Madame Terrade, les préoccupations que vous avez exprimées me semblent s’inscrire, permettez-moi de vous le dire, dans le prolongement des revendications portées par les collectifs…
Permettez-moi de rappeler que le Gouvernement est fermement mobilisé pour apporter des réponses, dans le respect des engagements pris à l’occasion de la signature des protocoles de sortie de crise. Mais il ne peut le faire que dans le cadre des textes législatifs en vigueur et selon notre modèle de société. Or cela ne semble pas correspondre à la demande des collectifs, qui s’inscrivent visiblement dans une démarche politique s’écartant des principes fondamentaux de notre République.
Gardons-nous de polémiquer sur les événements actuels, notamment sur le dossier des carburants. Participons tous, messieurs les sénateurs Gillot et Antoinette, à la recherche d’une solution permettant de préserver l’emploi et le pouvoir d’achat. Essayons de tenir un discours qui ne fasse pas le lit de l’idéologie portée par les collectifs, au risque de créer de nouvelles tensions sociales qui seraient préjudiciables à l’image et à la notoriété des Antilles, ainsi qu’à l’économie et à l’emploi, déjà bien malmenés lors de la crise du mois de février dernier.
Messieurs Patient et Antoinette, l’action de l’État ne se mesure pas seulement, à mon sens, à l’importance de l’enveloppe budgétaire et des crédits affichés, d’autant que bon nombre de collectivités d’outre-mer ne sont pas en mesure d’engager les dépenses nécessaires à la réalisation des équipements publics. D’ailleurs, et vous le savez mieux que moi, nous avons été obligés de permettre que des opérateurs sociaux puissent se substituer aux communes pour financer leur participation aux opérations foncières liées à la construction de logements.
Le problème ne se réduit donc pas à une simple question de crédits ; il tient également à la capacité des collectivités locales à assumer la charge financière de telles opérations. Je suis d'accord avec vous sur le fait que nous devons aller plus loin pour assurer la réalisation de logements sociaux, mais il faudrait pour cela, messieurs les sénateurs, que nous passions moins de temps à régler les problèmes de gouvernance, comme cela a été le cas, par exemple, avec la société HLM Guyane.
Monsieur Adrien Giraud, comme vous le savez, le Gouvernement s’est engagé dans la voie de la départementalisation de Mayotte aux côtés des élus mahorais. Vous m’avez interrogée sur trois sujets de préoccupation : l’éducation, le foncier et le logement.
Concernant la dotation d’équipement scolaire pour les écoles et les collèges de Mayotte, je tiens à rappeler l’effort consenti en faveur des constructions scolaires au titre du plan de relance en 2009, à hauteur de près de 6 millions d’euros. Par ailleurs, le comité interministériel de l’outre-mer a décidé d’abonder mon budget de 15 millions d’euros au profit des équipements scolaires de Guyane, prioritairement, mais aussi de Mayotte.
Je partage votre analyse sur la création d’un établissement public foncier à Mayotte : le règlement de cette question est déterminant, car c’est la clé qui permettra de résoudre un certain nombre de problèmes de développement économique et social.
Je rappelle que le décret sur la zone des cinquante pas géométriques vient d’être adopté. Certes, nous pouvons sans doute l’améliorer, mais il permet de répondre à une demande récurrente des élus de Mayotte.
Concernant le logement, la situation n’est certes pas satisfaisante à Mayotte. Je sais que la nouvelle politique mise en place peine à démarrer. Les critères ou les conditions sont mal définis, dit-on. Je veux bien faire examiner ce point, mais il faut sans doute s’interroger sur la mobilisation effective de l’ensemble des acteurs de cette politique. Je crois que les mentalités évoluent à Mayotte sur la location, par opposition à l’accès à la propriété. Compte tenu de la pression démographique et de la problématique du foncier, cette évolution est inéluctable.
S’agissant du Fonds de développement économique et social, le Gouvernement s’est engagé à le créer pour favoriser un développement économique et social équilibré. Je demanderai au représentant de l’État d’engager des concertations dès 2010 pour déterminer le cadre et la composition de ce fonds, afin de pouvoir accompagner aussi rapidement que possible la mise en œuvre de la départementalisation.
Le Gouvernement est pleinement conscient des enjeux et des difficultés du passage à une fiscalité de droit commun. Il s’emploie à préparer l’échéance du 1er janvier 2014.
Monsieur le sénateur Ibrahim Ramadani, vous m’avez demandé des précisions sur le calendrier du « pacte pour la départementalisation », qui est bien la feuille de route pour Mayotte.
Tout d’abord, le mode de scrutin des élus de la nouvelle assemblée sera défini dans une loi qui sera votée avant la fin du premier trimestre de l’année 2010. La nouvelle assemblée sera mise en place en 2011.
Je n’entrerai pas dans les détails des différents textes qui seront adoptés en 2010 et en 2011, mais nous respecterons le pacte pour la départementalisation, qui a fourni un cadre et un calendrier au Gouvernement.
Vous avez insisté sur la situation financière du conseil général. J’y suis particulièrement attentive, compte tenu de la place centrale de cette institution dans le développement local. Actuellement, nous travaillons, en lien avec l’Agence française de développement, l’AFD, pour aider le conseil général à établir un plan de redressement. Je viens d’adresser ce jour un courrier au président du conseil général, M. Ahamed Attoumani Douchina, pour lui confirmer notre démarche. Dès le début du mois prochain, une mission conjointe de l’AFD et de la Délégation générale à l’outre-mer, la DEGEOM, se rendra à Mayotte pour finaliser ce dossier.
Votre question sur les minima sociaux, qui se réfère au pacte pour la départementalisation, est très précise. Vous souhaitez savoir à quelle date les prestations existantes seront revalorisées. Je vous renvoie audit document, qui précise que « dès l’entrée en vigueur de la départementalisation, un plan de revalorisation des prestations existantes sera mis en œuvre pour les adultes handicapés et les personnes âgées, avec des augmentations significatives ».
Cela signifie que l’échéance est fixée à 2011. Soyez assuré que les crédits correspondants seront effectivement prévus dans le projet de loi de finances pour 2011. En tout état de cause, ces deux minima bénéficieront en 2010, dans les mêmes conditions qu’en métropole, du plan de revalorisation de 25 % sur cinq ans qui a été décidé par le Président de la République.
M. Adrien Giraud et vous-même avez souligné l’importance de la question européenne pour Mayotte. Le Gouvernement souhaite – il l’a toujours affirmé – défendre la transformation de Mayotte en région ultrapériphérique. Je suis d’ailleurs déjà intervenue en ce sens auprès des commissaires européens concernés. J’ai obtenu que le commissaire Pawel Samecki désigne un « service coordonnateur », chargé d’instruire ce dossier d’ici à 2011 et de jouer le rôle de porte d’entrée au sein des institutions européennes. Une première réunion se tiendra avant la fin du mois à Bruxelles. De manière plus générale, il faut saluer l’adoption du traité de Lisbonne, qui, avec l’instauration d’une « clause passerelle », facilitera pour Mayotte le passage du statut de PTOM à celui de RUP.
Monsieur Magras, vous m’avez interrogée sur la parution du décret relatif à la mise en place du centre de formalités des entreprises, le CFE, à Saint-Barthélemy. Je vous concède bien volontiers que les délais sont fort longs. Le projet de décret a d’ores et déjà été examiné par le Conseil d’État, qui l’a validé, mais avec quelques modifications, en nous demandant de rédiger une convention par laquelle l’État déléguerait à l’établissement public local sa compétence pour la tenue du CFE.
Le décret est actuellement en cours de signature dans les ministères concernés. Le préfet délégué de Saint-Martin et Saint-Barthélemy a pour mission de rédiger le projet de convention. Je vous invite donc à vous rapprocher de lui pour parvenir à un projet stabilisé le plus rapidement possible.
Les décrets de ratification des sanctions pénales prévues par les codes des contributions et de l’urbanisme de Saint-Barthélemy sont effectivement issus d’une délibération du conseil territorial de Saint-Barthélemy datant du mois de février 2009. La procédure de contreseing du décret concernant l’urbanisme est en cours au sein du Gouvernement. En revanche, sur la question des sanctions en matière fiscale, le ministère de l’économie a émis un avis défavorable, car il travaille aujourd'hui sur la création d’un délit de fraude fiscale pour l’ensemble des collectivités d’outre-mer.
Enfin, vous m’avez interrogée sur le soutien de l’État au mouvement sportif de votre territoire. À mon sens, la meilleure démarche serait de saisir sur ce point ma collègue Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports, pour examiner les conditions d’intervention du Centre national pour le développement du sport. Je relaierai bien évidemment votre demande, qui me semble justifiée.
Monsieur Detcheverry, je vous remercie d’avoir rappelé les avancées positives du conseil interministériel de l’outre-mer. Vous avez proposé que le Sénat puisse se saisir de la question du statut de Saint-Pierre-et-Miquelon. C’est là, me semble-t-il, une très bonne idée.
En outre, je réitère l’engagement du Gouvernement de fournir un rapport présentant les perspectives d’instauration d’un dispositif de retraite complémentaire pour les fonctionnaires servant outre-mer d’ici à la fin de cette année. Mes services travaillent en lien étroit avec ceux du ministère chargé de la fonction publique pour respecter cet engagement. Compte tenu des différentes discussions en cours, ce rapport sera finalisé sous peu. Il sera également transmis aux partenaires sociaux et déposé, comme nous nous y sommes engagés, avant le 30 décembre 2009.
Concernant le dispositif d’aide au fret, j’ai bien entendu vos remarques. Je pense que, dans sa forme actuelle, cette aide soutiendra l’activité économique de l’archipel, en particulier les exportations à destination de l’Union européenne. Je précise d’ailleurs que le décret aura un effet rétroactif au 1er juin 2009.
Enfin, vous le savez, je suis attachée à une écoute attentive et à un dialogue approfondi entre mon administration et les élus de Saint-Pierre-et-Miquelon. C’est ce qui a permis de progresser, au cours de ces toutes dernières semaines, vers l’esquisse de solutions, que j’espère pérennes, concernant la desserte maritime internationale de l’archipel.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je souhaitais vous apporter, au bénéfice desquels je vous demande de bien vouloir adopter les crédits de la mission « Outre-mer ».