Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, le budget de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, baisse, cette année, de plus de 19 % pour s’établir à près de 23, 9 millions d’euros. Cette réduction importante ne traduit pas un désengagement de l’État dans la lutte contre la drogue, mais illustre, au contraire, le succès des mesures prises pour mobiliser le fonds de concours de la MILDT.
Ce fonds, créé en 1994, est abondé par la valeur des biens et du numéraire saisis lors de l’interpellation de trafiquants. Son montant, de 70 000 euros en 2004, atteindra 20 millions d’euros en 2011. Cela compensera la baisse des crédits budgétaires. La MILDT devrait donc disposer, au total, de 12 millions d’euros de crédits supplémentaires par rapport à 2010 pour conduire ses actions.
La mission de la MILDT est essentiellement d’impulsion et de coordination interministérielle de la lutte contre la drogue. Elle assure la mise en œuvre du plan gouvernemental 2008-2011 de lutte contre les drogues et la toxicomanie. Le programme de politique transversale annexé au projet de loi de finances indique que le montant total des crédits alloués à la lutte contre la drogue est de 1, 15 milliard d’euros auxquels s’ajoutent environ 300 millions d’euros de l’assurance maladie.
Cependant, la situation française en matière de consommation de drogues demeure inquiétante. À l’âge de dix-sept ans, 42, 2 % des jeunes interrogés lors des journées défense et citoyenneté déclarent avoir expérimenté une fois le cannabis, et 7, 3 % en font un usage régulier. La France demeure parmi les pays les plus touchés par la consommation de cannabis en Europe, après la République tchèque, l’Espagne et le Royaume-Uni.
La consommation d’ecstasy est également en baisse chez les jeunes, de même que la consommation régulière des drogues licites que sont le tabac et l’alcool. Mais les ivresses dites « occasionnelles » sont en augmentation continue. Près de 60 % des jeunes de dix-sept ans étaient concernés en 2008, contre 56 % en 2002.
On constate également le retour de certaines drogues : la cocaïne et l’héroïne. Le nombre de jeunes ayant expérimenté la cocaïne a triplé entre 2000 et 2008, pour s’établir autour de 25 000. L’expérimentation de l’héroïne a également augmenté sur la même période : elle toucherait un peu plus de 1 % des jeunes.
La cocaïne jouit dans certains milieux d’une image valorisante de stimulant des facultés intellectuelles, de drogue festive consommable en société, voire de produit de luxe. C’est contre cette banalisation de la drogue qu’il convient de lutter par l’information et la répression de l’usage.
Mais le principal sujet d’inquiétude porte sur la part de plus en plus importante de jeunes usagers de moins de vingt-cinq ans que nous qualifierons de « désaffiliés ». Leurs « conditions de précarité souvent extrêmes » sont décrites par l’expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, publiée en octobre dernier sur la réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues.
Repoussés en dehors des villes par le coût du logement, un grand nombre de ces jeunes s’installent de plus en plus dans les zones périurbaines ou même rurales, vivant dans un habitat délabré. Ils adoptent des conduites d’usage radical – polyconsommation et injection – auxquelles s’ajoute une prise de risque accrue, notamment le partage du matériel d’injection dans les rues pour ne pas être arrêté en possession du produit, ce qui rend particulièrement dramatique leur condition sanitaire.
La présence croissante, depuis 2002, d’une population féminine parmi les jeunes désaffiliés pose des problèmes spécifiques sur le plan socio-sanitaire : violences, grossesses non désirées, prostitution..., pour lesquelles il n’existe, à l’heure actuelle, aucune réponse institutionnelle spécifique.
Malgré l’apparition de cette population particulièrement fragile, les études dont nous disposons indiquent que le nombre total d’usagers problématiques de drogues reste stable, autour de 230 000 personnes. Les actions de prévention en matière de transmission du VIH ont porté leurs fruits et limité les infections. Mais l’hépatite C demeure à un niveau particulièrement élevé puisqu’un toxicomane sur deux utilisant l’injection en est atteint. La mise en place de traitements de substitution a pu stabiliser les décès prématurés. Au cours des cinq dernières années, cependant, le nombre d’overdoses a recommencé d’augmenter. On en comptait plus de 200 en 2008.
Si la politique de réduction des risques a permis de sauver de nombreuses vies, je souhaite néanmoins insister sur le fait que limiter les risques ne suffit pas. C’est vers la réinsertion sociale et le sevrage qu’il faut mener tous les usagers qui en sont capables. Certains plaident en faveur d’une simple stabilisation du niveau de dépendance grâce à la fourniture d’un traitement de substitution. Cela ne me paraît pas acceptable, car l’État ne doit pas devenir, directement ou par l’intermédiaire d’associations, un simple pourvoyeur de drogues.
Je regrette également la réticence de certaines administrations, principalement l’éducation nationale, à s’engager dans les actions communes de lutte contre la drogue. L’évolution de la consommation dans un environnement périscolaire devrait conduire à une remise en cause des acteurs de ce secteur.
Enfin, la commission des affaires sociales souhaite que soit mis en place le comité consultatif des jeux qui doit comprendre un observatoire des jeux. La loi votée a prévu la création de cet organisme, que nous avons chargé d’assurer le suivi des effets pathologiques du jeu et de proposer des mesures correctrices. Le décret d’application n’est toujours pas paru. Il me revient que les services du Premier ministre bloqueraient ce texte car ils refusent d’assurer le secrétariat du comité. J’espère, monsieur le ministre, qu’il pourra être mis fin rapidement à ce dysfonctionnement.
En prenant en compte les avancées faites et les progrès qui restent à accomplir, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la MILDT.