La séance est ouverte à onze heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport d'activité 2004-2005 de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, en application de l'article L. 1323-2 du code de la santé publique, ainsi que le rapport annuel 2004-2005 de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, en application de l'article L. 125 du code des postes et des communications électroniques.
M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Comité national de gestion du Fonds d'aide à la qualité des soins de ville le rapport d'évaluation sur l'impact des financements attribués par ledit fonds, établi en application de l'article 25 modifié de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
(Ordre du jour réservé)
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Michel Thiollière relative au renforcement de la coopération décentralisée en matière de solidarité nationale (n° 29).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, moins d'un an après l'adoption de la loi du 9 février 2005 relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement, dite loi Oudin, le Sénat est une nouvelle fois appelé à se pencher sur les actions extérieures des collectivités territoriales et de leurs groupements.
Ces actions se caractérisent par leur ancienneté, leur diversité et leur importance. Prises en compte dans le calcul du montant total de l'aide publique au développement de notre pays, elles bénéficient du soutien de l'Etat. Leur montant s'est élevé à 230 millions d'euros en 2004, dont 115 millions d'euros au titre de l'aide au développement.
Aujourd'hui, pour être légales, ces actions doivent, en premier lieu, relever de la compétence des collectivités territoriales, en deuxième lieu, ne pas être contraires aux engagements internationaux de la France et, en troisième lieu, présenter un intérêt local.
Or, en l'absence de définition objective, cette dernière notion fait l'objet d'appréciations divergentes de la part des juridictions administratives.
L'insécurité juridique dans laquelle se trouvent actuellement les initiatives locales rend ainsi nécessaire une nouvelle modification de la loi.
La proposition de loi présentée par notre collègue Michel Thiollière, dont je salue l'initiative, tend à prévoir que « les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et leurs groupements peuvent, dans la limite de 1 % des recettes d'investissement, mener des actions de coopération avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements dans le cadre de conventions, des actions d'aide d'urgence au bénéfice de ces collectivités et groupements, ainsi que des actions de solidarité internationale en cas de catastrophe humanitaire ».
Les catastrophes récentes survenues en Asie du Sud-Est, aux Etats-Unis, au Guatemala et au Pakistan témoignent de la nécessité d'une solidarité internationale. Sollicitées, les collectivités territoriales se sont fortement mobilisées pour venir en aide aux victimes du tsunami. Nombre d'entre elles songent à apporter leur pierre à la reconstruction de la Louisiane. Elles hésitent toutefois à entreprendre de telles actions par peur de la censure du juge administratif.
La proposition de loi présentée par notre collègue tend à sécuriser ces actions et à les encadrer en instituant un plafond de dépenses calculé en fonction des recettes d'investissement.
Si intéressantes soient-elles, les dispositions proposées présentent, pour la commission des lois, plusieurs inconvénients.
Tout d'abord, elles excluent les départements et les régions.
Ensuite, elles peuvent induire, à tort selon nous, un financement de l'action extérieure des collectivités locales par l'emprunt.
Enfin, elles ne lèvent pas les incertitudes nées de la jurisprudence administrative sur la légalité des aides au développement consenties par les collectivités territoriales dans la mesure où elles visent surtout les situations d'urgence.
Aussi, la commission des lois a-t-elle estimé plus opportun, à la lumière des auditions auxquelles j'ai pu procéder, des conclusions du groupe de travail du Conseil d'Etat, présidé par M. Philippe Marchand, et du fructueux dialogue engagé avec le Gouvernement, de modifier le texte de la proposition de loi afin d'atteindre deux objectifs.
Le premier est de donner une base légale incontestable à l'aide au développement consentie par les collectivités territoriales françaises et leurs groupements, tout en exigeant la formalisation de cette aide dans le cadre de conventions avec des autorités locales étrangères.
Le second est d'autoriser les collectivités territoriales et leurs groupements à entreprendre des actions à caractère humanitaire sans passer de convention, lorsque l'urgence l'exige, soit directement, soit en finançant des organisations non gouvernementales ou des associations.
L'intitulé de la proposition de loi a été modifié en conséquence, afin de viser l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements.
Pour encadrer davantage les actions de coopération décentralisée et d'aide humanitaire des collectivités territoriales et de leurs groupements, il eût été envisageable de plafonner les dépenses qu'elles engagent à ce titre.
La commission n'a pas souhaité le faire, car une telle restriction serait allée à l'encontre du principe de libre administration des collectivités territoriales et, loin de modérer les dépenses de ces dernières, aurait risqué de les exposer à la tentation, ou à la pression, d'atteindre le plafond, alors que tel n'est bien souvent pas le cas.
Enfin, je dois vous dire, pour mémoire, que j'ai longuement hésité à proposer à la commission des lois d'adopter un autre article ayant pour objet de permettre aux collectivités territoriales métropolitaines, à l'instar des départements et des régions d'outre-mer, de passer des accords avec des Etats frontaliers ou des Etats membres de l'Union européenne. Les prérogatives extérieures de l'Etat français auraient en tout état de cause été préservées puisque les collectivités territoriales auraient agi par délégation, donc sous l'autorité et sous le contrôle, de ce dernier.
Si elle repose sur un fondement constitutionnel, l'interdiction faite aux collectivités territoriales et à leurs groupements métropolitains de passer des conventions avec des Etats étrangers suscite en effet des difficultés d'ordre pratique.
En premier lieu, la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'Etat diffère d'un pays à l'autre, certaines compétences des collectivités françaises étant, à l'étranger, exercées par l'Etat.
En second lieu, un projet de règlement européen, qui est en cours d'examen, tend à autoriser la création de groupements européens de coopération transfrontalière auxquels pourraient participer non seulement les collectivités territoriales, mais aussi les Etats membres de l'Union européenne.
A la réflexion, il nous a semblé préférable de ne pas modifier la loi à ce stade et ce pour trois raisons.
Premièrement, même sans texte, l'Etat semble d'ores et déjà pouvoir déléguer sa signature à des collectivités territoriales pour passer des conventions avec des Etats étrangers.
Deuxièmement, consacrer dans la loi une telle possibilité semble susciter sinon des réticences, du moins des inquiétudes.
Troisièmement, si l'on veut éviter de devoir procéder à des modifications incessantes de la loi, mieux vaut attendre l'issue des discussions dont le projet de règlement relatif au groupement européen de coopération transfrontalière fait l'objet.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission vous propose d'adopter l'article unique des conclusions du rapport qui vous sont soumises.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement se réjouit que vienne aujourd'hui en séance publique la discussion de la proposition de loi déposée par le sénateur Michel Thiollière, tendant à introduire dans le code général des collectivités territoriales des dispositions nouvelles permettant de compléter et de préciser notre droit de la coopération décentralisée.
L'initiative de M. Thiollière trouve son origine dans la réaction immédiate et généreuse des élus locaux qui a suivi le drame du tsunami. Ce fait mérite d'être souligné. Il ne s'agit pas, en effet, de procéder à un simple aménagement technique destiné à améliorer une rédaction juridique. Le législateur entend, de manière plus fondamentale, répondre à l'aspiration de nos concitoyens qui souhaitent plus de solidarité et de partage, surtout lorsque des populations étrangères sont touchées par une catastrophe naturelle.
La mobilisation des collectivités territoriales à la suite du tsunami a été massive et ordonnée : elle s'est, en effet, organisée en étroite relation avec le délégué interministériel nommé par le Gouvernement, les services centraux du ministère des affaires étrangères et nos postes diplomatiques à l'étranger. Ce sont ainsi plus de 17 millions d'euros qui ont été versés, et des perspectives sérieuses de participation à la reconstruction des régions sinistrées se sont ouvertes.
C'est dans ce contexte que je souhaite aujourd'hui rendre hommage à l'initiative de M. Thiollière, ainsi qu'à votre important travail, monsieur le rapporteur de la commission des lois, visant à sécuriser ce type d'actions dans la perspective de la survenance de nouvelles catastrophes, toujours possible, hélas !
La commission des lois du Sénat, dans sa sagesse, a pensé que cette proposition pouvait également permettre de répondre à d'autres préoccupations de sécurité juridique, devenues plus actuelles au cours des derniers mois, et tournant autour de la notion d'intérêt local, dont les contours méritent en effet d'être précisés en matière de coopération décentralisée.
Pour sa part, l'administration fait déjà preuve d'une conception ouverte de cette notion, en estimant qu'il y a présomption d'intérêt local dans les différents domaines de compétence d'attribution des collectivités territoriales. Dès lors, l'intérêt local ne doit être explicitement démontré que lorsqu'il est fait application de la clause de compétence générale. Tel est le sens de la circulaire conjointe du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et du ministre des affaires étrangères, du 20 mai 2001.
Pour autant, des décisions ont été récemment rendues dans des sens contradictoires par des tribunaux administratifs - ceux de Cergy-Pontoise et de Poitiers - et par la cour administrative d'appel de Douai. Si cette dernière a retenu une argumentation très proche de celle que développe l'administration, les deux autres juridictions, dans des contextes assez différents, n'ont pas admis qu'il y avait un intérêt direct pour les populations à mener des actions en faveur du développement. Cette interprétation, qui n'a pas encore été confirmée en appel, pourrait néanmoins, dans la pratique, aboutir à priver d'effet utile l'intention du législateur de 1992, telle qu'elle résulte des débats parlementaires qui ont conduit à l'adoption des articles 131 et suivants de la loi d'orientation sur l'administration territoriale de la République.
Or, dans cette affaire, le Gouvernement se sent solidaire des collectivités territoriales. La coopération décentralisée française est présente dans 115 pays et apporte une contribution substantielle - sans doute la deuxième du monde après celle du Japon - à la cause du développement local et territorial. Cette coopération décentralisée opère sur la base de relations entre élus et populations, dans le respect des engagements internationaux de la France et avec un souci croissant de qualité, d'évaluation et de responsabilité.
Je tiens d'ailleurs à souligner devant la représentation nationale l'excellente collaboration qui existe, dans les faits, entre les collectivités territoriales et le ministère des affaires étrangères pour mener à bien leurs actions de coopération décentralisée.
Il ne faudrait pas que des hésitations juridiques conduisent à affaiblir cette présence qui contribue au rayonnement de la France. Le Gouvernement ne s'y trompe pas en cofinançant de nombreuses actions de coopération décentralisée dans le cadre des crédits ouverts à cet effet chaque année par le Parlement. Il y aurait d'ailleurs paradoxe à subventionner des programmes dont la légalité serait discutable !
Cette question avait déjà été abordée dans le cadre des travaux de la Commission nationale de la coopération décentralisée. L'année dernière, lorsque le Gouvernement a décidé de saisir le Conseil d'Etat de l'ensemble des questions touchant la coopération décentralisée et transfrontalière, le ministère des affaires étrangères n'a pas manqué de proposer au groupe de travail présidé par M. Philippe Marchand, dès le début de ses réflexions, d'orienter ses travaux vers cette question. Cela a conduit à des propositions de rédaction dont votre commission des lois a eu connaissance.
Sur cette base, elle a pensé de manière unanime qu'il était opportun d'adjoindre des dispositions de portée plus générale au dispositif proposé par M. Thiollière, notamment pour en élargir le champ aux régions et aux départements.
Au total, le Gouvernement se réjouit de cette position, à laquelle il adhère complètement. Il a en effet la volonté de faire en sorte que la coopération décentralisée puisse se poursuivre et se développer selon les bonnes pratiques actuelles, mais dans un cadre juridique plus sécurisé. C'est bien ce que vise le texte de votre commission des lois, qui prévoit que les collectivités territoriales et leurs groupements « peuvent, dans le respect des engagements internationaux de la France, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères pour mener des actions de coopération ou d'aide au développement ». Cette construction de phrase avec la conjonction « ou » montre bien - et c'est la conception du Gouvernement - qu'il peut s'agir aussi bien de coopération « Nord-Nord » que de coopération « Nord-Sud », et que les opérations peuvent porter avec une égale légitimité sur des échanges de bonnes pratiques et sur de l'aide à proprement parler. Celles-ci acquièrent donc « un intérêt public par détermination de la loi » auquel on ne pourra plus, sauf à méconnaître la volonté expresse du législateur, opposer une prétendue absence d'intérêt local immédiat et direct.
Le texte de la commission des lois conserve l'idée selon laquelle, sauf urgence, la coopération décentralisée est une construction conventionnelle, tout en prenant soin, avec réalisme, de permettre la signature avec une « autorité locale étrangère », qui peut être « moins » ou « plus » qu'une collectivité au sens de la législation française : parfois un état fédéré, parfois, au contraire, une structure en devenir, encore administrée sous le seul mode de la déconcentration. C'était d'ailleurs déjà l'interprétation de l'administration.
Cela ne signifie pas pour autant que la loi interdirait à l'avenir la poursuite d'actions extérieures non conventionnelles dans les domaines, par exemple, de la promotion économique ou culturelle, du tourisme, de la francophonie, ou encore pour le fonctionnement de réseaux internationaux. Ces actions devront continuer à s'appuyer sur des considérations d'intérêt local que le juge, s'il en est saisi, peut toujours vérifier.
Par ailleurs, c'est avec raison que votre commission des lois a profité de ce passage au Parlement pour élargir le champ de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, en complétant les références aux conditions d'entrée en vigueur des conventions de coopération décentralisée : désormais, les articles du code vaudront aussi bien pour les départements et les régions que pour les communes et leurs groupements.
Enfin, dans la rédaction proposée par votre commission des lois, le deuxième alinéa nouveau conserve l'esprit du texte de M. Thiollière quant à la souplesse des moyens d'intervention des collectivités locales : celles-ci ont le choix de « mettre en oeuvre » ou de « financer des actions à caractère humanitaire », en ayant recours, dans ce dernier cas, à des organisations non gouvernementales ou au fonds de concours institué auprès de la délégation à l'action humanitaire du ministère des affaires étrangères. C'est d'ailleurs ce qui a été fait, et bien fait, lors du tsunami.
Votre commission des lois a envisagé un moment de profiter de cette procédure législative pour assouplir, sous certaines conditions tenant aux intérêts nationaux, la règle figurant à l'article L. 1115-5 du code général des collectivités territoriales et prohibant les conventions avec des Etats étrangers. Il s'agit effectivement d'ajustements qui pourraient s'avérer nécessaires, en particulier compte tenu du projet de groupement européen de coopération territoriale, le GECT, en cours de négociation dans les instances européennes, ou encore en raison de la mise en application du protocole additionnel n° 2 à la convention de Madrid.
En étroite liaison avec le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, nous approfondissons donc les études à ce propos, en nous appuyant sur les analyses du Conseil d'Etat. Cela ne doit pas pour autant retarder la clarification de notre droit en matière de coopération décentralisée et d'action humanitaire des collectivités locales. Votre rapporteur et la commission des lois unanime ont donc eu la sagesse de ne pas maintenir les dispositions qu'ils envisageaient d'inclure dans la présente proposition de loi, mais vous pouvez être assurés que les conclusions auxquelles ils sont parvenus permettront d'éclairer les travaux législatifs futurs sur ce sujet complexe et porteur d'avenir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au moment de conclure, je souhaite vous dire combien le Gouvernement se réjouit de voir le Sénat examiner aujourd'hui ce texte et je tiens à remercier non seulement son promoteur, M. Thiollière, mais aussi le président de la commission des lois et son rapporteur.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Philippe Nogrix.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tsunami, cyclones, tremblements de terre, attentats : l'actualité récente a, hélas ! multiplié les occasions d'intervention à l'étranger des citoyens, des collectivités locales et des pouvoirs publics français.
Ces événements ont marqué l'opinion publique et soulevé des élans de générosité sans précédent dans notre pays. Aux dons privés se sont associées non seulement les actions de l'Etat, mais aussi celles des collectivités locales.
Or, comme l'ont très bien expliqué l'auteur de la proposition de loi et le rapporteur, c'est dans un cadre juridique aujourd'hui incomplet et incertain que les collectivités décentralisées interviennent à l'occasion d'actions humanitaires ou d'aide au développement. C'est pourquoi, comme l'ont fait mes prédécesseurs, je salue l'initiative de notre collègue Michel Thiollière, qui, par la présente proposition, entend clarifier le cadre juridique de la coopération décentralisée.
Cette dernière dépasse l'horizon de l'aide humanitaire. Phénomène ancien, la coopération décentralisée est aujourd'hui très développée et très diversifiée. Elle représente des montants financiers qui, sans peser sur l'équilibre des finances locales, sont loin d'être négligeables. Les chiffres ont été rappelés : les sommes consacrées par les collectivités territoriales à l'action extérieure sont estimées à 230 millions d'euros l'année dernière. Elles concernent tant des actions de coopération Nord-Nord que des actions de soutien aux pays les plus démunis.
Se pencher sur les règles régissant la coopération décentralisée impose de s'interroger sur le partage de compétence entre l'Etat et les collectivités locales en matière internationale. Dans un Etat unitaire comme la France, l'action des collectivités locales à l'étranger est en principe résiduelle. Dans notre droit, le principe fondateur est que l'action internationale des collectivités constitue un mode d'exercice de leurs compétences et non une de leurs compétences spécifiques.
Ce principe général et fondateur se heurte à la nécessité de plus en plus pressante d'approfondir la décentralisation dans ce domaine. Il est aussi nécessaire de mettre en place un cadre juridique clair et en accord avec la réalité de l'intervention internationale des collectivités. Comme l'a rappelé Mme la ministre, il faut que la France soit présente et toutes nos actions, y compris celles des collectivités territoriales, doivent toujours être en harmonie et en cohérence avec l'action poursuivie par le Gouvernement.
La proposition de M. Michel Thiollière est équilibrée au regard de ces impératifs contradictoires. Elle n'entame pas les prérogatives régaliennes de l'Etat et permet clairement aux communes de mener des actions « d'urgence en cas de catastrophe humanitaire » sans se heurter aux aléas de la jurisprudence administrative, laquelle impose que toute intervention à l'étranger présente un « intérêt local » pour être légale.
Si la proposition de notre collègue a le double mérite de susciter le débat qui nous réunit aujourd'hui et de porter une clarification nécessaire, sa première version était trop partielle. Mais, au Sénat, nous avons l'habitude d'enrichir les textes qui nous sont proposés ! Il en est ainsi des modifications apportées par la commission des lois. Elles nous semblent très opportunes et nous vous en remercions, monsieur le rapporteur.
