Intervention de Georges Patient

Réunion du 26 novembre 2009 à 15h00
Loi de finances pour 2010 — Outre-mer

Photo de Georges PatientGeorges Patient :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis les événements de Guyane de novembre 2008, les outre-mer sont en état quasi permanent de crise. Ils sont devenus, encore plus qu’auparavant, un sujet de très grande préoccupation pour le Gouvernement, qui ne peut plus rester indifférent.

Celui-ci, il faut le reconnaître, a fait des annonces, a pris ou tenté de prendre des mesures pour répondre aux revendications légitimes des populations ultramarines.

Cela a été le cas avec la LODEOM, qui a été votée en mai 2009 et dont l’objectif avoué est de renforcer les capacités des outre-mer à produire un développement économique endogène, afin de résorber le chômage.

Cela a été le cas quand le chef de l’État a accepté d’organiser des consultations visant à recueillir le consentement des électeurs de Martinique et de Guyane pour la transformation de ces deux départements d’outre-mer en collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, et ce à la demande de leurs congrès respectifs.

Cela a aussi été le cas avec les annonces faites par le chef de l’État à la suite du conseil interministériel de l’outre-mer qui s’est tenu le 6 novembre dernier à l’Élysée.

Il s’agit là de nombreuses initiatives, certes, d’une nouvelle approche des outre-mer, mais, pour l’heure, on demeure au stade des bonnes ou des grandes intentions ! En effet, en dehors de la date des consultations populaires qui est bien arrêtée, peu de dispositions sont appliquées, voire applicables ! On est loin des plans de relance à l’intention de la métropole qui, dès le départ bien chiffrés et bien fléchés, sont donc immédiatement mis en œuvre.

Dois-je rappeler, comme l’ont fait les collègues qui m’ont précédé, que de nombreuses mesures réglementaires d’application de la LODEOM n’ont, à ce jour, pas encore été prises, alors que cette loi a été votée en urgence ? Quand ces décrets d’application seront-ils publiés, madame la ministre ?

J’espérais beaucoup de la loi de finances pour 2010. Mais force est de constater, à la lumière du document de politique transversale, que les chiffres pour les outre-mer n’ont pas varié par rapport à l’année dernière. À vrai dire, ils n’augmentent que du montant de l’inflation, soit 1, 2 %.

Madame la ministre, j’accordais un grand d’intérêt à l’examen de votre budget. Même s’il ne représente que 12 % de la totalité des crédits consacrés par l’État aux outre-mer, il se devait de traduire, dans les programmes que vous gérez, des priorités pour répondre aux fortes inquiétudes exprimées par nos concitoyens.

Certes, les crédits de votre mission augmentent de 6, 4 % en autorisations d’engagement et de 6, 3 % en crédits de paiement, augmentation qui profite principalement au programme « Emploi outre-mer ».

Cela aurait pu être un signe très fort à destination de nos populations, quand on sait que la résorption du chômage est l’une de leurs préoccupations majeures : il est trois fois plus élevé qu’en métropole. Un véritable séisme social !

Mais cette hausse des crédits du programme « Emploi outre-mer » ne porte principalement que sur un meilleur remboursement aux organismes de sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales.

De plus, d’après les informations dont je dispose, cette dotation ne devrait toujours pas suffire à financer l’ensemble des besoins identifiés pour l’année 2010, qui s’élèvent à 1 159 millions d’euros, soit 55 millions d’euros de plus que les montants inscrits au projet de loi de finances.

Dois-je rappeler que ces exonérations de cotisations sociales sont le dispositif central de soutien à l’emploi, qu’elles ont été revues, corrigées, confortées par la LODEOM ?

De même, méritent d’être consolidées toutes les actions en faveur des ultramarins de moins de trente ans, qui sont les plus durement frappés par la précarité de l’emploi. Le chômage touche, en effet, plus de 50 % de nos jeunes, qui représentent plus de 34 % de la population, contre 25 % en métropole.

D’ailleurs, à ce titre, il convient de rappeler que les crédits relatifs aux contrats aidés, auparavant supportés par ce programme, le sont désormais par la mission « Travail et emploi », qui subit, elle, une baisse significative de plus de 748 millions d’euros pour 2010. Même si ces emplois ne relèvent plus de votre mission, madame la ministre, pouvez-vous nous rassurer sur le fait qu’ils seront maintenus pour nos concitoyens ?

Dans le même ordre d’idée, il faudra, pour nos jeunes, veiller à ce que les efforts budgétaires en faveur du SMA soient amplifiés dans les années à venir. Le SMA joue un rôle essentiel en termes d’insertion et de qualification professionnelle. Ses résultats sont bons, mais, selon les informations fournies par votre ministère, ni l’augmentation des crédits budgétaires ni celle des effectifs d’encadrement du programme ne connaîtront une hausse équivalente à celle du nombre de bénéficiaires du dispositif.

Enfin, pour terminer sur ce programme, l’Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs d’outre-mer, dont la mission est de favoriser l’insertion professionnelle des ressortissants d’outre-mer, voit sa subvention demeurer stable. N’aurait-il pas fallu revoir son montant, quand on sait que de nouvelles missions, notamment la gestion de nouveaux dispositifs de continuité territoriale, vont lui être confiées et qu’elles auront des conséquences sur le budget ?

Quant au programme « Conditions de vie outre-mer », il m’interpelle sur un certain nombre de points, principalement le logement social, deuxième grand volet de la problématique ultramarine. Comment endiguer le phénomène de l’habitat insalubre avec des crédits en baisse, quand on sait que les logements insalubres représentent de 7 % à 10 % du patrimoine bâti dans les DOM, contre 2, 5 % en métropole ?

Mon département, la Guyane, est le plus touché. Plus de 30 000 personnes vivent dans ce type d’habitat. Des études récentes ont estimé à 30 % le taux de constructions illicites existantes, mais, en flux, ce taux représenterait aujourd’hui près de 50 % du nombre de constructions nouvelles.

Comment réhabiliter les logements quand les crédits consacrés à ces aides sont en baisse depuis 2009, à la suite de la réduction des objectifs ? Pourquoi les constructions de logements en accession très sociale rencontrent-elles des difficultés qui se traduisent par une production très inférieure aux ambitions initiales ? Madame la ministre, il faut vite revoir ce dispositif, car il bénéficiait d’un grand succès outre-mer, notamment en Guyane.

Comment répondre aux 62 000 demandes de logements d’une population domienne éligible à 80 % au logement social quand la production annuelle n’excède pas 4 000 unités ? Pour 2010, le Gouvernement s’est fixé un objectif de 5 443 logements, mais grâce au nouveau dispositif de défiscalisation qui ne semble pas faire l’unanimité.

N’aurait-il pas été préférable d’accroître la LBU plutôt que d’instaurer une nouvelle dépense fiscale, pour un coût estimé à 110 millions d’euros en 2010 et dont l’efficacité sera, selon toute vraisemblance, plus faible ?

Madame la ministre, j’aurais voulu intervenir sur d’autres points qui méritent notre attention. Mais le temps qui m’est imparti ne le permet pas ! Je dirai juste quelques mots sur le fonds exceptionnel d’investissement créé par la LODEOM.

Si ce fonds a pu bénéficier en 2009 de 165 millions d’euros d’engagements, il est regrettable que, pour 2010, il soit ramené à 40 millions d’euros d’engagements. On aurait pu s’attendre à une somme plus importante à destination des collectivités locales qui, on le sait, représentent en moyenne 72 % des investissements du secteur public local.

Le conseil interministériel de l’outre-mer s’est montré très discret sur la question des finances des collectivités locales, malgré les nombreuses remontées des états généraux de l’outre-mer et de la mission sénatoriale. Est-ce un signe manifeste de la raréfaction des crédits de l’État vis-à-vis des outre-mer ?

Devrons-nous nous attendre à ce genre de mauvaises surprises quand il faudra chiffrer les mesures annoncées le 6 novembre dernier par le chef de l’État ? Oui, si l’on tient compte des premiers crédits relatifs aux cent trente-sept mesures votés en dernière minute en seconde délibération à l’Assemblée nationale : seulement 33 millions d’euros de crédits de paiement, dont 15 millions d’euros pour une dotation spéciale d’équipement scolaire pour les écoles et collèges de Guyane, pour la prise en considération d’un problème récurrent, spécifique aux collectivités de Guyane, dont je vous ai entretenu à plusieurs reprises. Maintenant, il nous appartient d’être fixés sur la permanence et les critères d’attribution de cette dotation.

Nonobstant, il est regrettable que le déplafonnement de la dotation globale superficiaire pour les communes de Guyane n’ait pas été pris en compte. Pourtant, il me semblait que vous n’étiez pas défavorable, madame la ministre, à ce que l’on revienne sur ce plafonnement qui frappe uniquement les communes de Guyane. J’ai déposé un amendement dans ce sens sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». J’espère qu’il sera examiné favorablement pour mettre fin à cette injustice.

Aussi, en l’état, madame la ministre, il m’est difficile de voter votre budget. Je préfère attendre un tout prochain collectif budgétaire qui, je l’espère, nous apportera de réels moyens à la hauteur des enjeux.

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