La Poste exploite un service public national, et certaines de ses activités peuvent être rattachées à un service public national constitutionnel.
Contrairement au service public national du fait du législateur, les services publics constitutionnels ne peuvent cesser de relever de la collectivité, même si le législateur en décide ainsi. Préciser dans la loi qu’un service public est national ne permet donc pas d’éviter une privatisation, mais cela garantit que le législateur sera saisi de la question. Bref, on écarte une privatisation par voie réglementaire.
Par ailleurs, en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il suffit au législateur de priver l’entreprise concernée des caractéristiques qui en faisaient un service public national pour pouvoir la privatiser. Or c’est exactement ce qu’entend faire le Gouvernement par le présent projet de loi, qui vise en effet à transposer le droit communautaire, livrant totalement le secteur postal à la concurrence, ainsi qu’à ouvrir l’ensemble des activités postales aux opérateurs privés et à supprimer le secteur réservé.
Quand le Conseil constitutionnel a voulu déterminer si GDF exploitait un service public national, afin de se prononcer sur la conformité de sa privatisation au Préambule de la Constitution de 1946, il a jugé « que les obligations de service public définies par l’article 16 de la loi du 3 janvier 2003 s’imposent non seulement à Gaz de France, mais encore à l’ensemble des entreprises concurrentes intervenant dans le secteur du gaz naturel ; qu’il en est ainsi en ce qui concerne les obligations de service public fixées par la loi, au niveau national, sur chacun des secteurs d’activité », et que, par conséquent, la loi déférée faisait perdre à GDF son statut de monopole public, rendant possible de procéder à sa privatisation.
Ainsi, dès lors que l’on change le statut de l’exploitant autonome de droit public dans le contexte d’ouverture à la concurrence du secteur postal, rien n’empêchera la privatisation totale de l’entreprise. M. le ministre déclare qu’il va rendre La Poste « imprivatisable » : outre que ce mot ne figure pas dans le dictionnaire, il n’a aucune réalité…
Par cet amendement, pour lequel nous demandons un scrutin public, nous proposons de maintenir le statut d’exploitant autonome de droit public de La Poste. C’est en effet le seul moyen efficace d’empêcher toute privatisation. Au-delà, nous souhaitons la suppression de toutes les dispositions du projet de loi, car ce texte dans son ensemble remet en cause le service public postal national.