Tout d'abord, la première mouture de la proposition de loi ne concernait d'abord que les communes et leurs regroupements. C'était négliger l'intervention des départements et des régions. Cette dernière est quantitativement moindre que celle des communes, mais elle demeure importante. En 2004, par exemple, elle a représenté 40 % de l'aide au développement engagée par les collectivités françaises au profit des pays du Sud. La proposition de loi devait, à notre avis, être élargie à toutes les collectivités, comme l'a fait la commission des lois.
Ensuite, il était important de viser tant les opérations relatives aux catastrophes humanitaires que celles qui ont trait à l'aide au développement, quitte à assouplir les conditions d'intervention en cas de catastrophe humanitaire si l'urgence le justifie. C'est ce que propose la commission des lois et c'est une bonne chose.
Enfin, et cela nous tient à coeur, la proposition originelle limitait à 1% des recettes d'investissement les dépenses engagées par les communes en matière de coopération décentralisée. Outre le fait qu'une telle disposition incitait à l'endettement, elle me paraissait contraire au principe organique d'autonomie financière des collectivités locales, qui en ont assez des tutelles ici et là. La dernière vertu de la proposition de notre commission des lois est donc d'éliminer toute limite de dépenses. Les collectivités locales doivent être à même de gérer librement leur budget, ce qu'elles démontrent chaque jour.
Pour toutes ces raisons, le groupe UC-UDF votera la proposition de M. Michel Thiollière, telle qu'elle a été améliorée par la commission des lois.
En effet, la présente proposition est un pas significatif dans le sens d'une plus grande sécurité juridique en matière de coopération décentralisée. Toutefois, nous ne ferons sans doute pas l'économie, à l'avenir, d'une simplification - terme que l'on aime beaucoup, mais que l'on a du mal à mettre en pratique ! - ni d'une refonte de l'ensemble de l'architecture des règles qui régissent cette matière. Les outils juridiques se sont empilés au fil des ans, sans toujours répondre aux besoins des collectivités territoriales, comme le souligne l'excellent rapport de notre collègue de l'Assemblée nationale M. Michel Hunault.
En attendant, il me reste à féliciter M. Michel Thiollière de la pertinence de sa proposition, ainsi que la commission des lois, en particulier son rapporteur, M. Charles Guené, et son président, M. Jean-Jacques Hyest, de l'excellence de leur travail.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'excellent rapport de notre collègue Charles Guené présente l'historique de la coopération décentralisée, analyse finement le risque juridique auquel les collectivités territoriales sont confrontées et prévoit finalement de réécrire, en s'inspirant des travaux du Conseil d'Etat, la proposition de loi de notre collègue Michel Thiollière, laquelle a le grand mérite d'avoir posé le problème, sans cependant le résoudre complètement.
Je me félicite de l'analyse approfondie que vous avez faite de la proposition de loi, madame la ministre, et qui sera utile pour la compréhension de notre débat.
Je ne reviendrai pas sur l'historique de la coopération décentralisée, dont la forme la plus reconnue remonte à une petite trentaine d'années, si l'on excepte la période antérieure des jumelages, et dont le développement très rapide à la fin des années quatre-vingt a abouti à sa formalisation législative avec la loi du 6 février 1992.
Cette loi reconnaît le droit pour les collectivités françaises à coopérer avec leurs homologues étrangères et, pour avoir vécu cette période, je puis vous assurer que, dix ans après la décentralisation, il n'était pas facile de faire accepter ces principes au ministère des affaires étrangères notamment.
Désormais, cette action est devenue indispensable aux relations étrangères de la France et, en particulier, au dialogue Nord-Sud. On peut même affirmer, sans crainte d'être démenti, que c'est grâce à elle que le Président de la République peut afficher, pour les années à venir, un objectif de 0, 7 % du produit intérieur brut, au titre de l'aide au développement.
A ce propos, permettez-moi de dire que, si nous en restons au budget médiocre qui nous est proposé cette année, il me semble peu probable que cet objectif soit atteint, et il ne faudrait d'ailleurs pas que, dans ce domaine, l'Etat se décharge de ses devoirs et de ses promesses sur les collectivités territoriales, transformant ainsi une oeuvre généreuse, mais volontaire, en une sorte de contrainte de fait. Tel n'est pas encore le cas, mais il vaut mieux prévenir que guérir.
Quoi qu'il en soit, chemin faisant, et après bien des tâtonnements, la coopération décentralisée s'est en quelque sorte professionnalisée, fixant méthodes et règles, trouvant ses opérateurs notamment. Elle est de plus en plus fondée sur la recherche d'objectifs définis en commun, sur le choix d'opérateurs, sur le respect de la culture de l'autre, sur l'acceptation d'une évaluation objective des résultats, qui peut et doit, si nécessaire, aboutir à une remise en cause de tout ou partie de l'intervention du financeur.
La contribution financière de l'Etat développé ne doit jamais être considérée comme une rente acquise, elle doit être perçue comme un moyen d'atteindre des objectifs et de réaliser effectivement des projets au profit des populations.
Tout cela - on ne le dira jamais assez - doit se faire nécessairement dans le cadre des engagements internationaux de la France et, sans parler de tutelle, avec le souci de ne mettre en porte-à-faux, ni nos ministres, quelle que soit leur appartenance politique, ni nos représentants, car il s'agit de l'étranger.
On note donc bien l'importance de cette action pour la France et, par là même, on voit combien il est indispensable de sécuriser ceux qui pratiquent cette coopération, ce que ne font pas complètement la loi de 1992, ni les textes réglementaires qui ont suivi, les notions de respect des compétences et d'intérêt local pouvant à tout moment être mises en avant par un contribuable pour dénoncer telle ou telle action d'une collectivité à l'étranger.
Cette sécurisation sera chose faite dans peu de temps - en espérant que l'Assemblée nationale ne tardera pas à examiner ce texte -, car il y a une réelle attente des élus de toutes tendances et une réelle inquiétude des services du ministère des affaires étrangères et, je le suppose, du ministre lui-même.
Le texte de notre collègue Michel Thiollière a été fortement complété. Il présentait des lacunes, mais je ne m'y attarderai pas, car elles ont déjà été évoquées.
Le texte initial ne concernait que les communes. Il limitait le niveau d'intervention à une somme certes élevée, mais dont on ne comprend pas la justification, ce qui ne semble pas nécessaire, et surtout la référence à l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, et donc aux compétences des collectivités territoriales, ne mettait pas celles-ci à l'abri du risque juridique. En effet, si un conseil général aide, par exemple, à la construction d'une salle d'accouchement au Burkina Faso - ce qui représente une somme de 3 000 euros environ -, il est condamnable parce que le sanitaire n'entre pas dans le champ de ses compétences.
Enfin, un sort particulier est clairement réservé, dans le deuxième alinéa de l'article unique, aux aides d'urgence qui peuvent être dispensées de la signature d'une convention, ce qui paraît logique, voire nécessaire.
C'est sur cette obligation de signer une convention fixant les actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers que je voudrais insister et conclure, car cette question a suscité un débat.
Il s'agit là, bien entendu, d'une contrainte, mais qui s'avère indispensable. Les raisons en sont multiples.
A l'heure où le code des marchés publics nous impose certaines obligations pour des sommes relativement modestes, on voit mal pourquoi les collectivités territoriales pourraient engager à l'étranger des sommes élevées sans avoir signé une convention, c'est-à-dire d'une façon tellement souple que pourrait être engagée n'importe quelle action de n'importe quel montant.
Mais l'essentiel est ailleurs. La coopération décentralisée, je vous l'ai dit, ce n'est pas pratiquer la charité ; ce n'est pas donner une somme d'argent pendant plusieurs années sans avoir défini au préalable le cadre de l'action à conduire avec les partenaires. Il importe d'informer la collectivité sur le montant des sommes allouées, sur le contrôle des dépenses annuelles effectives et sur les avenants éventuels selon l'avancement, l'accélération ou les retards du programme. Sinon, toutes les dérives sont possibles.
La coopération, c'est la concertation, l'analyse, la mise en oeuvre conjointe et suivie, ainsi que l'évaluation. Voilà pourquoi il me semble indispensable de signer une convention.
Je sais bien que de grandes collectivités sont gênées parce qu'elles disposent de beaucoup d'argent, qu'elles ont par ailleurs de nombreux partenaires et ont un rang international à tenir. Mais on ne peut pas faire n'importe quoi, et ce par respect non seulement pour sa propre assemblée, à laquelle on doit rendre compte minutieusement des sommes consacrées aux différents programmes, comme à l'évaluation de ceux-ci, mais également pour nos partenaires.
Le développement durable, c'est aussi définir ensemble les actions à engager et assurer un suivi. En effet, il ne faut jamais laisser sur le terrain les sommes votées se diluer dans un autre budget, qui peut alimenter n'importe quoi dans des pays souvent gangrenés par la corruption.
Telle est, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la position du groupe socialiste. Je me félicite de ce texte, qui, très attendu, recueille un large consensus.
Applaudissements
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, jamais l'aide au développement et à la coopération internationale n'a été aussi nécessaire pour répondre à l'attente des populations qui, à travers le monde et aux portes de l'Europe, souffrent de l'écart grandissant des revenus entre pays riches et pays pauvres.
C'est dans ce cadre que s'inscrit la proposition de loi de notre collègue Michel Thiollière, qui vise à renforcer la coopération décentralisée en matière de solidarité internationale et qui est très attendue par les collectivités territoriales.
