Intervention de Jean-Paul Virapoullé

Réunion du 26 novembre 2009 à 15h00
Loi de finances pour 2010 — Outre-mer

Photo de Jean-Paul VirapoulléJean-Paul Virapoullé :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2010 se situe dans un contexte différent de celui des nombreux budgets que nous avons eu à voter.

Après les événements économiques et sociaux qui sont survenus dans les quatre départements d’outre-mer, les états généraux de l’outre-mer, et l’excellent rapport d’information de notre collègue Eric Doligé, au nom de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, présidée par notre collègue Serge Larcher, une feuille de route a été tracée par le Président de la République.

Concernant le budget lui-même, je serai bref. Tout le monde le sait, nous sommes actuellement dans un contexte de crise. Or, malgré tout, le budget de l’outre-mer augmente de 6, 4 % en autorisations d’engagement et de 6, 3 % en crédits de paiement. C’est dire l’effort soutenu que consent l’État !

Au-delà de ce budget, une feuille de route nous a donc été présentée il y a quelque temps par celui qui a la légitimité suprême, le Président de la République, pour les années à venir. M. le préfet Richard Samuel, coordonnateur national des états généraux de l’outre-mer, à qui je rends hommage, a engagé une concertation avec les populations et les élus, et le Président de la République a pris un certain nombre de décisions.

Madame la ministre, ces décisions sont au cœur de nos préoccupations. J’aborderai trois questions : la décolonisation économique, les décrets liés à l’application de la LODEOM, que nous avons votée ici grâce à la solidarité de nos collègues, et l’égalité des chances, évoquée par le chef de l’État.

Je ferai tout d’abord allusion à la décolonisation économique.

On peut adresser des reproches à ce gouvernement, comme à tous les gouvernements d’ailleurs, mais on ne peut pas l’accuser de ne pas avoir eu le courage de demander à l’Autorité de la concurrence de faire une radioscopie des prix pratiqués outre-mer. Celle-ci a montré des excès : le coût de la vie est majoré à la Réunion de 56 %. Or rien, surtout pas le transport, ne justifie un tel différentiel !

Cette tare coloniale est une chance pour nous ! Si, grâce à la volonté partagée des élus locaux, du Gouvernement et du chef de l’État, nous en avons le courage, nous pouvons augmenter le pouvoir d’achat de toute la population, notamment des plus pauvres, en baissant le coût de la vie.

Tel est le premier objectif qui nous est assigné, et le chef de l’État nous a donné les moyens d’y parvenir, puisque la feuille de route prévoit de renforcer le droit à la concurrence, de mettre en place un groupe d’intervention régional de la concurrence dans chaque DOM, de contrôler les accords volontaires concernant les prix, c'est-à-dire les ententes illicites qui font florès outre-mer, de donner aux observatoires des prix un pouvoir réel et la capacité de saisir l’Autorité de la concurrence, enfin de créer des centres uniques d’approvisionnement. Mais nous pourrons, bien sûr, y ajouter d’autres mesures qui nous viendront à l’esprit lorsque nous déverrouillerons l’économie des DOM.

Ce budget s’élève à quelque 16 milliards d’euros, issus de la solidarité nationale, sans compter les milliards d’euros perçus au titre de l’égalité sociale !

Aujourd'hui, grâce à la décentralisation, c'est-à-dire à un partage du pouvoir entre l’État et les collectivités locales, nous sommes au pied du mur, mes chers collègues ! Après le rapport qui a fait état des excès des oligopoles dans les quatre départements d’outre-mer, le Président de la République a fixé une feuille de route pour rendre le niveau du coût de la vie acceptable, afin d’améliorer les conditions de vie de nos populations.

À nous, madame la ministre, d’avoir le courage, dans les mois à venir, de faire ce pourquoi nous avons été élus : supprimer les excès ! C’est ce que j’appelle la « décolonisation économique » : passer d’une économie de rente fermée, repliée sur elle-même, à une économie d’expansion.

Concernant la LODEOM, je voudrais vous poser, madame la ministre, un certain nombre de questions.

Tous mes collègues qui se sont succédé à la tribune ont parlé du logement social. Ici, grâce à la solidarité de l’ensemble des groupes politiques, a été voté un amendement, que j’ai eu l’honneur de présenter, visant à adapter à l’outre-mer le dispositif Scellier qui s’applique en métropole.

Sur place, les socioprofessionnels ont émis plusieurs demandes : remonter le plafond au niveau du dispositif Borloo populaire, augmenter la surface prise en compte dans la défiscalisation, et céder gratuitement les terrains que possède l’État.

Par ailleurs – et je rejoins là ma collègue Gélita Hoarau –, j’estime qu’il ne faut pas appliquer outre-mer la mesure qui enlèverait aux collectivités locales le droit de préemption, car cela paralyserait l’aménagement de notre territoire.

