Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tsunami, cyclones, tremblements de terre, attentats : l'actualité récente a, hélas ! multiplié les occasions d'intervention à l'étranger des citoyens, des collectivités locales et des pouvoirs publics français.
Ces événements ont marqué l'opinion publique et soulevé des élans de générosité sans précédent dans notre pays. Aux dons privés se sont associées non seulement les actions de l'Etat, mais aussi celles des collectivités locales.
Or, comme l'ont très bien expliqué l'auteur de la proposition de loi et le rapporteur, c'est dans un cadre juridique aujourd'hui incomplet et incertain que les collectivités décentralisées interviennent à l'occasion d'actions humanitaires ou d'aide au développement. C'est pourquoi, comme l'ont fait mes prédécesseurs, je salue l'initiative de notre collègue Michel Thiollière, qui, par la présente proposition, entend clarifier le cadre juridique de la coopération décentralisée.
Cette dernière dépasse l'horizon de l'aide humanitaire. Phénomène ancien, la coopération décentralisée est aujourd'hui très développée et très diversifiée. Elle représente des montants financiers qui, sans peser sur l'équilibre des finances locales, sont loin d'être négligeables. Les chiffres ont été rappelés : les sommes consacrées par les collectivités territoriales à l'action extérieure sont estimées à 230 millions d'euros l'année dernière. Elles concernent tant des actions de coopération Nord-Nord que des actions de soutien aux pays les plus démunis.
Se pencher sur les règles régissant la coopération décentralisée impose de s'interroger sur le partage de compétence entre l'Etat et les collectivités locales en matière internationale. Dans un Etat unitaire comme la France, l'action des collectivités locales à l'étranger est en principe résiduelle. Dans notre droit, le principe fondateur est que l'action internationale des collectivités constitue un mode d'exercice de leurs compétences et non une de leurs compétences spécifiques.
Ce principe général et fondateur se heurte à la nécessité de plus en plus pressante d'approfondir la décentralisation dans ce domaine. Il est aussi nécessaire de mettre en place un cadre juridique clair et en accord avec la réalité de l'intervention internationale des collectivités. Comme l'a rappelé Mme la ministre, il faut que la France soit présente et toutes nos actions, y compris celles des collectivités territoriales, doivent toujours être en harmonie et en cohérence avec l'action poursuivie par le Gouvernement.
La proposition de M. Michel Thiollière est équilibrée au regard de ces impératifs contradictoires. Elle n'entame pas les prérogatives régaliennes de l'Etat et permet clairement aux communes de mener des actions « d'urgence en cas de catastrophe humanitaire » sans se heurter aux aléas de la jurisprudence administrative, laquelle impose que toute intervention à l'étranger présente un « intérêt local » pour être légale.
Si la proposition de notre collègue a le double mérite de susciter le débat qui nous réunit aujourd'hui et de porter une clarification nécessaire, sa première version était trop partielle. Mais, au Sénat, nous avons l'habitude d'enrichir les textes qui nous sont proposés ! Il en est ainsi des modifications apportées par la commission des lois. Elles nous semblent très opportunes et nous vous en remercions, monsieur le rapporteur.
Tout d'abord, la première mouture de la proposition de loi ne concernait d'abord que les communes et leurs regroupements. C'était négliger l'intervention des départements et des régions. Cette dernière est quantitativement moindre que celle des communes, mais elle demeure importante. En 2004, par exemple, elle a représenté 40 % de l'aide au développement engagée par les collectivités françaises au profit des pays du Sud. La proposition de loi devait, à notre avis, être élargie à toutes les collectivités, comme l'a fait la commission des lois.
Ensuite, il était important de viser tant les opérations relatives aux catastrophes humanitaires que celles qui ont trait à l'aide au développement, quitte à assouplir les conditions d'intervention en cas de catastrophe humanitaire si l'urgence le justifie. C'est ce que propose la commission des lois et c'est une bonne chose.
Enfin, et cela nous tient à coeur, la proposition originelle limitait à 1% des recettes d'investissement les dépenses engagées par les communes en matière de coopération décentralisée. Outre le fait qu'une telle disposition incitait à l'endettement, elle me paraissait contraire au principe organique d'autonomie financière des collectivités locales, qui en ont assez des tutelles ici et là. La dernière vertu de la proposition de notre commission des lois est donc d'éliminer toute limite de dépenses. Les collectivités locales doivent être à même de gérer librement leur budget, ce qu'elles démontrent chaque jour.
Pour toutes ces raisons, le groupe UC-UDF votera la proposition de M. Michel Thiollière, telle qu'elle a été améliorée par la commission des lois.
En effet, la présente proposition est un pas significatif dans le sens d'une plus grande sécurité juridique en matière de coopération décentralisée. Toutefois, nous ne ferons sans doute pas l'économie, à l'avenir, d'une simplification - terme que l'on aime beaucoup, mais que l'on a du mal à mettre en pratique ! - ni d'une refonte de l'ensemble de l'architecture des règles qui régissent cette matière. Les outils juridiques se sont empilés au fil des ans, sans toujours répondre aux besoins des collectivités territoriales, comme le souligne l'excellent rapport de notre collègue de l'Assemblée nationale M. Michel Hunault.
En attendant, il me reste à féliciter M. Michel Thiollière de la pertinence de sa proposition, ainsi que la commission des lois, en particulier son rapporteur, M. Charles Guené, et son président, M. Jean-Jacques Hyest, de l'excellence de leur travail.