Au nom de mon groupe, je tiens à saluer cette initiative, qui s'inscrit dans le droit-fil de la loi du 9 février 2005, votée sur l'initiative de notre ancien collègue Jacques Oudin, qui a autorisé le financement des actions de coopération internationale décentralisée conduites par les collectivités territoriales et les agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement.
Comme l'a excellemment rappelé notre rapporteur, Charles Guené, le poids de l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements est toujours croissant. La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui constitue une étape supplémentaire, qui leur permettra de prendre toute leur part de responsabilité dans les rapports Nord-Sud en matière de développement.
Face aux événements tragiques qui ont endeuillé le Sud-Est asiatique en décembre dernier, la Louisiane et le Guatemala cet été et, plus récemment, le Pakistan et l'Inde, face au désastre humain et aux conséquences dramatiques des catastrophes naturelles qui nous ont frappés d'horreur, comment ne pas, dans un élan de solidarité, vouloir aider toutes celles et tous ceux qui souffrent, notamment les populations les plus fragiles ? Tsunami, séismes, cyclones ont fait, ces derniers mois, d'innombrables victimes. Au-delà des morts, ce sont des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants sans abri qui errent dans des régions totalement dévastées, où les secours peinent à parvenir.
Comment ne pas réagir lorsque les catastrophes naturelles aggravent davantage la fracture Nord-Sud, entre nos pays développés, où nous avons « trop de tout », et ces régions, déjà ravagées par les conflits et les guerres civiles, où les populations sont décimées par la faim et les pandémies ?
Depuis dix ans, le Président de la République plaide pour que le développement des pays les plus pauvres soit au coeur des préoccupations de la communauté internationale. Les Français partagent ce sentiment en disant que la pauvreté et la faim dans le monde ne sont pas une fatalité et qu'elles peuvent être surmontées par une forte volonté politique. La souffrance de ces pays est humainement insupportable, moralement inacceptable, mais aussi politiquement dangereuse !
On ne dira jamais assez combien l'intégrisme et le fanatisme se nourrissent de l'injustice, de la misère, et du désespoir. Aussi la France mène-t-elle une politique de coopération dont nous pouvons être fiers, madame la ministre.
En effet, nous consacrons 7, 5 milliards d'euros à l'aide publique au développement, soit 0, 44 % de notre revenu national brut, ce qui représente une progression de 10 % par rapport à 2004.
Les récentes mesures visant à annuler la dette des pays africains les plus pauvres, l'idée retenue par le Président de la République de créer un prélèvement de solidarité de quelques euros sur les billets d'avion, sont autant de contributions à la politique de développement résolument volontariste que nous devons mener. Mais les besoins sont immenses et les moyens de l'Etat sont, à eux seuls, insuffisants. L'intervention de nos collectivités territoriales est donc indispensable. Encore faut-il leur donner les moyens d'agir aux côtés de l'Etat.
C'est aujourd'hui l'honneur du Sénat, une fois encore, grâce à notre collègue Michel Thiollière, que de jouer pleinement son rôle d'éclaireur et de force de propositions en levant l'obstacle juridique qui restreint la possibilité pour les collectivités territoriales de mener des actions de coopération avec les autorités territoriales étrangères en matière de solidarité internationale. Mais il ne suffit pas d'augmenter le volume de l'aide, il faut aussi en améliorer l'efficacité. L'assistance doit céder la place à un partenariat Nord-Sud responsable fondé sur l'exigence de la transparence.
En tendant à leur donner les moyens juridiques d'intervenir, ce texte permettra aux collectivités territoriales d'agir en toute sécurité et surtout en toute transparence.
L'excellent rapport de notre collègue Charles Guené souligne l'ancienneté, la diversité et l'importance des actions extérieures des collectivités territoriales, précisant que leur financement s'était élevé à 230 millions d'euros en 2004, dont 115 millions d'euros au titre de l'aide au développement.
Les communes ont bien été les premières à s'engager dans la coopération internationale, avant d'être rejointes par les départements et les régions, qui bénéficient désormais du soutien de l'Etat.
Toutefois, si les élans de solidarité naissent spontanément devant l'ampleur des catastrophes et l'urgence à réagir pour secourir les victimes, le droit peine, malheureusement, à suivre les faits.
Notre collègue Charles Guené a parfaitement rappelé dans son rapport combien l'incertitude juridique, due à la multiplicité des instruments de coopération et des textes applicables notamment, freinait les engagements des collectivités territoriales. Si, pour faciliter leur insertion dans l'environnement régional, les départements et les régions d'outre-mer, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie notamment ont été autorisées à traiter directement avec les Etats voisins, les collectivités métropolitaines se sont vu jusqu'à présent accorder des possibilités d'action beaucoup plus restreintes.
En effet, pour être légales, ces actions doivent relever de la compétence des collectivités territoriales, ne pas être contraires aux engagements internationaux de la France et surtout présenter un intérêt local.
L'absence de définition objective de cette notion d'intérêt local a conduit, nous le savons, à des interprétations jurisprudentielles divergentes et nombre d'actions de coopération ont ainsi été annulées par les juridictions administratives. On se souvient du contentieux qui a opposé le conseil général des Deux-Sèvres à la juridiction administrative. De la même manière, la commune de Stains en est un autre exemple significatif.
Ces exemples et bien d'autres encore montrent combien il est difficile d'apporter la preuve que des actions de coopération décentralisée présentent un intérêt direct pour les populations locales en France.
C'est donc parce que cette proposition de loi vise à donner une base légale incontestable à l'aide au développement et à l'aide humanitaire d'urgence consentie par les collectivités territoriales françaises qu'elle permettra aux acteurs territoriaux de participer clairement à l'effort de solidarité internationale.
Encore une fois, la brièveté du texte qui nous est soumis ne doit pas cacher l'ampleur de l'enjeu : clarifier et favoriser les actions extérieures des collectivités en leur donnant un cadre juridique certain, évitant ainsi toutes sortes de contestations.
Cet article unique tend, en effet, à réécrire l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales. Il permettra de sécuriser les engagements pris dans le cadre de conventions passées désormais légalement avec les autorités locales étrangères et, surtout, autorisera les actions humanitaires hors convention lorsque l'urgence l'exigera.
Enfin, un souci parfaitement légitime - voire indispensable - de transparence justifie l'obligation qui est faite aux collectivités de mentionner dans la convention l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers.
Cette disposition permettra aux collectivités de mieux justifier leurs choix en cas de contrôle de la chambre régionale des comptes
Madame la ministre, je me permettrai une suggestion : je pense qu'il serait nécessaire que l'ensemble des interventions des collectivités territoriales puissent faire l'objet d'un recensement général, sous votre autorité et, peut-être, dans le cadre de la Commission nationale de la coopération décentralisée. En effet, ceux qui travaillent dans le domaine de la coopération décentralisée - ils sont nombreux et j'en fais partie - constatent très souvent sur le terrain la multiplication des initiatives de coopération, qui sont à la fois efficaces et volontaristes, mais qui, à défaut d'être coordonnées, ne sont parfois même pas connues de nos propres ambassades ni des autorités locales. Il en va de l'efficacité de notre aide et de l'image de la France dans le domaine de la coopération, domaine dans lequel interviennent de nombreux pays, souvent avec moins de moyens mais avec une méthode beaucoup plus efficace pour le faire savoir.
Grâce à cette proposition de loi, les élus locaux pourront agir efficacement aux côtés du Gouvernement pour secourir les innombrables populations qui comptent sur notre solidarité et pour améliorer leurs conditions de vie et leur développement
Désormais, les collectivités agiront en toute sécurité et en toute transparence, l'une et l'autre constituant les fondements mêmes de toute aide librement consentie et largement acceptée.
Parce que ce texte apporte des avancées, le groupe UMP le soutiendra à l'unanimité en félicitant notre collègue Michel Thiollière de son excellente initiative.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord me réjouir de l'inscription à l'ordre du jour de notre assemblée de cette proposition de loi et du débat qui nous réunit ce matin.
Je remercie notre commission des lois, son président, Jean-Jacques Hyest, et le rapporteur, Charles Guené, d'avoir accepté d'étudier ce texte, de l'approfondir et de l'améliorer notablement, pour le rendre acceptable par l'ensemble des membres de notre assemblée.
Je remercie également le Gouvernement d'accueillir favorablement ce texte, qui - j'en suis convaincu - non seulement rassurera ceux qui prennent des engagements à l'étranger, mais encore permettra que des espaces de liberté nouveaux soient accordés à nos collectivités.
En cas de graves troubles dans le monde, et dans la mesure où ce dernier est devenu de plus en plus petit en raison notamment des images qui sont diffusées tous les jours, nous sommes tous sollicités sur nos territoires, soit par des communautés étrangères résidant chez nous, soit par des organismes - qu'il s'agisse ou non d'ONG - qui pratiquent la solidarité internationale.
Quand est survenu le tsunami, comme à bon nombre d'entre nous, on m'a demandé ce que la ville de Saint-Etienne pourrait faire pour aider nos concitoyens qui s'engagent eux-mêmes à travers des associations ou pour agir directement sur place, là où l'urgence était déclarée.
