Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, au-delà d’une appréciation des crédits de la mission « Outre-mer », que vous nous présentez aujourd’hui, cette discussion budgétaire m’offre également l’occasion de vous exposer les problématiques propres à Saint-Barthélemy, même si elles ne sont pas toutes d’ordre budgétaire.
D’abord, en ce qui concerne la mission elle-même, je ne peux que me féliciter de l’augmentation de ses crédits, tant les attentes de l’outre-mer se sont exprimées fortement tout au long de cette année. Il convenait aussi de renforcer l’existant budgétaire, qui s’est manifestement révélé insuffisant pour répondre au surcroît de la demande. Pour ma part, c’est en ce sens que j’interprète non seulement l’augmentation de vos crédits, mais aussi la répartition de leur utilisation.
Je suis convaincu que, dans le contexte économique que nous connaissons tous, l’État fait de son mieux pour l’outre-mer. Mais encore fallait-il qu’il le fasse bien et, dès lors, seule l’optimisation de l’utilisation des ressources permettra d’atteindre l’efficacité, à savoir faire de la dépense publique un levier de création de richesses et de bien-être outre-mer.
Je note, en effet, avec satisfaction une réduction des écarts entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement, qui favorise la lisibilité de l’action de l’État et évite l’accumulation des retards de paiements pouvant être déstabilisants, voire paralysants, comme cela a été le cas dans le domaine du logement social.
Certes, le niveau des crédits est important, mais je veux insister sur le fait que les résultats ne pourront être atteints qu’à la condition que les actions soient ciblées, j’ajouterai même de manière pertinente, pour souligner combien je conçois l’action de l’État comme un levier.
Je ne peux m’empêcher, en outre, d’aller au bout de ma pensée en considérant que cette action est complétée par le cadre institutionnel ; mais je ferme là la parenthèse, car c’est un autre débat. Néanmoins, madame la ministre, si Saint-Barthélemy n’est pas concernée à proprement parler par la mission « Outre-mer », l’efficacité pour laquelle je plaidais suppose une action conduite dans un cadre institutionnel, donc normatif. À cet égard, je compte sur vous pour que les délais de parution des décrets soient davantage respectés.
Vous le savez, la mise en place d’une nouvelle collectivité impose de nombreux ajustements et une collaboration étroite avec l’État dans l’exercice des compétences partagées.
J’attire donc votre attention sur le décret attendu par la collectivité afin de mettre en place le centre de formalités des entreprises. Elle a en effet souhaité que les acteurs économiques de l’île disposent, sur place, d’une forme de guichet unique destiné à fluidifier et à faciliter l’ensemble des démarches liées à leur activité.
De même, en ce qui concerne les décrets de ratification des sanctions pénales prévues au code des contributions directes et au code de l’urbanisme, nous ne sommes pas aujourd’hui dans une situation de vide juridique, puisque les sanctions pénales en vigueur dans les codes nationaux restent applicables à Saint-Barthélemy. Toutefois, la collectivité a usé de son droit d’en édicter, pour les adapter aux dispositions prévues par ses codes locaux. L’exemple de la vignette automobile montre d’ailleurs la nécessité de l’adéquation de la règle à la sanction. En effet, alors qu’elle a été supprimée en métropole, le code des contributions directes de Saint-Barthélemy l’a maintenue et prévoit que les automobilistes s’en acquittent chaque année.
C’est dans ce souci d’une bonne collaboration que j’ai moi-même déposé une proposition de loi tendant à ratifier les sanctions pénales directement par la voie parlementaire, ce qui pose une question juridique sur laquelle j’aimerais connaître votre position, madame la ministre. Considérant en effet que les actes ne peuvent entrer en vigueur sans ratification du Parlement, pouvons-nous estimer que la voie parlementaire est suffisante ? Le dépôt d’une proposition de loi revenait en réalité à considérer que la procédure prévue par la loi organique n’exclut pas une intervention directe du législateur.
Je suis bien conscient du fait que, par cette interrogation, je vous mets en situation d’écarter, le cas échéant, l’étape réglementaire. Mais, soyez-en assurée, je ne me propose d’« escamoter » l’étape gouvernementale que dans un objectif de réduction des délais.
Par ailleurs, il m’importe de vous alerter sur une disposition qui me tient particulièrement à cœur. Lors de l’examen de la LODEOM, j’avais en effet déposé des amendements visant à étendre le dispositif de continuité territoriale aux déplacements des sportifs, dans le cadre régional et vers la métropole, par symétrie avec le dispositif instauré en faveur de la mobilité des étudiants.
De ce point de vue, comme dans d’autres domaines, Saint-Barthélemy est inéluctablement dépendante de l’extérieur. L’exiguïté du territoire fait qu’il est impossible de disposer de tous les services ou de satisfaire tous les besoins sur l’île. S’agissant en particulier du sport, la collectivité mène une politique volontariste pour développer la pratique sportive chez les jeunes, en mettant notamment des infrastructures performantes à leur disposition, dans toutes les disciplines. Vous comprendrez donc aisément que lorsqu’on veut amener des sportifs au meilleur niveau, il est nécessaire de leur offrir la possibilité de se confronter à des adversaires variés. Or, avec une population de 8 450 habitants, il est mathématiquement impossible de diversifier les compétiteurs. Cette politique étant donc source de fréquents déplacements, je souhaiterais, madame la ministre, que cet impératif puisse trouver une traduction budgétaire, éventuellement par le biais du Fonds d’échange à buts éducatif, culturel et sportif.
Pour conclure, permettez-moi de vous exposer brièvement les motivations qui ont conduit la collectivité de Saint-Barthélemy à demander au Gouvernement d’enclencher le processus de changement de son statut européen.
En premier lieu, il s’agit d’une position de cohérence, qui vise à harmoniser le régime de spécialité législative en droit français avec celui du droit européen. Il serait en effet curieux que Saint-Barthélemy soit soumise au régime de l’identité législative en droit européen, mais, pour l’essentiel, au régime de spécialité législative en droit français.
En deuxième lieu, la compétence douanière est l’un des enjeux fondamentaux de ce processus pour la collectivité, qui souhaite conserver son statut de territoire extra-douanier. Avant d’être une collectivité, Saint-Barthélemy exerçait la compétence douanière par dérogation ; aujourd’hui, il nous paraît fondamental de pouvoir en disposer pleinement.
En troisième lieu, un tel choix s’impose également parce que, en raison du niveau de son PIB par habitant, Saint-Barthélemy ne peut attendre de l’Europe le même niveau de financement que les RUP, les régions ultrapériphériques.
En dernier lieu, cette position est pragmatique. Les contraintes qui nous sont imposées par l’Europe sont souvent exorbitantes pour un territoire de 24 kilomètres carrés, et constituent en outre un frein aux relations commerciales avec les pays voisins, particulièrement avec les États-Unis d’Amérique.
En résumé, tout en étant attachée à la citoyenneté européenne, la collectivité a estimé que le statut d’association était le mieux adapté à Saint-Barthélemy. Je ne doute pas, madame la ministre, que nous pourrons compter sur le Gouvernement pour nous accompagner dans notre volonté de faire aboutir le processus dans les meilleurs délais.
Tels sont, madame la ministre, mes chers collègues, les quelques points qu’il me semblait utile de développer. Il va sans dire que j’adopterai les crédits de la mission « Outre-mer ».