assemblée nationale était revenue sur cette disposition adoptée par le Sénat, mais, de manière tout à fait consensuelle, nous avons fort heureusement décidé, en commission, de la rétablir.

Comment imaginer de ne pas aborder dans ce texte l’extraterritorialité ou encore la reconnaissance d’une rémunération équitable pour les auteurs ? Or ces deux problèmes majeurs ont, l’un et l’autre, été écartés par les députés de la majorité. Espérons que notre persévérance unanime l’emportera et que ces dispositions survivront à la navette législative.

Enfin, je tiens à remercier le président Jacques Legendre et notre collègue Catherine Dumas de leur initiative. La proposition de loi que nous allons adopter est le fruit attendu de longues réflexions et concertations. Face à la montée en puissance du livre numérique, qui est passé de 0, 1 % du chiffre d’affaires du marché du livre en 2008 à 1, 5 % aujourd'hui, il fallait réagir vite pour préserver l’équilibre déjà fragile de ce secteur.

Depuis l’examen en première lecture du texte au Sénat, nous avons eu l’occasion, le 22 novembre dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, de favoriser l’émergence de ce marché en adoptant un amendement qui doit faire passer la TVA sur le livre numérique de 19, 6 % à 5, 5 %, comme pour le livre papier.

Au nom de la défense d’une certaine exception française en matière culturelle, le Gouvernement a fini par se rallier à cette proposition. Prévue pour s’appliquer à compter du 1er janvier 2012, l’extension du taux réduit dépendra des négociations européennes. L’objectif est donc de convaincre l’Europe – qui, pour l’instant, exclut toujours les services fournis par voie électronique du bénéfice de la TVA minorée –, avec l’espoir de réussir à généraliser une TVA réduite sur l’ensemble des services culturels en ligne, de la vidéo à la musique en passant par la presse.

Monsieur le ministre, nous espérons beaucoup des négociations entre la Commission européenne, les États membres et M. Jacques Toubon, nommé ambassadeur itinérant sur ce sujet.

Le débat sur la dématérialisation du livre et de la culture doit nécessairement avoir lieu à l’échelle internationale, car, en matière d’échanges immatériels, les frontières physiques ne sont plus pertinentes.

Dans le même temps, force est de constater que le livre numérique constitue une opportunité formidable pour la démocratisation de l’accès à la culture et à la lecture. Il est donc fondamental de se saisir dès maintenant de cette question.

C’est la raison pour laquelle une grande majorité des membres du groupe RDSE votera cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, de l’Union centriste et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi répond à un objectif fondamental pour l’avenir de la filière du livre numérique : transposer, pour partie, les dispositions vertueuses de la loi Lang du 10 août 1981 instituant un prix unique pour le livre.

Comme pour le livre papier, il s’agit d’empêcher que le marché du livre numérique ne soit accaparé par de grands groupes financiers mondiaux qui, bradant les livres comme une marchandise ordinaire, auraient raison d’acteurs plus modestes mais jouant néanmoins un rôle essentiel dans la diversité et la qualité de l’offre éditoriale française et de sa diffusion.

Afin que Google, Amazon ou Apple ne règnent pas en maîtres sur l’offre éditoriale numérique française, il est indispensable d’instaurer un prix unique du livre fixé par l’éditeur pour ce nouveau support.

Le livre reste défini plus par son contenu que par son support. Il est avant tout œuvre de l’esprit et peut s’incarner différemment, sur papier ou bien numériquement, sans que change sa caractéristique fondamentale.

Le livre est un bien culturel, et la France doit réaffirmer l’exception culturelle. C’est un combat à mener sans relâche, plus que jamais, alors que l’intérêt privé, intérêt financier, des grands groupes se place au-dessus de l’intérêt général. C’est le devoir du législateur de fixer par le droit les limites à la concurrence dite « libre », mais bel et bien faussée.

Il est vrai que cette loi peine à définir son objet même. Impossible en effet de répondre à cette question simple : qu’est-ce qu’un livre numérique ? Objet naissant, dont la pratique n’a pas encore fixé les contours, on s’en fait une idée approximative. Ce texte fait d’ailleurs un peu l’aveu de son ignorance puisqu’il vise le livre numérique « homothétique », soit l’équivalent du livre papier sous un autre format, alors que l’intérêt même du numérique réside dans l’ajout de fonctionnalités qui lui sont propres.

C’est une insuffisance que doit néanmoins affronter la loi, sous peine de ne plus produire d’effets dans un marché tendant à être régulé par les géants commerciaux du Web. On ne peut qu’espérer qu’elle ne manquera pas sa cible et que le comité de suivi prévu pourra, grâce à ses rapports annuels, combler cette insuffisance.

Désormais, l’avenir de ce texte se concentre sur deux questions.

Première question : quelle rémunération est garantie pour l’auteur ? C’est une question centrale à l’heure du livre numérique. Nous devons impérativement en faire mention dans la loi.

Deuxième question : quel est le périmètre d’application ? La loi doit-elle concerner tous les prestataires du livre œuvrant en France, quel que soit leur lieu d’établissement, ou bien ne viser que les seuls acteurs résidant sur le sol français ? Cette dernière option est aussi inutile que dangereuse.

Inutile, car cette loi ne toucherait aucun des trois géants qui s’emparent de ce marché naissant, alors que ce devrait être son objet même. Qu’il s’agisse d’Amazon, de Google ou d’Apple, aucun n’est établi en France. Le seraient-ils, d’ailleurs, que rien ne les empêcherait de se délocaliser. Les frontières physiques n’ont guère d’importance en la circonstance ! Ou plutôt elles en ont, mais bien plus en termes de fiscalité que de rayonnement...

Dangereuse, car le marché du livre serait régi par une double législation. Un prix unique s’imposerait aux entreprises françaises et un prix non réglementé à toutes les autres, qui ne manqueraient alors pas d’envahir le marché français du livre numérique.

Si les membres de la majorité de l’Assemblée nationale disent leur adhésion aux objectifs visés dans un prétendu consensus, ils vident dans le même temps la loi de son effectivité en en limitant l’application aux seuls acteurs établis sur le territoire français. Ils choisissent d’abandonner ce bien culturel aux lois du marché. Ils réduisent la loi à une simple déclaration d’intention, qui n’aura malheureusement d’autres vertus qu’incantatoires.

En première lecture, le Sénat a étendu – et il persiste en ce sens – l’application de cette loi à tous les acteurs qui commercialisent en France, quels qu’ils soient. Je me félicite que nous rétablissions l’extraterritorialité de l’application de cette loi, malgré les modifications de l’Assemblée nationale. Nous ne devons céder ni sur ce point ni sur celui de la rémunération des auteurs.

Les arguments de la majorité de l’Assemblée nationale s’appuient sur le droit communautaire, tel qu’il ressort notamment de la directive Services et de la directive portant sur le commerce électronique.

La législation européenne semble, en tout lieu et pour toute chose, avoir cédé aux lois du marché, et même avoir été créée pour mieux les faire fonctionner. Elle n’érige l’intérêt général et culturel qu’au rang d’exception. Pourtant, cela n’a jamais empêché la France d’être porteuse d’initiatives, de combats, qui ont souvent été menés avec justesse, au bénéfice de la richesse et de la diversité de la création culturelle.

Il faut ici une volonté forte et combative. Si la France ne l’incarne pas, alors qui le fera ?

Les décisions de l’Europe doivent non pas tomber comme un couperet, mais être révisées quand c’est nécessaire : les directives sur les services et le commerce électronique qui régissent le livre numérique doivent prendre en compte l’exception d’intérêt général fondée sur des impératifs culturels.

Un premier combat doit être mené. Actuellement, le droit européen considère la vente de livres numériques sur Internet comme un service, alors que le livre papier est regardé comme un bien. C’est là une conception biaisée, se focalisant sur le support du livre et non sur sa caractéristique fondamentale de création littéraire. D’où une distinction de droit qui n’a pas lieu d’être.

Sans compter que l’examen consciencieux des deux avis rendus par la Commission européenne servant d’arguments aux opposants de l’extraterritorialité montre qu’il n’y a guère matière à renoncer.

Premièrement, que la loi fasse mention ou non de l’extraterritorialité, les décisions rendues au niveau européen sont aujourd'hui strictement les mêmes ! On voit donc mal en quoi supprimer cette clause est nécessaire puisque, dans les deux cas, la loi porterait atteinte à « la liberté d’établissement », à « la libre prestation des services », ainsi qu’à la directive « e-commerce » ! Je le dis comme je le pense : si remise en cause il y a de la part de la Commission, c’est celle du principe du prix unique dans sa globalité !

Deuxièmement, la Commission n’affirme pas définitivement la contradiction de la loi avec le droit européen : elle évoque la nécessité, pour la France, d’argumenter sur l’« adéquation » et la « proportionnalité » des mesures aux objectifs assignés.

On est surpris de cette frilosité à affronter d’éventuels mécontentements de Bruxelles dans le domaine du prix du livre numérique, alors que nous nous en sommes parfaitement affranchis concernant l’extension au livre numérique du taux réduit de TVA.

« Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience », disait René Char. Il faut que nous portions une volonté politique forte pour défendre une fois de plus les politiques culturelles, afin que progressent ces valeurs au sein de l’Union européenne.