Il s'est avéré que les actions que nous pouvions décider étaient peu sûres juridiquement et que pesait sur nous une hypothèque. D'une certaine manière, c'est comme si l'on appelait le SAMU sans être certain que le code de la route lui permette de s'arrêter sur le lieu de l'accident. Ayant eu quelques scrupules, je me suis demandé s'il fallait même expliquer aux ONG qui nous sollicitaient quelle hypothèque juridique pesait sur nous. J'ai eu la conviction que ce ne serait pas forcément compris et que, à l'autre bout du monde, on ne comprendrait pas non plus qu'une collectivité, tout en s'engageant, s'interroge sur son droit à le faire.
C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de déposer cette proposition de loi.
D'une part, elle vise à permettre d'accompagner la générosité et la solidarité. Nous savons combien de pays sont concernés dans le monde et quel effort financier cela représente pour l'ensemble de nos collectivités. Nos concitoyens ne supportent pas l'insupportable et, à travers leurs actions et les dons qu'ils remettent chaque année aux ONG, ils permettent à de nombreuses populations de vivre un peu moins mal les traumatismes qu'elles subissent.
D'autre part, la proposition apporte aussi un espace de liberté supplémentaire à nos collectivités, qui n'auront plus à cacher leurs actions internationales, sur lesquelles pesaient jusqu'à présent un certain nombre d'hypothèques.
Chaque fois qu'une commune, qu'un département, qu'une région agit à l'international, c'est l'image de la France qui est en jeu. Il ne doit pas y avoir d'incertitudes juridiques. L'absence d'une telle sécurité juridique lors de chacun de nos engagements altèrerait durablement les efforts des uns et des autres.
Chaque fois qu'une collectivité décide de s'engager dans une coopération décentralisée - cela m'est arrivé à Saint-Etienne -, elle représente notre pays et les autres collectivités. De plus, il s'ensuit des échanges et des retours d'expérience tout à fait intéressants. Chaque fois que nous participons, en Europe de l'Est ou en Afrique, à des opérations de coopération décentralisée, nous apprenons un peu du monde tel qu'il est. Nous en retirons d'appréciables bénéfices humains, économiques et culturels qui doivent être partagés par le plus grand nombre.
Le Gouvernement a eu la très bonne idée de lancer les pôles de compétitivité dans le domaine de la recherche et de l'industrie. Ces pôles de compétitivité sont en contact avec des partenaires internationaux, lesquels constituent une sorte de monde en réseau qui s'organise autour des solidarités. A l'évidence, cela rend nos territoires beaucoup plus attractifs.
Telles sont les raisons pour lesquelles cette proposition va, me semble-t-il, dans le sens d'un renforcement de l'image de notre pays à l'étranger. Les montants en jeu- 230 millions d'euros - qui confortent l'aide de l'Etat et l'aide apportée par les Français sont importants. De plus, ces aides permettent aussi à notre pays de rayonner dans les domaines culturel et économique et en matière de cohésion sociale.
Je remercie notre assemblée d'avoir bien voulu débattre et le Gouvernement d'avoir accepté cette proposition. J'espère qu'au terme de son cheminement dans les mois qui viennent, que je souhaite tout aussi consensuel et positif, cette proposition permettra à la fois à nos collectivités d'avoir un espace de liberté supplémentaire et à notre pays de rayonner encore davantage.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'objet de ma démarche, comme celle des Verts, est de contribuer à la transformation radicale de la politique de coopération décentralisée en France.
Cette contribution, dans le cadre de cette discussion générale, se traduit par l'élargissement de la réflexion sur la transformation de la coopération décentralisée à deux autres points essentiels : d'une part, la question de la compétence des collectivités territoriales et de leurs groupements à conclure des conventions avec des organisations internationales ; d'autre part, la question de la transformation de la politique de coopération de l'Etat français lui-même.
Cette contribution se traduit également par le dépôt d'un amendement visant à introduire la notion de durabilité dans l'intégralité du processus de coopération décentralisée.
La mondialisation nous a forcés à nous rendre compte de l'interdépendance des populations de la planète. Que les Etats le veuillent ou non, ce qui se passe dans les rues de Bogota, de Dakar ou de Pékin a des conséquences directes dans les rues de New York, de Rome ou de Paris.
A ce constat s'ajoute celui de l'émergence de systèmes de gouvernance locale légitime, presque partout dans le monde, mais surtout en Europe.
Les collectivités locales sont, aujourd'hui, des acteurs éminents dans les efforts réalisés en vue de réduire les déséquilibres et les inégalités écologiques, socioéconomiques, qui persistent et, parfois, augmentent, tant à l'échelon national que dans les rapports Nord-Sud, Sud-Est et Est-Ouest, ainsi qu'à l'échelon local dans les rapports entre le centre et la périphérie.
Le rôle des collectivité locales, en raison de leurs pouvoirs, de leurs compétences, de leurs moyens et de leur proximité avec les citoyens, est désormais reconnu par de nombreux textes et engagements internationaux : l'Agenda 21, adopté lors du sommet de la Terre de 1992, les assemblées mondiales des villes et autorités locales de 1996 et de 2001, la conférence de l'ONU et son programme « Habitat II+5 » en 2001, ainsi que le sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg en 2002.
Tous ces textes - c'est aussi le souhait des organisations internationales qui les soutiennent -, confrontés aux effets contrastés des politiques de coopération décentralisée menées jusqu'à présent par les collectivités territoriales, appellent aujourd'hui à engager ces actions dans le cadre du développement durable.
Introduire la notion de développement durable dans le régime juridique des collectivités territoriales et de leurs groupements suppose un basculement vers une autre manière d'appréhender, de mettre en oeuvre ou de contrôler la coopération.
La durabilité suppose d'assurer à tous la reconnaissance et le respect des libertés et droits fondamentaux, le respect de la dignité et de la valeur de la personne humaine ainsi que le respect de l'égalité entre hommes et femmes.
Une coopération décentralisée durable impose la construction et la promotion d'une citoyenneté à l'échelle locale, régionale, nationale et mondiale, avec des personnes devenant les acteurs directs des politiques publiques et de la solidarité.
L'objectif est de rendre reproductibles des systèmes de gouvernance locale participative, autonome et démocratique. Les fondements supplémentaires en sont la solidarité mondiale et transgénérationnelle, la justice, l'équité sociale, la viabilité économique, la responsabilité environnementale et le respect de la diversité culturelle.
Dans cette logique de durabilité, le développement s'inscrit sur le long terme. Il convient d'agir avant les catastrophes humaines et naturelles. La coopération est orientée sur ce qui permet de prévenir les effets des tsunamis, des tremblements de terre, des conflits ou, parfois, des famines provoquées.
Il faut, dans la mesure du possible, laisser l'humanitaire aux ONG et aux organisations internationales. L'envoi par avions d'eau, de tentes, de nourriture, l'envoi de médecins, elles le font depuis maintenant longtemps et elles le font le mieux possible.
Les collectivités territoriales doivent intervenir avant ou après les destructions pour construire et reconstruire. Il faut agir mieux en amont pour moins réagir en aval.
La durabilité dans la coopération décentralisée induit de facto à conditionner l'aide. Ce conditionnement dépasse le choix du partenaire et s'applique préalablement aux modalités de la conception et de la mise en oeuvre de chaque partenariat.
Les notions d'égalité, de solidarité, de précaution, de prévention, de réversibilité, de subsidiarité, de transparence ainsi que de transversalité, d'évaluation et de capitalisation doivent être présentes dans chaque projet de coopération.
Des collectivités, tel le conseil régional d'Ile-de-France, appliquent déjà ces principes de façon concrète.
A la conception de tout projet, c'est l'ensemble des enjeux du développement - en termes d'environnement, d'économie, de social, de cultures, de territoires, notamment - qui est appréhendé.
Tous les élus et services sont ainsi impliqués dans une recherche de cohérence des initiatives.
La responsabilité de chaque partenaire est clairement définie, la totalité de l'information est accessible à tous, l'évaluation est permanente et concertée.
Alors, la capitalisation permet de valoriser et de diffuser les succès du projet, qui peut ainsi être reproduit ailleurs et par d'autres.
Il convient toutefois de dire que cela ne suffit pas.
Pour des raisons évidentes, l'ONU - notamment à travers les objectifs du Millénaire - ainsi que des organisations représentant les collectivités territoriales, telle Cités et gouvernements locaux unis, demandent l'implication des collectivités dans les relations avec les organisations internationales.
Les organisations internationales sont aujourd'hui des acteurs incontournables du développement durable. Dans le monde entier, elles préparent, conseillent, financent ou réalisent des projets pensés et élaborés dans la durabilité.
La viabilité même du développement des actions de ces deux types d'entités non étatiques - organisations internationales d'un côté, collectivités territoriales de l'autre - est en danger si elles ne trouvent pas de moyens de convergence.
Pour le bien de tous, et surtout de tous ceux qui ont très peu sinon rien, ces deux sphères de la coopération ne peuvent continuer à coexister sans se rencontrer.
Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples concrets.
En 1999, une grande inondation a frappé le centre du Vietnam. Comme je l'ai dit, l'humanitaire doit demeurer de la responsabilité des organisations internationales et des ONG. Une grande région française, qui désirait précisément offrir des fonds à la Croix-Rouge Internationale, implantée sur place et immédiatement opérationnelle, n'a pu le faire parce que l'état actuel de notre droit ne le lui permettait pas.
Cette année, après la délibération de deux conseils municipaux d'une ville du centre de la France, un prisonnier politique tibétain a été parrainé. Sûrement soucieux de préserver nos rapports économiques et politiques avec la Chine, le préfet a rejeté cette décision, contestant sa légalité bien qu'aucune dépense n'ait été engagée ! L'état actuel de notre droit ne le permettait toujours pas.
Certains citoyens contestant l'intérêt local de telles actions, l'urgence d'une loi est apparue. Ainsi l'actuelle proposition de loi est-elle fondée sur l'idée de sécuriser les actions de coopération des collectivités territoriales et de leurs groupements.
Enfin, c'est toute la politique de coopération de la France qu'il convient de transformer. Que se passerait-il si, par parallélisme des formes, une telle obligation était imposée à l'Etat ? Que se passerait-il si l'on étendait cette question au choix de zones de coopération prioritaire, au choix d'actions comme le développement de la francophonie, à la légitimité globale des actions financées par la COFACE, la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, organisme dont, je le rappelle, les comptes ont été refusés par la Cour des comptes pour la troisième année consécutive et qui présente la particularité de gérer simultanément, pour le compte de l'Etat, l'ensemble des garanties publiques de contrats civils et militaires et d'être l'outil privilégié de la politique publique de soutien aux exportations ?
On ne peut se limiter à opposer aux collectivités locales engagées dans la solidarité internationale des critères qui sont inexistants à l'échelon de la coopération intergouvernementale. Les citoyens, attentifs à l'usage des fonds publics, verraient d'un bon oeil une plus grande transparence et une éthique soutenue au plus haut niveau des décisions.
L'action des collectivités locales françaises répare très souvent les injustices causées par l'Etat français lui-même. Mais elle ne peut se substituer indéfiniment à des politiques internationales fondées sur la promotion de technologies coûteuses et inadaptées. En outre, elle se refuse à contribuer au soutien des dictatures en place et, par là, à légitimer leurs exactions.
En l'espèce, nous considérons ce texte comme la première pierre à la préparation d'une loi sur la coopération internationale française ambitieuse et humaniste, c'est-à-dire centrée sur l'autonomie des peuples, le respect des droits humains et des droits fondamentaux.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, traduction concrète de l'impératif de solidarité qui inspire l'action extérieure de la France, la coopération décentralisée constitue aujourd'hui une composante essentielle de notre politique de coopération internationale et d'aide au développement.
La coopération décentralisée, action extérieure des collectivités territoriales françaises, a imposé sa légitimité et bénéficie du soutien de l'Etat. Elle constitue une réalité institutionnelle et politique que traduisent les chiffres : d'après les données de la Commission nationale de la coopération décentralisée, près de 3 250 collectivités ou groupements français entretiennent plus de 6 000 relations de coopération dans 115 pays, représentant 230 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable.
Avant même de se voir attribuer un cadre juridique cohérent - mais à l'évidence insuffisant - avec la loi du 6 février 1992, la coopération décentralisée n'a cessé de se développer en qualité et en quantité depuis quinze ans.
La coopération initiée par les collectivités territoriales a toujours été, à mes yeux, une excellente coopération. C'est une coopération directe entre nos collectivités et les collectivités étrangères. C'est une école de la démocratie, qui sert aussi bien nos amis du Sud que nos concitoyens, qui se rendent ainsi mieux compte des difficultés vécues au quotidien par les pays sous-développés. Oui, je crois que la coopération décentralisée participe pleinement à l'effort entrepris pour l'éducation au développement.
Comme le souligne un récent rapport du groupe de travail mis en place par le Conseil d'Etat sur le sujet, le droit de la coopération décentralisée a toujours été en retard sur sa pratique. Et c'est peut-être pour cela qu'elle a été oubliée par les lois de décentralisation de 1982 et 1983.
En effet, seule la loi du 2 mars 1982 fait mention, dans son article 65, de la coopération transfrontalière, laquelle ne constitue que l'une des deux faces de la coopération décentralisée, l'autre étant la coopération au développement.
Depuis 1992, la coopération décentralisée a rattrapé une grande partie de son retard en matière juridique et a accumulé, ces dernières années, des instruments juridiques nouveaux mis à la disposition des collectivités territoriales.
Toutefois, son cadre juridique n'est pas encore parfaitement sécurisé, comme est venue le rappeler la décision du tribunal administratif de Poitiers du 18 novembre 2004. Celui-ci a effet censuré des actions engagées en Afrique par un conseil général au motif qu'elles étaient dépourvues d'intérêt local. Cette décision a mis en relief la fragilité juridique des actions de coopération décentralisée.
A partir de là, il devenait nécessaire et urgent de sécuriser juridiquement l'action extérieure des collectivités territoriales en mettant le droit en adéquation avec les faits. C'est ce à quoi nous invite la très bonne proposition de loi de notre collègue et ami Michel Thiollière, texte que nous examinons aujourd'hui dans une version remaniée et améliorée par la commission des lois et son excellent rapporteur.
Cette initiative, aussi urgente que pratique, nous permettra de renforcer la sécurité juridique des actions de coopération décentralisée dont l'intérêt local serait susceptible de faire débat. Nous donnerons ainsi une base juridique plus solide aux actions d'aide au développement et d'aide humanitaire d'urgence.
De plus, le texte prévoit que les collectivités territoriales et leurs groupements pourront financer des ONG ou des associations sans passer de convention. Ainsi, des actions de coopération décentralisée pourront avoir lieu dans l'urgence, comme c'était déjà parfois le cas. Mais, cette fois-ci, elles se dérouleront en toute sécurité juridique.
Le droit international comme le droit interne offrent aujourd'hui aux collectivités territoriales qui le souhaitent les moyens appropriés de mener des actions de coopération décentralisée. Cette proposition de loi viendra renforcer notre droit interne et permettra aux collectivités territoriales d'agir mieux, plus vite et de manière plus sûre en faveur des collectivités et des populations étrangères, de les aider techniquement, financièrement et humainement.
De cette façon, les collectivités territoriales françaises renforceront encore davantage leur dimension d'acteur de la politique de coopération et d'aide au développement de notre pays.
Des questions très concrètes demeurent toutefois en suspens et méritent une réflexion spécifique, avant de trouver une éventuelle traduction législative : je pense, par exemple, à la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux, ou encore aux circuits de financements des projets. Sur ces sujets, et sur bien d'autres encore, le Haut conseil de la coopération internationale, par l'intermédiaire de sa commission « coopération décentralisée », a entamé un travail de réflexion qui fera l'objet de propositions pratiques à destination de tous les acteurs de la coopération décentralisée.
Ces acteurs attendent aujourd'hui que nous adoptions la proposition de loi qui nous est présentée par notre collègue Michel Thiollière. Le groupe du RDSE votera bien évidemment ce texte avec enthousiasme, en souhaitant, madame la ministre, que vous puissiez le faire inscrire rapidement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je n'avais pas prévu de m'inscrire dans ce débat, mais l'absence involontaire de mon collègue M. Sueur me fournit un petit créneau, et je remercie la présidence d'avoir bien voulu accepter que je le remplace.
M'exprimant aussi en tant que rapporteur spécial des crédits de l'aide au développement - fonction que j'exerce depuis très longtemps à la commission des finances -, j'estime que la proposition de loi de M. Thiollière, destinée à prévenir les contentieux et soutenue par la commission des lois, est une heureuse initiative.
En effet, ce qui est arrivé jusqu'à présent n'est pas grand-chose par rapport à ce qui pourrait arriver si le juge administratif décidait de s'engager plus systématiquement dans cette voie car, lorsque la coopération décentralisée a été créée, au moment de la première loi de décentralisation de Gaston Defferre, cette possibilité n'avait pas du tout été examinée au regard des dispositions du code des collectivités territoriales, qui prévoient que tout ce qui n'est pas d'intérêt local n'est pas de la compétence du conseil municipal, du conseil général ou du conseil régional.
Donc, cette proposition de loi lève une incertitude, une ambiguïté et, selon moi, elle mettra les préfets beaucoup plus à l'aise qu'ils ne l'étaient : ils ne pouvaient se référer à d'autres textes que celui que je viens de rappeler, mais il y avait une certaine tolérance et ils devaient en appeler au ministère des affaires étrangères, ce qui ne facilitait pas toujours les choses. Mais il est évident - ce n'est d'ailleurs l'objectif ni de M. Thiollière ni de la commission des lois - que cette nouvelle législation ne dispensera pas les préfets d'exercer leur contrôle de légalité.
De ce point de vue-là, la notion d'engagements internationaux de la France ne doit pas soulever une quelconque ambiguïté. Au demeurant, la navette avec l'Assemblée nationale pourrait permettre de la dissiper, s'il y en avait une.
Il doit être entendu que, en l'espèce, les engagements internationaux sont ceux de l'article 5 de la Constitution, dont le Président de la République est le gardien, et non pas ceux, trop vagues et trop généraux, des articles 53 et suivants de la Constitution, sans parler de l'article 16...
En d'autres termes, un échange de lettres de créance d'ambassadeur ou l'établissement et l'existence de relations diplomatiques, ce sont des engagements internationaux. Et si une collectivité territoriale devait contrevenir en quoi que ce soit, par une de ses délibérations, aux relations internationales normales entre la France et un pays donné, conformément aux engagements pris au moment de l'établissement des relations diplomatiques et de l'échange des lettres de créance, il va de soi qu'il pourrait y avoir lieu à contrôle de légalité. Cela ne veut pas dire que ce dernier prospérerait forcément, mais en tout cas cela poserait problème pour la juridiction saisie.
Sous le bénéfice de cette observation, monsieur le président, je voudrais brièvement aborder trois points.
