Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Yves Dauge qui, en raison des intempéries, ne peut être présent parmi nous alors qu’il aurait voulu évoquer le programme Patrimoine. Mais je dirai quelques mots de ce dernier à la fin de mon intervention.
La réalité du budget de la Mission « Culture » pour 2011, hors crédits de la communication, tient en deux chiffres : une hausse des crédits de 1, 1 %, face à une inflation annoncée de 1, 5 %. Il est donc clair que le budget effectif de la culture baisse pour 2011. Celui-ci ne représentera plus que 0, 75 % du budget de l’État.
Précisons d’emblée que cette évolution de 1, 1 % intègre la progression de 1, 9 % des dépenses de personnel et que, sans cette dernière, les crédits de la mission n’augmenteraient que de 0, 8 %, sans parler de la programmation annuelle 2011-2013 qui prévoit la stricte reconduction des crédits pour la Mission « Culture ».
Je rappellerai en outre que, en 2009 et en 2010, les crédits de paiement ont fait l’objet d’annulation en cours d’exercice : moins 8, 2 % en 2010, ce qui est tout de même considérable.
Ces annulations de crédit, une fois la loi de finances votée, sont désormais devenues habituelles. Doit-on dès lors, monsieur le ministre, en déduire que, pour 2011, ces crédits sont à nouveau surévalués ?
Permettez-moi aussi d’évoquer la répartition des crédits au sein de ce projet de budget : seuls 36, 2% vont au programme Création et 21, 2 % au programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture.
Comment, dès lors, assurer la culture pour tous et pour chacun si les activités favorisant la démocratisation culturelle subissent une baisse des crédits ? Je veux ici réaffirmer toute l’importance de l’éducation populaire, des pratiques amateurs ou des arts de la rue et du cirque dans ce domaine.
Monsieur le ministre, l’égalité des chances existe aussi dans le domaine culturel. Il n’est pas acceptable que des crédits insuffisants menacent ces activités favorisant l’accès à la culture pour tous et créatrices de lien social.
Concernant le programme Création, il est à noter que l’augmentation de 13 millions d’euros des crédits de paiement s’explique principalement par la hausse des dotations consacrées aux seuls arts plastiques, qui ne bénéficie elle-même qu’au lancement du Palais de Tokyo.
En ce qui concerne le spectacle vivant, si les autorisations d’engagement enregistrent une hausse de 2, 7 %, les crédits de paiement sont en revanche en baisse de 0, 5 % hors inflation, ce qui représente donc 2 % à moyens constants. Cette baisse est d’autant plus préoccupante qu’une partie des crédits de l’ancienne action 4 – économie des professions et industries culturelles – lui ont été affectés en 2011, ce qui a gonflé d’autant ses crédits.
On constate également que 43 % des crédits dédiés au spectacle vivant sont destinés aux opérateurs nationaux, alors que, dans le même temps, les interventions effectuées au titre des investissements déconcentrés ne représenteront que 22 millions d’euros en 2011. On peut ainsi déplorer que les projets majeurs d’investissement restent concentrés dans la capitale, tandis que l’action culturelle locale et départementale, qui a tant de choses à offrir, souffre toujours d’un déficit de moyens face aux projets ambitieux qu’elle souhaite mettre en œuvre. Nous devons lutter contre le développement d’un certain centralisme parisien, qui est aussi dangereux en matière d’offre culturelle qu’en termes d’aménagement du territoire en général !
Les subventions aux labels et aux équipes de création baissent également pour l’année 2011, alors que les acteurs de terrain nous font part de leurs besoins croissants en la matière ainsi que des inquiétudes qui sont aujourd’hui les leurs. Comment ne pas être inquiet en effet au moment où la réforme des collectivités territoriales voulue par le Gouvernement vient d’être entérinée ?
Outre la stagnation, voire la baisse des crédits destinés au spectacle vivant, l’ensemble des acteurs culturels se trouvent menacés par cette réforme, qui corsète largement les capacités d’intervention des collectivités territoriales en matière de politique culturelle. Or ces dernières jouent un rôle phare en dynamisant et en enrichissant la culture dans notre pays.
Mon département du Finistère, par exemple, qui a une identité culturelle très forte, développe une politique volontariste en faveur des arts vivants à travers un soutien au fonctionnement d’un grand nombre de structures de création, de diffusion et d’action culturelles du territoire. En effet, nous le savons, l’accès à la culture, qui est porteur des valeurs de citoyenneté, d’ouverture et d’égalité, contribue au mieux-être des habitants et au développement d’un département durable et solidaire !
Le conseil général du Finistère est ainsi particulièrement attentif à toutes les formes de médiation culturelle engagées par les structures conventionnées, notamment en matière d’éducation artistique. Ainsi, le budget consacré à la culture pour l’année 2011 atteint plus de 15 millions d’euros en dépenses de fonctionnement et plus de 6 millions d’euros en dépenses d’investissement.
Néanmoins, les collectivités territoriales ne pourront pallier indéfiniment le désengagement de l’État et les baisses de financement successives dans le domaine culturel. Pour ne citer que cet exemple, celui-ci a baissé les subventions versées dans le cadre du label « Ville d’art et d’histoire » à la ville de Quimper, qui ne reçoit plus que 3 000 euros de subventions de fonctionnement. Idem pour le conservatoire de musique et d’art dramatique quimpérois, qui, lui, ne reçoit pas de subvention d’investissement de la part de l’État.
Qu’adviendra-t-il de l’offre culturelle locale quand on sait que les collectivités territoriales vont subir un gel de leurs dotations pour les trois années à venir ? Pour respecter leur obligation d’équilibre, elles n’auront donc d’autre choix que de diminuer leurs financements et de revoir leurs aides à la baisse.
Monsieur le ministre, c’est le secteur entier de la création qui est aujourd’hui fragilisé, et les acteurs culturels tirent le signal d’alarme. Les décisions gouvernementales de ces dernières années ont considérablement rétréci les capacités d’action des acteurs locaux, détricotant le maillage culturel de notre territoire et plaçant les artistes et les lieux culturels dans une fragilité accrue.
Dès lors, devons-nous considérer comme une victoire le simple fait que le budget de la culture ne subisse pas de baisses drastiques, à l’inverse du sort subi par d’autres administrations ? Quand on sait qu’il est inférieur au montant que représente la baisse de la TVA à la restauration – je rappelle que cette baisse coûte 3 milliards d’euros à l’État –, il apparaît clairement que les priorités budgétaires du Gouvernement sont aujourd’hui ailleurs.
J’en viens maintenant aux crédits dédiés au patrimoine.
En 2010, ces crédits s’élevaient à 419 millions d’euros, contre 378 millions d’euros inscrits en 2011, alors que sont inclus 10 millions d’euros – lesquels sont évidemment non garantis ! – provenant du produit de la taxe des jeux d’argent en ligne. Il manque donc 50 millions d’euros pour faire face aux besoins.
Monsieur le ministre, il est important que vous sachiez les inquiétudes des entreprises de restauration des monuments, dont vous connaissez les compétences. Les directions régionales des affaires culturelles n’ont plus les moyens de les rémunérer. En conséquence, ces entreprises licencient ou ferment leurs portes, alors qu’elles disposent de véritables talents en leur sein.
Notre patrimoine national est en danger. Les collectivités n’auront pas les moyens de pallier les carences de l’État. C’est pourquoi je vous adresse cette supplique au nom de M. Yves Dauge et de mes collègues de la commission de la culture.