Madame la ministre, si vous faites l’effort de conclure avec nous, cette année, un accord gagnant-gagnant sur ces questions, vous n’entendrez plus parler de cette revendication l’année prochaine, parce que nous aurons relancé la machine du logement social et nous pourrons afficher des résultats intéressants.

Le deuxième secteur qui pleure, c’est celui du tourisme, en raison des décisions prises à l’égard des agences de voyages en matière d’exonérations de charges sociales et de défiscalisation. À cet égard, je vous ai adressé une lettre. J’aimerais savoir si vous avez décidé de corriger cette erreur dans le décret.

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication, ou NTIC, sont une branche d’avenir pour l’économie des départements d’outre-mer, qu’il s’agisse des Caraïbes, de la Guyane ou de la Réunion. Elles permettent de rompre l’isolement, de s’ouvrir au monde, de lutter contre l’illettrisme, d’instruire la jeunesse et de valoriser l’atout que représente celle-ci. Madame la ministre, il faut rallonger, dans le décret relatif à la défiscalisation, la liste des activités économiques liées aux NTIC.

J’en viens maintenant à l’égalité des chances.

Je remercie le Président de la République d’avoir brisé le tabou de la régionalisation des emplois de cadres B et C dans la fonction publique, qu’il s’agisse de l’enseignement, de la police ou de la gendarmerie, par exemple. Il s’agit là d’une demande très forte de l’opinion.

Cette mesure permettra, en outre, d’ouvrir des perspectives sur place à de nombreux jeunes. Je propose, madame la ministre, la constitution d’un groupe d’étude, composé de juristes et de parlementaires, afin d’examiner cette problématique sous tous ses aspects, notamment humains et juridiques, et l’efficacité du système. Tous les ministères pourraient ainsi mettre en place les mesures, circulaires, décrets et arrêtés – peut-être serons-nous même conduits à légiférer ! –, susceptibles de faire droit aux prescriptions du chef de l’État, conformes au souhait de bon nombre d’élus de tous bords des quatre départements d’outre-mer.

Madame la ministre, je veux également vous interroger sur l’article 349 du traité de Lisbonne qui est maintenant entré en application.

Le chef de l’État a annoncé qu’une cellule d’instruction serait créée pour adapter les directives communautaires et piloter l’intégration des DOM depuis Bruxelles. Quand envisagez-vous de mettre en place cette structure ? Il doit s’agir non pas d’un fonctionnaire, mais d’une véritable structure en liaison avec les élus issus de la représentation nationale. Les présidents des conseils généraux ou régionaux, par exemple, doivent en être les hôtes réguliers, parce que de l’adaptation des directives communautaires naîtra une nouvelle dynamique pour le développement de l’outre-mer. Cette adaptation, qui a d’ailleurs été soulignée par mes collèguesSerge Larcher et Eric Doligé, est non pas une nécessité, mais une obligation, afin que l’outre-mer devienne une chance pour l’Europe, ce qui n’est pas rien !

Par ailleurs, la fracture numérique est aussi une tare de notre économie coloniale. À chaque fois qu’un secteur se développe, surgissent monopoles, oligopoles, ententes illicites, et nous voilà asphyxiés ! Le triple play coûte 29 euros en métropole ; le chef de l’État a dit vouloir l’étendre outre-mer aux familles pauvres. Moi aussi ! Tout le monde ici est d’ailleurs d’accord, mais que fait-on, madame la ministre ? Il faut casser les ententes illicites, car, demain, il sera trop tard.

S’agissant du développement endogène, un commissaire par DOM sera nommé. Mais je me demande s’il ne faudrait pas créer une cellule de coordination auprès de vos services, à laquelle les parlementaires pourraient s’adresser pour booster l’opération et faire en sorte que les souhaits deviennent réalité.

Enfin, lors du conseil interministériel de l’outre-mer, a été décidée la création du Fonds d’investissement de proximité, le FIP, défiscalisé à 50 % et destiné à financer les PME innovantes. J’aimerais bien que cette décision soit concrétisée par un amendement que vous pourriez déposer à l’occasion de la loi de finances rectificative que nous examinerons prochainement.

J’étais présent lorsque cet engagement a été pris à l’Élysée ; je l’ai donc noté comme tout le monde. Mon collègue Georges Patient et moi travaillions hier encore sur cette question. Nous permettre de bénéficier de l’intervention du FIP pour l’exercice 2010 serait faire œuvre utile, car cela permettrait de développer l’économie de l’outre-mer, en particulier les secteurs innovants, qui ont besoin de sang neuf, c’est-à-dire d’argent frais, à l’actif de leur bilan.

J’en viens à ma conclusion.

Ma collègue Anne-Marie Payet, à juste titre, a fait voter un amendement concernant les débits de tabac dans les galeries marchandes des supermarchés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion