Intervention de Anne-Marie Payet

Réunion du 20 décembre 2010 à 15h00
Égalité professionnelle entre les hommes et les femmes — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Anne-Marie PayetAnne-Marie Payet :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd’hui est la fois important et indispensable.

Il est important parce que les problématiques dont il est ici question sont toujours d’actualité et que, malgré les récentes évolutions sociales et législatives, l’égalité entre les hommes et les femmes dans le monde professionnel reste un objectif à atteindre.

Il est indispensable en ce que, parmi les nombreuses évolutions législatives et réglementaires que nous avons connues ces dernières années, il en est une – la loi du 23 mars 2006 – qui fixait une date butoir importante au 31 décembre prochain. C’est en effet à cette date que la loi relative à l’égalité salariale a fixé aux entreprises l’objectif de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes…

Je tiens, moi aussi, à saluer l’initiative de ma collègue Catherine Morin-Desailly, qui nous permet de dresser aujourd’hui un bilan.

Notre débat dépasse naturellement le strict cadre de l’égalité salariale, même si cette question reste centrale tant elle est immédiatement révélatrice des inégalités entre les hommes et les femmes.

Outre l’égalité salariale, la loi du 23 mars 2006 fixe trois objectifs : réconcilier la maternité et l’emploi, promouvoir l’accès des femmes aux postes de décision et diversifier l’offre de formation professionnelle.

S’il est clair que nous avons progressé sur l’ensemble de ces sujets depuis 2006, un travail très important reste à accomplir. Pour nous, parlementaires, ce travail peut prendre deux formes.

Tout d’abord, il s’agit de permettre au débat public de se poursuivre sur ces questions à travers notre mission de contrôle, comme c’est le cas aujourd’hui.

Ensuite, notre rôle passe évidemment par l’initiative législative. En la matière, je me félicite de l’adoption récente par la Haute Assemblée d’une proposition de loi visant à favoriser la parité dans les conseils d’administration et de surveillance. L’intervention du Parlement était devenue indispensable.

Sur le fond, la question de la compétence ne se pose plus et la situation actuelle est préjudiciable aux entreprises françaises, car les femmes sont quasiment absentes des conseils. Ces instances se privent ainsi, tout le monde le reconnaît, d’un potentiel considérable.

Et s’il était nécessaire de légiférer, c’est bien que, hélas, rien n’a changé !

Ce constat, on peut le faire également concernant le chômage. Aujourd’hui, les femmes y sont toujours plus exposées que les hommes. Si elles représentent 47 % des actifs, leur taux de chômage atteint 8, 3 % quand il est de 7, 3 % chez les hommes. S’ajoute à cela une précarité plus importante : outre le fait qu’elles travaillent bien plus souvent à temps partiel, les deux tiers des salariés à bas salaire sont des femmes.

Un autre constat s’impose sur la mise en œuvre de la réforme de 2006 : les négociations collectives étaient un point central et devaient être le moteur de l’évolution des mentalités au niveau de chaque entreprise et au niveau des branches.

Les accords de branche sont bien trop rares aujourd’hui, et, quand ils existent, ce sont parfois des coquilles vides : 10 % seulement de ces accords abordent la thématique de l’égalité professionnelle.

Les procédures de négociations sont trop lourdes, trop contraignantes. Ne serait-il pas possible de les alléger, de les simplifier, pour qu’elles soient plus nombreuses, notamment au sein des petites et moyennes entreprises ?

Une autre piste d’évolution concerne les sanctions qui pourraient être appliquées lorsque les dispositions prévues par la loi de 2006 ne sont pas respectées.

Comme l’a rappelé précédemment ma collègue Catherine Morin-Desailly, l’examen du projet de loi par le Sénat avait été l’occasion pour le groupe centriste de faire valoir la nécessité de telles sanctions. Malheureusement, à l’époque, nos amendements qui allaient dans ce sens n’avaient pas été adoptés. Quatre ans après le vote de ce texte, on put estimer que cette absence de sanction a sans doute été préjudiciable à la bonne mise en application de cette loi.

Il est donc probable qu’à l’avenir de nouvelles initiatives législatives interviennent pour introduire d’autres sanctions ou incitations, comme nous l’avons fait lors de la réforme des retraites.

Plus généralement, il est indispensable de lutter contre la précarité croissante du travail féminin. Le rapport présenté par Brigitte Grésy en juillet 2009 envisageait plusieurs pistes sur ce thème. Elle proposait notamment d’accroître la qualité des emplois à temps partiel en favorisant l’articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle, en améliorant les conditions de rémunération ou encore en favorisant l’encadrement de l’amplitude de travail hebdomadaire des salariés à temps partiel.

Une autre proposition prévoyait d’aménager la pluriactivité et de favoriser le cumul d’emplois, de manière à permettre aux femmes employées à temps partiel d’augmenter la durée de leur travail et, par voie de conséquence, leur rémunération. À ce jour, il apparaît que 350 000 à 400 000 salariés à temps partiel travaillent simultanément pour plusieurs employeurs. C’est pourquoi il serait opportun de favoriser le cumul d’emplois à temps partiel au sein d’une même entreprise ou d’un même groupe.

La voie des « tiers employeurs » apparaît également opportune pour donner au salarié la possibilité de bénéficier d’un seul lien contractuel plutôt que d’une multiplicité de contrats.

Toutes ces pistes doivent continuer à être explorées afin que puisse être rapidement atteinte, comme je l’espère, une réelle égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Avant de conclure, je ne peux m’empêcher de vous livrer quelques chiffres concernant la Réunion pour vous montrer à quel point la situation est préoccupante dans nos régions ultra-marines : les Réunionnaises ont un salaire moyen équivalent à 87, 6 % de celui des Réunionnais, et l’écart se creuse pour les cadres et les ouvriers qualifiés ; les femmes occupent seulement 38 % des postes d’encadrement et représentent 25, 5 % des créateurs d’entreprise ; 70 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes ; le taux de chômage des femmes est de 30 %, contre 28 % pour les hommes.

Au-delà de ses différences entre les hommes et les femmes, le problème que nous devons régler de façon urgente est celui de l’absence quasi-totale des Réunionnais aux postes de responsabilité, à la tête des services de l’État, par exemple.

Cette situation avait déjà été dénoncée il y a quelques années par le président de la chambre régionale des comptes, un métropolitain pourtant, dans son discours solennel de rentrée.

Le Président de la République, lors du comité interministériel de l’outre-mer, a pris l’engagement de recruter de préférence des ultra-marins, à compétences égales, à ces postes.

Or, voilà quelques jours, malgré le soutien de Patrick Karam, délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer, à la meilleure candidature réunionnaise, c’est un métropolitain qui a été désigné comme directeur du CROUS, alors que, face à lui, il y avait quatre candidatures de locaux, dont trois avec un grade supérieur au sien et une expérience professionnelle ; le quatrième, quant à lui, avait un grade équivalent. C’est un exemple parmi tant d’autres, madame la ministre. Quelle conclusion devons-nous en tirer ? L’élite réunionnaise mériterait bien plus de considération, et les incitations à la mobilité sont mal vécues devant toutes ces injustices.

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