Intervention de Patrick Ollier

Réunion du 2 décembre 2010 à 22h45
Loi de finances pour 2011 — Conseil et contrôle de l'état

Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement :

Les grands axes d’évolution du projet de loi qui ont été proposés par le Premier président de la Cour des comptes ont été validés dans la phase d’arbitrages interministériels préalable au passage en commission à l’Assemblée nationale.

Sur le volet statutaire de la réforme, l’équilibre envisagé par le Gouvernement a été profondément modifié. Nous devons encore travailler à adapter les procédures de recrutement de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes pour nous assurer que les juridictions financières seront à même de faire face à leurs nouvelles missions.

Dans l’attente de la réforme, les moyens budgétaires alloués aux juridictions financières sont maintenus sur la période 2011-2013. En 2011, quatre postes d’auditeurs à la Cour des comptes et quatre postes de conseillers de chambres régionales des comptes seront offerts à la sortie de l’ENA ; deux postes de magistrats à la Cour des comptes ainsi que trois dans les chambres régionales des comptes seront offerts à des officiers.

La Cour des comptes s’attachera également à recruter des experts de haut niveau en certification, par contrat.

Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur pour avis, madame Borvo Cohen-Seat, monsieur Barbier, concernant le programme Conseil d’État et autres juridictions administratives, vous avez souligné les efforts prévus, au titre du budget 2011, en faveur des tribunaux administratifs, des cours administratives d’appel et de la Cour nationale du droit d’asile ; je vous en remercie.

En effet, la programmation pluriannuelle 2009-2011, qui renforce les moyens alloués à la juridiction administrative, couplée à l’engagement des membres de cette juridiction a d’ores et déjà permis d’atteindre globalement l’objectif majeur de ramener à moins d’un an le délai prévisible moyen de jugement. Le Gouvernement attache de l’importance à l’inscription de cet effort dans la durée.

Monsieur le rapporteur pour avis, madame Borvo Cohen-Seat, monsieur Barbier, vous vous êtes interrogés sur la capacité de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, à atteindre l’objectif de réduction des délais à six mois, déjà repoussée à 2013.

La CNDA est confrontée au défi de la croissance massive du contentieux de l’asile – plus de 15 % par an – souvent accompagné de demandes d’aide juridictionnelle. Le délai moyen de jugement a ainsi atteint quinze mois en 2009, alors qu’il était prévu de le ramener à six mois en 2011.

Dans la mesure où la progression du contentieux devrait durer, comme le relève le rapport d’information déposé le 6 octobre 2010 par MM. Frécon et Bernard-Reymond, un plan d’action spécifique a été élaboré pour les années 2011-2013. Il prévoit un renforcement significatif des moyens de la juridiction : ayant bénéficié dès 2010 du concours des 10 magistrats siégeant à titre permanent, elle sera dotée de 10 emplois d’agents et 10 emplois de magistrats en 2011, de 20 emplois d’agents en 2012 et de 10 en 2013. Ces chiffres devraient vous rassurer.

Ce plan d’action prévoit aussi, grâce à un audit prévu au début de l’année 2011, une évolution des méthodes pour juger mieux et un plus grand nombre d’affaires.

L’amendement de MM. Bernard-Reymond et Frécon, adopté au Sénat dans le cadre de la mission « Immigration, asile et intégration », facilitera l’accès à l’aide juridictionnelle.

L’ensemble de ces mesures doit permettre de porter progressivement le nombre de décisions rendues chaque année par la CNDA de 20 000 en 2009 à 45 000 en 2013, et de ramener le délai moyen de jugement – en tout cas, c’est l’objectif visé – à six mois à la fin de l’année 2013.

Un protocole d’accord, signé le 22 octobre 2010 avec l’ensemble des représentants du personnel, inscrit cette démarche dans une perspective consensuelle.

Monsieur le rapporteur pour avis, monsieur Barbier, vous vous êtes préoccupés des effets des contentieux nouveaux sur la juridiction administrative.

En ce qui concerne le droit au logement opposable, ou DALO, 4 823 requêtes ont été déposées en 2009. La progression constante du nombre d’affaires enregistrées devant les tribunaux administratifs conduit à penser que ce contentieux pourrait représenter un flux annuel de plus de 8 000 affaires en 2010. Ce contentieux se concentre dans les cinq juridictions de la région d’Île-de-France.