La convention d’octobre 2005 de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles encourage la diversité culturelle et linguistique et fournit des bases juridiques au maintien de la richesse d’une offre éditoriale protégée, bases que, pour ma part, je trouve un peu molles. Songeons à l’article 20, où se trouve un méli-mélo des positions contradictoires entre l’UNESCO et l’OMC. Mais, même imparfaite, cette convention, avec l’esprit qui la sous-tend, reste un outil dont il faut s’emparer.

Monsieur le ministre, je suis satisfait de votre prise de position en faveur de la clause d’extra-territorialité lors du récent Salon du livre. Vous êtes clair lorsque vous dites que le prix unique « doit s’appliquer à l’ensemble des ventes de livres numériques effectuées en France, quel que soit le lieu d’implantation des opérateurs ». Vous avez également été clair dans votre présentation du problème, au début de ce débat, tout comme notre rapporteur, Mme Colette Mélot, s’exprimant au nom de la commission de la culture unanime.

À ceux qui renoncent avant de se battre, je rappelle que Google continue de sévir aux États-Unis, en foulant aux pieds le droit d’auteur – fût-il pourtant un droit d’auteur « à l’américaine » – mais que, heureusement, le juge lui tient tête. Je rappelle aussi qu’Amazon est, dit-on, à l’origine des perquisitions un peu musclées menées au début du mois de mars dans plusieurs maisons d’édition françaises par des inspecteurs de la Commission européenne. Gallimard, qui vient de fêter son centenaire, a été visité !

Je n’ai qu’une envie : de voir le Gouvernement français suivre son ministre de la culture, qui rencontre le désir des professionnels et des auteurs – ceux-ci ne doivent pas se laisser diviser –, et d’entendre la confirmation par le Sénat, en deuxième lecture, de sa position adoptée en première lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà pratiquement trente ans, le Parlement adoptait la « loi Lang » instaurant un prix unique du livre en France. Trois décennies plus tard, si l’on établit un bilan, on peut dire que cette loi a indéniablement sauvé le livre papier.

Le prix unique du livre a permis, Dieu merci, de conserver, à côté des rayons aux produits bien standardisés des hypermarchés, un réseau de librairies indépendantes, véritables animateurs culturels de nos territoires et, bien sûr, une très grande diversité éditoriale.

À l’heure de l’e-commerce, le texte dont nous débattons est essentiel puisqu’il vise, selon les préconisations du rapport Zelnik, à étendre le principe du prix unique du livre à sa version numérique, pérennisant ainsi la chaîne du livre, aujourd’hui confrontée à des transformations sans précédent.

Le bilan du dernier Salon du livre nous encourage en ce sens. Les débats qui s’y sont tenus ont permis de faire un point sur l’évolution du marché de l’édition ; on relève, d’ailleurs, qu’un « prix du livre numérique » a été pour la première fois attribué.

Ce salon a été aussi l’occasion de découvrir les résultats de l’étude réalisée par IPSOS en janvier dernier, intitulée Notoriété et usage du livre numérique. Cette enquête a mesuré une notoriété en évolution positive puisque 61 % des lecteurs se déclarent aujourd’hui avertis de l’existence du livre numérique, contre 47 % en 2009-2010. En revanche, seuls 8 % des lecteurs s’adonnent à la lecture de livres numériques, soit guère plus que les 5 % de l’année précédente.

Un point de cette étude est particulièrement intéressant : 65 % des personnes interrogées estiment que le papier restera toujours le principal support du livre. Je ne pense pas, en effet, que le livre numérique se substituera au livre traditionnel, mais de nouveaux usages se feront jour, ainsi qu’une complémentarité entre l’un et l’autre, due tout simplement aux fonctionnalités nouvelles associées au livre numérique. Livres et e-books vont donc coexister. Ce phénomène s’est d’ailleurs produit pratiquement chaque fois qu’une technologie nouvelle a été inventée : les films n’ont pas tué le théâtre, de même que la télévision n’a pas tué le cinéma ni la radio.

Le marché du livre numérique est donc un marché naissant mais prometteur, qu’il convient non seulement de réguler, mais aussi d’encourager. À cet égard, comme vous le savez, c’est le Sénat qui a permis que soit voté à la quasi-unanimité – je n’ai d’ailleurs toujours pas compris la position adoptée ce soir-là par nos collègues socialistes de la commission des finances – le taux de TVA de 5, 5 % sur le livre numérique. Lors de la discussion de la loi de finances pour 2011, j’ai eu en effet l’honneur de défendre, au nom de notre commission – cela m’était d’autant plus facile que mon groupe avait défendu la même position lors de la première lecture –, cet amendement important tendant à éviter toute distorsion de concurrence, afin de garantir le développement d’une offre légale attractive pour les lecteurs.

Jugeant tout d’abord cette mesure contraire au droit européen, le Gouvernement s’est finalement rallié à notre position et a nommé Jacques Toubon ambassadeur itinérant pour mener les concertations au niveau européen en vue d’aboutir à une uniformisation des taux de TVA sur le livre numérique.

Cette affaire étant aujourd’hui réglée pour ce qui est de nos assemblées, nous nous heurtons cette fois-ci à un blocage sur la clause d’extraterritorialité. Je ne m’attarderai pas sur le sujet, plusieurs d’entre nous ayant rappelé les divergences d’appréciation qui nous opposent aux députés, nous qui avons voulu, sur l’initiative de Jean-Pierre Leleux, prendre en compte la dimension transnationale de la vente de livres numériques sur Internet et la réalité de la concurrence qui s’y exerce, en application, toujours, de la clause de diversité culturelle.

La Commission européenne a émis des réserves, certes. Mais au nom de quoi les plateformes établies hors de France faisant commerce des créations françaises seraient-elles exclues du champ d’application du prix unique du livre ? Au nom de quoi cautionnerait-on finalement les pratiques commerciales prédatrices d’acteurs étrangers tout puissants ? Monsieur le ministre, vous vous êtes exprimé sur ce sujet ces jours-ci et il y a quelques instants encore, à cette tribune : je sais que, comme nous, vous pensez qu’il faut se battre et que la démarche doit être poussée à l’échelle européenne. D’ailleurs, il faudrait aller plus loin dans cette perspective et également suggérer à Bruxelles l’idée d’une TVA à 5, 5 % applicable à tous les biens culturels, aussi bien la vidéo que la musique ou la presse en ligne, dans l’ensemble des pays membres.

Lors de la discussion de la loi de finances, nous avons mené une réflexion plus large sur l’évasion fiscale que représente aujourd’hui l’installation de certains opérateurs au Luxembourg ou en Irlande. Nous devons en effet nous interroger sur le rôle que doit jouer l’Europe pour la diversité culturelle à l’heure du numérique, sur la manière dont elle doit concevoir la survie de ce qui constitue son patrimoine et son héritage, mais aussi l’originalité de sa création

Il faut que, sans arrogance, mais avec force et détermination, nous puissions continuer de défendre l’idée que le livre, quelle que soit sa forme ou son support, n’est pas tant une marchandise ou un service en ligne qu’un bien culturel précieux, dont il faut préserver la diversité en matière d’offre. Que faut-il défendre, en fait ? L’intérêt du consommateur, prétendument avantagé par la libre concurrence, ou l’intérêt de ce que vous préférez appeler, monsieur le ministre, le lecteur ? Vous l’avez dit, l’économie du livre c’est tout de même autre chose que celle de la lessive ou des céréales du petit-déjeuner !

Comme l’a souligné Thierry Tuot, membre du collège de l’Autorité de la concurrence, l’objectif n’est pas d’atteindre le prix le plus bas, mais le prix le plus juste, qui permette aux acteurs de la chaîne de trouver une juste rémunération et aux « lecteurs-internautes » d’accéder aux biens dans des conditions normales.

La défense de cette idée est importante, car la législation française est observée dans le monde entier, particulièrement dans le domaine culturel ! Vous y avez fait allusion, monsieur le ministre, en rappelant que vous rentriez d’un déplacement aux États-Unis au cours duquel vous avez pu rencontrer les représentants d’Apple, de Google et d’Amazon et leur affirmer votre attachement au présent texte. Vous avez d’ailleurs indiqué que Google et Apple sembleraient faire preuve, à l’égard de la position française, d’une plus grande ouverture qu’Amazon.

Si ce texte nous permet de poser les bases d’un modèle économique, il adresse aussi à tous les acteurs un encouragement à s’organiser, afin d’assurer une juste rémunération des éditeurs, des auteurs, des libraires... Ils savent qu’il est dans l’intérêt de tous de se structurer rapidement, afin de faire face au risque d’hégémonie que représentent Apple, Google et Amazon. Certaines initiatives sont déjà prometteuses, comme le portail « 1001librairies.com », qui fédère trois cents librairies indépendantes et dont le service de géolocalisation des stocks présente un réel avantage concurrentiel face à ces plateformes.

Je suis satisfaite que le texte issu de notre commission veille aussi à assurer la défense du droit d’auteur dans l’univers numérique, car l’absence de fabrication, de stockage et de transport dans la production et la diffusion de livres numériques exige une réévaluation des parts revenant aux éditeurs et aux auteurs.

À cet égard, permettez-moi malgré tout de souligner que les évolutions technologiques des produits, qu’il s’agisse des contenus, des outils ou des accès, vont certainement entraîner, qu’on le veuille ou non, l’apparition de nouveaux modèles économiques et obliger les acteurs du secteur à s’adapter. Certains ne risquent-ils pas de céder à la tentation d’éviter les intermédiaires, notamment les éditeurs ou les libraires ? Un auteur ne pourra-t-il pas traiter directement, demain, avec un distributeur électronique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Lors de la première lecture, j’avais également tenu à souligner que, s’il fallait préserver un écosystème éditorial, il fallait aussi prendre en compte la spécificité des acteurs du monde des creative commons, ces logiciels collaboratifs libres et ouverts.

Ce texte, s’il est nécessaire, ne représente qu’une première brique, il ne construit pas toute la maison. Aujourd’hui, nous statuons sur le livre homothétique, définition restreinte excluant les créations numériques. Très vite, les technologies de pointe, telles que la « réalité augmentée », permettront au livre de se transformer en objet tridimensionnel et d’évoluer vers des contenus multimédias. Les œuvres, enrichies par l’interactivité, soulèveront de nouvelles questions, notamment en termes de juste rémunération.

Quel sera le paysage culturel du monde dans les trente ans qui viennent ? Nous ne devons pas oublier que l’histoire de l’écrit a connu de nombreuses évolutions techniques entraînant les mutations culturelles et économiques qui fondent notre société actuelle. Dans cette dynamique, la numérisation signe non pas la fin du livre, mais plutôt son renouveau contemporain.

Aussi, en dépit de quelques petites réserves, nous voterons le texte rétabli par la commission de la culture dans la version issue de la première lecture au Sénat. Gageons qu’il nous permettra de préserver cet objet si particulier qu’est le livre. Victor Hugo disait : « La lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. »

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui recouvre des enjeux majeurs.

Le premier enjeu tient à notre capacité à créer les conditions d’un développement équilibré et dynamique du secteur émergent du livre numérique. Certes, cette ambition peut paraître limitée à certains, car nous ne pouvons légiférer, à ce stade, que sur le livre que nous qualifions d’« homothétique ». Or nous savons tous que se profile à l’horizon un univers créatif foisonnant, avec le développement d’œuvres multimédias, hybrides, mêlant outre du texte et de l’image, du son et des éléments permettant l’interactivité avec le lecteur. L’appellera-t-on d’ailleurs encore « lecteur » ?

Ne sous-estimons pas ce défi – car il s’agit bien d’un défi. Comment encourager le développement d’un cercle vertueux, au bénéfice de tous, lecteurs et professionnels – et, parmi ces derniers, tous les précieux maillons de la chaîne : l’auteur, l’éditeur, le libraire –, dans l’esprit de solidarité interprofessionnelle que nous souhaitons tous, même s’il n’exclut pas les rapports de force ?

La proposition de loi déposée par le président de la commission de la culture, Jacques Legendre, et notre collègue Catherine Dumas porte cette ambition. Comme l’a indiqué tout à l’heure notre rapporteur, Mme Colette Mélot, dont je tiens à saluer les compétences et le travail de grande qualité qu’elle a accompli, notre commission a considéré que la pleine efficience du dispositif supposait qu’il s’applique aussi aux acteurs étrangers, notamment les libraires qui, sans être établis en France, y exercent leur activité commerciale.

En effet, il ne serait pas souhaitable de créer un éventuel déséquilibre des obligations imposées aux libraires nationaux – ceux-ci supportent en outre le coût de leur présence physique, si précieuse, dans nos communes – par rapport aux sociétés établies hors de France. Le Sénat nous a suivis en première lecture et le groupe UMP votera de la même façon en deuxième lecture.

Le développement tentaculaire de l’oligopole qui se répartit les parts de marché des œuvres et services numériques dans le monde entier laisse planer des menaces, tant en matière de respect de la vie privée qu’au regard du droit d’auteur et de la diversité culturelle et linguistique. Je ne suis pas convaincu que les textes européens, ou leur interprétation, et leur application au secteur de la culture prennent en compte la réalité de ces risques ainsi que de leurs conséquences sur les industries européennes concernées.

Pourtant, les prises de conscience de cette réalité se multiplient, y compris au niveau des autorités judiciaires de différents pays, comme l’a encore montré l’actualité récente. Cette évolution me semble confirmer que le combat politique que nous menons en défendant ce texte est essentiel. Je forme le vœu qu’il ne soit pas vain !

Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour que ce combat se poursuive à Bruxelles et à Strasbourg – où nous devons également nous rapprocher de nos collègues députés européens –, ainsi qu’auprès de nos partenaires étrangers, en replaçant la question du livre numérique dans le contexte global évoqué tout à l’heure par Colette Mélot.

En l’occurrence, je pense notamment à l’aggravation du déséquilibre concurrentiel dû aux différents taux de TVA qui s’appliquent aux uns et aux autres, ainsi que notre collègue Catherine Morin-Desailly l’a très judicieusement rappelé. En effet, s’agissant de la France, nous avons voté le principe d’une TVA à 5, 5 % pour le livre numérique à partir du 1er janvier 2012, contre 19, 6 % aujourd’hui. Cette baisse est cependant suspendue à la validation des instances européennes.

J’ajoute qu’il est essentiel de renégocier la directive Services. En effet, est-il vraiment logique et souhaitable de traiter l’achat d’un livre numérique comme n’importe quel autre service ? Les crises récentes qui ont secoué l’économie mondiale montrent la nécessité d’une régulation dans tous les domaines.

Cette évidence politique doit aussi s’imposer à Bruxelles. Une saine concurrence sur le marché suppose le respect de règles du jeu loyales et établies en cohérence avec les objectifs politiques des États. Or les États membres de l’Union européenne ont revendiqué, notamment dans le cadre de la Convention de l’UNESCO de 2005, leur attachement à la diversité culturelle et linguistique. Encore convient-il de traduire cette volonté dans les faits et, par conséquent, de porter ce débat au niveau européen. Telle est notre ambition.

Parallèlement, pour éviter un combat tel que celui auquel se sont livrés David et Goliath, les différents acteurs français et européens de la filière doivent se structurer rapidement afin de trouver une position commune forte susceptible de faire front contre cette concurrence étrangère.

Les libraires doivent aussi pouvoir trouver leur place sur ce nouveau marché, et le lancement du site internet www.1001libraires.com doit les y aider.

En définitive, il faut que le monde numérique constitue une formidable opportunité pour tous les professionnels, qu’ils soient nouveaux ou « historiques ». Outil de communication et vecteur permettant aux éditeurs de mieux diffuser la création dans toute sa diversité et aux libraires de valoriser leur rôle de conseil, celui-ci pose à chacun le défi de l’adaptabilité, de la mutualisation et de la réflexion en commun.

Chacun d’entre eux devra s’adapter à l’évolution de la demande et des usages du lecteur, acteur évidemment essentiel du dispositif, et au bénéfice duquel est également élaborée cette proposition de loi.

En outre, le développement d’une offre légale abondante, diversifiée et attractive doit permettre de limiter le phénomène de piratage, d’ailleurs encore minime dans le domaine du livre, sauf dans certains secteurs comme la bande dessinée.

Même s’il est d’ores et déjà possible d’accéder à plus de 80 000 titres, il convient d’être vigilant. En effet, l’adage « tout travail mérite salaire » doit également s’appliquer aux professionnels de la culture. La création et la diffusion de celle-ci ont un prix, même si les coûts de la diffusion des biens numériques diffèrent de ceux de la diffusion des biens physiques. Il est donc essentiel que les auteurs tirent un parti équitable de la diffusion numérique de leurs œuvres.

La numérisation des œuvres du patrimoine, notamment par la Bibliothèque nationale de France, facilitera également l’accès de tous à des œuvres parfois indisponibles et/ou épuisées. C’est pourquoi notre commission soutient fortement les projets Gallica et Europeana, qui seront confortés par les crédits de l’emprunt national. Ces derniers constituent une réponse importante – la France est un modèle en la matière ! – face aux offensives de Google.

Nous devons ainsi trouver les termes d’un partenariat équitable entre nos grandes bibliothèques publiques et les acteurs privés. Toutefois, quel que soit le support, papier ou numérique, nous sommes face à un autre formidable défi : celui de l’avenir de la lecture elle-même.

En effet, les pratiques culturelles des Français ont évolué, la lecture étant en concurrence avec bien d’autres types de loisirs. Les mutations sont évidentes : les jeunes regardent désormais la télévision sur leur ordinateur et l’avènement prochain de ce que l’on appelle la « télévision augmentée » accélérera encore ce processus. Cette concurrence concerne moins le prix relatif des livres, qu’ils soient imprimés ou numériques, que le temps disponible que chacun est prêt à leur consacrer.

Au-delà, c’est bien la question de la motivation et du désir qui est posée. Je forme le vœu que le nouvel accès aux livres, que permet l’arrivée sur le marché des tablettes de lecture et des œuvres numériques, suscitera, notamment chez les jeunes, un appétit renouvelé pour l’écrit.

Enfin, cette motivation et ce désir me semblent également liés à la façon dont les nouvelles méthodes pédagogiques, que les outils numériques permettent désormais de promouvoir, seront mises en œuvre.

En conclusion, vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe UMP votera le texte proposé par la commission.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Lagauche

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une étude récente de l’IDATE, l’Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe, présentée lors du dernier Salon du livre de Paris, démontre que le marché du livre numérique représentera 17 % du marché mondial de l’édition en 2014.

Cette même étude nous enseigne que, à l’horizon 2016, les lecteurs occasionnels, qui ne lisent qu’un ou deux livres par an et uniquement des best-sellers, basculeront alors dans le numérique.

Les best-sellers français tireront l’économie du livre vers le haut et permettront une offre importante et diverse d’ouvrages plus complexes dont la mise à disposition sur les plateformes numériques est la condition sine qua non de la richesse de notre diversité littéraire et artistique.

C’est dans ce contexte prospectif et anticipatif que nous avons adopté, le 26 octobre 2010, à l’unanimité, la proposition de loi relative au prix du livre numérique déposée par Mme Catherine Dumas et M. Jacques Legendre.

En effet, transposer la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, dite loi Lang, à la commercialisation des ouvrages numériques, fussent-ils homothétiques, suppose la mise en œuvre par la France d’un système légal devant être respecté par l’ensemble des acteurs internationaux désireux de commercialiser des ouvrages en France.

Or le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale est très en retrait par rapport à celui que le Sénat a adopté en première lecture.

En faisant disparaître les clauses d’extraterritorialité que nous avions introduites, l’Assemblée nationale a créé une inégalité de traitement entre les acteurs français de la chaîne du livre et leurs concurrents internationaux.

Si ce texte adopté par la majorité de nos collègues députés devait être maintenu en l’état, les grandes plateformes de vente de livres numériques établies hors de nos frontières comme Amazon, Google et Apple seraient exclues de son champ d’application, alors même qu’elles s’adressent à des acheteurs situés en France. Les avis circonstanciés rendus par la Commission européenne appellent, de notre part, une lecture positive, optimiste et combative !

En effet, la Commission européenne n’a pas fermé la porte à la possible compatibilité du prix unique du livre numérique avec le droit communautaire. A priori, les dispositions prévues par les articles 2 et 3 de la proposition de loi, visant à créer une exception aux principes de libre prestation de services et de liberté d’établissement posés par les directives « e-commerce » et Services, répondent aux quatre critères permettant de déroger à ces principes.

Premièrement, les mesures ne sont pas discriminatoires dans la mesure où le prix fixé par l’éditeur s’appliquera à toutes les plateformes de vente.

Deuxièmement, elles répondent à des exigences d’intérêt général. Une offre éditoriale diversifiée existe grâce à la loi Lang pour le livre papier ; il convient de la maintenir pour les éditions numériques.

Troisièmement, l’exception garantira la réalisation de l’objectif recherché : l’application d’un prix unique effectif.

Quatrièmement, enfin, cette même exception n’excédera pas l’objectif poursuivi puisqu’il n’y aura aucune obligation contractuelle ou légale nouvelle. Il reviendra toujours à l’éditeur de fixer le prix de vente au public.

Le combat est éminemment politique ! La validation par Bruxelles de l’harmonisation à 5, 5 % du taux de TVA pour les livres physique et numérique que nous avons votée dans le cadre de la loi de finances pour 2011 est l’un des éléments de la bataille que nous menons pour défendre la spécificité des biens culturels.

Il s’agit d’envoyer un message clair à l’Europe. Quel serait le poids d’une loi sur le prix unique du livre numérique si l’oligopole nord-américain constitué par Apple, Google et Amazon pouvait y échapper ?

Les risques sont connus. En témoignent les secteurs de la musique et de l’édition phonographique où l’absence de régulation a conduit au piratage des œuvres et à l’effondrement des ventes physiques concomitamment à une concentration du marché de la musique numérique entre les mains d’acteurs internationaux, dont la puissance financière a permis des pratiques prédatrices sur les prix.

Si le prix unique du livre numérique ne devait pas s’appliquer à l’ensemble des acteurs commercialisant des livres en France, y compris ceux qui sont établis en dehors de nos frontières, s’ensuivrait presque automatiquement un appauvrissement de la création éditoriale. Le livre numérique se développerait de manière non maîtrisée, et, dans un contexte de baisse des prix, nous assisterions, à court terme, à une chute de la rémunération des ayants droit, auteurs et éditeurs.

Les librairies, notamment indépendantes, qui maillent notre territoire en favorisant l’accès au livre et à la culture, seraient, elles aussi, fragilisées dans la mesure où elles seraient placées dans l’impossibilité de concurrencer les multinationales du livre numérique. Les plateformes attractives de promotion et de commercialisation d’ouvrages numériques déployées par nos éditeurs et nos libraires sont tout à fait essentielles pour répondre à la concurrence internationale.

La loi Lang, dont nous fêtons cette année les trente ans, avait été une bataille difficile, mais il s’était agi, avant tout, d’une bataille collective. Il nous faut renouveler cet effort commun pour le livre numérique, en apportant notre soutien politique aux libraires, aux éditeurs et à l’ensemble de la chaîne du livre. Le livre ne peut pas être considéré comme n’importe quel produit commercialisable : il est un bien culturel porteur de sens et de civilisation et doit être, à ce titre, régulé par une concurrence organisée non pas sur les prix, mais sur sa mise en valeur.

Nous sommes convaincus que le livre, comme l’ensemble des activités, biens et services culturels, a également une double nature : économique et culturelle.

Parce qu’il est porteur d’identités, de valeurs et de sens, le livre ne peut pas être traité comme ayant uniquement une valeur commerciale. C’est tout le sens de la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles que nous avons ratifiée en 2006, après en avoir été les principaux artisans.

Quelque 116 États, dont vingt-six des vingt-sept pays membres de l’Union européenne, ont aujourd’hui souscrit à ces principes en ratifiant cette convention. À l’heure où la justice américaine vient d’interdire à Google de numériser des millions d’ouvrages orphelins sans autorisation préalable des ayants droit, il serait inconcevable que la France, patrie du droit d’auteur de Beaumarchais et fer de lance de la Convention de l’UNESCO, cède à la pression des lobbys sur Bruxelles pour transformer nos livres en simples services électroniques.

La numérisation du livre est une opportunité formidable pour maintenir et développer l’extraordinaire richesse et diversité de notre offre éditoriale dans le respect des droits patrimoniaux et moraux des auteurs, qui sont les étendards de la diversité culturelle à laquelle nous sommes tant attachés. Ce combat de civilisation pour l’indépendance et la richesse de la création numérique, nous le mènerons à vos côtés, monsieur le ministre !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les « conformes » ou les articles additionnels qui sont sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.

(Non modifié)

La présente loi s’applique au livre numérique lorsqu’il est une œuvre de l’esprit créée par un ou plusieurs auteurs et qu’il est à la fois commercialisé sous sa forme numérique et publié sous forme imprimée ou qu’il est, par son contenu et sa composition, susceptible d’être imprimé, à l’exception des éléments accessoires propres à l’édition numérique.

Un décret précise les caractéristiques des livres entrant dans le champ d’application de la présente loi.

L'article 1 er est adopté.

Toute personne qui édite un livre numérique dans le but de sa diffusion commerciale en France est tenue de fixer un prix de vente au public pour tout type d’offre à l’unité ou groupée. Ce prix est porté à la connaissance du public.

Ce prix peut différer en fonction du contenu de l’offre et de ses modalités d’accès ou d’usage.

Le premier alinéa ne s’applique pas aux livres numériques, tels que définis à l’article 1er, lorsque ceux-ci sont intégrés dans des offres proposées sous la forme de licences d’utilisation et associant à ces livres numériques des contenus d’une autre nature et des fonctionnalités. Ces licences bénéficiant de l’exception définie au présent alinéa doivent être destinées à un usage collectif et proposées dans un but professionnel, de recherche ou d’enseignement supérieur, dans le strict cadre des institutions publiques ou privées qui en font l’acquisition pour leurs besoins propres, excluant la revente.

Un décret fixe les conditions et modalités d’application du présent article.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° 1, présenté par MM. Assouline, Lagauche et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 3, seconde phrase

Remplacer le mot :

supérieur

par les mots :

ou à une utilisation par l'intermédiaire des bibliothèques, des musées ou des services de documentation ou d'archives

La parole est à M. David Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cet amendement a pour vocation d’ouvrir un débat, et je serai attentif à la réponse que m’apportera M. le ministre.

L’application du prix unique aux offres destinées non pas à des consommateurs individuels, mais à des collectivités, n’est pas toujours opportune, notamment parce qu’elle bloque la possibilité de négocier les prix selon les services proposés et la communauté desservie.

Cette situation concerne, au premier chef, les bibliothèques universitaires et de recherche, ainsi que les centres de documentation qui ont besoin de cette flexibilité pour acquérir dans les meilleures conditions la documentation scientifique et technique indispensable à leurs usagers. Mais il importe également que d’autres bibliothèques puissent bénéficier de cette marge de manœuvre et que des modèles d’offres appropriées de livres numériques puissent leur être proposés.

Ces besoins sont aussi ceux des établissements d’enseignement d’autres niveaux, en particulier des lycées et collèges, pour lesquels les conseils régionaux et généraux déploient des offres innovantes. Le livre numérique, qui constitue un outil désormais préconisé dans de nombreux établissements secondaires pour répondre au problème du poids excessif des cartables portés quotidiennement par les enfants, est appelé à se développer de plus en plus et très rapidement. D’ailleurs, de nombreuses éditions de manuels du second degré sont déjà disponibles sous forme numérique.

L’application stricte du prix unique aux offres groupées destinées aux bibliothèques et à l’enseignement des premier et second degrés aurait peut-être pour effet de limiter l’émergence de nouveaux modèles économiques à une étape charnière où il importe, au contraire, de pouvoir tester différentes formules de mise à disposition du livre numérique dans un cadre collectif.

