Madame la ministre, je suis heureux de vous saluer à l’occasion de ce premier budget sur l’outre-mer.
Nous avons été sensibles à vos visites à Mayotte, d’autant que vous connaissez la place des femmes dans notre combat pour une Mayotte française.
Vous le savez aussi, l’année qui s’achève aura été pour nous celle de l’aboutissement d’une très ancienne requête, à savoir la consultation des Mahorais et des Mahoraises sur le statut de notre territoire dans la République.
C’est la loi organique du 3 août 2009 qui a prévu l’accession de notre collectivité au statut de département français d’outre-mer, à compter du mois d’avril 2011.
Le résultat de la consultation statutaire du 29 mars 2009 est éloquent et se passe de commentaires : 95, 2 % de votes positifs. Une telle situation nous crée, bien évidemment, des devoirs, et d’abord celui de mettre en œuvre une active politique de « rattrapage », afin de réaliser progressivement les promesses de cette « départementalisation » si longtemps souhaitée. La feuille de route du Gouvernement intitulée « Pacte pour la départementalisation de Mayotte », publiée en décembre 2008, énumère les principales étapes d’une telle transformation.
Nous attendons la loi ordinaire qui doit préciser les modalités concrètes de la mise en œuvre du droit commun et établir l’organisation administrative de Mayotte en prévoyant les moyens financiers et humains.
Madame la ministre, je souhaite appeler particulièrement votre attention sur les trois sujets très importants pour Mayotte que sont l’éducation, le foncier et le logement
L’éducation est le principal fondement de nos progrès. Actuellement, notre collectivité manque de classes dans le premier degré, cela en raison de la forte pression démographique, fâcheusement aggravée par les mouvements migratoires massifs et mal contrôlés d’enfants de tous âges, en provenance des îles voisines et aux niveaux scolaires très disparates.
Les moyens dégagés aujourd’hui en termes de constructions scolaires ne permettent pas d’atteindre l’objectif de scolariser tous les enfants vivant sur le sol de Mayotte, comme nous en avons l’obligation.
On peut aussi regretter la vétusté et le mauvais état de certains bâtiments existants. Ceux-ci accueillent deux fois plus d’élèves qu’ils ne le devraient ; les classes sont donc surchargées et l’enseignement dispensé dans de mauvaises conditions. C’est la raison pour laquelle nous attendons avec impatience que soit renforcée la dotation spéciale d’équipement scolaire pour les écoles et les collèges, afin de mieux répartir la charge financière de ces constructions entre les collectivités locales et l’État.
C’est d’ailleurs la suggestion du Président Nicolas Sarkozy, qui, dans son discours du 6 novembre dernier à l’Élysée, au terme du conseil interministériel de l’outre-mer, recommandait l’octroi de crédits supplémentaires pour remédier à cette situation très pénalisante pour nos jeunes mahorais.
En outre, l’insuffisance des solutions de scolarisation, notamment dans les filières techniques, et l’absence d’enseignement universitaire sur notre île induit une charge de plus en plus lourde, en termes de bourses scolaires, au profit des élèves devant continuer leurs études en métropole ou ailleurs. Le budget de la collectivité départementale n’est plus en mesure de faire face à cette situation, et il devient impératif d’envisager sérieusement, et de manière urgente, la création, même par étapes, d’un pôle universitaire à Mayotte ; les conclusions du dernier conseil interministériel de l’outre-mer sur ce point n’ont pas répondu à notre attente.
Pour ce qui est du foncier, deuxième volet de mon intervention, tous les rapports qui se sont succédé sur le développement de Mayotte depuis dix ans ont identifié la question foncière comme étant l’un des principaux blocages des politiques locales d’investissement.
Le rapport du Comité pour la départementalisation de Mayotte et l’atelier ayant pour thème le foncier, lors des états généraux de l’outre-mer, ont souligné la nécessité de conduire une nouvelle politique foncière sur l’île et de prévoir des moyens accrus pour constituer des réserves foncières et aménager les terrains et les villages.
