Intervention de Simon Sutour

Réunion du 2 décembre 2010 à 22h45
Loi de finances pour 2011 — Conseil et contrôle de l'état

Photo de Simon SutourSimon Sutour, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’évolution positive des indicateurs mesurant les délais de jugement est le résultat des efforts consentis en matière budgétaire concernant les crédits de la justice administrative du programme Conseil d’État et autres juridictions administratives, et ce depuis maintenant plusieurs années.

Pour le projet de loi de finances 2011, comme cela a été indiqué à l’instant par le président Arthuis, l’augmentation de ces crédits va se poursuivre avec 347, 9 millions d’euros en crédits de paiement. Ceux-ci progressent de 4, 8% par rapport à la loi de finances pour 2010.

Nous pouvons d’ores et déjà dresser un premier bilan de la loi d’orientation et de programmation pour la justice qui prévoyait la création de 210 emplois de magistrats sur la période 2002-2007. À ce jour 207 emplois ont été créés, et 20 vont s’y ajouter en 2010, soit, en définitive, 227 emplois depuis 2003. L’objectif de la loi d’orientation et de programmation pour la justice sera alors légèrement dépassé avec, tout de même – il faut le souligner – trois ans de retard.

Sans détailler l’ensemble de la maquette pour 2011, le projet de budget triennal 2011-2013 qui répond à un triple objectif, à savoir la maîtrise des délais de jugement, le maintien de la qualité des décisions rendues ainsi que, pour le Conseil d’État, l’efficacité de son action consultative, prévoit la création de 90 emplois sur la période et, dès 2011, la création de 20 postes de magistrats pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel.

Lorsque l’État met des moyens supplémentaires accompagnés de la création de nouvelles juridictions, comme le tribunal administratif de Nîmes – que je connais bien – en 2006, de Toulon en 2008 ou encore celui de Montreuil-sous-Bois en 2009, l’impact est immédiatement positif. Ainsi, pour le sud-est, la création du tribunal administratif de Nîmes a permis de rééquilibrer les tribunaux administratifs de Montpellier et Marseille, qui, tout en faisant face à une augmentation de 8, 5 % des affaires enregistrées, ont diminué leur stock global de 36 %.

Toutefois, si globalement les statistiques font apparaître une amélioration des délais de jugement au sein de la juridiction administrative, certaines réformes récentes ou à venir sur le logement ou le droit des étrangers appellent à rester vigilant.

Pour illustrer mon propos, je prendrai en exemple le contentieux du droit au logement résultant de la loi du 5 mars 2007 qui institue le droit au logement opposable, le DALO. Ce sont déjà, pour 2009, 3 539 requêtes qui ont été enregistrées à ce titre dont 54, 8 % du total pour le seul tribunal administratif de Paris.

L’évolution attendue du DALO qui va à partir du 1 er janvier 2012 s’ouvrir à toute personne remplissant les conditions pour obtenir un logement social fait craindre une explosion de ce contentieux et, par voie de conséquence, un engorgement des tribunaux administratifs.

Il en est de même du revenu de solidarité active, le RSA, et de la mise en œuvre de la question prioritaire de constitutionnalité.

Le contentieux des étrangers, quant à lui, a représenté 24 % des entrées en 2009 en moyenne nationale, mais cette part s’est élevée à 57 % au tribunal administratif de Montreuil-sous-Bois, 51 % au tribunal administratif de Cergy-Pontoise et 41 % au tribunal administratif de Paris.

Les nouvelles dispositions envisagées dans le cadre du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité devraient avoir une incidence non négligeable sur l’activité de la juridiction administrative. Ainsi, alors que, jusqu’à présent, l’étranger était, dans la plupart des cas, présenté au juge des libertés et de la détention avant que son recours soit, le cas échéant, examiné par le juge administratif, c’est l’inverse qui prévaudra désormais. Je considère que les conséquences de ces nouvelles dispositions devront être évaluées avec attention.

Je voudrais, cette année, monsieur le ministre, aborder tout particulièrement la difficile mutation de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, et mettre à profit l’examen du projet de loi de finances pour 2011 pour dresser un bilan d’étapes des transformations en cours dans cette juridiction. La CNDA a été créée par la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile. Elle est, selon la loi, « une juridiction administrative placée sous l’autorité d’un président, membre du Conseil d’État, désigné par le vice-président du Conseil d’État ».

Le nombre de recours est loin d’être anecdotique puisqu’ils s’établissent à 25 040 en 2009, soit près de 16 % de plus qu’en 2008 et il semble, d’après les premières informations disponibles, que cette évolution se soit poursuivie en 2010. D’ailleurs, Mme Martine Denis-Linton, présidente de la CNDA, m’a indiqué que cette augmentation du nombre de recours n’avait pas été suffisamment anticipée.

Toutefois, il faut noter que les décisions rendues ne suivent pas le même rythme. Elles ont même tendance à diminuer pour différentes raisons, notamment à cause des renvois prononcés avant l’audience dans l’attente de l’aide juridictionnelle, dont chaque demandeur d’asile peut désormais se prévaloir, ou encore du fait d’innombrables incidents de procédures liés à la non-production de pièces ou encore à l’absence des requérants. Cela a pour conséquence des délais de jugement trop longs, comme le relèvent nos collègues Pierre Bernard-Reymond et Jean-Claude Frécon dans leur rapport sur les conséquences budgétaires des délais de traitement du contentieux d’asile par la CNDA. Ce délai a, par ailleurs, un coût élevé pour les finances publiques.

C’est pourquoi, il est indispensable de continuer à renforcer les moyens de la CNDA.

En conclusion, s’il faut se féliciter du maintien des efforts en faveur de la justice administrative pour la période 2011-2013, gardons-nous cependant d’être trop optimistes tant la situation de la justice administrative repose sur un équilibre fragile.

Il ne faudrait pas que ces efforts communs soient mis à mal par de nouvelles dispositions législatives ou réglementaires génératrices de contentieux incontrôlables.

Sous ces réserves, je vous propose, au nom de la commission des lois, d’adopter les crédits de cette mission.

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