Intervention de Jacques Gillot

Réunion du 26 novembre 2009 à 15h00
Loi de finances pour 2010 — Outre-mer

Photo de Jacques GillotJacques Gillot :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a de cela quelques semaines, l’allocution prononcée par le Président de la République laissait entrevoir l’avènement d’une nouvelle ambition pour les outre-mer.

Une nouvelle ambition nourrie par la reconnaissance des apports séculaires de nos territoires et de nos populations à la nation.

Une nouvelle ambition porteuse d’espérance pour ces centaines de milliers d’ultramarins qui aspirent tout simplement à habiter un nouvel avenir au sein d’une République davantage ouverte à leur différence.

Une nouvelle ambition empreinte d’audace et de la profonde volonté de renouveler le pacte qui nous unit à la France.

Je suis, vous le savez, parmi ceux qui ont accueilli ce discours avec circonspection en attendant sa traduction dans les actes, et j’ose le dire, dans les chiffres.

Force est de constater à la lecture de votre projet de budget, madame la ministre, que les outre-mer sont au rendez-vous de la déception. En effet, le projet de budget pour 2010 ne connaît pas de modifications sensibles par rapport aux budgets des années précédentes.

La hausse affichée, d’un peu plus de 6 %, ne correspond en réalité qu’à la compensation des mesures de défiscalisation. Et même si l’ensemble des dotations budgétaires en faveur de l’outre-mer ne figure pas dans ce projet de budget, l’accroissement des crédits véritablement disponibles ne représente que la prise en compte de l’inflation. En effet, 80 % des 118 millions d’euros d’augmentation sont consacrés à la compensation des exonérations de charges sociales.

En définitive, madame la ministre, cette analyse nous laisse la détestable sensation que, contrairement à ce qu’affirment les campagnes de communication, les populations des outre-mer n’ont pas été suffisamment entendues.

Le Gouvernement n’a pas entendu la demande de transparence des consommateurs sur la question cruciale du prix des carburants. Les outre-mer, la Guadeloupe tout particulièrement, attendent la mise en place d’une véritable réforme qui garantisse leur droit à payer un prix juste, établi sur des bases transparentes, équitables et garantes de l’emploi local.

Cette réforme de la transparence, nous l’appelons de nos vœux depuis maintenant plus d’un an. Elle n’est toujours pas mise en œuvre, alors que certaines sources autorisées annoncent déjà une prochaine hausse des tarifs.

Pire encore, la nouvelle scélérate d’un décret octroyant 50 millions d’euros de compensation aux compagnies pétrolières a provoqué des ravages sur nos opinions publiques, poussant nombre de Guadeloupéens à scander leur mécontentement dans les rues.

Madame la ministre, votre gouvernement n’a pas davantage entendu l’aspiration criante de l’outre-mer en termes d’emploi.

Certes, vous apportez un début de réponse, qui se traduit par un effort budgétaire d’augmentation des crédits dévolus au service militaire adapté. Je regrette néanmoins que, pour atteindre l’objectif affiché de doublement des effectifs, le Gouvernement ait prévu de réduire la durée du SMA de douze à dix, voire six mois, au détriment de la qualité de la formation, comme l’a remarqué à juste titre la mission d’information sénatoriale.

Quoi qu’il en soit, madame la ministre, le dispositif du SMA ne peut répondre à lui seul aux problématiques de l’ensemble des jeunes de l’outre-mer. Et la Guadeloupe a l’impression que le Gouvernement n’entend pas la détresse de ces 56 % de jeunes de 15-24 ans frappés par l’échec scolaire, la désocialisation et le chômage, détresse à laquelle il convient de répondre par la mobilisation de moyens financiers et humains importants dans le cadre d’un vrai plan d’urgence pour la formation et l’emploi.

De la même manière, madame la ministre, vous ne semblez pas entendre cette demande lancinante de centaines de milliers de foyers ultramarins qui aspirent à bénéficier du revenu de solidarité active, le RSA, avant janvier 2011. Et, comble de l’injustice, déjà privé de l’application du RSA par une comparaison intellectuellement peu honnête avec le revenu supplémentaire temporaire d’activité, l’outre-mer s’est également vu refuser l’expérimentation du « RSA jeunes » !

Madame la ministre, ce projet de budget ne traduit pas non plus l’ambition que vous affichez par ailleurs en faveur du logement. Dans le droit-fil de la LODEOM, votre projet de budget donne la priorité à la défiscalisation du logement social en y affectant 110 millions d’euros. Pour autant, la création de ce dispositif ne modifie pas significativement les crédits de la ligne budgétaire unique dans ce budget, et il y a fort à craindre que la complexité de sa mise en œuvre n’ait des incidences sur son efficacité.

Non, madame la ministre, ce projet de budget ne traduit pas la volonté affichée par le Président de la République de mettre enfin de côté une perception quelque peu passéiste et jacobine de l’outre-mer ! Il ne porte aucune rupture fondamentale avec la logique éculée du replâtrage systématique pour prendre toute la mesure des enjeux de nos territoires et des aspirations profondes de nos populations.

Oui, madame la ministre, nous aurions souhaité être entendus !

Nous aurions souhaité être entendus sur la question de la continuité territoriale, pour qu’il soit enfin tenu compte des spécificités d’un archipel comme le nôtre, confronté à la double insularité.

Nous aurions souhaité être entendus sur les difficultés auxquelles se heurtent nos collectivités, dont l’autonomie d’action est menacée par la suppression de la taxe professionnelle.

Nous aurions souhaité être entendus sur la relance de l’activité touristique, priorité d’action affichée par votre ministère et qui se traduit paradoxalement par une diminution de plus de 10 % des crédits consacrés au plan de relance.

Nous aurions souhaité être entendus sur l’abondement plus important du fonds exceptionnel d’investissement destiné au rattrapage des équipements structurants.

Nous aurions souhaité un véritable plan de développement des secteurs porteurs comme l’agro-nutrition, les énergies renouvelables et la biodiversité !

Madame la ministre, nous aurions tout simplement souhaité que ce projet de budget traduise l’ambition et l’audace nécessaires à cette réforme en profondeur des relations qui unissent les outre-mer à la République.

Mais une fois encore, et je le regrette, l’action n’est pas au rendez-vous de l’incantation. C’est pourquoi il ne m’est pas possible d’approuver en l’état le budget de votre ministère.

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