Intervention de Claude Lise

Réunion du 26 novembre 2009 à 15h00
Loi de finances pour 2010 — Outre-mer

Photo de Claude LiseClaude Lise :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, on ne peut examiner le présent budget de la mission « Outre-mer » sans avoir bien conscience de la situation actuelle des collectivités ultramarines.

En ce qui concerne la Martinique, le tableau que je brossais le 20 octobre dernier n’a fait malheureusement que s’assombrir.

Le 1er novembre, on en était à 315 entreprises en redressement ou en liquidation, 40 000 chômeurs, soit 24 % de la population active, et les projections des organismes compétents font craindre un taux de 27 % en fin d’année et de 30 % à la fin du premier trimestre 2010, un niveau inconnu depuis plus de vingt ans et dont on imagine les conséquences, notamment pour un nombre croissant de jeunes.

Pratiquement tous les secteurs sont touchés. Parmi les plus sinistrés figurent, d’une part, le BTP, qui, en plus de nombreuses entreprises en voie de liquidation, a vu plus de 700 artisans arrêter leurs activités depuis le début de l’année, d’autre part, le secteur touristique, pour lequel on note une chute du nombre des croisiéristes – 45 % sur un an –, des touristes transitant par l’aéroport – près de 6 % – et des nuitées d’hôtels – 17 %.

À cela s’ajoutent les difficultés croissantes des collectivités territoriales, victimes du terrible effet ciseau entre une baisse de leurs ressources et une croissance des besoins à satisfaire, notamment en matière d’équipements publics ainsi qu’en matière sociale. Ces collectivités qui, depuis de nombreuses années, portaient 85 % de l’investissement public, ne peuvent plus jouer le rôle moteur qui était le leur dans les économies locales, de même que celui, indispensable, d’amortisseur social de la terrible crise économique qui sévit.

Alors, face à une telle situation, ce budget est décevant.

Croyez, madame la ministre, que j’aurais sincèrement préféré avoir à vous tenir un autre discours, car je ne sous-estime nullement la force de votre engagement en faveur des outre-mer. Je suis de ceux, vous le savez, qui se sont réjouis de la nomination d’une originaire de l’outre-mer à la tête de la rue Oudinot. Mais un constat s’impose : ce budget, malgré une conjoncture exceptionnelle, ressemble étrangement à ceux que nous avons eu à examiner depuis quelques années, jusques et y compris dans l’artifice utilisé pour le présenter en forte augmentation.

Il y a bien quelques hausses de crédits, mais de faible importance, et en tout état de cause sans rapport avec les besoins avérés ni avec les priorités mises en avant. C’est notamment le cas des crédits de la ligne budgétaire unique, même abondés en seconde lecture par l’Assemblée nationale. Que pèsent 6 millions d’euros en crédits de paiement pour l’ensemble de l’outre-mer, quand pour la seule Martinique et uniquement dans le domaine de la réhabilitation de logements vétustes de propriétaires occupants – souvent âgés –, il manque, pour 2010, 11 millions d’euros pour atteindre un objectif de 1500 logements ?

Les besoins dans ce domaine sont très importants. Plus de quatre cents entreprises sont concernées. Les crédits actuels de la LBU ne leur permettent de mobiliser que la moitié de leur capacité de réhabilitation, qui est en moyenne de 1 700 logements par an. Il est donc indispensable de consentir un effort beaucoup plus important sur la LBU.

S’agissant de la Martinique, j’entends souvent objecter que les opérateurs ne pourraient pas consommer davantage de crédits, faute de foncier. Mais cet argument ne tient pas compte – permettez-moi de le répéter une fois de plus – des besoins en matière tant de réhabilitation que de financement des surcharges foncières imposées par le relief et les risques sismiques.

Je veux encore évoquer un autre domaine pour lequel la traduction budgétaire est fort éloignée de l’affichage prioritaire : l’insertion régionale. Comment expliquer que les crédits qui y sont consacrés soient en réduction de 3, 5 %, alors même qu’ils étaient déjà très insuffisants les années précédentes ?

Que les choses soient claires : je ne reproche pas à ce budget de ne pas être en mesure de traiter tous les problèmes des outre-mer. Ce que je critique, c’est le fait qu’il ne donne pas les signes que l’on était en droit d’attendre d’une réelle prise de conscience de la gravité de certaines situations, ainsi que les signes du véritable changement de politique annoncé par le Président de la République.

Madame la ministre, ces signes, nous ne les voyons pas non plus poindre ailleurs. Et pourtant le temps presse.

Je vous ai en particulier décrit la situation de la Martinique. Si l’on ne prend pas d’urgence les mesures nécessaires, sachez que l’on se dirige vers une catastrophe économique et sociale.

Je vous demande donc d’user de votre position au sein du Gouvernement pour obtenir la mise en œuvre d’un vrai plan de relance, ou plutôt d’un plan de sauvetage, élaboré en étroite concertation avec les acteurs économiques et sociaux et les élus. Un tel plan ne peut faire l’impasse sur la nécessité de redonner aux collectivités territoriales la capacité de jouer pleinement leur rôle économique et social.

Par ailleurs, il faut que sortent très rapidement les décrets de la LODEOM, notamment ceux qui concernent la défiscalisation dans le domaine du logement social, l’aide à la rénovation hôtelière et l’aide aux intrants et aux extrants, sans oublier le décret concernant l’article 32, qui peut permettre le sauvetage d’un très grand nombre de petites entreprises.

Je veux enfin vous demander d’intervenir auprès du ministère du travail et des relations sociales pour qu’avant la mise en œuvre du contrat unique d’insertion dans les DOM des dispositions soient prises afin d’éviter qu’il n’en résulte une aggravation des difficultés budgétaires des conseils généraux.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes, vous le savez, à la veille d’importantes consultations qui vont permettre aux citoyens de Guyane et de Martinique de se prononcer sur le degré de responsabilité qu’ils entendent assumer localement. Il importe que le Gouvernement, pour sa part, donne réellement le signe de sa volonté d’assumer ses propres responsabilités à leur égard. Il doit le faire en veillant aux conditions d’objectivité dans lesquelles doivent se dérouler les campagnes électorales, mais également en donnant des preuves de sa volonté de voir les atouts de leurs territoires transformés en véritable levier de développement.

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