Je ne suis généralement pas favorable à la multiplication des exceptions, car celles-ci peuvent fragiliser le cadre défini au préalable. Mais il n’en demeure pas moins que le problème que je soulève ici est réel.

J’en conviens, cet amendement est peut-être prématuré, et, sans doute, devrions-nous faire confiance aux acteurs pour négocier des conditions acceptables. Mais je souhaite, par ce débat, encourager les éditeurs à faire preuve d’ouverture, notamment pour ce qui concerne le secteur éducatif.

En effet, les formidables potentialités – notre collègue Jean-Pierre Leleux les a soulignées ! – que recèle, sur le plan pédagogique, le livre numérique pour faire passer, par le biais de moyens innovants et collectifs, tout ce qu’offre, en général, le livre ne doivent pas être restreintes ou brisées par le seul fait qu’aucune dérogation ou facilité ne sera possible dès lors que le prix unique du livre numérique aura été fixé.

J’aimerais connaître, monsieur le ministre, votre position sur cette question. De votre réponse dépendra l’avenir de mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Les professionnels concernés craignent que le texte ne leur permette pas de bénéficier d’une marge de manœuvre suffisante dans leurs négociations avec les éditeurs ou les intermédiaires. En réalité, tout dépend de l’application qui sera faite du deuxième alinéa de l'article 2 : « Ce prix peut différer en fonction du contenu de l’offre et de ses modalités d’accès ou d’usage. » Une sorte de grille tarifaire devrait pouvoir s’adapter aussi à ce type d’offre.

La question posée mérite que nous en débattions publiquement. En effet, cette extension pourrait avoir des effets contraires aux objectifs généraux fixés par la proposition de loi, puisque cela reviendrait à évincer les libraires du marché de la vente de contenus numériques aux collectivités. Or ceux-ci considèrent que les bibliothèques et les établissements d’enseignement sont, tout comme eux, à la recherche d’un modèle leur permettant d’exercer leur mission en faveur de la diffusion du livre dans le nouvel univers numérique.

Dans ces conditions, la commission aimerait connaître l’avis du Gouvernement sur cette question et indique d’ores et déjà qu’elle s'en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Monsieur le sénateur, j’ai une fois de plus écouté avec beaucoup d’attention vos arguments, qui sont toujours animés par le souci du bien public. Toutefois, le Gouvernement ne souhaite pas étendre la dérogation prévue au troisième alinéa de l'article 2, et ce pour les raisons suivantes.

Tout d’abord, ces offres sortent clairement du périmètre de la loi et l’exception ne porte pas atteinte aux objectifs du texte. En effet, les grands éditeurs scientifiques et juridiques ont beaucoup d’avance et ont développé des offres numériques depuis plus de dix ans. Celles-ci sont complexes : elles réunissent dans un même service des livres numériques certes, mais aussi des bases de données, des revues et des périodiques, des encyclopédies, des lettres d’information, autant de documents constamment mis à jour. Il ne s’agit donc pas d’offres de livres numériques au sens précis de la loi.

Ensuite, la concurrence par les prix n’est pas à redouter en la matière. En effet, ces services, en raison de leur complexité technologique, ne peuvent être vendus en pratique que par leurs éditeurs. En outre, ils s’adressent à un public de chercheurs ou de professionnels : il s’agit du public restreint d’institutions de recherche ou d’universités.

Il en va différemment des offres de livres numériques pour le grand public des bibliothèques. Pour ces dernières, la lecture de livres électroniques en est encore au stade expérimental et les modèles économiques doivent être élaborés avec les éditeurs. La proposition de loi ne s’y oppose en aucun cas et permet ainsi à de nombreux modèles différents de coexister.

Enfin, les livres numériques pour le grand public des bibliothèques pourront être commercialisés par de nombreux libraires. La concurrence par les prix est donc à craindre. Dès lors, il est utile que les collectivités publiques dont dépendent les bibliothèques soient soumises au prix unique, comme elles le sont, depuis 2003, pour le livre imprimé.

Tout en comprenant vos préoccupations, monsieur le sénateur, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Compte tenu des explications qui m’ont été apportées, je vais le retirer, monsieur le président.

L'Assemblée nationale débattra de nouveau de cette question, comme elle l’avait fait lors de l’examen de cette proposition de loi en première lecture, alors que ce ne fut pas le cas au Sénat, et nous verrons également ce qui ressortira des travaux de la commission mixte paritaire.

Quoi qu’il en soit, je le sais, il n’y a pas, en la matière, de divergence de vues entre nous.

Par cet amendement, je souhaitais vraiment éviter qu’il y ait des laissés-pour-compte par rapport aux pratiques existantes. Monsieur le ministre, votre réponse me convainc que tel ne sera pas le cas. Je ne veux pas que l’on crée ici un cheval de Troie juridique, si je puis dire, qui fragiliserait la cohérence globale et l’objet même de cette proposition de loi. Telle est la raison supplémentaire qui me pousse à retirer mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° 1 est retiré.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Il faut prendre la mesure des remarques qui ont été formulées au cours de la discussion générale.

La mise en place de la loi Lang a pris du temps, entraînant l’émergence de nouveaux usages. Ce sera encore plus le cas avec l’application du prix unique du livre numérique, car, d’un point de vue technologique, il s’agit d’un marché encore plus évolutif. C’est pourquoi il me semble prématuré d’introduire d’emblée des exceptions, alors même que nous ne savons pas comment fonctionnera ce marché.

Au demeurant, je le rappelle, l'article 7 de cette proposition de loi prévoit qu’un rapport est remis chaque année au Parlement. Cette disposition nous permettra donc de suivre pas à pas l’évolution de ce secteur.

Voilà qui est de nature à rassurer notre collègue David Assouline, qui a soulevé ici, à juste titre, une question importante. Donnons-nous donc rendez-vous l’année prochaine !

L'article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° 2, présenté par MM. Assouline, Lagauche et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au neuvième alinéa (e) de l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, après les mots : « partitions de musique », les mots : « et des œuvres réalisées pour une édition numérique de l'écrit » sont supprimés.

La parole est à M. David Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cet amendement s’inscrit dans le droit-fil du précédent, monsieur le président. Il appelle donc les mêmes réponses du Gouvernement, et son adoption entraînerait les mêmes dangers.

En conséquence, je le retire.

Le prix de vente, fixé dans les conditions déterminées à l’article 2, s’impose aux personnes proposant des offres de livres numériques aux acheteurs situés en France. –

Adopté.

(Non modifié)

Pour définir la remise commerciale sur les prix publics qu’il accorde aux personnes proposant des offres de livres numériques aux acheteurs situés en France, l’éditeur, tel que défini à l’article 2, tient compte, dans ses conditions de vente, de l’importance des services qualitatifs rendus par ces derniers en faveur de la promotion et de la diffusion du livre numérique par des actions d’animation, de médiation et de conseil auprès du public. –

Adopté.

L'article L. 132-5 du code de la propriété intellectuelle est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsqu'une œuvre étant publiée sous forme imprimée est commercialisée sous forme numérique, la rémunération de l'auteur au titre de l'exploitation numérique est fixée en tenant compte de l'économie générée, pour l'éditeur, par le recours à l'édition numérique. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Monsieur le ministre, mes chers collègues, il ne faut pas exclure de cette proposition de loi la rémunération des auteurs, une question délicate sur laquelle aucun accord n’a encore été trouvé entre les auteurs et les éditeurs, alors qu’elle est centrale.

La création est au cœur de l’industrie du livre et la rémunération des auteurs à l’heure du numérique préoccupe à juste titre. Alors que le numérique crée l’illusion du « tout-gratuit » et déstabilise les équilibres économiques établis – consentement à payer moins de la part des consommateurs, économies réalisées par les éditeurs –, il est indispensable que la loi rappelle l’objectif de rémunération juste et équitable des auteurs dans ce nouveau cadre. Il faut prendre en compte cette notion, car le risque d’une diminution de la rémunération des auteurs est réel.

Nous l’affirmons depuis le début de l’examen de ce texte, quel que soit le support – numérique ou papier –, le livre reste défini comme une œuvre de l’esprit. C’est de cette œuvre immatérielle, ou plus précisément indifféremment matérialisée, que découle la rémunération de l’auteur.

Georges Balandier ne dit pas autre chose quand il affirme : « Nous n’arrêtons pas de multiplier les savoir-faire. [...] Nous sommes indiscutablement la génération qui a le plus de savoir-faire et de moyens de faire, mais nous ne savons que faire. [...] Cela veut dire que nous avons plus de rapports aux instruments et aux outils que de rapports aux significations. [...] Auparavant, la fascination était par la parole et par le système d’idées mises en œuvre ; aujourd’hui, la séduction s’opère par les instruments et par les produits. »

Le Sénat a voté à l’unanimité un texte tentant d’assainir le marché du livre en France et garantissant aux auteurs un maintien de leurs droits. La Commission européenne a contesté au Sénat l’extension de ces mesures à Google et Apple, sociétés respectivement domiciliées en Irlande et au Luxembourg et, par conséquent, exemptées de la fiscalité française. Alors fragilisée, l’union entre éditeurs, auteurs et libraires s’est fissurée et le projet serait réduit aux seuls éditeurs français sur le territoire national et sans engagement sérieux sur la base et le montant des droits d’auteur.

Il est juste de défendre les droits d’auteur, en leur confirmant leur légitimité par des mesures appropriées. J’ai participé lundi 21 mars dernier à un colloque organisé par l’Association française pour la protection internationale du droit d’auteur, l’AFPIDA, qui s’est tenu au Sénat, salle Clemenceau, et a réuni quelque 350 participants, dont nombre d’étudiants en droit, ainsi que plusieurs dizaines de professeurs français et étrangers spécialistes du droit d’auteur.

S’ils ont surtout évoqué les exceptions au droit d’auteur, les différents intervenants ont aussi dressé le constat que le droit d’auteur faisait l’objet d’attaques régulières et de plus en plus fréquentes, soulignant « un effacement de l’espace public derrière le modèle du marché et un déplacement du centre de gravité du droit d’auteur vers la production des investissements des grandes affaires ».

C’est le cas en Europe, où de nombreux textes – j’en connais au moins quatre ! – sont amendés par des parlementaires européens : sur les quelque cent cinquante amendements déposés, deux ou trois d’entre eux tendent à contester le droit d’auteur.

Je pense également aux accords bilatéraux de libre-échange qui intègrent les protocoles de coopération culturelle et utilisent la culture comme marchandage au sein d’accords commerciaux.

Lors d’un rendez-vous récent des Coalitions européennes pour la diversité culturelle – je suis un actif participant depuis la fondation de cette institution –, M. Philippe Brunet, chef de cabinet de la commissaire européenne chargée de l’éducation, de la culture, du multilinguisme et de la jeunesse a souligné la nécessité d’agir vite afin de poser les bases d’un nouveau système de propriété intellectuelle, n’hésitant pas à mettre en cause la convention de Berne.

Dans Le Monde daté de mercredi, une page est consacrée au film de Régis Sauder intitulé Nous, Princesses de Clèves, qui sort dans les salles demain. On se souvient de la polémique qu’a provoquée la remarque du Président de la République. Au-delà de celle-ci, il reste que le premier grand roman moderne de la littérature française a régalé des élèves du lycée Diderot, dans les quartiers nord de Marseille, qui se le sont approprié. Là se niche, entre autres, le bijou de famille du droit d’auteur, le droit moral, si rarement évoqué aujourd’hui, attaqué qu’il est par l’oubli. Eh bien, les jeunes de ces quartiers se sont saisis de ce texte comme d’un « viatique », écrit la journaliste.

Les voilà, selon moi, dans la bonne direction, beaucoup plus, en tout cas, que s’ils avaient suivi la réflexion faite à la sortie de la guerre de 14-18 par le maréchal von Hindenburg : « Je ne lis jamais de poésie, car je pourrais m’attendrir. »

Eh bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose de nous attendrir, côte à côte, avec, dans l’oreille, ces vingt-huit mots de Bernard Noël : « L’immatériel est l’envers du spirituel comme l’information est l’envers de l’œuvre de l’esprit : leur utilité les épuise alors que l’inutilité des œuvres sans cesse en recharge le sens. »

Émettons un vote de sens : c’est d’« intérêt public », et non, comme certains disent aujourd’hui, de « balance des intérêts » !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Après ce beau plaidoyer pour les auteurs et leurs droits, je veux rappeler que c’est lors de la discussion de la loi DADVSI, la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, puis de la loi HADOPI, la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, que nous avons assisté, dans cet hémicycle, aux discours les plus marquants en faveur de la création et de la protection du droit d’auteur. Il s’agissait de défendre la musique, car on ne savait pas alors que le cinéma serait aussi durement touché.

Mes chers collègues, si, à l’époque, le fait que tout le monde ait pu, à ce point, défendre les auteurs était tout à fait louable, je me souviens de vous avoir mis en garde contre l’attitude des majors de la musique : j’avais en effet le sentiment que, lorsque ces grandes firmes multinationales brandissaient l’étendard du droit d’auteur, elles pensaient plutôt au bénéfice et à l’argent qu’elles pourraient gagner ; en d’autres termes, elles instrumentalisaient les auteurs et le danger qui pesait sur eux pour bien d’autres raisons.

Puis, j’ai vu les éditeurs – les grands éditeurs ! – monter au créneau pour s’opposer à un objectif qui tient en une toute petite phrase : « Permettre une rémunération juste et équitable des auteurs. » Celui-ci me paraissait pourtant vraiment consensuel dans un contexte où la révolution numérique fragilise tout le secteur, l’ensemble de la chaîne du livre et la protection des droits. Dès lors que ces personnes sont venues nous expliquer qu’il n’était pas possible de l’inscrire dans la loi, je me suis dit : enfin, les masques tombent ! Tout à coup, on ne soucie plus des auteurs !

Pourtant, il faut le réaffirmer ici : au-delà de la question du prix, il n’y a pas de livre numérique ou papier sans auteur !

Aujourd’hui, d’aucuns sont prêts à payer parfois des sommes incroyables, mais pas pour la création : ceux qui imaginent, créent, passent du temps à concevoir, sont très souvent rémunérés n’importe comment ! Certes, certains sortent du lot : ils ont du talent et deviennent des vedettes ! Malgré tout, combien de dizaines de milliers d’auteurs, tout aussi talentueux mais qui ne sont pas encore connus ou reconnus, vivent avec rien ou, en tout cas, ne peuvent vivre de leur travail ?

On peut trouver au moins un avantage à cette révolution numérique : bien des coûts seront atténués, même si ce n’est peut-être pas dans l’immédiat, parce qu’il va falloir investir. Toutefois, à terme, il n’y aura plus à assurer une distribution lourde et coûteuse, à supporter des frais d’imprimerie, à payer le papier, qui, lui aussi, a un prix. Il y aura toujours, bien sûr, la relation entre l’auteur et l’éditeur pour promouvoir l’œuvre, l’embellir et faire en sorte qu’elle arrive jusqu’au lecteur, mais ce sera pratiquement tout !

Pour autant, on nous dit : oh non, ne parlez pas de « juste rémunération » ! Mais l’auteur sera désarmé face à son éditeur, car c’est ce dernier qui tranchera. Même si les marges augmentent et sont multipliées par cinq ou dix, l’auteur aura le même niveau de rémunération !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons pas rester les bras ballants devant une telle situation ! J’attends donc des démentis officiels, car, si certains m’ont rassuré, ils l’ont toujours fait oralement, officieusement.

Aujourd’hui, le coût d’achat d’un livre se décompose comme suit : 55 % pour l’ensemble de la chaîne de distribution, 15 % pour l’impression, 20 % pour l’édition et 10 % pour le droit d’auteur. Autrement dit, l’éditeur touche deux fois plus que l’auteur, que celui qui a créé et imaginé. On pourrait déjà s’interroger sur un tel ratio, mais acceptons-le eu égard aux frais fixes, aux frais d’administration notamment, et l’éditeur est indispensable.

Avec le livre numérique, les coûts de distribution et d’impression seront largement réduits, voire supprimés. Une fois que les quelques investissements engagés auront été amortis, on arrivera peu ou prou à ce résultat : l’éditeur touchera sept fois plus que l’auteur !

Dès lors, ne vous semble-t-il pas normal que nous essayions, par la loi, de rendre le système plus équitable ? Il faudrait à tout le moins que l’auteur puisse se défendre lors de la négociation contractuelle et rappeler à son éditeur que le législateur a voté des dispositions dont il doit tenir compte.

Avec cet article 5 bis, oui, nous faisons œuvre utile, sans rien mettre en danger ! Et demain, on saluera notre action !

Je n’ai donc pas du tout compris que les députés, pourtant aussi avertis et aussi soucieux que nous de la situation des auteurs, aient pu céder à des arguments si minces ! Comment peut-on affirmer que tout cela relève de la relation contractuelle et refuser de reconnaître la baisse des coûts qu’entraîne le livre numérique ? Pour qui nous prend-on ? Ce marché existe déjà au Japon, aux États-Unis, au Canada, et nous nous sommes rendus dans ces pays pour juger par nous-mêmes. Les éditeurs que nous avons interrogés nous ont tous fait spontanément la même réponse : les économies de coûts sont au moins de 40 %. Que l’on ne me dise pas que le prix du livre numérique sera identique à celui du livre papier ! Pourtant, dans ces trois pays, les éditeurs ont les mêmes contraintes que chez nous.

Mais j’arrête là ma plaidoirie, car je sais qu’il n’y a, dans cet hémicycle, que des convaincus. Au-delà de cette enceinte, je m’adresse surtout à nos collègues de l’Assemblée nationale. Je suis très heureux que le Sénat ait rétabli l’article 5 bis et que le Gouvernement soutienne notre volonté de défendre les auteurs !

L’article 5 bis est adopté.

Un comité de suivi composé de deux députés et deux sénateurs, désignés par les commissions chargées des affaires culturelles auxquelles ils appartiennent, est chargé de suivre la mise en œuvre de la présente loi. Après consultation du comité de suivi et avant le 31 juillet de chaque année, le Gouvernement présente au Parlement un rapport annuel sur l’application de la présente loi au vu de l’évolution du marché du livre numérique, comportant une étude d’impact sur l’ensemble de la filière. –

Adopté.

(Non modifié)

Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés, à la date de leur délivrance, les permis de construire accordés à Paris en tant que leur légalité a été ou serait contestée pour un motif tiré du non-respect des articles ND 6 et ND 7 du règlement du plan d’occupation des sols remis en vigueur à la suite de l’annulation par le Conseil d’État des articles N 6 et N 7 du règlement du plan local d’urbanisme approuvé par délibération des 12 et 13 juin 2006 du Conseil de Paris.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’amendement n° 5, présenté par MM. Alfonsi et Mézard, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Nicolas Alfonsi.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement a pour objet de supprimer l’article 9.

J’aurais souhaité vous épargner la lecture de ce chef-d’œuvre législatif – nous sommes en effet bien loin des dispositions du code civil ! –, mais elle me paraît indispensable, car, à elle seule, elle devrait justifier le bien-fondé de mon amendement.

Je vous donne donc lecture de l’article 9 : « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés, à la date de leur délivrance, les permis de construire accordés à Paris en tant que leur légalité a été ou serait contestée pour un motif tiré du non-respect des articles ND 6 et ND 7 du règlement du plan d’occupation des sols remis en vigueur à la suite de l’annulation par le Conseil d’État des articles N 6 et N 7 du règlement du plan local d’urbanisme approuvé par délibération des 12 et 13 juin 2006 du Conseil de Paris. »

Voilà, mes chers collègues, la qualité du texte législatif que vous allez être appelés à voter !

Lors du débat à l’Assemblée nationale, M. Tardy, qui s’était exprimé le dernier, avait déclaré qu’il ne manquait plus que le numéro du permis ; j’y inclurai même, pour ma part, les plans du géomètre… Ce degré de précision me fait penser aux tableaux des circonscriptions figurant parfois en annexe des lois électorales.

L’article 9 a été introduit par l’Assemblée nationale à la suite du vote de deux amendements identiques défendus respectivement par un membre du groupe UMP et un membre du groupe socialiste.

Il s’agit d’opérer une validation législative du permis de construire qui a été accordé à la fondation LVMH avant d’être annulé par le tribunal administratif. Ce permis avait été délivré après une modification du plan local d’urbanisme annulée par le Conseil d’État.

Nul doute que les auteurs du projet connaissaient les procédures engagées devant la juridiction administrative, mais ils n’ont pas usé de la prudence nécessaire qui s’impose dans une telle situation et semblent avoir manifesté, en réalité, la volonté de passer en force, en faisant débuter les travaux avant l’épuisement des procédures.

Pour m’en tenir à l’aspect juridique, mon amendement se justifie pour deux raisons.

En premier lieu, la disposition proposée présente le caractère d’un cavalier législatif. Même si la construction projetée a une vocation culturelle, dans le cadre d’une opération de mécénat, cette validation est dépourvue de tout lien avec la proposition de loi que nous examinons ce soir et qui ne concerne en rien l’urbanisme ni, d’ailleurs, le mécénat culturel ou l’art contemporain.

En second lieu, les normes constitutionnelles et européennes s’opposent à cette mesure de validation.

Sur le plan constitutionnel, celle-ci doit pouvoir être justifiée par la poursuite d’un intérêt général suffisant. Selon le Conseil constitutionnel, il peut s’agir d’une atteinte à des situations personnelles nombreuses que nous connaissons tous – par exemple, l’annulation d’un concours ou le rétablissement de certaines dispositions –, d’une rupture de la continuité du service public, de considérations d’ordre public, de la stabilité des situations juridiques.

Il convient d’avoir à l’esprit que cette mesure de validation pourra peut-être faire l’objet, bien que je sois pessimiste, d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Sur le plan européen, compte tenu de l’exigence du droit à un procès équitable, prévu au célèbre article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la mesure doit être motivée par d’impérieux motifs d’intérêt général.

Or, en l’espèce, quels que soient les mérites architecturaux de la construction en cause et l’intérêt qui s’attache à l’opération, cette mesure de validation peut difficilement être assimilée à une opération motivée par l’intérêt général.

On ne peut davantage justifier la poursuite des travaux en raison de préjudices que serait amené à supporter le constructeur.

Mes chers collègues, nous devons, en règle générale, nous abstenir de nous immiscer dans le débat judiciaire, et cela doit être encore plus fortement affirmé dans notre hémicycle qu’ailleurs.

En l’espèce, la validation proposée a pour objet non pas de vider de ses effets une simple irrégularité, mais de trancher une question de fond, puisqu’il s’agit de faire échec à la qualification de « voie » au sens du plan d’urbanisme applicable à une allée intérieure du Jardin d’acclimatation. Voilà le cœur du débat !

Il s’agit, par conséquent, de contredire une décision juridictionnelle au motif que la qualification juridique retenue par le juge serait contestable. Nous nous substituerions alors au juge.

À ce rythme, où allons-nous ? Que devient le principe de la séparation des pouvoirs ?

En votant cet article, nous dessaisirions les juges administratifs, qui se seraient donc trompés ! Comme l’a, au demeurant, reconnu Mme le rapporteur, les mesures de validation législative doivent rester exceptionnelles et obéir à des critères précis. Or nous ne voyons pas, en l’espèce, quelles circonstances exceptionnelles justifieraient que le législateur fasse obstacle à ce que ce litige puisse être franchement débattu dans des conditions normales devant une juridiction compétente.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Compte tenu de l’importance du sujet, je me vois obligée de développer les arguments juridiques solides qui nous ont conduits à émettre un avis défavorable sur cet amendement.

S’agissant du rapport de l’article 9 avec l’objet de la proposition de loi, il est vrai qu’il est ténu. Mais on ne peut nier que la volonté de permettre ainsi la poursuite de la construction d’un musée d’art contemporain ambitieux répond, comme l’ensemble du texte, à un objectif d’accès du public à une offre culturelle diversifiée.

S’agissant des autres arguments allégués par les auteurs de l’amendement, je montre bien, dans mon rapport écrit, que les principes édictés tant par le Conseil constitutionnel que par la Cour européenne des droits de l’homme sont respectés.

Je rappelle que la constitutionnalité d’une loi de validation est soumise à quatre conditions cumulatives : la non-immixtion dans l’exercice du pouvoir juridictionnel par le respect des décisions de justice devenues définitives, le respect du principe de non-rétroactivité de la loi en matière pénale, l’existence d’un motif d’intérêt général et le caractère nécessairement circonscrit de la validation.

En l’espèce, cette validation satisfait à toutes ces conditions. Pour être plus précise, je dirai qu’elle ne remet pas en cause l’autorité de la chose jugée, la procédure étant pendante puisqu’en instance d’appel. La validation est précise et circonscrite.

S’agissant du critère d’intérêt général, le Conseil constitutionnel procède à un contrôle de proportionnalité in concreto.

Or, au-delà même des arguments d’ordre financier et d’emploi, ce sont quand même près de 1 000 personnes qui sont concernées par l’arrêt du chantier. Il faut le rappeler, ce projet revêt un intérêt culturel et architectural majeur, car il est destiné au nécessaire renforcement de l’offre culturelle nationale et de l’attractivité internationale de notre capitale.

Le fait qu’il soit financé par une fondation privée dans le cadre d’un mécénat n’ôte rien à cet intérêt, d’autant qu’il s’agit, je le rappelle, d’une fondation reconnue d’utilité publique. De surcroît, la propriété du musée deviendra elle-même, à terme, publique.

Si, nous en sommes tous conscients, une telle démarche de validation législative doit conserver un caractère exceptionnel, la nécessité de celle-ci ne paraît pas contestable au cas présent.

C’est pourquoi notre commission a émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Tous les arguments développés par Mme le rapporteur sont de nature à étayer l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement.

La construction de cet établissement revêt, à mes yeux, un intérêt culturel majeur. Voilà quelques années, un autre établissement culturel similaire qui devait être édifié dans la région parisienne a été perdu pour des raisons que nous regrettons tous unanimement. Il ne faudrait pas que, au nom de combats qui ne nous concernent pas, ce nouvel établissement majeur soit, à son tour, perdu.

Le lien entre la défense du prix unique pour le livre numérique et la défense de la construction d’un établissement tel que celui-là peut paraître ténu mais, en vérité, il touche à l’essentiel, à savoir la pluralité et la richesse de l’offre culturelle à destination de tous nos concitoyens.

C’est pourquoi je défends farouchement l’avis défavorable du Gouvernement. (

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le président, je serai très bref.

Mme le rapporteur a répondu d’une manière complète à la motivation juridique de M. Alfonsi. Je l’ai bien compris, notre collègue est attaché au respect du droit dans notre façon de légiférer. Il veut faire en sorte que celle-ci soit conforme aux usages, à la loi, à la Constitution.

Si nous avons accepté, de façon consensuelle et exceptionnelle, un tel article dans le cadre de cette proposition de loi, c’est parce que le lien évoqué par M. le ministre existe bel et bien. Nous débattons d’une proposition de loi pour la culture, et les niches parlementaires nous permettant d’examiner ces questions ne sont pas si nombreuses ! Nous avons réussi à faire inscrire cette proposition de loi. Si nous avions dû attendre une loi spécifique pour traiter cette question, nous aurions probablement dû patienter jusqu’à la prochaine législature, compte tenu de l’encombrement de l’ordre du jour avec cette accumulation de textes examinés en urgence. Or cet établissement aurait été perdu.

À un moment donné, nous devons, en conscience, savoir si nous voulons que cet établissement culturel soit implanté à Paris.

En ma qualité d’élu parisien, à l’instar d’autres de mes collègues, permettez-moi de souligner ici la très grande importance que revêt cette affaire pour la collectivité parisienne et la culture à Paris. De surcroît, un bien culturel de cette ampleur dépassera les frontières de notre capitale, de notre pays et rayonnera sur le plan international. C’est dire toute l’importance de cet enjeu, qui n’est pas purement local. Je souscris donc aux propos qui ont été tenus pour défendre cette disposition, moi qui ai, en d’autres moments – et je ne suis pas le seul ! – combattu des cavaliers, et je continuerai d’ailleurs à le faire.

Quand des cavaliers viennent se rajouter à des polémiques et à des désaccords déjà existants, ils viennent troubler le jeu démocratique. Mais, en l’espèce, je ne suis pas en porte-à-faux avec mon principe, car cette question fait consensus : nous avons tous reconnu qu’il s’agit là d’une situation exceptionnelle.

Aussi, pour les raisons que je viens de développer, demanderai-je à mes collègues de repousser cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Je suis sensible à l’intervention de Mme le rapporteur, arguant de l’importance de cette fondation. J’ai cru comprendre que la renommée internationale de la France avait été atteinte à la suite de l’affaire Pinault. Soit ! Mais le principe de la séparation des pouvoirs est aussi essentiel, et on voit bien l’équilibre qui doit s’établir entre ces deux notions. Certains sont plus attachés à ce principe qu’aux arguments plaidant en faveur de la régularisation de cette situation.

La vérité, c’est qu’il faut aller vite dans cette affaire. Une course contre la montre est engagée : dès lors que la chose aura été jugée, la validation législative ne pourra plus intervenir. N’ayons pas peur d’appeler un chat un chat ! Ce soir, on nous demande de régulariser une situation.

Je souligne que la qualité de la discussion est bien meilleure ici. Je rappelle qu’à l’Assemblée nationale, lors de la discussion des deux amendements identiques relatifs à cette question, le député de l’UMP a défendu brièvement son amendement, tandis que son collègue, membre du groupe socialiste, s’est contenté de dire, dans un souffle : « Défendu. » Quant à vous, monsieur le ministre, quand il s’est agi de donner l’avis du Gouvernement, vous avez simplement déclaré : « Sagesse. » Au moins, au Sénat, les choses s’améliorent : le débat s’instaure. Et c’est très bien ainsi !

Au demeurant, je m’interroge sur la raison qui m’a poussé à déposer cet amendement. En réalité, cette sorte de complicité me paraît étrange, suspecte même, je dois le dire. Je l’ai fait pour des raisons de principe, et il revient au Sénat de délibérer.

Pour ma part, je me contenterai de relire de temps en temps Alain et ses Propos sur les bureaux et les puissants, étant entendu qu’on peut les identifier ici, si j’ose dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

On peut émettre des réserves de forme sur la manière de procéder, sur ce que l’on appelle « un cavalier », mais, quand on réussit à se mettre tous d’accord sur une question d’intérêt national, c’est le fond qui importe.

Certes, il serait dangereux de recourir en permanence à un cavalier, mais il est souhaitable de le faire exceptionnellement et pour des questions culturelles. Surtout, Mme le rapporteur et M. le ministre ont sublimé, en quelque sorte, ce cavalier.

Je me souviens d’un autre cavalier similaire, qui nous avait permis de créer le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, lors d’un débat qui avait eu lieu ici, au Sénat, en fin d’année. Si nous n’avions pas usé de ce cavalier législatif, ce centre n’aurait pas été créé.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Quand le Conseil de Paris demande à l’unanimité le vote de cette disposition, nous devons l’entendre, et je m’opposerai à cet amendement de suppression.

Certes, notre débat est légitime, et je tiens à remercier notre collègue Nicolas Alfonsi d’avoir posé le problème sous un angle juridique. C’est son droit, et, sur le fond, il n’a pas tort. Je me félicite de cette discussion, car on pouvait craindre – et mon collègue Jack Ralite en a convenu avec moi – qu’elle ne nuise à la qualité de nos travaux sur le livre numérique. Mais tel n’a pas été le cas. Cette question fait consensus et suscite chez nous tous un véritable emballement, et cela fait chaud au cœur !

Tout en comprenant la motivation des auteurs de cet amendement, je voterai contre. Je le répète, la situation est exceptionnelle, et il y a des moments où il faut faire donner la cavalerie !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture, pour la dernière charge de la cavalerie !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma collègue Catherine Dumas et moi-même avons déposé cette proposition de loi parce que nous pensons que le prix du livre numérique ouvre un débat sur l’accès à une forme contemporaine de culture. Mais il existe une autre forme contemporaine de culture, celle qui consiste à avoir, dans notre capitale, des musées exceptionnels.

Or cette fondation, qui reviendra, à terme, à la Ville de Paris, offrira aux Français et aux visiteurs de Paris la possibilité d’accéder aux créations de l’art dans un bâtiment exceptionnel.

Voilà quelques années, un autre projet, objet de débats, s’est déjà heurté à différentes difficultés et a, au final, été réalisé à Venise. J’en ai été attristé, comme beaucoup d’entre nous, me semble-t-il. Allons-nous répéter cette erreur, au risque de donner l’impression que Paris ne se prête pas à l’implantation de fondations de grande qualité susceptibles de rayonner ?

S’il ne s’était pas agi d’un objectif culturel de première importance, je me serais, en tant que président de la commission, opposé à cet article. Certes, je comprends tout à fait les remarques de notre collègue Nicolas Alfonsi, mais, au bénéfice de cet objectif culturel, notre assemblée doit l’adopter. D’ailleurs, la commission de la culture s’est prononcée, à l’unanimité, contre cet amendement de suppression.

Compte tenu du débat utile que nous venons d’avoir, je vous invite, mon cher collègue, à retirer votre amendement ; la Haute Assemblée vous en serait reconnaissante. Dans le cas contraire, je vous demanderai, mes chers collègues, de voter contre cet amendement.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 9 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Catherine Dumas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Jacques Legendre.

Notre groupe votera naturellement cette proposition de loi, car il s’agit d’un texte d’équilibre, permettant d’aligner le régime du livre numérique sur celui du livre écrit. Il devenait vraiment urgent de le faire au regard du développement rapide de ce mode de diffusion.

Le secteur du livre connaît, comme un grand nombre de loisirs et d’activités culturelles, de profondes mutations du fait de l’essor des nouvelles technologies. Si le livre homothétique n’en est encore qu’à ses débuts, sa diffusion est chaque jour plus large. On peut également penser que, dans quelques années, de nombreux autres secteurs d’activité seront concernés.

Le présent texte ne prétend aucunement résoudre définitivement toutes les difficultés, mais il permet de réguler les relations entre auteurs, éditeurs, libraires et distributeurs. Il s’agit donc d’une étape essentielle, très attendue par les professionnels.

En défendant la propriété intellectuelle et en permettant aux éditeurs de conserver la maîtrise de la détermination des prix, nous atteignons, avec ce texte, un triple objectif : le respect du droit d’auteur, le maintien de la diversité de l’offre éditoriale et le respect d’une concurrence loyale entre les acteurs du marché.

Par ailleurs, ce texte limite la concentration du secteur et permet aux libraires « physiques » indépendants, si importants pour l’animation commerciale et culturelle de nos villes, de continuer à exister, et j’y suis particulièrement sensible en tant qu’élue de Paris.

De notre point de vue, deux mesures essentielles ont été modifiées, en première lecture, par les députés.

Nous soutenons, tout d’abord, le rétablissement de l’article 5 bis tel qu’il a été adopté par le Sénat en première lecture.

S’agissant, ensuite, de la clause d’extraterritorialité, notre groupe approuve, là aussi, le retour à la rédaction adoptée à l’unanimité, en première lecture, par le Sénat.

Je salue le consensus qui a prévalu tout au long de nos travaux sur cette importante question. Notre détermination constitue bien sûr une base forte pour les prochaines discussions avec la Commission européenne. Si cette dernière a récemment fait part de ses réserves auprès du Gouvernement, il semble toutefois possible que certaines difficultés soient levées, laissant espérer des avancées significatives.

Je me réjouis de la position exprimée tout à l’heure par M. le ministre, et j’espère que nos collègues députés nous rejoindront, afin d’unifier et de renforcer la position française sur ce sujet.

En définitive, mes chers collègues, le présent texte permet de baliser le chemin, afin d’accompagner les mutations actuelles et de préparer celles à venir. L’émergence du numérique dans la vie quotidienne de nos concitoyens nous impose d’anticiper les questions futures pour défendre nos industries culturelles et créatives.

Cette proposition de loi représente vraiment une réelle avancée, une première étape réussie dans la bataille culturelle que nous souhaitons tous mener. Notre groupe lui apportera donc bien entendu son entier soutien.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 30 mars 2011 :

De quatorze heures trente à seize heures trente :

1. Proposition de loi tendant à assurer la juste participation des entreprises au financement de l’action publique locale et à renforcer la péréquation des ressources fiscales (305, 2010-2011).

Rapport de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (365, 2010-2011).

De seize heures trente à dix-huit heures trente :

2. Proposition de loi visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d’Île-de-France (299, 2010-2011).

Rapport de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (364, 2010-2011).

À dix-huit heures trente :

3. Proposition de loi tendant à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure (194, 2010-2011).

Rapport de M. Josselin de Rohan, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (343, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 344, 2010-2011).

Le soir :

4. Éventuellement, suite de l’ordre du jour de l’après-midi.

5. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à l’urbanisme commercial (558, 2009-2010).

Rapport de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (180, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 181, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 30 mars 2011, à zéro heure cinq.