Mes chers collègues, il n'y a pas d'un côté la France et de l'autre ses collectivités locales. Pour les pays étrangers, la France est une, et l'unité de la République impose qu'il en soit ainsi dans toutes les actions extérieures ayant un caractère public. Et les actions des collectivités territoriales sont naturellement des actions publiques !
La politique extérieure relève, dans notre pays, de la seule compétence du Président de la République et du Gouvernement, sous le contrôle du Parlement. Il ne peut donc pas y avoir deux politiques extérieures différentes, l'une de l'Etat et l'autre d'une ou de plusieurs collectivités territoriales. Cela ne s'est d'ailleurs jamais produit depuis la première décentralisation Defferre de 1982.
Cela veut dire que les interventions extérieures des collectivités territoriales ne peuvent pas donner le sentiment qu'elles remettent en cause ou qu'elles contrarient si peu que ce soit la politique extérieure de la France. Elles ne peuvent donc qu'accompagner ou compléter notre politique extérieure et être en toutes circonstances compatibles avec elle.
Troisième et dernière observation, monsieur le président : quels que soient les efforts des collectivités territoriales, elles ne substitueront jamais leur action et leur image - celle d'une ville, d'un département, d'une région - à l'image de la France. Dans les villages du monde les plus reculés, on connaît la France, Paris parfois, mais pas forcément La Rochelle, Limoges, Clermont-Ferrand, Lille, le Puy-de-Dôme
Murmures amusés sur les travées de l'UMP
MM. Jean-Claude Carle et Jean-Patrick Courtois. Le Puy-de-Dôme est connu !
Sourires
C'est possible, grâce à Blaise Pascal. Mais je ne suis pas sûr que, dans les villages africains les plus reculés, on sache qui est Blaise Pascal !
En tout cas, chers amis, nous qui sommes des élus des collectivités territoriales et qui les représentons ici, nous savons tous qu'elles sont tout de même moins connues que la France !
La France est connue dans le monde entier, dans les pays du tiers monde en particulier, parce qu'elle appartient à l'histoire de l'humanité et qu'elle a souvent pesé sur le destin des peuples.
Les collectivités territoriales n'en sont pas encore là, et ne sont pas près d'en être là.
Dès lors que les collectivités locales ne peuvent se substituer totalement à la France à l'étranger ni remplacer l'image de la France par leur propre image, je veux dire à Mme le ministre délégué, fort de mon expérience sur le terrain - et je sais que ce que je vais dire relève non pas de la loi mais des modalités d'application -, qu'il serait tout de même heureux que, toutes les fois que c'est possible, l'action d'une collectivité territoriale, sous quelle que forme que ce soit - une plaque, des documents, une expression publique, de la communication, des colis livrés, etc. - soit toujours accomplie et présentée sous le libellé « République française », « commune de... », « département de... », « région de ... », ce qui me paraîtrait signaler plus clairement aux populations locales que la collectivité qui intervient appartient à quelque chose de plus important, à savoir la France et la République française.
Par ailleurs, madame le ministre, j'ai souvent assisté à l'étranger à l'inauguration de réalisations financées dans le cadre de la coopération décentralisée. Or, franchement, j'ai toujours été choqué quand j'ai vu - je l'ai vu notamment au Maroc, au Mali - que le représentant sur place de la collectivité territoriale, donc un collègue maire, président du conseil général, quelquefois parlementaire, coupait le ruban en présence de l'ambassadeur de France alors que sa collectivité n'avait payé qu'un tiers de l'opération et que le budget de l'Etat, dans le cadre des contrats de plan en particulier, en avait payé les deux tiers.
Je crois, madame le ministre, qu'il faudrait aussi s'efforcer dans ce genre d'affaires de rendre à César ce qui est à César. Si l'ambassadeur peut parfaitement faire ressortir clairement dans son discours, au moment de l'inauguration, la participation de la collectivité locale dont les représentants sont présents, si c'est l'Etat qui a payé pour l'essentiel, c'est lui qui doit présider la cérémonie et couper le ruban !
C'est aussi, me semble-t-il, dans l'intérêt de la France, parce que je ne pense pas que, dans l'esprit du Sénat, la coopération décentralisée ait pour première vocation de faire disparaître la République française à l'étranger !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Je souhaite répondre à deux questions qui ont été posées aussi bien par M. Charasse que par M. Cambon sur la cohérence de l'action de la France en matière d'aide au développement et sur l'information entre ce que font les collectivités locales, l'Etat ou le secteur privé.
Il est effectivement nécessaire que la France soit représentée dans toutes ses composantes, et nous travaillons tous au rayonnement de la France à l'étranger.
J'indique d'abord à M. Cambon que le Gouvernement se préoccupe de la nécessité de recenser tout ce que font les collectivités locales à l'étranger et qu'il y veille plus particulièrement dans le cadre de la Commission nationale de la coopération décentralisée, que je présiderai prochainement.
Par ailleurs, sur le site Internet du ministère des affaires étrangères, la rubrique donne l'état des lieux des actions menées par nos collectivités locales à l'étranger.
Cela me conduit à répondre à M. Charasse qu'il est essentiel que nos collectivités locales aient le réflexe d'informer nos ambassadeurs de ce qu'elles font. En particulier, lorsque des élus se rendent dans des pays étrangers, il est tout à fait essentiel de leur rappeler que leur première démarche doit consister à informer l'ambassadeur de leur venue et des opérations qu'ils mènent.
Il importe que nous travaillions tous à ce que cette information circule bien. Et toute la réforme de l'aide au développement et de notre système de coopération, que j'ai la charge de mettre en oeuvre, vise précisément à donner cette cohérence que vous souhaitez, monsieur Charasse.
Le nouvel instrument de notre politique de coopération, le document-cadre de partenariat, qui doit être négocié par nos ambassadeurs avec les autorités locales, vise à recenser non pas simplement toutes les actions que mène l'Etat en matière de coopération, mais également ce que font dans ce domaine les collectivités locales, le secteur privé, les établissements publics - les établissements de recherche notamment -, pour que nous disposions dans un document unique, sous le pilotage de notre ambassadeur, de l'ensemble des actions conduites par la France selon des canaux divers, bilatéraux ou multilatéraux.
Il est indispensable que nous ayons une image unique de la France partout à l'étranger. C'est tout le sens de cette réforme de la coopération, qui répond tout à fait au souci que vous avez exprimé et que nous partageons.
Applaudissements
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
L'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 1115-1. - Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, dans le respect des engagements internationaux de la France, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères pour mener des actions de coopération ou d'aide au développement. Ces conventions précisent l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers. Elles entrent en vigueur dès leur transmission au représentant de l'Etat dans les conditions fixées aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2, L. 3131-1 et L. 3131-2, L. 4141-1 et L. 4141-2. Les dispositions des articles L. 2131-6, L. 3132-1 et L. 4142-1 leur sont applicables.
« En outre, si l'urgence le justifie, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en oeuvre ou financer des actions à caractère humanitaire. »
J'ai dit tout à l'heure quelle devait être, à mon avis, l'interprétation de la notion d'« engagements internationaux ».
Je voudrais compléter mon propos en disant que, à mon sens, l'interprétation que le ministère de l'intérieur et le ministère des affaires étrangères feront au moment du contrôle de légalité devrait être fondée en réalité sur la notion des « actes de gouvernement » en matière de politique extérieure, qui ne relèvent pas de la compétence contentieuse du Conseil d'Etat selon la jurisprudence constante de la Haute juridiction.
Donc, tout ce qui est « acte de gouvernement » fait partie des engagements internationaux. Ce ne sont pas forcément des engagements écrits ! Il faut donc faire très attention.
Ensuite, madame le ministre, je pense pour ma part qu'à la suite du vote de ce texte - que, je l'espère, l'Assemblée nationale soutiendra - il ne serait pas inutile que des instructions soient adressées aux préfets pour que, désormais, dès qu'elles leur sont transmises pour contrôle de légalité, les délibérations des collectivités locales en matière de coopération décentralisée soient systématiquement adressées à l'ambassadeur de France compétent - c'est-à-dire en poste dans le pays concerné -, sous couvert du ministre de l'intérieur et du ministre des affaires étrangères, . Il faut éviter que nos ambassadeurs apprennent ces initiatives par hasard ou par raccroc, une fois expiré le délai de saisine du tribunal administratif.
L'obligation de transmission devrait donc porter aussi sur ce point. C'est une simple instruction à donner aux préfets !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
L'amendement n° 1, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
I. Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, après le mot :
aide
insérer le mot :
durable
II. Dans le second alinéadu texte proposé par cet article pour l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, après le mot :
actions
insérer le mot :
durables
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mes chers collègues, permettez-moi de revenir un moment sur la notion essentielle de durabilité.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui a pour objet de renforcer la sécurité juridique des actions de coopération engagées par les collectivités territoriales et leur groupement.
Face à certaines lacunes, ce texte a été remplacé par une proposition de la commission des lois qui se veut plus complète.
C'est dans ce même esprit que doit être interprété le présent amendement, qui vise à renforcer le régime juridique desdites actions de coopération et permettre ainsi à la solidarité entre peuples de continuer à se développer.
Toutefois, il est de la volonté constante des « Verts » d'oeuvrer à la mise en oeuvre du principe de durabilité dans l'ensemble de notre droit.
Cette volonté doit s'entendre non pas comme un désir dogmatique ou artificiel, mais plutôt comme la profonde motivation de transformer, profondément et durablement, notre vision et notre façon d'agir dans la totalité du prisme politique.
Cela passe donc par l'introduction de la notion de durabilité dans les coopérations décentralisées, notion qui va permettre de renforcer la transparence, le contrôle, l'évaluation de tous les projets de coopération, tout en ancrant encore plus fermement au coeur de ce processus les citoyens de tous les pays, leur droit à l'environnement et la démocratie.
Cet amendement aurait pu être plus ambitieux et tenter d'introduire d'autres notions dans le code général des collectivités territoriales, notamment en élargissant clairement la compétence des collectivités à la possibilité de conclure des conventions avec des organisations internationales.
Cependant, la nature des débats qui se sont déroulés en commission des lois n'a pas plaidé pour ce choix.
De plus, l'état actuel du droit n'est pas totalement opposé à l'engagement de nos collectivités territoriales. En effet, celles-ci peuvent s'engager avec des organisations internationales, mais seulement dans un cadre extrêmement restreint ; ces engagements doivent se fonder juridiquement sur une convention décentralisée préexistante, dûment signée entre collectivités territoriales françaises et les Etats ou les organisations étrangères.
Voila pourquoi je me suis contentée de limiter cet amendement à la notion de durabilité, refusant, pour cette occasion précise, de soulever toute autre controverse.
Pour ces motifs, mes chers collègues, je vous invite à adopter cet amendement, car il vise à inscrire notre aide au développement dans la durée, ce qui nous semble très important.
Madame Boumediene-Thiery, nous nous sommes interrogés sur le sens que vous entendiez donner à ce qualificatif de « durable ».
Effectivement, pris dans son acception plus récente et moderne, il nous a semblé que ce terme serait réducteur par rapport à ce que nous entendons, qui est sans doute beaucoup plus large, et qu'il serait inadapté face à l'urgence.
De la même manière, pris dans son sens littéral, dans la mesure où il s'agit la plupart du temps de conventions qui supposent la durabilité, le terme devient inutile
Par ailleurs, s'il s'applique à l'humanitaire, soit il s'agit de l'humanitaire qui n'est pas urgent, et nous sommes alors dans le cadre de conventions, soit il s'agit de l'humanitaire d'urgence, auquel cas le mot « durable » est, à l'évidence, totalement inadapté, puisqu'il s'agit de faire face à des situations d'urgence.
Dans cette mesure, la commission ne peut émettre qu'un avis défavorable, et je le regrette bien.
Sur cet amendement, le Gouvernement a la même position que la commission.
Effectivement, l'ajout du terme « durable » au mot « aide », dans la première partie de l'amendement, paraît superflu parce que, par nature, l'aide au développement s'inscrit dans une perspective durable.
D'autre part, s'agissant de l'adjonction de l'adjectif « durables » aux actions humanitaires dans la seconde partie de l'amendement, je dois dire qu'il serait paradoxal qu'une décision visant à permettre aux collectivités de répondre dans l'urgence aux besoins suscités par une catastrophe exceptionnelle soit subordonnée à une contrainte de long terme. Cette partie de l'amendement viderait l'initiative de M. Thiollière d'une grande partie de sa portée en ce qui concerne l'aide immédiate d'urgence, qui est essentielle dans des situations du type raz-de-marée ou tremblement de terre, par exemple.
Dans ces conditions, nous ne pouvons émettre qu'un avis défavorable.
Il me semblait que l'aide d'urgence n'était pas en contradiction avec des actions durables, au contraire. A plusieurs reprises, à l'occasion d'événements malheureux, des organisations internationales ont ainsi mis en place des programmes s'étalant sur plusieurs années, dans une certaine pluriannualité permettant de mettre en oeuvre cette action durable.
Il y a certainement moyen, sans d'ailleurs forcément modifier le texte, d'aller dans le sens que préconise notre collègue, et ce pour la raison suivante : inscrire dans la loi l'expression « aide durable », c'est contrevenir, juridiquement parlant, au principe d'annualité du budget des collectivités locales et aller à l'encontre d'une situation où, par exemple, à la suite d'un changement de majorité dans une commune, un département ou une région, la nouvelle majorité ne souhaiterait pas poursuivre au-delà de ce qui a déjà été fait une action dans un pays donné parce qu'elle n'aurait pas la même conception ou le même attachement pour cette action.
Donc, mes chers collègues, il n'est pas facile, juridiquement, d'inscrire cette notion dans la loi.
En revanche, je souhaite que les travaux préparatoires fassent état de certains commentaires, dont celui que je vous livre à l'instant.
De même qu'il a toujours été admis qu'une collectivité locale pouvait engager des actions pluriannuelles, notamment en investissements, il doit être entendu que ne peut pas donner lieu à contrôle de légalité une délibération d'une collectivité décidant que, « dans tel cas et dans tel pays, je ferai sur trois ans ou plus, par tranches annuelles de tel montant ». Il n'y a pas d'engagement juridique tant que le budget n'est pas voté chaque année, mais si la collectivité veut marquer qu'elle agira sur une période donnée - deux ans, trois ans, quatre ans, etc. -, il n'y a pas habituellement de contrôle de légalité dans ce cas.
Sinon, si un tel contrôle avait lieu dans ces cas, mes chers collègues, nous serions obligés de travailler sous cette contrainte chaque fois que, sur le territoire de nos propres communes, départements et régions ou dans le cadre de nos propres compétences, il est décidé d'élaborer un programme routier pluriannuel, un programme de construction de logements pluriannuel, etc.
Par conséquent, je souhaiterais que la commission des lois et, éventuellement, Mme le ministre nous confirment que telle est bien l'interprétation, et qu'il n'y aura pas deux manières de traiter des délibérations des collectivités locales, le pluriannuel étant admis dans tous les cas... « sous les réserves d'usage », comme on dit habituellement, monsieur le président.
Nous souscrivons tout à fait aux propos qui viennent d'être tenus, puisque les conventions qui établissent des prévisions rendent possible que l'on prenne des engagements de ce type.
Au demeurant, les interventions de notre ami Michel Charasse sont toujours très pertinentes, et nous partageons également son analyse concernant les engagements internationaux qu'il évoquait tout à l'heure. C'est d'ailleurs, comme je l'indiquais au cours de la discussion générale, l'une des raisons pour lesquelles nous avons renoncé à ajouter un article 2 qui aurait permis aux collectivités locales de passer, par délégation de l'Etat, des conventions avec des Etats étrangers. Cela aurait certes pu se concevoir, mais aurait peut-être été sujet à caution. Nous n'avons donc pas souhaité nous engager immédiatement dans cette voie.
L'amendement n'est pas adopté.
Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission sur la proposition de loi n° 224, je donne la parole à Mme Eliane Assassi, pour explication de vote.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'engagement et la générosité des collectivités territoriales françaises sur le plan international ne sont plus à démontrer : aujourd'hui, ce sont près de 3 250 collectivités ou groupements français répertoriés qui entretiennent plus de 6 000 relations de coopération dans 115 pays, et les montants financiers en jeu sont de l'ordre de 230 millions d'euros par an, dont la moitié va à des pays en développement.
C'est la loi d'orientation du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République qui, la première, a donné un cadre juridique précis à la coopération décentralisée et a fait de la convention sa pierre angulaire.
L'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales prévoit ainsi la possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements de « conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements ». Pour être légales, ces actions doivent relever de la compétence des collectivités territoriales, respecter les engagements internationaux et présenter un intérêt local.
Mais très vite sont apparues les premières limites de notre législation en matière de coopération décentralisée.
Lorsqu'il s'agit de coopération conventionnelle, tout d'abord, la jurisprudence administrative exige que soit apportée la preuve de l'existence d'un intérêt local. Or, en l'absence de définition objective, cette notion fait l'objet d'appréciations divergentes de la part des juridictions administratives, qui, selon les cas, annulent ou valident les actions de coopération menées par les collectivités territoriales.
Quant au domaine de l'humanitaire, où il faut intervenir en urgence, les actions de coopération engagées par les collectivités territoriales le sont bien souvent sans qu'une convention de coopération décentralisée ait pu être établie au préalable, et n'ont donc pas de base légale.
Pour remédier à cette insécurité juridique et, ainsi, conforter l'action extérieure des collectivités territoriales, une modification législative était donc devenue nécessaire.
S'inspirant des préconisations figurant dans la récente étude du Conseil d'Etat, les conclusions de la commission des lois qu'il nous est proposé d'adopter vont au-delà de la proposition de loi initiale de notre collègue Michel Thiollière. Ainsi, outre les communes, la nouvelle rédaction englobe désormais les départements et les régions et lève le doute sur les incertitudes nées de la jurisprudence administrative en ce qui concerne l'intérêt local.
Le présent texte va donc permettre de donner une base juridique aux actions d'aide au développement consenties par les collectivités territoriales françaises et leurs groupements tout en rendant obligatoire leur formalisation par des conventions passées avec des autorités locales étrangères. De même, il va sécuriser les actions d'aide humanitaire d'urgence en autorisant les collectivités territoriales et leurs groupements à entreprendre, lorsque l'urgence l'exige, de telles actions hors toute convention, soit directement soit en finançant des organisations non gouvernementales ou des associations.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen approuvent ce texte, qui répond au souci exprimé par les collectivités territoriales en matière de coopération décentralisée.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.