Intervention de Patrick Ollier

Réunion du 2 décembre 2010 à 22h45
Loi de finances pour 2011 — Direction de l'action du gouvernement

Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai mon propos en répondant aux questions posées sur le programme Coordination du travail gouvernemental.

Monsieur Krattinger, vous m’avez ainsi interrogé sur le service d’information du Gouvernement, le SIG, notamment en ce qui concerne les dépenses de sondages et la mise en œuvre de la stratégie de communication gouvernementale.

Le budget du SIG est en diminution constante depuis 2009, surtout pour ses dépenses de fonctionnement. De plus, les dépenses de sondage seront plafonnées en 2011, comme en 2010, à 2, 8 millions d'euros. Voilà une réponse précise qui devrait être de nature à vous rassurer.

Messieurs Krattinger et Barbier, madame Escoffier, vous avez critiqué la réduction de 20 % des dépenses de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT.

Je souhaite donc vous éclairer sur l’utilisation de ces fonds pour 2011. D’ailleurs, madame Escoffier, vous avez vous-même répondu à la question que vous aviez posée. En effet, dans le projet de loi de finances pour 2011, le budget de la MILDT s’élève à 22 millions d'euros, hors dépenses de rémunération, contre environ 28 millions d'euros l’année dernière. Il y a, c’est vrai, une diminution incontestable.

Cependant, cette diminution doit être relativisée, car elle ne prend pas en compte une autre source de financement de la MILDT, à savoir le fonds de concours, évoqué par vous-même, madame Escoffier. Celui-ci, institué par le décret du 15 mars 1995, permet d’affecter au budget de la MILDT les produits de ventes issues des saisies opérées par la justice dans le cadre d’affaires de drogues. Ces produits sont utilisés pour l’acquisition d’équipements au profit des services de l’État luttant contre la drogue. Supérieures à 10 millions d’euros par an depuis deux ans, les recettes de ce fonds sont très dynamiques.

Une partie de cette ressource pourra être utilisée par la MILDT, au moins à hauteur de 3 millions d’euros, pour son action interministérielle de coordination et d’impulsion des politiques liées à la lutte contre les drogues et toxicomanies.

Le budget de la MILDT prend bien en compte la décision du Premier ministre de diminuer les budgets de fonctionnement des administrations de 10 % sur trois ans, dont 5 % en 2011. La MILDT doit aussi se soumettre à cette règle générale, qui s’applique à l’ensemble des administrations.

Hors moyens de fonctionnement et subventions aux opérateurs, les moyens dont disposera la MILDT seront de 20, 65 millions d’euros, dont 3 millions d’euros du fonds de concours, alors que le projet de loi de finances pour 2010 avait prévu une enveloppe de 23, 38 millions d’euros, ce qui représente une diminution de 10 %.

Mais – et cela devrait vous rassurer, mesdames, messieurs les sénateurs –, en tant que de besoin, le fonds de concours pourra davantage être sollicité ; ses réserves sont actuellement de l’ordre de 14 millions d’euros

Monsieur Barbier, nous avons décidé cet après-midi de débattre samedi, dans la nuit, des articles rattachés. Vous aurez donc l’occasion, lors de l’examen de votre amendement, de reprendre, avec le ministre chargé de ce secteur, le débat sur le sujet qui, chacun le sait ici, vous tient particulièrement à cœur.

Monsieur Krattinger, vous déplorez l’absence de pilotage de la gestion des coûts d’hébergement des services du Premier ministre – vous n’avez d’ailleurs pas été le seul à aborder ce sujet – et suggérez l’élaboration de conventions types communes.

Je souhaiterais rappeler que les services du Premier ministre présentent la particularité d’être constitués d’un nombre important de services et d’organismes, qui méritent d’être regroupés. Le périmètre de ces services, ainsi que vous l’avez relevé, peut être extrêmement fluctuant en fonction de décisions telles que la création d’organismes permanents ou temporaires, ou encore le rattachement de ministres ou de leur cabinet lors d’un remaniement ministériel. Compte tenu de ce contexte particulier, un schéma directeur immobilier des services du Premier ministre a été mis en place. J’espère que cela vous rassurera.

Le choix de l’implantation des services du Premier ministre dans l’îlot Ségur-Fontenoy, qui a été évoqué par Mme Escoffier et M. Krattinger, répond au constat de l’implantation dispersée des services. Le regroupement des services permettra de mutualiser les moyens et de dégager ainsi des économies d’échelle, auxquelles chacun aspire de ses vœux. Cette action positive réduira non seulement le coût des loyers budgétaires et des loyers des baux des immeubles locatifs, mais également le coût administratif induit par l’éparpillement du parc.

