Intervention de Jean-Pierre Michel

Réunion du 20 décembre 2010 à 15h00
Adaptation du règlement du sénat au traité de lisbonne — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

Monsieur le président, mes chers collègues, le traité de Lisbonne, pour la première fois dans l’histoire de l’Europe, consacre un article spécifique aux Parlements nationaux. Il s’agit de son article 12 selon lequel les Parlements nationaux participent au bon fonctionnement de l’Union européenne. Enfin ! pourrait-on dire.

De mon point de vue, il s’agit là d’une pétition très générale qui pourra avoir des développements très conséquents si les Parlements nationaux acceptent – enfin ! – de prendre en compte la politique européenne et la construction de l’Union européenne, et ce même si le traité de Lisbonne ne donne que deux possibilités aux Parlements européens d’intervenir.

Il s’agit, d’une part, du contrôle du respect du principe de la subsidiarité et, d’autre part, de la possibilité de s’opposer à la modification des règles d’adoption de certains actes de l’Union européenne, c’est-à-dire au passage du vote à l’unanimité au vote à la majorité qualifiée.

Le groupe socialiste se félicite de cette évolution qui vise à associer plus étroitement les Parlements nationaux aux décisions de l’Union européenne. Est ainsi satisfaite une vieille revendication de la France qui souhaitait que les Parlements nationaux soient mieux intégrés à l’échelon européen pour répondre au défi du déficit démocratique auquel l’Union européenne doit faire face.

La révision constitutionnelle de 2008, en anticipant sur la ratification du traité de Lisbonne, a permis de transcrire dans notre Constitution ces droits reconnus aux Parlements nationaux. C’est l’objet des articles 88-6 et 88-7, créés à cet effet.

L’adoption de la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui, permettra d’insérer dans le règlement de notre assemblée les dispositions nécessaires à l’application de ces nouveaux articles de la Constitution, conformément au traité de Lisbonne.

Ainsi, nous remercions pour cet excellent texte le groupe de travail sur la réforme du règlement du Sénat, dont sont membres Bernard Frimat et Jean-Jacques Hyest. Il est en effet nécessaire de compléter rapidement le chapitre IX bis de notre règlement. Le Sénat a besoin de procédures concrètes et précises pour que les sénateurs puissent faire entendre leur voix à Bruxelles.

Le Sénat, comme les autres Parlements nationaux, joue donc, désormais, le rôle de garant du principe de subsidiarité. Ce principe a été inscrit dans le traité en 1992 afin de guider les interventions de l’Union européenne. Il se définit par la volonté de réserver uniquement à l’échelon supérieur – européen – ce que l’échelon inférieur ne pourrait effectuer que de manière moins efficace. Cette formule vague permet, à mon avis, un certain nombre d’interventions.

Outre le souci d’efficacité de l’action, la subsidiarité doit assurer le maintien d’une certaine proximité entre les citoyens et les lieux où sont prises les décisions qui les concernent. Je ne vais pas détailler à nouveau les procédures retenues, notre rapporteur, Patrice Gélard, l’ayant fait beaucoup mieux que je ne saurais le faire.

Je dirai juste quelques mots sur le droit d’opposition dont disposent les Parlements nationaux dans le cas de la mise en œuvre de ce qu’on appelle les clauses passerelles, qui permettent le passage de l’unanimité à la majorité qualifiée. Dès lors que le Conseil européen a manifesté l’intention de recourir à une clause passerelle, cette initiative est transmise aux Parlements nationaux, qui ont six mois pour s’opposer à la mise en œuvre de cette clause. Si, à l’expiration de ce délai, aucun Parlement national n’a notifié son opposition, le Conseil européen peut statuer. Encore une fois, cette mesure me semble aller vers une meilleure prise en compte des citoyens européens à travers leur Parlement et l’expression de leurs députés ou sénateurs.

Nous estimons que le texte de la proposition de résolution est à la hauteur des enjeux et qu’il nous permettra de jouer pleinement notre nouveau rôle au sein de l’architecture européenne. Il était temps, me direz-vous !

Les nouvelles procédures retenues présentent l’avantage de ménager un équilibre satisfaisant entre les prérogatives respectives de la commission des affaires européennes et des commissions permanentes comme la commission des affaires étrangères, commissions supérieures, si l’on peut dire, au sein de l’Assemblée nationale comme du Sénat.

De plus, cette procédure est souple dans le sens où elle permet aux acteurs d’organiser leur temps de manière autonome puisqu’il n’y a pas de date butoir entre les différentes étapes mais seulement un cadre général fixé par le traité européen. Toutefois, ce cadre est contraignant et nous devrons faire preuve d’une extrême vigilance pour respecter ces délais, finalement courts, qui nécessiteront une forte réactivité de notre part.

Enfin, nous nous réjouissons particulièrement du fait que la procédure retenue permette à tous les intervenants de provoquer le débat. Ainsi, les présidents de groupe peuvent saisir à tout moment la conférence des présidents d’une demande d’examen en séance publique. C’est un avantage considérable par rapport à la procédure retenue à l’Assemblée nationale qui a transcrit en 2009 ces nouveaux pouvoirs dans son règlement.

De manière générale, le Sénat a choisi une procédure moins contraignante et plus souple que l’Assemblée nationale, ce qui devrait permettre au débat démocratique d’avoir lieu pour que, petit à petit, se construise, avec notre voix et donc celle des citoyens, l’Europe politique que nous appelons de nos vœux.

En conclusion, j’attire votre attention sur la nécessité de travailler conjointement avec l’Assemblée nationale, d’une part, et avec les autres Parlements nationaux, de l’autre. En effet, afin de faire valoir notre opposition éventuelle à la mise en place d’une clause passerelle, le Parlement français devra adopter une motion en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat. C’est une contrainte mais aussi un pouvoir nouveau donné à notre assemblée et qui devrait plaire à nos collègues du groupe RDSE.

De plus, pour qu’une intervention de la part des parlements nationaux sur la base du non-respect du principe de subsidiarité aboutisse, il est nécessaire – je vous le rappelle – d’atteindre certains seuils au niveau européen.

En effet, la Commission a l’obligation de revoir sa copie seulement si un tiers des parlements nationaux émettent un avis de non-conformité. Le Parlement européen et le Conseil ne peuvent donc mettre fin à la procédure législative que si la majorité des parlements nationaux formulent un tel avis.

Le contrôle de subsidiarité repose, certes, sur l’intervention de chaque parlement national, mais son efficacité en dernier ressort sera fondée sur un effort de concertation interparlementaire, afin d’atteindre les seuils et objectifs que nous visons.

Comme notre collègue et ami Simon Sutour l’a fort justement fait remarquer lors de l’examen de la proposition de résolution en commission mercredi dernier, n’oublions pas que la France est, certes, un des grands pays de l’Europe, mais qu’elle est seulement l’un parmi les vingt-sept États qui composent l’Union.

Il est donc important de souligner que le rôle des parlements nationaux comprend une dimension collective à l’échelon de l’Union.

Afin d’exercer pleinement nos prérogatives, il sera essentiel d’investir dans le développement des réseaux interparlementaires et de dégager rapidement les pratiques les plus propices à une coopération optimale avec nos partenaires européens.

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