Pour notre part, nous voterons la motion de procédure présentée par le groupe socialiste, car nous considérons que ce projet de loi est dangereux pour le service public postal. À qui fera-t-on croire que l’ouverture à la concurrence de l’ensemble des activités postales et la transformation de l’opérateur national en simple société anonyme permettent de garantir un service public efficace et moderne ?
Vous n’avez de cesse, monsieur le ministre, de nous dire que les missions de service public et la maîtrise publique seront sauvegardées, mais si ces missions sont définies – de manière relativement imprécise – dans le texte, leur financement reste plus qu’incertain.
Ainsi, la suppression du secteur réservé, prévue au titre II du projet de loi, va, une nouvelle fois, priver La Poste de ressources indispensables pour mettre en œuvre le service universel.
Dans ces conditions, la création du fameux fonds de compensation du service universel postal, inscrite dans la loi relative à la régulation des activités postales, devient plus que jamais nécessaire. Ce fonds devait initialement être géré par la Caisse des dépôts et consignations ; celle-ci prenant part au capital de La Poste, il vous revient donc de créer un établissement public dédié.
Je ne parlerai pas ici du fonds postal de péréquation territoriale, cette question ayant déjà largement abordée par mes collègues lors de la discussion générale. Son avenir est mis en péril par la suppression annoncée de la taxe professionnelle.
Le projet de loi s’articule autour de la notion de service universel, notion qui est pour vous le plus sûr outil du démantèlement des services publics à la française. On le constate encore dans ce texte, qui prévoit que les prix soient fixés en fonction des coûts : il n’est donc plus question de services publics, mais de services rendus dans des conditions économiquement intéressantes pour les actionnaires.
Vous renforcez encore le rôle et les pouvoirs de l’ARCEP, dont la mission est de permettre l’entrée sur le marché des opérateurs privés dans des conditions favorables. Les autres instances, curieusement, ont été mises en sommeil, notamment la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications.
Je formulerai maintenant des propositions, comme vous nous y avez invités à juste titre, monsieur le ministre, car si nous refusons le changement de statut, nous ne voulons pas non plus le statu quo.
À votre exigence de rentabilité maximale, nous opposons l’instauration de complémentarités et de coopérations comme bases du service public et de la cohésion nationale.
À l’échelle européenne, mettre en œuvre des réseaux transeuropéens a du sens. En revanche, organiser une guerre fratricide entre les services publics nationaux n’aboutit qu’à un vaste gâchis humain et financier.
À l’échelle nationale, nous proposons d’ouvrir le chantier de la création de deux pôles publics. J’ai cru comprendre que vous étiez favorable à la mise en place du premier d’entre eux, à savoir un grand pôle public financier, articulé autour de la Banque de France, de La Poste, de la Caisse des dépôts et des consignations et d’OSEO, afin d’orienter les finances publiques vers la satisfaction des besoins, sans recourir aux produits toxiques. Puisque vous nous avez félicités de cette proposition, monsieur le ministre, je vous prie de bien vouloir intervenir auprès des services du Sénat pour que l’article 40 de la Constitution ne soit pas opposé aux sous-amendements que nous allons déposer à cette fin.
Par ailleurs, puisqu’il faut accompagner la complémentarité des usages d’une complémentarité des offres, pourquoi ne pas s’appuyer sur le formidable atout que représente le réseau postal pour lutter contre la fracture numérique ? Il y a là une piste importante à explorer en vue de la modernisation que nous appelons de nos vœux, l’objectif étant la création d’un grand pôle public des postes et télécommunications du xxie siècle. Il faudrait pour cela en finir avec la logique qui anime toutes les réformes que le Gouvernement entreprend en se défaussant de ses responsabilités sur le privé ou sur les collectivités locales, comme on le voit avec les APC et les RPC, ce qui mène à l’impuissance des pouvoirs publics à répondre aux besoins et à offrir des services à tous.
Pour toutes ces raisons, les 2, 3 millions de personnes qui se sont exprimées le 3 octobre dernier peuvent compter sur les sénateurs du groupe CRC-SPG et, au-delà, de toute l’opposition pour faire entendre leur voix. Pour notre part, nous respectons leur démarche, monsieur Maurey, et nous regrettons que le Gouvernement ait choisi de les mépriser. Nous sommes à leurs côtés, déterminés à affirmer que La Poste a un bel avenir devant elle, à condition de mettre en échec votre projet de loi de privatisation – c’est bien de privatisation qu’il s’agit – de ce grand service public postal. Nous voterons donc la motion tendant à opposer la question préalable présentée par nos collègues socialistes.