Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, on aura beaucoup parlé de l’outre-mer en cette année 2009 : d’abord de manière alarmante, avec le cri de désespoir lancé par les Antilles, repris en Guyane et à la Réunion, mais aussi dans les COM, même si on les entend moins. Heureusement, le Président de la République n’a pas été sourd à cet appel et a eu l’ambition et le courage de lancer les états généraux de l’outre-mer – du jamais vu –, afin de remettre à plat la situation de l’outre-mer et de permettre aux ultramarins de s’exprimer et de proposer.
On pouvait juger inapproprié que l’État soit le décideur final des mesures à retenir à travers le conseil interministériel de l’outre-mer, sous prétexte qu’il est le payeur, tout comme un parent qui, payant les études de son enfant, serait en droit de lui imposer une orientation vers un futur métier, mais je dois dire que j’ai été assez satisfait du discours de Nicolas Sarkozy et des mesures annoncées à l’issue de ce premier CIOM, dont il est prévu qu’il s’inscrive dans une régularité.
Parallèlement, l’excellent rapport de mes collègues Serge Larcher et Éric Doligé sur la situation des DOM abonde dans le même sens, avec des propositions à la fois judicieuses et ambitieuses.
Pour en revenir aux mesures du conseil interministériel pour l’ensemble de l’outre-mer, je ne peux qu’approuver la volonté de moderniser l’outre-mer et de redéfinir ses relations avec la métropole.
De même, je ne peux qu’approuver les mesures visant à une meilleure insertion dans l’environnement régional, telles que l’accroissement de la capacité d’action et de la visibilité en matière de coopération régionale, la possibilité de changer de statut au regard de l’Union européenne, la mise en place d’un pôle outre-mer au sein de la représentation permanente française à Bruxelles.
Je ne peux également qu’approuver les mesures arrêtées en matière de gouvernance, tendant à ce que l’État soit plus réactif aux demandes locales et à ce que la fonction publique soit plus représentative de la population qu’elle administre. Ainsi, nous éviterons peut-être certaines inepties, à l’instar du feuilleton cauchemardesque du transport maritime de fret à Saint-Pierre-et-Miquelon, pour lequel des décisions ont été prises sans tenir compte de la réalité et des demandes locales.
Enfin, j’ai apprécié le fait que le Président de la République souligne dans son discours la nécessité de reconnaître les syndicats locaux majoritaires lors des élections professionnelles. Cela nous éviterait de répéter certaines erreurs, telle la suppression de l’indemnité temporaire de retraite, l’ITR, qui n’a donné lieu qu’à une concertation avec les syndicats nationaux, lesquels n’étaient pas à même d’apprécier l’incidence réelle de cette mesure.
D’ailleurs, je profite de cette occasion pour vous demander, madame la ministre, ce qu’il en est du rapport que j’avais demandé lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009. Votre prédécesseur s’était engagé sur le dépôt, dans un délai d’un an, d’un rapport présentant les perspectives d’instauration ou d’extension d’un dispositif de retraite complémentaire pour les fonctionnaires servant outre-mer. Depuis lors, nous n’avons obtenu aucune information sur ce sujet, et je suis tenté de penser que rien n’a été fait. Pouvez-vous m’assurer que ce rapport verra bel et bien le jour, afin que l’on puisse envisager la mise en place d’un système de retraite complémentaire permettant aux fonctionnaires concernés de compenser le manque à gagner important que représente la disparition de l’ITR ?
J’en viens maintenant au projet de budget de l’outre-mer.
J’exprimerai un petit regret quant à l’aide aux entreprises pour le fret, c'est-à-dire les intrants et les extrants : celle-ci est limitée à l’Union européenne, alors qu’est affirmée par ailleurs la volonté de « faciliter l’insertion des départements d’outre-mer, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon dans leur environnement régional ». Lors de l’élaboration de la LODEOM, j’avais voulu déposer un amendement visant à étendre cette aide pour les produits à destination des pays voisins, mais on m’avait opposé l’article 40 de la Constitution. Je n’ai alors malheureusement pas réussi à convaincre que cette mesure n’entraînerait pas forcément une augmentation des dépenses de l’État, mais peut-être une baisse, les calculs n’ayant pas été faits, et que cette modification permettrait en outre d’atteindre l’objectif d’insertion des territoires dans leur environnement régional.
Cela étant, vous aurez compris que j’approuve la politique du Gouvernement, notamment en réponse à la crise du début d’année. Je voterai donc ce projet de budget pour 2010.
