Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 29 mars 2011 à 21h45
Prix du livre numérique — Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’arrivée du numérique bouscule l’économie du livre. La numérisation massive pose la question de la protection non seulement des droits d’auteur, mais également de l’ensemble des acteurs traditionnels de la chaîne du livre, qui est potentiellement en danger.

Bien que le marché du livre numérique soit encore balbutiant, nous assistons déjà à une mutation commerciale sans précédent, dont les conséquences sont loin d’être neutres sur le plan culturel et dont les effets seront exponentiels dans les mois et les années à venir.

La proposition de loi sur le prix du livre numérique, que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture, répond à l’objectif primordial de préservation de la diversité culturelle, en visant à une régulation du secteur.

Néanmoins, il est important de fixer un cadre légal suffisamment souple pour accompagner l’évolution technologique. C’est la meilleure solution pour éviter d’être pris au dépourvu par la vague du numérique.

L’article 7 de la proposition de loi fixe une « clause de revoyure », rendez-vous législatif annuel permettant d’observer l’évolution des pratiques du marché et d’étudier ses effets sur l’ensemble de la filière. Ainsi pourrons-nous nous adapter au fur et à mesure à ce nouveau mode de consommation de la culture, qui nous semble encore très virtuel.

Certaines dispositions adoptées par l’Assemblée nationale introduisent de la souplesse en permettant de tenir compte des spécificités des offres proposées à des fins d’usages collectifs ou professionnels, grâce à l’instauration d’un cadre de négociation des prix approprié à ces usages. Cela concerne notamment les établissements publics de diffusion du savoir et de la connaissance, comme les bibliothèques universitaires et de recherche ; c’est une excellente disposition.

Par ailleurs, je me réjouis que la commission de la culture du Sénat ait réintroduit l’obligation de fixer un prix de vente pour les éditeurs établis hors de France et commercialisant leurs livres sur le territoire français. L’Assemblée nationale était revenue sur cette disposition adoptée par le Sénat, mais, de manière tout à fait consensuelle, nous avons fort heureusement décidé, en commission, de la rétablir.

Comment imaginer de ne pas aborder dans ce texte l’extraterritorialité ou encore la reconnaissance d’une rémunération équitable pour les auteurs ? Or ces deux problèmes majeurs ont, l’un et l’autre, été écartés par les députés de la majorité. Espérons que notre persévérance unanime l’emportera et que ces dispositions survivront à la navette législative.

Enfin, je tiens à remercier le président Jacques Legendre et notre collègue Catherine Dumas de leur initiative. La proposition de loi que nous allons adopter est le fruit attendu de longues réflexions et concertations. Face à la montée en puissance du livre numérique, qui est passé de 0, 1 % du chiffre d’affaires du marché du livre en 2008 à 1, 5 % aujourd'hui, il fallait réagir vite pour préserver l’équilibre déjà fragile de ce secteur.

Depuis l’examen en première lecture du texte au Sénat, nous avons eu l’occasion, le 22 novembre dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, de favoriser l’émergence de ce marché en adoptant un amendement qui doit faire passer la TVA sur le livre numérique de 19, 6 % à 5, 5 %, comme pour le livre papier.

Au nom de la défense d’une certaine exception française en matière culturelle, le Gouvernement a fini par se rallier à cette proposition. Prévue pour s’appliquer à compter du 1er janvier 2012, l’extension du taux réduit dépendra des négociations européennes. L’objectif est donc de convaincre l’Europe – qui, pour l’instant, exclut toujours les services fournis par voie électronique du bénéfice de la TVA minorée –, avec l’espoir de réussir à généraliser une TVA réduite sur l’ensemble des services culturels en ligne, de la vidéo à la musique en passant par la presse.

Monsieur le ministre, nous espérons beaucoup des négociations entre la Commission européenne, les États membres et M. Jacques Toubon, nommé ambassadeur itinérant sur ce sujet.

Le débat sur la dématérialisation du livre et de la culture doit nécessairement avoir lieu à l’échelle internationale, car, en matière d’échanges immatériels, les frontières physiques ne sont plus pertinentes.

Dans le même temps, force est de constater que le livre numérique constitue une opportunité formidable pour la démocratisation de l’accès à la culture et à la lecture. Il est donc fondamental de se saisir dès maintenant de cette question.

C’est la raison pour laquelle une grande majorité des membres du groupe RDSE votera cette proposition de loi.

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