Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 2 décembre 2010 à 22h45
Loi de finances pour 2011 — Direction de l'action du gouvernement

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur le programme 308, Protection des droits et libertés, bien que les propos que j’ai entendus sur la MILDT auraient mérité que j’y consacre un certain nombre de développements ; mais ce sera pour une autre fois…

La création du programme 308 correspondait à la spécificité budgétaire des onze autorités administratives indépendantes. Or, aujourd'hui, le trouble est grand puisque nous sommes en pleine phase de transition, avec la perspective de voir créé le Défenseur des droits.

À ce propos, je note que les députés ont voté – déjà ! – l’intégration pour 2014 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans le périmètre du Défenseur des droits. Je le déplore. Ici, au Sénat, nous avions considéré que l’expérience récente du Contrôleur général des lieux de privation de liberté devait se poursuivre avant que la question d’une telle intégration soit posée.

Le Premier ministre a annoncé la mise en place du Défenseur des droits au printemps, anticipant sur le vote du Parlement. Toutefois, cette annonce ne s’est pas accompagnée d’une anticipation budgétaire : l’instance n’existant pas dans la loi, elle n’a pas à figurer dans le budget ; voilà une contradiction difficile à assumer !

Si nous sommes donc bien sûr en phase de transition, force est de constater que la confusion règne.

Le Médiateur de la République, dont nous avions prolongé le mandat, a été élu président du Conseil économique, social et environnemental et n’assure plus qu’un intérim. En outre, nous avons appris aujourd'hui la prochaine nomination du président de la HALDE.

Des questions se posent sur l’organisation concrète de la future institution, notamment sur l’adaptation des procédures de réception, de suivi et de traitement des dossiers, mais aussi, bien évidemment, sur la localisation.

Rien n’est écrit des incidences sur les prochains budgets. Or, si celles-ci sont, à ce jour, difficilement prévisibles, elles seront sans doute bien réelles.

Notre rapporteur s’est essayé à les cerner. Ses conclusions invitent à penser que l’argument tiré des économies liées à la fusion de quatre institutions en une seule a d’ores et déjà fait long feu. L’année 2011 s’annonce budgétairement difficile, avec des dépenses certainement supérieures à l’addition de celles qui sont actuellement constatées, sauf à considérer que l’on diminue considérablement les possibilités d’accomplir les missions des administrations existantes. À partir de 2012, est prévu un simple retour à l'équilibre.

Par conséquent, nous sommes largement dans l’improvisation.

Ce que nous savons, en revanche, c’est que l’activité des autorités concernées n’a pas faibli, tant s’en faut.

Après avoir augmenté de 16 % entre 2008 et 2009, celle du Médiateur de la République s’est accrue au 1er semestre 2010 par rapport à celui de 2009.

Depuis sa création en 2000, les saisines de la CNDS se sont multipliées – 97 en 2004, 228 en 2009 –, du fait, me semble-t-il, que nos concitoyens éprouvent de plus en plus le besoin de faire appel à cette instance.

La HALDE a reçu 10 700 plaintes en 2009. Aujourd'hui, les dossiers s’entassent. Une telle situation pourrait avoir des conséquences très préjudiciables pour les personnes qui l’ont saisie. Cela n’a pas empêché l’annulation de l'augmentation de 3 % prévue pour son budget. S’agit-il d’une mesure de rétorsion ? En tout cas, ce n’est pas très clair.

Quant à la Défenseure des enfants, son rapport de 2010 souligne la « modicité » de la dotation qui lui est affectée. Elle est ainsi conduite à rechercher d’autres financements pour faire face à ses missions : partenariats, soutien du conseil régional d’Île-de-France, etc.

Les membres de mon groupe et moi-même sommes opposés à la création du Défenseur des droits, non sur le principe, bien entendu, mais parce que cela marque, à nos yeux, la reprise en main d’autorités qui ont su faire la preuve d’une certaine indépendance. Nous risquons d’assister à un recul des garanties démocratiques offertes à nos concitoyens.

D’ailleurs, la commission des lois de l’Assemblée nationale vient de supprimer l’avis des commissions permanentes du Parlement sur la nomination des adjoints du Défenseur des droits. C’était pourtant une disposition que le Sénat avait proposée et votée. Voyez, le recul prévisible est déjà en marche !

La CNIL a, elle, vu son activité multipliée par dix en six ans. Ses missions se sont encore accrues en 2009 et 2010. Avec le développement des moyens informatiques, des fichiers, de la vidéosurveillance – je pense aux mesures adoptées dans le cadre de la LOPPSI 2 –, avec les échanges grandissants de données personnelles, chacun sait qu’une telle tendance ne va pas s’arrêter.

Pour ce qui est de la CNCDH, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, je constate que le Gouvernement et sa majorité nient régulièrement ses avis et, de manière significative, celui qui porte sur le Défenseur des droits.

Les droits des personnes, en France, sont loin d’être respectés. Pis, ils régressent plutôt dans bien des domaines. Les autorités administratives indépendantes sont donc absolument nécessaires : à condition d’être réellement indépendantes et d’avoir les moyens de fonctionner !

Aussi, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pourrons pas voter les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».

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