Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il m’appartient de rapporter les crédits des programmes « Patrimoines » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
Puisque le temps nous est compté, je m’en tiendrai à quelques remarques, en faisant du clair-obscur, si je puis dire, comme mon compatriote George de La Tour voilà quelques siècles. Je proposerai donc, si vous me le permettez, quelques illuminations sur ce budget globalement satisfaisant et dont la commission de la culture du Sénat s’est réjouie.
L’époque où la culture était la variable d’ajustement du budget de l’État – je l’ai vécue il y a quelques années – est heureusement révolue. Vous avez su préserver votre pré carré, monsieur le ministre, et la commission y est très sensible.
Les crédits du programme Patrimoines sont stables, à hauteur de 378 millions d’euros. C’est un tout petit peu moins que l’an dernier, mais il faut rappeler qu’il y avait alors le plan de relance. Ce dernier a permis d’aboutir à des résultats remarquables en matière de conservation du patrimoine. Il n’y a plus de plan de relance cette année et, cependant, les crédits sont quasiment identiques.
Les crédits des musées progressent, s’établissant à 372 millions d’euros. Les crédits alloués au programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture diminuent apparemment, mais c’est un effet d’optique, car le Centre national du cinéma et de l’image animée, ou CNC, va se substituer à ce programme pour un certain nombre d’actions. Néanmoins, la commission de la culture s’inquiète du risque, à travers la débudgétisation, de voir un jour les crédits définitivement diminués. J’ose espérer, monsieur le ministre, que nous échapperons à ce péril.
Comme je le disais, j’aimerais apporter quelques éclairages sur les points qui me paraissant essentiels en matière de politique culturelle.
D’abord, je voudrais évoquer le patrimoine, sujet auquel je sais le Sénat très sensible. J’ai le souvenir de l’époque où Maurice Schumann, qui présidait la commission de la culture, avait mis tout son poids d’Immortel dans la balance pour empêcher le désastre des abattements budgétaires et de la régulation !
Vous avez su, je le répète, préserver ces budgets. Je souhaite que, pour les budgets à venir, l’effort soit maintenu. À cet égard, je remarque que le jeu d’argent en ligne sert aujourd’hui, à travers le Centre des monuments nationaux, à financer une partie du patrimoine. C’est une première, certes modeste mais qui correspond à un vieux souhait du Sénat, exprimé dans un rapport que j’avais corédigé avec mon collègue Philippe Richert, aujourd’hui membre du Gouvernement. C’est un peu l’hommage du vice à la vertu. C’est d’ailleurs ce que font d’autres pays comme la Grande-Bretagne ou l’Italie. Je souhaite ardemment que cet effort soit poursuivi et que l’on puisse utiliser ces crédits du jeu d’argent en ligne pour alimenter la rénovation et la protection du patrimoine.
Je voudrais signaler un souci concernant la maîtrise d’ouvrage. Dans le cadre des mesures budgétaires évoquées par M. le rapporteur spécial, la maîtrise d’ouvrage est progressivement transférée aux entreprises. Dans les régions, les directions régionales des affaires culturelles, ou DRAC, et les préfets de région peuvent continuer à assurer la maîtrise d’ouvrage en faveur des communes qui rénovent leurs monuments. Il est essentiel que cet effort soit, d’une part, homogénéisé sur l’ensemble du territoire, qu’il ne dépende pas des politiques menées par chaque région, et, d’autre part, qu’il soit poursuivi, car, sans cette assistance à la maîtrise d’ouvrage, les collectivités territoriales petites et moyennes ne pourront plus faire face à la nécessité d’une rénovation de leur patrimoine. Or, nous savons l’importance de l’effort consenti dans ce domaine par les collectivités territoriales en France, essentiellement les communes, dans une moindre mesure les départements, et parfois les régions à la suite du transfert du patrimoine de l’État.
En ce qui concerne les musées, les grands établissements sont frappés d’une réduction de 5 % de leurs crédits, parfaitement compréhensible en ces temps de rigueur. Mais, plutôt que de procéder à un abattement uniforme de 5 %, peut-être faudrait-il tenir compte de l’effort que font certains grands établissements ? Je pense ainsi au Centre Pompidou, qui, avec le Centre Pompidou mobile, joue un rôle essentiel en matière de rééquilibrage du territoire, en produisant des expositions dans le monde rural.
La commission souhaite également vous faire part d’une inquiétude au sujet de l’archéologie préventive. Nous en connaissons l’importance de cette dernière pour la protection de notre histoire et de la mémoire. Dans le budget 2010, il a fallu réalimenter l’archéologie préventive, à hauteur d’un peu plus de 30 millions d’euros, à travers des avances de l’État et des subventions complémentaires. Il est essentiel qu’une réflexion de fond soit engagée sur ce sujet, sans pour autant – et ce point me paraît essentiel – faire peser un effort supplémentaire sur les aménageurs et les collectivités, lesquelles, bien souvent, voient une lourde charge peser sur elles lorsque, à l’occasion d’un chantier ou de travaux, est découvert un site archéologique remarquable.
Enfin, ma dernière remarque concerne les grands établissements d’enseignement. Un effort particulier est fait dans ce domaine, et c’est important. Mais un autre point essentiel concerne aussi bien le ministre de l’éducation nationale que le ministre de la culture : l’enseignement de l’histoire de l’art.
Pour assurer le droit à la beauté à chacun de nos concitoyens – c’est le but de votre budget –, encore faut-il éduquer l’esprit. Progressivement, l’enseignement de l’histoire de l’art a été introduit dans l’enseignement primaire et dans l’enseignement secondaire. C’était une vieille demande de la commission de la culture du Sénat, que j’ai formulée pendant des années comme rapporteur.
Monsieur le ministre, je souhaiterais que nous puissions disposer, s’agissant de l’enseignement de l’histoire de l’art, d’une évaluation conjointe de la part des ministères de l’éducation nationale et de la culture.
Tels sont, monsieur le ministre, les quelques éclairages que je souhaitais apporter sur un budget globalement satisfaisant, qui protège l’effort patrimonial nécessaire à l’histoire de notre pays tout en étant un budget de rigueur et de gestion tout à fait conforme à ce qui est attendu de l’État aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle la commission de la culture a donné un avis favorable à l’adoption de ces crédits.