Quant à l’harmonisation des clauses contractuelles, elle passe désormais par le rôle du service France Domaine, qui est chargé de conclure, au nom de l’État, tous les baux locatifs.

Monsieur Barbier, vous critiquez le rattachement aux services du Premier ministre du secrétariat général du comité consultatif des jeux. L’article 3 de la loi du 12 mai 2010, relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, prévoit la création d’un comité consultatif des jeux. Vous avez raison, un décret en Conseil d’État doit préciser les modalités d’organisation, de fonctionnement et de saisine de ce comité. Je tiens à vous rassurer : il est en cours de préparation. J’espère pouvoir vous annoncer l’année prochaine qu’il aura été mis en application. Il serait, dans ces conditions, tout à fait prématuré de trancher la question du rattachement budgétaire de ce comité.

Monsieur Romani, vous vous êtes exprimé sur le thème de la « cyberdéfense », sujet ô combien d’actualité ! Qu’il me soit permis de rendre hommage à la contribution essentielle pour la réflexion sur la question de la sécurité des systèmes d’information que constitue votre rapport d’information intitulé Cyberdéfense : un nouvel enjeu de sécurité nationale, publié le 8 juillet 2008. Il est une référence pour le Gouvernement.

Vous l’avez souligné, cette réflexion s’est concrétisée par la mise en place de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, rattachée au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN, par le décret du 7 juillet 2009.

Vous avez également évoqué ce point, l’ANSSI assure, dans le domaine de la cyberdéfense, un service de veille, de détection, d’alerte et de réaction aux attaques informatiques, notamment sur les réseaux de l’État.

L’évolution du budget du SGDSN s’inscrit essentiellement dans la priorité, annoncée en 2009 lors de la création de l’ANSSI, de montée en puissance de la politique de sécurité des systèmes d’information et de protection des intérêts nationaux contre les attaques informatiques.

L’évolution des dépenses de personnel est principalement induite par l’objectif, fixé en 2009, de doublement des effectifs de l’ANSSI à échéance de 2012, pour atteindre 250 agents. Les équivalents temps plein travaillé, les ETPT, ouverts au titre de l’Agence verront leur nombre augmenté de 30 en 2011, 30 en 2012 et 28 en 2013. Cet objectif permettra d’atteindre environ la moitié des effectifs consacrés à cette mission tant par l’État britannique que par l’État fédéral allemand, auxquels vous avez fait allusion tout à l’heure.

L’évolution des autres dépenses suit la même dynamique. Les ressources consacrées à l’ANSSI augmenteront ainsi, par rapport à 2010, de 45 % en 2011 et de 73 % en 2013. Ces chiffres sont – je l’espère – de nature à vous rassurer.

J’en viens au programme Protection des droits et libertés. Monsieur Krattinger, vous avez abordé la question des dépenses immobilières des autorités administratives indépendantes, les AAI. Cet important sujet préoccupe également l'Assemblée nationale.

Je voudrais m’appuyer, pour vous répondre, sur le rapport d’information du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, auquel je participais il y a encore quelques semaines, intitulé Les autorités administratives indépendantes : pour une indépendance sous la garantie du Parlement et remis en octobre 2010 par MM. Dosière et Vanneste, que vous avez certainement lu. Les deux rapporteurs, l’un de l’opposition, l’autre de la majorité, ont effectué un travail minutieux et consensuel ; leur rapport ouvre des pistes intéressantes.

Ce rapport recommande le regroupement de certaines autorités administratives indépendantes pour optimiser la répartition des compétences et réduire les dépenses de fonctionnement. C’est un objectif que nous visons tous.

Je tiens à rappeler que le Gouvernement a déjà commencé à travailler au regroupement géographique que les rapporteurs appellent de leurs vœux. À l’horizon 2015, un centre de gouvernement, qui pourrait potentiellement abriter plusieurs autorités administratives indépendantes, devrait voir le jour à Ségur. Cela représenterait pour elles, le plus souvent, une économie par rapport aux loyers privés qu’elles paient aujourd’hui. Des discussions sont en cours avec les services du Premier ministre.

Dans ce contexte, vous vous interrogez, légitimement, sur l’atteinte à l’indépendance des autorités administratives indépendantes qui résulterait du regroupement de certaines d’entre elles sur un même site.

Leur indépendance réside davantage, à mes yeux, dans la non-révocabilité et la non-reconductibilité de leurs membres, dans leur éthique de travail et dans leurs règles de fonctionnement – que le rapport propose d’harmoniser – que dans leur implantation géographique. Je ne pense pas qu’il y ait une relation de cause à effet entre l’implantation géographique des AAI et leur indépendance. J’ai confiance en la capacité des éminentes personnalités qui y siègent pour travailler, quelle que soit la localisation des locaux, en toute indépendance.

À propos du futur Défenseur des droits, monsieur Peyronnet, madame Borvo Cohen-Seat, vous regrettez le choix du Gouvernement de stabiliser les crédits, alors que des dépenses de communications supplémentaires pourraient être justifiées pour faire connaître l’institution et que de nouveaux locaux aideraient à l’émergence d’une culture commune. Vous avez également déploré l’absence de mise en place d’une mission de préfiguration.

Les projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits sont actuellement en navette devant le Parlement après leur adoption par le Sénat le 3 juin 2010. Dans le cas d’une promulgation de la loi organique dans le courant du premier semestre 2011, ce qui est l’objectif du Gouvernement, il n’y aura pas de difficultés en termes de budget pour le nouveau Défenseur des droits.

En effet, l’article 33 du projet de loi organique précise que le Défenseur des droits succède aux différentes autorités absorbées, dans leurs droits et obligations. Aussi, quel que soit le périmètre du Défenseur des droits, il aura les moyens de fonctionner jusqu’à l’examen du projet de loi de finances pour 2012 qui ajustera son budget à son organisation finale telle qu’elle sera issue de la loi adoptée.

Fallait-il aller plus loin au stade du projet de loi de finances pour 2011 en envisageant notamment une possibilité de mettre en place une mission de préfiguration ou d’anticiper une campagne de communication ? Le Gouvernement ne le pense pas, madame.

Pour s’en convaincre, il suffit de considérer les changements de périmètre du Défenseur des droits qui sont intervenus, à l’instar de l’intégration de la HALDE en première lecture au Sénat ou de celle du contrôleur général des lieux de privation de liberté proposée par la commission des lois à l’Assemblée nationale.

S’agissant de la HALDE, vous avez tout à l’heure établi un lien de cause à effet entre les dépenses de communication et la connaissance que l’opinion publique pourrait avoir de cette institution. Les dépenses de communication de la HALDE ont décru au fil des ans, passant de 2, 9 millions d’euros en 2006 à 826 000 en 2009. Pendant le même temps, la notoriété est passée de 16 % en décembre 2005 à 54 % en 2009. Ces données prouvent que la HALDE a désormais atteint sa maturité et qu’elle est parfaitement connue de l’opinion publique, ce dont nous devons tous nous réjouir. La hausse du nombre de réclamations, passé de 1 410 en 2005 à 10 545 en 2009, en apporte la confirmation. Je souhaitais, au travers de ces chiffres, vous rassurer, madame Borvo Cohen-Seat, monsieur le rapporteur.

Quant à l’implantation immobilière du Défenseur des droits, aucune décision n’a été prise à ce stade. Je mesure les intérêts qu’il y aurait, pour l’émergence d’une culture commune, à une implantation unique.

J’évoquerai enfin les moyens mutualisés des administrations déconcentrées.

Mesdames Escoffier et Borvo Cohen-Seat, vous vous êtes interrogées sur les bénéfices attendus de la mise en place des directions départementales interministérielles, les DDI.

Il est vrai que l’administration déconcentrée de l’État a été profondément réorganisée : le préfet en région est dorénavant responsable de l’exécution des politiques publiques nationales et communautaires. À ce titre, il a autorité sur les préfets des départements. Les services dans les régions et les départements ont été regroupés pour favoriser les synergies entre les différentes missions, mutualiser les moyens et simplifier les relations entre l’administration et les usagers. Le nombre de directions est passé de 20 à 8 dans les régions et de 10 à 2 ou 3 dans les départements. Cette mesure s’explique uniquement par la recherche d’une plus grande efficacité.

La création du programme 333, Moyens mutualisés des administrations déconcentrées, permet d’exploiter les potentialités de cette réforme en termes de mutualisation, de simplification et de recherche d’efficacité.

La mutualisation des dépenses de fonctionnement des directions départementales interministérielles permettra de pallier les inconvénients, identifiés en 2010, d’une répartition de ces moyens entre divers programmes ministériels. La gestion s’en trouvera facilitée.

Sur le plan de la gestion des ressources humaines, les personnels des directions départementales interministérielles conservent le statut de leurs ministères d’origine et les dépenses correspondantes sont exclues du périmètre du programme. Ainsi, aucun inconvénient ne doit être attendu, pour les personnels, de la création de ce programme. J’espère vous avoir ainsi rassurés.

Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à voter les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » et je vous en remercie.

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