Les acteurs du développement de Mayotte, quels qu’ils soient, attendent des mesures fortes et urgentes sur ce point. La création d’un établissement public foncier, annoncé lors du dernier comité interministériel de l’outre-mer, représente à nos yeux une véritable avancée.
La rigidité des règles de gestion de la zone des pas géométriques, telles qu’elles ont été actées dans le décret paru au Journal officiel du 11 septembre 2009, ne permet pas d’apporter une réponse aux problèmes du logement social pour les Mahorais les plus modestes : ce décret doit être révisé au plus vite.
Le troisième volet de mon intervention concerne le logement : les besoins annuels sont estimés à Mayotte à 2 750, répartis entre 2 200 logements neufs et 550 réhabilitations. La production effective est largement insuffisante depuis 2005.
S’agissant de la nouvelle politique de l’habitat aidé, les logements locatifs sociaux ou très sociaux, attendus depuis 2004, connaissent de nombreux freins, car ces programmes, mal cadrés et mal élaborés par rapport aux réalités mahoraises, ne sont pas adaptés aux besoins des familles.
Quant aux logements en accession très sociale, ils trouvent leurs limites dans le problème de la disponibilité de terrains. Le cadastre vient d’être réalisé à Mayotte, avec environ 20 000 dossiers en cours de régularisation par la collectivité départementale de Mayotte, et la zone des pas géométriques reste un problème entier pour la plupart des villages.
De nombreuses opérations d’aménagement devront être engagées pour les années à venir ; elles sont le gage d’une meilleure cohésion sociale. Elles supposent la mise à disposition de terrains à bâtir. À cet effet, le Pacte pour la départementalisation de Mayotte a prévu de créer le Fonds de développement économique et social, afin de remplacer l’actuel Fonds mahorais de développement. Or la mise en place de ce nouveau fonds, considéré comme « moteur » pour la mise en œuvre de la départementalisation, a été renvoyée à une date ultérieure, c’est-à-dire au mieux en 2013.
Dans ces conditions, quel sens donner au principe rappelé par le Premier ministre, lors de sa récente visite à Mayotte : développement d’abord, égalité sociale ensuite ?
Si la population de Mayotte a bien compris que la question sociale globale ne serait posée qu’après 2012, elle a également bien noté l’engagement de « revalorisation significative » de la situation des handicapés et des personnes âgées dès cette année. Dès lors, pouvez-vous m’indiquer clairement, madame la ministre, quel est le dispositif de rattrapage 2010-2012 prévu pour ces allocataires particulièrement défavorisés ?
Enfin, au moment où l’on va débattre de la réforme des collectivités territoriales et de leurs financements, je me permets de rappeler la nécessité absolue d’ouvrir le dossier des finances communales à Mayotte. Rappelons que l’extension du code général des impôts à Mayotte a été repoussée au 31 décembre 2013 par la loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, ou DSIOM.
Permettez-moi, madame la ministre, d’appeler sur ce point l’attention du Gouvernement : si rien n’est engagé dès à présent pour réaliser cette réforme, l’échéance de 2013 ne sera pas tenue. Or la situation difficile des finances des collectivités locales de Mayotte ne permet plus d’éluder un tel chantier ; il y a urgence à agir dans ce domaine.
Je me félicite en revanche que, parmi les mesures générales prises par le conseil interministériel de l’outre-mer, il ait été prévu que la représentation permanente de la France à Bruxelles se dote d’un pôle dédié à l’outre-mer. Nous comptons sur ce nouveau service pour instruire nos dossiers, notamment dans le domaine des « fonds structurels », et faciliter ainsi la demande de passage de Mayotte au statut de région ultrapériphérique de l’Europe, tant il est vrai que les aides financières et techniques de la Communauté sont indispensables à nos progrès.
Il faut redire que, en contrepartie de ces concours européens, l’outre-mer français n’arrive pas les mains vides : nos espaces maritimes comme nos ressources halieutiques tropicales contribuent au meilleur équilibre de nos échanges.
Surtout, nous sommes aujourd’hui porteurs, au nom de la France, d’un message de liberté et de fraternité, plus que jamais nécessaire au monde d’aujourd’hui et de demain.