Intervention de Simon Sutour

Réunion du 26 novembre 2009 à 22h00
Loi de finances pour 2010 — Conseil et contrôle de l'état

Photo de Simon SutourSimon Sutour, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l’État », en cette période de restrictions budgétaires et de dégradation des finances publiques, est correctement abondé.

En effet, l’effort engagé depuis des années pour adapter la justice administrative à l’évolution du contentieux se traduit, cette année encore, par une hausse importante du budget alloué, avec une progression de 11, 9 % des autorisations d’engagement, à 347, 03 millions d’euros, et de 5, 71 % des crédits de paiement, à 321, 7 millions d’euros.

Cet effort correspond à un réel besoin, non seulement pour assurer de manière satisfaisante le service public de la justice, mais aussi pour préparer l’avenir et faire face aux contentieux issus de nouvelles dispositions législatives ou réglementaires dont les conséquences juridiques sont mal – ou pas du tout – évaluées en amont, comme pour le revenu de solidarité active, le droit au logement opposable ou encore le permis à point.

L’année 2010 verra se poursuivre les efforts en matière de création d’emplois, avec une hausse de 6, 1 % des crédits de personnel et la création de 20 emplois supplémentaires de magistrat, qui vont permettre d’atteindre l’objectif fixé par la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, qui prévoyait la création de 210 emplois de magistrat pour la période de 2002 à 2007, avec malgré tout un retard de trois années, il faut le souligner. Le projet de budget triennal pour les années 2009 à 2011 prévoit également le recrutement de 80 agents de greffe.

Concernant l’investissement, les efforts consentis ces dernières années avec la création des tribunaux administratifs de Nîmes et de Toulon et l’ouverture, en septembre de cette année, du tribunal administratif de Montreuil-sous-Bois, ont permis – et vont permettre – de réorganiser la « géographie » de la justice administrative pour conjuguer efficacité et délais de jugement raisonnables.

À ce sujet, comme je l’avais déjà souligné l’année dernière, il est nécessaire de poursuivre nos efforts en région parisienne. L’ouverture du tribunal administratif de Montreuil-sous-Bois est le symbole de cette volonté.

Autorisée par la loi de finances initiale pour 2009, cette création vise, d’une part, à faire face à la progression du contentieux issue du département de la Seine-Saint-Denis, qui a augmenté de 73 %, et, d’autre part, à permettre le rééquilibrage de l’activité des tribunaux administratifs de Cergy-Pontoise et de Versailles et le redécoupage du ressort des autres juridictions d’Île-de-France. Ainsi, dès 2010, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise traitera des affaires des Hauts-de-Seine et du Val-d’Oise, le tribunal administratif de Versailles, des affaires de l’Essonne et des Yvelines, et celui de Montreuil-sous-Bois, des affaires de la Seine-Saint-Denis.

Il faut savoir qu'en région parisienne les délais de jugement ne sont plus supportables, dépassant parfois cinq ans dans certaines matières. La création du tribunal administratif de Montreuil-sous-Bois, dont je me félicite, permettra donc d’améliorer sensiblement la situation dans les départements bordant la capitale, mais il convient de ne pas négliger le tribunal administratif de Paris, d'ores et déjà dans une situation critique. Le stock d'affaires à juger y est en effet très important, et la situation risque de se dégrader avec le développement du contentieux relatif au droit au logement opposable, dont une partie se concentrera sur la capitale.

Je souhaite, pour cette raison, une augmentation des moyens alloués au tribunal administratif de Paris, notamment par des créations de postes significatives. Il est également nécessaire de renforcer les effectifs des cours administratives d’appel, à Paris et à Versailles en particulier. La création d’une nouvelle chambre semble assurée à la cour administrative de Versailles en 2010, et j’aimerais que cela soit également le cas pour celle de Paris.

Plus au sud, si la création des tribunaux administratifs de Nîmes et de Toulon a permis de soulager ceux de Montpellier et de Marseille, je tiens à vous alerter sur la situation de la cour administrative d’appel de Marseille, au bord de la saturation. Alors que le projet de création d'une nouvelle cour administrative d’appel dans le Grand Sud ne semble plus d’actualité, je me permets néanmoins d'insister sur la nécessité de créer une nouvelle chambre à la cour administrative d’appel de Marseille.

