Intervention de Christophe-André Frassa

Réunion du 20 décembre 2010 à 15h00
Adaptation du règlement du sénat au traité de lisbonne — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Christophe-André FrassaChristophe-André Frassa :

Monsieur le président, mes chers collègues, il y a un peu plus d’un an, après plusieurs années de difficiles réformes institutionnelles, le traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007 entrait en vigueur.

Il aura donc fallu près de trois années, de nombreuses tractations, deux référendums irlandais et plusieurs concessions aux États membres pour que ces derniers se mettent enfin d’accord. Cela permettait à l’Europe de souffler un peu sur le plan des réformes institutionnelles.

Une des innovations les plus marquantes du traité de Lisbonne est sans aucun doute la reconnaissance du rôle et de la place des Parlements nationaux dans la construction européenne. Ils en sont devenus des acteurs à part entière. Il s’agit là d’une demande ancienne de la France puisqu’elle s’était déjà exprimée lors de la préparation du traité d’Amsterdam.

Notre pays a toujours œuvré pour que chacun reconnaisse la nécessité de mieux ancrer les questions européennes dans les vies politiques nationales et de développer les liens entre les citoyens et les institutions de l’Union. Une association plus étroite des Parlements nationaux à la vie de l’Union est un des principaux éléments de réponse à cette préoccupation. Le traité de Lisbonne, en mentionnant le rôle des Parlements nationaux dans le corps même des traités, apporte donc une innovation importante.

La révision constitutionnelle du 4 février 2008, préalable à la ratification par la France du traité de Lisbonne, a introduit dans la Constitution française deux articles consacrés à des nouvelles responsabilités conférées aux Parlements nationaux. Je veux parler du contrôle de subsidiarité et de l’exercice d’un droit d’opposition à la mise en œuvre des « clauses passerelles ». La mise en œuvre de ces dispositions est prévue aux articles 88-6 et 88-7 de la Constitution.

Aujourd’hui, les Parlements nationaux ont un rôle européen de première ampleur. Il faut s’en féliciter.

À côté de leur rôle législatif classique d’approbation des actes les plus fondamentaux de l’Union et leur intervention dans la transposition des directives en droit national, ils exercent une fonction de contrôle majeure. Cette fonction s’exerce aujourd’hui essentiellement à l’égard de l’action européenne de chaque gouvernement.

Cette fonction de contrôle est en plein renforcement pour le Parlement français, en raison de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et de la réforme des règlements des assemblées qui en a tiré les conséquences.

La création d’une commission des affaires européennes au sein de chaque assemblée, l’élargissement du champ de l’article 88-4, l’attribution d’une partie de l’ordre du jour au contrôle et la révision de la procédure d’adoption des résolutions européennes sont des acquis de la dernière révision constitutionnelle et une nouvelle étape dans l’évolution du rôle européen du Parlement.

Avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, ce contrôle s’exercera désormais directement sur l’action des institutions européennes, non pas sur le fond des actes ou projet d’actes, mais sur le respect du principe de subsidiarité. Il s’agit là d’une innovation majeure. Le Sénat pourra adresser à la Commission européenne, au Parlement européen et au Conseil de l’Union des « avis motivés » sur le non-respect du principe de subsidiarité par un projet d’acte législatif européen.

Ce contrôle de subsidiarité permettra pour la première fois aux Parlements nationaux d’intervenir directement dans le processus législatif ordinaire de l’Union, en s’appuyant sur des instruments juridiques spécifiques, afin de veiller au respect du principe de subsidiarité. Il s’agit donc d’une procédure européenne mettant directement en rapport les Parlements nationaux avec les institutions de l’Union et incitant les Parlements nationaux à se concerter entre eux, puisque c’est seulement si un tiers des Parlements nationaux ont adressé un avis motivé que le projet d’acte législatif « doit » être réexaminé.

Autre innovation, le Sénat pourra former un recours devant la Cour de justice de l’Union contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité.

Enfin, le Sénat participera à l’exercice du droit d’opposition attribué à tout Parlement national dans deux cas : la mise en œuvre des « clauses passerelles » qui permettent le passage de l’unanimité à la majorité qualifiée pour une décision du Conseil et la détermination par le Conseil de la liste des aspects du droit de la famille pouvant faire l’objet d’une législation européenne selon la procédure de codécision.

Le moment était donc venu pour le Sénat d’adapter son règlement afin de définir les modalités selon lesquelles il exercera ces nouveaux pouvoirs. C’est l’objet de la proposition de résolution que nous allons examiner. Je ne reviendrai pas sur le fond juridique et les modalités de mise en œuvre de ces modifications, le rapport de notre excellent collègue Patrice Gélard nous ayant à cet égard parfaitement éclairés.

Je souhaite insister, au nom du groupe UMP, sur le rôle que notre assemblée doit jouer en matière européenne. C’est à notre avis un rôle très important.

Le contrôle parlementaire sur les affaires européennes forme un domaine où le Sénat a une responsabilité toute particulière. C’est un domaine où les deux assemblées se trouvent placées à égalité. Elles le sont pour la mise en œuvre de l’article 88-4 comme pour l’exercice des responsabilités confiées aux Parlements nationaux par le traité de Lisbonne.

Ensuite, du fait de son enracinement dans les collectivités territoriales de la République, du fait de sa connaissance et de sa pratique des réalités locales, le Sénat a un rôle majeur à jouer pour rapprocher la construction européenne des citoyens.

Les sénateurs sont des relais d’opinion irremplaçables, en contact permanent avec les responsables locaux et territoriaux. Le déficit démocratique existe toujours en matière européenne. Que l’on considère les résultats du référendum sur le traité constitutionnel, le taux de participation aux élections européennes ou même le désintérêt de nos concitoyens pour les problèmes européens, on constate qu’il existe une fracture entre la construction européenne, les enjeux européens et un grand nombre de nos concitoyens.

La crise financière, à cet égard, par son ampleur et les inquiétudes qu’elle engendre, a fait prendre conscience que le sort de notre pays était lié à celui de nos voisins. Il faut maintenant dire et convaincre que notre salut viendra d’un renforcement de l’Union et non de son effacement.

Ce n’est pas l’idée européenne ou même l’idéal européen qui sont en cause, mais c’est plutôt le fonctionnement de l’Union, dont les institutions apparaissent souvent lointaines, difficilement compréhensibles et malaisément contrôlables, pour ne pas dire peu démocratiques.

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