J’interviens au nom du groupe socialiste.
Madame la ministre, dans un premier temps, j’avais préparé une intervention écrite. Mais, en vous écoutant, je me suis dit qu’il valait mieux renoncer à la lire, pour vous répondre avec humeur…
Nous sommes au Sénat, assemblée dont la mission constitutionnelle est d’assurer la représentation des collectivités territoriales de la République. Je comprends donc difficilement la charge portée contre les élus locaux que nous sommes presque tous.
Je ne sais pas s’il y a méconnaissance de votre part du fonctionnement des communes, mais si tel est le cas, permettez-moi de vous rappeler un certain nombre de constantes.
Les maires et les présidents des conseils généraux ultramarins ne sont ni des inconscients ni des irresponsables ! Ils gèrent leurs collectivités avec les meilleures intentions, dans l’intérêt bien compris des populations. Nous sommes, outre-mer, confrontés à des problèmes sociaux spécifiques dont il n’a jamais été tenu compte ! Le rapport de la mission commune d’information du Sénat en fait d’ailleurs état.
Les dotations de l’État ne prennent pas en compte la réalité. Par exemple, le pourcentage de personnes âgées est neuf ou dix fois plus élevé à la Martinique qu’en métropole. De même, les allocataires de minima sociaux sont beaucoup plus nombreux qu’ailleurs. Or les communes d’outre-mer reçoivent exactement la même dotation globale de fonctionnement, à taille équivalente, que les communes de France hexagonale. Dans le même temps, le traitement de nos fonctionnaires est supérieur de 40 % à celui de leurs homologues métropolitains ! Nous nous trouvons en outre dans une zone tropicale humide, où le vieillissement des bâtiments est beaucoup plus rapide. Enfin, les prix sont beaucoup plus élevés chez nous.
Par conséquent, on peut comprendre que des revendications s’expriment, que les syndicats, à juste titre, demandent aux élus la titularisation des personnels ! N’oublions pas que les maires jouent un rôle de « buvard social ». Tenant compte d’un taux de chômage important, ils ont distribué du pouvoir d’achat aux familles. Ce faisant, ils ont grevé lourdement leur situation financière. Ils l’ont fait non par caprice, mais par obligation ! Voilà pourquoi les communes sont dans une situation financière difficile et ne peuvent faire face aux dépenses !
Les collectivités d’outre-mer sont les locomotives du développement. Par la commande publique, elles stimulent la vie économique. Aujourd’hui, si elles sont en panne, c’est parce qu’elles ont beaucoup répondu à la demande sociale. Il faut tenir compte de cette réalité !
Le plan Cocarde ne suffira pas à répondre concrètement aux difficultés que rencontrent les communes d’outre-mer : c’est d’ailleurs ce qui est écrit dans le rapport sénatorial, dont il ne suffit pas de reconnaître l’excellence ! Nous sommes allés enquêter partout et nous avons formulé des propositions !
Les dettes sociales des communes ne sont pas payées, tandis que l’État ne remplit pas son rôle. Les préfets avaient obligation d’intervenir auprès des maires. Aujourd’hui, la plupart des communes de Guadeloupe ne peuvent plus payer. Que fait-on face à cette situation ? Le plan Cocarde est-il la solution ? Nous verrons bien si, dans vingt ou trente ans, il aura permis aux communes de sortir de l’ornière… La situation est dramatique !
En ce qui concerne les décrets d’application de la LODEOM, madame la ministre, vous vous êtes référée à la loi Girardin pour expliquer la longueur des délais de publication des textes. Mais la crise est aujourd’hui plus aiguë qu’elle ne l’était à l’époque de Mme Girardin ! Nous n’avons plus le temps ni le droit d’attendre ! Interpellés par nos populations, nous vous demandons à notre tour de faire vite ! Si la LODEOM est bien, comme vous l’affirmez, la solution idoine pour nous faire sortir de cette situation, il n’y a plus à attendre pour prendre les décrets d’application !
Vous vous êtes rendue à la Martinique et en Guyane : vous connaissez donc le problème du logement social. L’État a certes fourni un effort, mais ce n’est pas suffisant : il faut faire dix fois plus ! Vous nous dites, avec raison, que l’État n’est pas le seul responsable de la situation, que l’argent ne règle pas tout, et qu’il faut agir aussi localement : mais nous nous y employons ! Peut-être ne disposons-nous pas toujours des dispositifs nécessaires pour aboutir, mais nous élus d’outre-mer sommes tous prêts à accompagner l’action de l’État. Nous ne sommes pas là pour nous opposer à lui ; notre seule volonté est de faire avancer les choses. C’est ce qu’il faut comprendre !
Il faut savoir que 50 % de nos chômeurs sont des jeunes. Dans ces conditions, le SMA ne peut à lui seul être une réponse suffisante pour redonner un peu d’espoir à notre jeunesse. Le SMA, c’est bien, mais il faut aller beaucoup plus loin, sans attendre ! La situation est urgente en outre-mer : nous avons besoin de décisions rapides et de grande portée !
Nous avons suffisamment travaillé sur les outre-mer, au sein des états généraux comme au Sénat, pour élaborer des solutions réalistes, qu’il est possible de mettre en œuvre.
Bien sûr, vous nous dites que tout ne peut pas être réalisé tout de suite. Nous le comprenons parfaitement, mais nous attendions de ce projet de budget qu’il comporte des signes forts montrant que nous allons dans la bonne direction, que la parole de l’État a un sens et que le Gouvernement prend en compte les attentes de la population. Ces signes, nous ne les avons pas trouvés, c’est pourquoi le groupe socialiste considère que ce budget ne pourra être qu’un budget d’attente – une mesure pour rien, comme on dit en musique. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre !