Intervention de Jacques Berthou

Réunion du 3 novembre 2009 à 21h45
Entreprise publique la poste et activités postales — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Jacques BerthouJacques Berthou :

Cet amendement a pour principal objectif de prévenir le risque d’une privatisation de La Poste, privatisation qui confisquerait à la puissance publique un outil essentiel d’aménagement du territoire et sonnerait le glas du service public postal.

On dit aujourd’hui qu’il est question non plus d’ouvrir le capital de La Poste, mais de transformer celle-ci en société anonyme dont le capital demeurerait à 100 % public. Or, on le sait, si la Caisse des dépôts et consignations participe à l’augmentation de capital, elle pourra à tout moment revendre ses actions.

C’est d’ailleurs dans ce rôle que la CDC semble vouloir se cantonner ces dernières années : apporter une aide transitoire à certaines entreprises en difficulté ou œuvrer dans l’intérêt stratégique de la France.

En aucun cas la CDC n’a vocation à demeurer perpétuellement au capital de l’entreprise à laquelle elle apporte des moyens de financement.

L’exemple d’autres grandes entreprises publiques, comme France Télécom, EDF ou encore GDF, qui ont connu le même processus de transformation de leur statut en société anonyme aboutissant à terme à leur privatisation, jette de sérieux doutes quant à la possibilité de préserver le caractère public du capital de l’entreprise une fois abandonné le statut d’établissement public.

Or le caractère public de La Poste constitue, à moyen terme comme à long terme, une garantie de la préservation des missions de service public à travers, notamment, le maintien des bureaux de poste et l’accessibilité bancaire.

D’ores et déjà, en France, des modifications d’horaire ou de jours d’ouverture des bureaux de poste sont décidées de façon abrupte, parfois sans prise en compte sérieuse des réalités locales.

Dans le même sens, la direction de La Poste décide trop souvent, unilatéralement, de déléguer aux communes la gestion directe des bureaux de poste les moins rentables. Ce processus est largement engagé dans tous les départements de France, bien souvent sans aucune concertation avec les élus concernés, ce qui est tout à fait inacceptable.

C’est bien entendu une atteinte à la mission de service public de La Poste, mais c’est aussi, et surtout, un nouveau transfert de charges vers les collectivités, les contribuables et les usagers.

Par ailleurs, comment la France compte-t-elle justifier, au regard du droit communautaire, le statut des agences postales communales ? Entre privatisation et « municipalisation des financements », on ne peut qu’être inquiet pour l’avenir de La Poste et ses missions de service public.

Regardons autour de nous : depuis la directive européenne de 1997, qui appelle les pays membres à ouvrir leurs services postaux à la concurrence, les privatisations se succèdent et les États y voient le moyen de récupérer des fonds destinés à alléger la dette.

On ne peut pas, aujourd’hui, exclure cette vision de court terme à laquelle certains pays n’ont pas résisté.

Si, demain, La Poste était privatisée, elle verrait alors sa stratégie subordonnée à la rentabilité financière exigée sur le CAC 40. Elle concentrerait son activité sur les marchés les plus rentables. Pour les autres, elle aurait le choix entre l’augmentation de ses tarifs, la dégradation des prestations ou, plus définitivement, leur suppression.

Seraient ainsi menacés la présence des bureaux de poste dans les zones rurales et les quartiers populaires, le prix unique du timbre, la distribution du courrier six jours sur sept, partout dans les mêmes délais, et l’accès des foyers les plus modestes à la Banque Postale.

En Suède, pour ne citer que le plus ancien pays d’Europe engagé dans ce processus, il ne reste que deux opérateurs : l’un public, l’autre privé. L’opérateur public a dû augmenter ses tarifs et fermer 50 % de ses bureaux pour faire face à la concurrence...

Comme toujours, ce seront les citoyens et les territoires les plus démunis qui subiront les conséquences de cette dérive libérale.

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