Intervention de Odette Terrade

Réunion du 26 novembre 2009 à 15h00
Loi de finances pour 2010 — Outre-mer

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis l’examen de la loi de finances pour 2009, la situation de l’outre-mer français a connu un certain nombre d’évolutions significatives.

Il s’agit, d’abord, d’évolutions institutionnelles, avec le référendum mahorais, qui ouvre à la fois le champ des espoirs, celui des illusions, et sans doute aussi celui des déceptions à venir pour les habitants de la Grande-Terre et de la Petite-Terre.

Il s’agit, ensuite, d’évolutions institutionnelles, qui ont consacré, dans des textes discutés en procédure accélérée, la séparation des îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy de la collectivité guadeloupéenne.

Ainsi, contre l’avis de la majorité des Guadeloupéens, nous venons de boucler un processus conduisant à faire apparaître, au sein de la collectivité nationale, d’une part, une collectivité installée dans le moins-disant social et fiscal permanent, faisant de l’inégalité sociale l’un des éléments de son développement économique potentiel et, d’autre part, une collectivité conçue comme un domaine privé réservé à quelques personnes fortunées.

L’évolution institutionnelle est encore à l’ordre du jour, puisque la Martinique et la Guyane vont se prononcer prochainement sur la mono-départementalisation et, de fait, sur une éventuelle fusion du conseil régional et du conseil général en une seule collectivité. La différence des modes d’élection de ces deux institutions constitue, selon nous, un point qu’il conviendra de résoudre au mieux des intérêts de la population, mais aussi du pluralisme des idées et des opinions.

Cela dit, tout ce débat institutionnel a assez peu de poids devant l’important mouvement social que l’outre-mer a connu au début de l’année et qui a conduit le Gouvernement à reculer au sujet de l’accord Bino, du nom du syndicaliste de la CGT-Impôts de Guadeloupe assassiné dans des conditions au demeurant encore inexpliquées. Cet accord prévoyait notamment l’attribution d’une prime aux salariés, singulièrement aux plus mal rémunérés, appelée revenu supplémentaire temporaire d’activité, ou RSTA.

Habilement, dans un premier temps, les mesures liées à la mise en œuvre de l’accord Bino avaient été positivement présentées, mais on avait passé sous silence le fait que les sommes perçues au titre du RSTA seraient imputables sur le montant de la prime pour l’emploi et, modifiant le revenu fiscal de référence, viendraient réduire le montant des allégements de la taxe d’habitation.

Sachant que les trois quarts des contribuables de l’outre-mer ne sont pas imposables, un tel dispositif conduisait à donner 3 millions d’euros aux salariés en exonérations d’impôt sur le revenu et à leur reprendre 108 millions d’euros sur le montant de la prime pour l’emploi, conformément au vieux principe consistant à donner d’une main ce que l’on reprend de l’autre…

Parlementaires responsables et vigilants, les membres de mon groupe ont déposé, en première partie du projet de loi de finances, un amendement tendant à supprimer la mesure conduisant à reprendre aux salariés modestes et très modestes de l’outre-mer le « plus » qui leur avait été accordé aux termes de l’accord Bino.

Rejoints par nos collègues du groupe socialiste, à la demande de l’un des parlementaires de l’outre-mer, nous sommes satisfaits que le Gouvernement soit revenu sur le « montage initial », afin de supprimer l’imputation du RSTA sur la prime pour l’emploi. Il faut dire que, depuis, le mouvement social reprend du côté de Pointe-à-Pitre et que le collectif Lyannaj Kont Pwofitasyon appelle, depuis quelques jours, les salariés de Guadeloupe à faire valoir leurs droits et leurs attentes. Ces attentes, force est de constater qu’elles peinent à trouver des suites concrètes dans les dispositions de la LODEOM et à être transcrites dans le budget de l’outre-mer.

Sur le plan strictement législatif, notons d’emblée les difficultés à appliquer la loi puisqu’aucune des dispositions réglementaires prévues n’a encore été prise. À moins, madame la ministre, que vous ne nous annonciez quelques publications en instance…

Sur le plan budgétaire, il n’y a pas de bouleversement sensible pour 2010. Les crédits de la mission « Outre-mer » sont fixés à moins de 2 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 113 millions d’euros par rapport à 2009, dont la plus grande part est consacrée à la progression de la prise en charge d’exonérations de cotisations sociales pour les entreprises, à hauteur de 92 millions d’euros.

Au demeurant, parallèlement aux 113 millions de crédits de paiement complémentaires, il convient de souligner que l’on crée 252 millions d’euros de dépenses fiscales, un montant à revoir à la hausse compte tenu de l’adoption de l’article de la première partie.

Sur le fond, les choix sont les mêmes qu’auparavant : avant de répondre aux besoins sociaux des habitants de l’outre-mer, dont chacun ici mesure la prégnance et l’importance, on privilégie l’aide fiscale, qui ne s’adresse qu’à quelques ménages, en général assez fortunés et ne résidant pas toujours outre-mer.

Ce n’est pas ainsi que l’on pourra faciliter un développement harmonieux et équilibré de l’outre-mer. La situation est fort regrettable, surtout au regard des potentiels des différents territoires, compte tenu notamment de la jeunesse de la population, mais aussi de l’insuffisante et inefficace utilisation des ressources naturelles.

Ainsi, l’outre-mer pourrait fort bien, grâce à une politique volontariste et déterminée menée par l’État ou soutenant les efforts des collectivités territoriales, parvenir à une indépendance énergétique réelle, rendant les coûts de production locaux moins dépendants de l’importation de produits pétroliers, aux cours toujours volatils.

Nous devons et nous pouvons trouver une solution sur cette question comme sur bien d’autres.

La prise en compte de la situation dramatique des collectivités territoriales ultramarines, largement victimes de difficultés structurelles et qui vont subir de plein fouet les effets de la suppression de la taxe professionnelle, n’est pas non plus au rendez-vous dans ce budget de l’outre-mer.

En effet, l’état du cadastre outre-mer risque fort de rendre difficile la juste appréciation de la matière imposable au titre de la future cotisation locale d’activité et plus encore celle des retombées de la cotisation complémentaire, pour laquelle il faudra sans doute prévoir qu’elle intègre une forme de quote-part outre-mer.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au bénéfice de ces observations, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Outre-mer », qui sont loin de répondre aux enjeux et aux préoccupations exprimées par nos concitoyens ultramarins, et loin aussi des annonces faites par le Gouvernement. §

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