En fait, je ne suis pas là pour examiner au centime près les colonnes de chaque action. Aujourd’hui, ce qu’il nous faut, en tout cas dans un premier temps, ce n’est pas « plus d’argent », mais « mieux d’argent ». Il faut mieux cibler nos objectifs et nos possibilités de développement économique.
De même, nous avons besoin non pas de « plus d’État », mais de « mieux d’État ». Comme cela a été souligné par le Président de la République, ainsi que dans le rapport de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer et dans le projet de budget pour l’outre-mer, il existe bien souvent des problèmes de relations avec la métropole et notre environnement : nous sommes trop tournés vers la métropole ; nous ne sommes pas toujours maîtres de notre destin.
En effet, il arrive que des décisions nous soient imposées par Paris, et elles sont parfois totalement inadaptées. Malheureusement, on ne nous envoie pas toujours les hauts fonctionnaires les mieux à même d’aborder les problématiques de notre territoire. En la matière, notre dernière expérience, à Saint-Pierre-et-Miquelon, laissera des traces… Il faut mettre fin à la croyance selon laquelle, parce que Saint-Pierre-et-Miquelon est le plus petit territoire de France, la plus petite collectivité ultramarine, la situation à gérer serait simple. C’est une idée fausse, surtout du fait des relations entre le Canada, d’une part, et l’Europe, d’autre part. Eu égard à nos compétences bien spécifiques, il nous faut des personnes expérimentées dans ces domaines clés. De la même manière, il est plus judicieux d’envoyer en zone d’éducation prioritaire des enseignants expérimentés plutôt que des jeunes sortant d’un institut universitaire de formation des maîtres.
Mais j’arrête là cette comparaison, car l’on va encore me dire que les Saint-Pierrais et les Miquelonnais sont les enfants terribles de l’outre-mer, qu’ils sont ingérables, comme je l’entends parfois dire dans les ministères et les administrations. Je suis las d’entendre cela, car c’est faux : nous manquons simplement d’outils, de méthodes, de données fiables pour faire la part du vrai et celle du faux, pour fixer un cap et une stratégie. Malheureusement, trop souvent, quand je demande de l’aide à l’État, on me répond, en référence à notre statut particulier, régi par l’article 74 de la Constitution : « Débrouillez-vous, cela relève de votre compétence. »
Or nous avons les compétences, mais nous n’avons pas les moyens. La grande majorité des fonctionnaires sont sous les ordres de l’État et placés, aux termes de leur statut, « à disposition de la collectivité en tant que de besoin ». Il est inutile de préciser que quand l’harmonie ne règne pas entre le préfet et le président du conseil territorial, les choses n’avancent pas : chacun se renvoie la balle, on perd du temps, on stagne. À cela, il faut ajouter le millefeuille politique, avec des communes littéralement sous tutelle du conseil territorial, ne disposant pas de la latitude nécessaire pour mener à bien leurs propres projets.
À mon sens, tout cela est inconstitutionnel. C’est pourquoi il serait grand temps que nous puissions clarifier les compétences et les moyens alloués à chacun.
Le conseil interministériel de l’outre-mer a prévu pour Saint-Pierre-et-Miquelon une mission de réflexion sur le statut de la collectivité, avec en toile de fond le cadre européen et les relations entre l’État et celle-ci, précisant qu’un parlementaire pourrait en être chargé. Cela tombe à point nommé, car j’ai demandé qu’une mission parlementaire soit menée par le Sénat. Ce serait une mission restreinte, pour des raisons évidentes de coût et de flexibilité, mais je tiens à ce que cette mission soit sénatoriale, car qui mieux que notre Haute Assemblée, représentante des collectivités territoriales, pourrait faire une analyse pertinente et présenter des propositions justes dans ce domaine ?
Je me tourne maintenant vers mes collègues de l’outre-mer. Nous l’avons vu, les états généraux de l’outre-mer et la mission sénatoriale sur la situation des départements d’outre-mer ont mis en évidence de nombreux points communs entre tous nos territoires. Par conséquent, malgré nos différences, nous pouvons et nous devons nous regrouper, pour avoir plus de poids et de crédibilité auprès des instances nationales et européennes et pour mieux défendre nos territoires. Certains d’entre vous ont rencontré mes amis canadiens, qui ont su défendre les intérêts et développer l’économie des petites communautés francophones et acadiennes hors du Québec, perdues dans l’immensité canadienne tout comme nous sommes un peu perdus dans l’immensité des trois océans. Il ne tient qu’à nous de nous inspirer de ce modèle pour faire de même. Nous deviendrons alors de meilleurs interlocuteurs pour la nouvelle ministre de l’outre-mer, que je tiens à féliciter, une fois encore, de sa promotion.