Le renforcement des moyens alloués à la justice administrative vise à améliorer le service rendu.

Les indicateurs de performance à notre disposition, comme le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock, le délai moyen de jugement pour les affaires ordinaires ou encore la proportion d'affaires en stock, font apparaître des délais beaucoup trop longs, même si, il faut le noter pour s'en féliciter, les valeurs cibles fixées chaque année sont atteintes.

Entre 2000 et 2008, le nombre d'affaires enregistrées devant les tribunaux administratifs a progressé de 55, 46 %, et devant les cours administratives d’appel, de 64, 40 %. Devant ces deux types de juridictions, les contentieux les plus inflationnistes, en volume comme en pourcentage de progression, sont le contentieux des étrangers et celui de la police.

À titre d’exemple, la hausse du contentieux de la police devant les cours administratives d’appel a crû de plus de 131 % depuis 2004.

Cette augmentation est, bien évidemment, dû à l'importance du contentieux du permis à points. C'est pourquoi je souhaite, monsieur le ministre, que l'outil statistique relatif aux affaires de police administrative soit complété, afin d'assurer la comptabilisation précise des contentieux liés au permis à points.

Un contentieux qui explose, des moyens renforcés, une productivité accrue et, in fine, une amélioration des délais de jugement et une diminution du stock des affaires : cette situation vertueuse pourrait vite se dégrader face à l'émergence progressive de nouveaux contentieux tels que le DALO et le RSA.

De septembre 2008 à août 2009, 3 155 requêtes déposées devant les tribunaux administratifs concernaient le DALO. Selon les projections retenues, ce contentieux devrait à terme représenter un flux annuel de 5 000 à 7 000 affaires, concentrées comme prévu sur les quatre juridictions d'Île-de-France.

À la différence du RMI, le revenu minimum d’insertion, et de l'API, l’allocation de parent isolé, le contentieux suscité par le RSA, le revenu de solidarité active, entré en vigueur le 1er juin 2009, relève en première instance des tribunaux administratifs. Au regard des recours suscités par les prestations auxquelles le RSA se substitue, ce nouveau contentieux pourrait générer 12 000 affaires par an, dont la moitié pourrait disparaître si la procédure de recours administratif préalable obligatoire auprès du président du conseil général institué en la matière se révèle efficace.

Au-delà des questions essentielles relatives aux moyens matériels et humains, la justice administrative connaît également depuis plusieurs années des réformes de son organisation interne, au niveau tant des attributions que des compétences et de la procédure.

Par le décret du 7 janvier 2009, modifiant le code de justice administrative, le commissaire du gouvernement est ainsi devenu le « rapporteur public ». Ce changement de nomination clarifie le rôle joué par ce dernier dans la procédure administrative. En revanche, le Parlement, à l’initiative du Sénat, a refusé que la réforme du code de justice administrative se fasse par la voie des ordonnances de l'article 38 de la Constitution. Ce rejet concerne notamment les dispositions relatives au statut des magistrats, qui devront donc être examinées par le Parlement sous la forme d'un projet de loi.

De même, le projet de dispense de conclusions du rapporteur public ne pourra faire l'économie d'une discussion devant le Parlement. En effet, afin d'accélérer le traitement de certains contentieux répétitifs, le Conseil d’État envisage, dans certaines matières, de permettre au rapporteur public de se dispenser de prononcer ses conclusions à l'audience. Cette idée suscite de vives inquiétudes. Un tel dispositif doit faire l'objet d'une réflexion approfondie, et ce afin d'éviter toute rupture d'égalité dans le traitement des contentieux.

En conclusion, je souhaite que l’effort fourni pour donner à la justice administrative les moyens d’exercer correctement et prioritairement sa mission juridictionnelle soit maintenu et amplifié lors des prochaines échéances budgétaires.

Au nom de la commission des lois, je vous invite, mes chers collègues, à approuver ces crédits.

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