Intervention de Yann Gaillard

Réunion du 2 décembre 2010 à 11h20
Loi de finances pour 2011 — Culture

Photo de Yann GaillardYann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 2, 7 milliards d’euros sont demandés, en 2011, au titre de la mission « Culture ». L’exercice budgétaire s’ouvrira sur une maquette profondément remaniée, puisque les crédits du livre sont désormais regroupés au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles », dont est chargé mon collègue Claude Belot.

Monsieur le ministre, bien que cette nouvelle présentation me rende quelque peu nostalgique, je vous donne acte de remédier ainsi à l’éparpillement des moyens dévolus à la politique du livre. Néanmoins, l’imbrication grandissante des problématiques de la création, du patrimoine et de la numérisation reflète un mouvement affectant l’ensemble des contenus culturels. On peut, dans ces conditions, se demander pourquoi une fusion pure et simple des missions « Médias » et « Culture » n’a pas été opérée.

On a, semble-t-il, beaucoup débattu pour savoir si les crédits de la mission augmentaient ou baissaient en 2011. Leur évolution en volume fait apparaître une diminution de 0, 6 % avant transferts et de 1, 3 % après transferts. Cette légère diminution atteste de la nécessité, pour le ministère de la culture comme pour l’État en général, de financer ses priorités dans un contexte de maîtrise de la dépense. Votre ministère y parvient, et la commission des finances s’en félicite.

Le programme Patrimoines verra un léger recul des crédits dédiés au patrimoine monumental, compensé par l’attribution de nouvelles ressources fiscales au CMN, le Centre des monuments nationaux. Notre commission a consacré, avec l’appui de la Cour des comptes, des travaux importants au CMN en 2010. Je crois nécessaire de stabiliser l’environnement dans lequel cet établissement est appelé à œuvrer, en contrepartie de quoi sa tutelle doit lui assigner sans tarder des objectifs clairs, assortis d’indicateurs de performance.

Par ailleurs, et au terme de cinq semestres de mise en œuvre, la politique de gratuité dans les musées connaît un réel succès. La « rançon » de ce succès se manifeste toutefois dans l’apparition de certaines surcompensations budgétaires, au profit notamment du Louvre. Si elles portent sur des montants limités, ces surcompensations mettent en évidence un problème de pilotage et de contrôle du dispositif auquel le ministère est invité à remédier.

J’en viens à l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, véritable « marronnier » de la discussion budgétaire ! Il traverse aujourd’hui une crise de trésorerie d’un niveau sans précédent, qui achève de démontrer l’inefficience de son mode de financement. Une refonte globale de la redevance d’archéologie préventive doit être opérée, sur le fondement des conclusions remises le 18 octobre 2010 par l’Inspection générale des finances et dont nous attendons toujours la transmission. Nous supposons pourtant qu’elles sont satisfaisantes ! Monsieur le ministre, nous vous serions reconnaissants de nous indiquer la teneur de ce rapport et la traduction opérationnelle que le Gouvernement compte lui donner.

Le programme Création est marqué par le lancement de grands chantiers, qui connaissent néanmoins des fortunes diverses ! Alors que s’ouvrent les travaux sur les espaces inférieurs du Palais de Tokyo, dédiés à la création contemporaine en matière d’arts plastiques, un objectif qui me semble – je l’avoue – quelque peu mystérieux, le chantier de la Philharmonie de Paris est arrêté faute de crédits de paiement ! Pour filer la métaphore concertante, il semble qu’une « cacophonie interministérielle » soit à l’origine de ce retard. Monsieur le ministre, nous sommes toujours en attente d’explications convaincantes sur les raisons de ces atermoiements, pendant lesquels le trou censé recueillir les fondations se remplit d’eau.

Le programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture voit le maintien des soutiens aux établissements d’enseignement supérieur et aux établissements spécialisés. J’ai pu, au cours d’un contrôle mené en 2010 sur les deux conservatoires supérieurs de musique et de danse de Paris et Lyon, constater le très haut niveau de ces établissements, garants de l’excellence française en matière de composition et d’interprétation musicale et chorégraphique, et le dévouement du corps professoral, composé parfois d’anciennes vedettes du spectacle.

Compte tenu des tensions qui pèsent sur le budget de certains établissements, je me félicite donc que les crédits soient ici préservés.

En ce qui concerne, enfin, les fonctions support, la budgétisation des crédits de fonctionnement courant s’inscrit en diminution de 5 % par rapport à 2010, soit un effort conforme aux engagements gouvernementaux, qu’il convient, une fois de plus, de saluer.

Je conclurai en apportant un bémol au satisfecit global qu’il convient de décerner au ministère pour la gestion maîtrisée de ses crédits.

J’ai, en effet, consacré dix mois d’enquête au département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines, ou DRASSM. La France excelle dans cette discipline, et la protection des vestiges immergés présente un intérêt scientifique et patrimonial de première importance. Le ministère devrait, me semble-t-il, se pencher avec attention sur ce « petit monde », qui est confronté à de grands et nombreux enjeux : développer une archéologie préventive quasi inexistante en milieu immergé ; apaiser, par une offre de formation adaptée, les tensions parfois vives entre professionnels et amateurs ; garantir une médiatisation de qualité des découvertes ; développer les collaborations scientifiques ; diversifier les structures bénéficiaires des concours du DRASSM.

Vous avez, monsieur le ministre, gratifié le DRASSM d’un nouveau navire de recherches archéologiques, le André Malraux, dont le dimensionnement et les modalités de financement suscitent – c’est une litote – des interrogations de la part de la commission des finances. La moindre des choses serait que le département s’en montre digne, en faisant enfin accomplir à l’archéologie sous-marine le saut qualitatif qu’a connu l’archéologie terrestre il y a quinze ou vingt ans déjà.

Sous le bénéfice de ces observations, qui sont dans l’ensemble très positives, la commission des finances invite le Sénat à adopter les crédits de la mission « Culture » et l’article 68 quater rattaché.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion