Intervention de Soibahadine Ibrahim Ramadani

Réunion du 26 novembre 2009 à 15h00
Loi de finances pour 2010 — Outre-mer

Photo de Soibahadine Ibrahim RamadaniSoibahadine Ibrahim Ramadani :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, malgré la crise, qui risque de perdurer jusqu’en 2011, l’effort budgétaire et financier de l’État au profit des outre-mer reste soutenu : pour 2010, l’ensemble des crédits dédiés représente 17, 2 milliards d’euros, dont 3, 6 milliards d’euros de dépenses fiscales, en augmentation de 4 %.

Au sein de cet ensemble, les crédits spécifiques de la mission « Outre-mer » s’élèvent à 2 milliards d’euros, soit une hausse de 6, 2 %, mais ne représentent que 12 % de l’enveloppe globale. Toutefois, il convient de noter qu’avec 15, 5 % des crédits budgétaires, elle constitue la deuxième mission budgétaire de l’État en faveur de l’outre-mer.

Pour Mayotte, le budget pour 2010, qui s’élève à 560, 9 millions d’euros, correspond à une transition entre deux statuts, marquée pour les Mahorais par quatre préoccupations fortes : mener à terme le processus institutionnel en cours ; améliorer la situation budgétaire et financière des collectivités territoriales ; soutenir la politique de rattrapage économique, social et culturel amorcée dès 2008 ; enfin, renforcer le statut européen de Mayotte.

S’agissant du processus institutionnel en cours, on sait que la loi organique du 3 août 2009 a créé le département de Mayotte, création qui sera effective en avril 2011, à l’issue du renouvellement de l’organe délibérant.

En 2010, le pacte pour la départementalisation de Mayotte prévoit l’adoption des lois ordinaires de départementalisation, à savoir une loi électorale, qui devra préciser la composition et le mode d’élection de la future assemblée unique du département, et une loi institutionnelle, qui définira l’organisation administrative ainsi que les modalités de transfert des compétences et des ressources du département et des communes. Nous nous réjouissons, madame la ministre, de savoir que le Parlement sera saisi du projet de loi électorale avant mars 2010. Qu’en est-il des autres textes ?

S’agissant de la situation budgétaire et financière des collectivités territoriales de Mayotte, la chambre territoriale des comptes de Mayotte la qualifie de « très dégradée », eu égard aux nombreux déficits constatés et, en premier lieu, à celui du conseil général, évalué d’abord à 72, 4 millions d’euros, puis à 92, 4 millions d’euros.

Le plan drastique de redressement sur trois ans préconisé est certes salutaire, mais son application ne peut que conduire à la détérioration du climat social, qui serait préjudiciable à l’image du futur département de Mayotte. Les 75, 3 millions d’euros de crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » constituent une bouffée d’air, mais ne peuvent, à eux seuls, résorber les déficits. C’est pourquoi il me paraît souhaitable d’accompagner l’effort de maîtrise des dépenses des collectivités par l’octroi d’une subvention exceptionnelle, éventuellement complétée par des recours à l’emprunt.

Cette situation ne rend que plus impérieuse la nécessité de réaliser les travaux préalables à la mise en place de la fiscalité locale en 2014. Dans ce domaine, en effet, s’il apparaît que les travaux d’adressage avancent – même si ce n’est pas aussi vite que nous l’aurions souhaité –, tant pour ce qui a trait au numérotage et à la dénomination des rues que pour l’état civil, dont les moyens ont été accrus, il semble qu’il n’en aille pas de même pour les travaux d’évaluation. À ce jour, le travail entamé dans ce domaine n’offre aucune lisibilité, qu’il s’agisse des crédits mobilisés ou du calendrier d’achèvement des travaux d’évaluation de la valeur locative des logements et des parcelles.

S’agissant du soutien à la politique de rattrapage économique, social et culturel de Mayotte, le pacte prévoit, pour 2010, la mise en œuvre d’un plan de revalorisation de l’allocation spéciale de vieillesse et de l’allocation aux adultes handicapés, à hauteur de 25 % de leur montant national sur cinq ans. Or, les crédits correspondants ne sont pas inscrits dans ce projet de loi de finances, ni dans la mission « Outre-mer » ni dans le programme n° 157 « Handicap et dépendance » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir éclairer les Mahorais sur ce point.

Par ailleurs, je me réjouis de constater que 40 % du budget de Mayotte est consacré à l’enseignement scolaire. Toutefois, dans ce domaine, les crédits les plus significatifs sont ceux qui sont affectés aux constructions scolaires pour le premier degré, en cohérence avec l’objectif de l’ordonnance du 21 décembre 2007, à savoir garantir l’accueil en maternelle, en 2010-2011, de tous les enfants de trois ans. Or ces crédits, d’un montant de 5 millions d’euros, ne permettent que d’absorber la poussée démographique, sans résorber le déficit antérieur en salles de classe. De ce fait, les classes élémentaires et maternelles continueront d’alterner, matin et après-midi.

Je note toutefois avec satisfaction que, suite aux mesures annoncées par le Président de la République le 6 novembre dernier, la dotation spéciale de construction sera renforcée par la création, dès 2010, d’un fonds d’aide à l’équipement communal. Afin d’alimenter ce fonds, vous avez obtenu, madame la ministre, 123 millions d’euros au titre de ce projet de loi de finances pour 2010, crédits qui seront notamment consacrés à la construction d’écoles et de logements sociaux en Guyane et à Mayotte.

Je voudrais cependant préciser que l’objectif pour Mayotte est double dans le domaine de l’enseignement : il s’agit, d’une part, de compléter le financement des chantiers en cours pour la prochaine rentrée, et, d’autre part, de préparer l’avenir, en disposant de ressources suffisantes et pérennes pour financer un plan de construction scolaire étalé sur plusieurs années, propre à la fois à résorber le déficit antérieur en matière de salles de classe et à absorber la poussée démographique, de manière à parvenir à une situation normale, où chaque maître pourra accueillir ses élèves dans sa propre classe.

Je me réjouis également de constater que l’exécution du contrat de projet 2008-2014 s’améliore en 2009, après un démarrage laborieux en 2008, année où, comme vous le savez, le taux d’exécution n’était que de 11, 3 %. Ainsi, les crédits prévus pour 2010, d’un montant de 82 millions d’euros, permettront notamment de lancer les travaux de pose de câbles sous-marins de communication pour l’accès au haut débit et à la TNT vers 2011. Parallèlement, le choix des candidatures pour la mise en concession de l’aéroport de Pamandzi est arrêté, ce qui autorise à penser que les délais de livraison de l’aérogare en 2012 et de la piste longue en 2015 pourront être respectés.

Je déplore que, pour l’application de la LODEOM, l’absence de mesures réglementaires bloque l’aide au fret, le projet initiative-jeune et l’extension du champ de compétence de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, l’ANAH, à Mayotte ; en revanche, je salue la décision de compléter par une circulaire le décret en Conseil d’État portant réglementation des prix des produits de première nécessité outre-mer.

En outre, je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir indiquer aux Mahorais où en est l’élaboration des ordonnances relatives à l’action sociale et à la constitution de droits réels sur le domaine public de l’État, visées au 1° du I de l’article 72 de la LODEOM. De plus, pour examiner les conditions et les modalités d’application des deux décrets relatifs à la zone dite des cinquante pas géométriques du 9 septembre 2009, je propose l’envoi d’une mission de l’Inspection générale d’administration, l’IGA, à Mayotte, comme ce fut le cas aux Antilles pour la loi de 1996. Par ailleurs, il me paraît urgent de mettre en place les plans de prévention des risques naturels, les PPR, en lieu et place de l’actuel atlas du Bureau de recherches géologiques et minières, qui, comme vous le savez, est dépourvu de toute valeur juridique et réglementaire. Ces PPR sont mieux à même de préciser, in fine, les zones à risques de glissements de terrains et de chutes de blocs et d’entraîner l’inscription des crédits correspondants au programme n° 181 de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ».

S’agissant enfin du renforcement du statut européen de Mayotte, madame la ministre, les Mahorais vous sont reconnaissants pour votre forte mobilisation sur ce dossier, notamment lors de la XVe conférence des présidents des régions ultrapériphériques. Le principe de transformation du statut européen de Mayotte de PTOM en RUP semble acquis, sous réserve de l’évolution du droit interne de notre île. Un des signes forts de cette évolution réside dans la parution, avant la réunion du 5 mai 2010, de l’ordonnance visée au 1° du I de l’article 72 de la LODEOM, relative à la suppression de la justice cadiale et de la tutelle matrimoniale, au relèvement de l’âge du mariage des filles, ainsi qu’à l’égalité de l’homme et de la femme devant la succession.

Ainsi, Mayotte, figurant en bonne place dans le document conjoint des États comptant des RUP, sera au rendez-vous du débat sur le devenir de l’octroi de mer et des négociations sur la prochaine programmation des fonds structurels européens, avec le nouveau « pôle outre-mer » au sein de la représentation permanente de la France à Bruxelles.

Pour conclure, je rappelle que le pacte propose aux Mahorais de construire la première étape de la départementalisation de Mayotte sur vingt-cinq ans, avec pour objectifs l’égalisation progressive des droits sociaux, le rattrapage progressif des standards métropolitains en matière d’infrastructures et d’équipements collectifs, ainsi que l’amélioration des conditions de vie, de santé et d’éducation de la population.

Dans cette perspective, on le voit, ce ne sont pas uniquement les crédits de la mission « Outre-mer » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010 qui doivent préparer cette départementalisation de Mayotte, mais l’ensemble des instruments financiers déjà mobilisés et ceux qui sont appelés à l’être pour la période, à savoir le Fonds exceptionnel d’investissement créé par la LODEOM, le Fonds de développement économique, social et culturel prévu par le pacte pour 2011, la dotation spéciale de construction scolaire, renforcée par la création, dès 2010, du Fonds d’aide à l’équipement communal issu des états généraux de l’outre-mer, les fonds européens et, pourquoi pas, une part du grand emprunt national qui pourrait être affectée au soutien aux collectivités territoriales d’outre-mer.

Pour accompagner Mayotte et les autres collectivités d’outre-mer dans la voie que les unes et les autres ont choisie au sein de la France, je sais pouvoir compter sur vous, madame la ministre. C’est pourquoi je voterai sans hésitation votre projet de budget.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion