Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 3 novembre 2009 à 14h30
Entreprise publique la poste et activités postales — Exception d'irrecevabilité

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de revenir sur ces notions à l’occasion de la loi relative au secteur de l’énergie, qui privatisait GDF, en dépit des belles promesses du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie d’alors, devenu depuis Président de la République !

Mais c’est une jurisprudence plus ancienne du Conseil constitutionnel qui explicite les notions de monopole de fait et de service public national. La Poste revêt ces deux caractères et, à ce titre, le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 doit être respecté.

Dans sa décision du 26 juin 1986, le Conseil constitutionnel a jugé que la notion de monopole de fait « doit s’entendre compte tenu de l’ensemble du marché à l’intérieur duquel s’exercent les activités des entreprises ainsi que de la concurrence qu’elles affrontent dans ce marché de la part de l’ensemble des autres entreprises ».

Historiquement, que ce soit au travers de l’administration des PTT ou de la création de l’établissement public en 1991, La Poste a toujours eu le monopole de l’activité postale. Elle détient donc une position prépondérante, pour ne pas dire exclusive, dans le secteur de l’activité postale, qu’il s’agisse de la collecte, du tri, du transport ou de la distribution des envois postaux, secteur représentant la majorité de son activité globale.

La Poste exploite un service public national du fait du législateur, et une partie de son activité peut être rattachée au service public constitutionnel de la justice.

Sur ce point, on sait que la jurisprudence constitutionnelle est très restrictive en ce qui concerne la qualification de services publics constitutionnels. Ces derniers étant, pour l’essentiel, des services publics régaliens, ils ne peuvent faire l’objet d’une privatisation.

Certaines activités postales doivent être considérées comme se rattachant à des services publics nationaux constitutionnels. Je pense au service public de la justice : la lettre recommandée est une formalité légale obligatoire créatrice d’effets juridiques en termes de délai et de preuve. Elle constitue également une formalité obligatoire dans la citation en justice : baux ruraux, tribunaux d’instance, prud’hommes.

Or l’article 19 du projet de loi, qui tend à supprimer l’article L. 3-4 du code des postes et des communications électroniques, confirme la volonté du Gouvernement de privatiser cette activité de La Poste et de la faire échapper à tout contrôle, même réglementaire.

Monsieur le rapporteur, vous ne serez pas insensible à cette question, puisque vous aviez vous-même défendu, lors de l’examen de la loi de 2005, un amendement visant à réserver cette activité à La Poste.

L’article 1er du projet de loi, qui ouvre la voie à la privatisation de La Poste, combiné à l’article 19 du même texte, constitue donc une violation du neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.

Il existe des services publics nationaux autres que constitutionnels, qui tombent aussi sous la protection du préambule de la Constitution de 1946.

Il ressort de la jurisprudence de 1986, notamment de son considérant 53, que « si la nécessité de certains services publics nationaux découlent de principes ou de règles à valeur constitutionnelle, la détermination des autres activités qui doivent être érigées en service public national est laissée à l’appréciation du législateur ou de l’autorité réglementaire selon les cas ».

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