En matière de revenu de solidarité active, le RSA, 1 324 dossiers ont été enregistrés dans les tribunaux administratifs en 2009 ; on pourrait en dénombrer 2 500 en 2010. Il est à noter que l’existence d’un recours administratif préalable mis en place par la loi retarde, en tout état de cause, la saisine du juge.

La question prioritaire de constitutionnalité est quant à elle entrée en vigueur le 1er mars 2010. Au 31 octobre, les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel ont été saisis de 621 questions prioritaires de constitutionnalité. À cette date, 403 de ces questions ont été traitées dont 82 ont été transmises au Conseil d’État.

Outre ces 82 saisines, le Conseil d’État a, pour sa part, été saisi directement par les justiciables de 137 questions prioritaires de constitutionnalité. Il s’est déjà prononcé sur 179 d’entre elles, dont 46 ont fait l’objet d’une transmission au Conseil constitutionnel.

Voilà les chiffres que je suis en mesure de vous communiquer.

Pour le permis à points, l’augmentation constatée du contentieux devant les tribunaux administratifs depuis 2005 est de 24 %. Ce contentieux représentait environ 10 500 dossiers en 2005 ; il en génère environ 13 000 en 2010. Devant les cours administratives d’appel, il a presque été multiplié par sept, en passant de 169 dossiers en 2004 à environ 1 400 en 2010.

Enfin, en ce qui concerne le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, l’innovation majeure porte, en cas de placement de l’intéressé en rétention administrative, sur le différé de l’intervention obligatoire du juge des libertés et de la détention, ce qui aboutira à ce que, dans la plupart des cas, le juge administratif soit saisi en premier.

Les modifications apportées aux procédures contentieuses applicables aux mesures d’éloignement prises à l’encontre des étrangers en situation irrégulière sont susceptibles d’avoir trois sortes d’impact sur l’activité des juridictions administratives : d’abord, un accroissement du nombre de requêtes, que l’on peut estimer à 10 000 ; ensuite, un alourdissement de la charge de travail induite par chaque requête, compte tenu de l’élargissement des mesures susceptibles de recours ; enfin, des contraintes d’organisation majeures pour certaines juridictions, en raison de la possibilité ouverte de faire statuer le juge administratif dans des salles d’audience aménagées, à proximité immédiate du centre de rétention administrative ou en son sein.

J’en viens au programme Conseil économique, social et environnemental.

Monsieur le président Arthuis, vous avez remarqué l’absence de prise en compte du coût du traitement des pétitions citoyennes et du montant de la rémunération des membres associés. L’impact budgétaire du traitement des pétitions citoyennes n’a pas fait l’objet d’une traduction effective en loi de finances. Nous n’en connaissons pas a priori le nombre. Vous comprendrez donc qu’il soit à ce stade difficile, d’un point de vue budgétaire, de le chiffrer.

Dans la mesure où le budget du Conseil économique, social et environnemental est constant, il est convenu, dans la phase initiale, que les « autosaisines » puissent servir de variable d’ajustement.

En ce qui concerne les membres associés, je suis en mesure de vous indiquer que le Conseil économique, social et environnemental, qui est mobilisé par une réforme de grande ampleur, y travaille de son côté et que la préparation des textes réglementaires se poursuit. Je sais que M. Delevoye, que je tiens à féliciter de nouveau pour son élection à la présidence de cette instance, s’est déjà mobilisé sur ce sujet.

Monsieur Barbier, vous avez jugé qu’il était paradoxal que les moyens alloués au Conseil économique, social et environnemental soient constants alors que son rôle a été renforcé. Vous estimez, dans le même temps, que l’institution devrait gagner en légitimité. Vous avez raison.

Les nouvelles compétences du Conseil économique, social et environnemental devraient pouvoir être financées à enveloppe constante, notamment, comme je viens de l’évoquer, par la réduction des « autosaisines ».

Le constituant a décidé, au mois de juillet 2008, de consolider cette institution en lui permettant de se réformer. On va dans le sens que vous souhaitez.

Je veux ici souligner l’utilité et la légitimité de cette institution. Lieu de dialogue et de réflexion, le Conseil économique, social et environnemental a apporté une contribution essentielle à notre démocratie et à la décision publique en exprimant la voix des corps intermédiaires et des organisations de la société civile. Il est appelé à poursuivre dans cette voie.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que le Gouvernement est très attaché à cette institution et très attentif à ses recommandations. Pour autant, il ne néglige pas la nécessité d’en améliorer la mesure de la performance, retracée par de nouveaux indicateurs de performance. Il faut aussi que cette instance s’y soumette.

Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».

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