Intervention de Christian Cambon

Réunion du 27 octobre 2005 à 11h00
Coopération décentralisée en matiere de solidarite internationale — Adoption des conclusions du rapport d'une commission

Photo de Christian CambonChristian Cambon :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, jamais l'aide au développement et à la coopération internationale n'a été aussi nécessaire pour répondre à l'attente des populations qui, à travers le monde et aux portes de l'Europe, souffrent de l'écart grandissant des revenus entre pays riches et pays pauvres.

C'est dans ce cadre que s'inscrit la proposition de loi de notre collègue Michel Thiollière, qui vise à renforcer la coopération décentralisée en matière de solidarité internationale et qui est très attendue par les collectivités territoriales.

Au nom de mon groupe, je tiens à saluer cette initiative, qui s'inscrit dans le droit-fil de la loi du 9 février 2005, votée sur l'initiative de notre ancien collègue Jacques Oudin, qui a autorisé le financement des actions de coopération internationale décentralisée conduites par les collectivités territoriales et les agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement.

Comme l'a excellemment rappelé notre rapporteur, Charles Guené, le poids de l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements est toujours croissant. La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui constitue une étape supplémentaire, qui leur permettra de prendre toute leur part de responsabilité dans les rapports Nord-Sud en matière de développement.

Face aux événements tragiques qui ont endeuillé le Sud-Est asiatique en décembre dernier, la Louisiane et le Guatemala cet été et, plus récemment, le Pakistan et l'Inde, face au désastre humain et aux conséquences dramatiques des catastrophes naturelles qui nous ont frappés d'horreur, comment ne pas, dans un élan de solidarité, vouloir aider toutes celles et tous ceux qui souffrent, notamment les populations les plus fragiles ? Tsunami, séismes, cyclones ont fait, ces derniers mois, d'innombrables victimes. Au-delà des morts, ce sont des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants sans abri qui errent dans des régions totalement dévastées, où les secours peinent à parvenir.

Comment ne pas réagir lorsque les catastrophes naturelles aggravent davantage la fracture Nord-Sud, entre nos pays développés, où nous avons « trop de tout », et ces régions, déjà ravagées par les conflits et les guerres civiles, où les populations sont décimées par la faim et les pandémies ?

Depuis dix ans, le Président de la République plaide pour que le développement des pays les plus pauvres soit au coeur des préoccupations de la communauté internationale. Les Français partagent ce sentiment en disant que la pauvreté et la faim dans le monde ne sont pas une fatalité et qu'elles peuvent être surmontées par une forte volonté politique. La souffrance de ces pays est humainement insupportable, moralement inacceptable, mais aussi politiquement dangereuse !

On ne dira jamais assez combien l'intégrisme et le fanatisme se nourrissent de l'injustice, de la misère, et du désespoir. Aussi la France mène-t-elle une politique de coopération dont nous pouvons être fiers, madame la ministre.

En effet, nous consacrons 7, 5 milliards d'euros à l'aide publique au développement, soit 0, 44 % de notre revenu national brut, ce qui représente une progression de 10 % par rapport à 2004.

Les récentes mesures visant à annuler la dette des pays africains les plus pauvres, l'idée retenue par le Président de la République de créer un prélèvement de solidarité de quelques euros sur les billets d'avion, sont autant de contributions à la politique de développement résolument volontariste que nous devons mener. Mais les besoins sont immenses et les moyens de l'Etat sont, à eux seuls, insuffisants. L'intervention de nos collectivités territoriales est donc indispensable. Encore faut-il leur donner les moyens d'agir aux côtés de l'Etat.

C'est aujourd'hui l'honneur du Sénat, une fois encore, grâce à notre collègue Michel Thiollière, que de jouer pleinement son rôle d'éclaireur et de force de propositions en levant l'obstacle juridique qui restreint la possibilité pour les collectivités territoriales de mener des actions de coopération avec les autorités territoriales étrangères en matière de solidarité internationale. Mais il ne suffit pas d'augmenter le volume de l'aide, il faut aussi en améliorer l'efficacité. L'assistance doit céder la place à un partenariat Nord-Sud responsable fondé sur l'exigence de la transparence.

En tendant à leur donner les moyens juridiques d'intervenir, ce texte permettra aux collectivités territoriales d'agir en toute sécurité et surtout en toute transparence.

L'excellent rapport de notre collègue Charles Guené souligne l'ancienneté, la diversité et l'importance des actions extérieures des collectivités territoriales, précisant que leur financement s'était élevé à 230 millions d'euros en 2004, dont 115 millions d'euros au titre de l'aide au développement.

Les communes ont bien été les premières à s'engager dans la coopération internationale, avant d'être rejointes par les départements et les régions, qui bénéficient désormais du soutien de l'Etat.

Toutefois, si les élans de solidarité naissent spontanément devant l'ampleur des catastrophes et l'urgence à réagir pour secourir les victimes, le droit peine, malheureusement, à suivre les faits.

Notre collègue Charles Guené a parfaitement rappelé dans son rapport combien l'incertitude juridique, due à la multiplicité des instruments de coopération et des textes applicables notamment, freinait les engagements des collectivités territoriales. Si, pour faciliter leur insertion dans l'environnement régional, les départements et les régions d'outre-mer, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie notamment ont été autorisées à traiter directement avec les Etats voisins, les collectivités métropolitaines se sont vu jusqu'à présent accorder des possibilités d'action beaucoup plus restreintes.

En effet, pour être légales, ces actions doivent relever de la compétence des collectivités territoriales, ne pas être contraires aux engagements internationaux de la France et surtout présenter un intérêt local.

L'absence de définition objective de cette notion d'intérêt local a conduit, nous le savons, à des interprétations jurisprudentielles divergentes et nombre d'actions de coopération ont ainsi été annulées par les juridictions administratives. On se souvient du contentieux qui a opposé le conseil général des Deux-Sèvres à la juridiction administrative. De la même manière, la commune de Stains en est un autre exemple significatif.

Ces exemples et bien d'autres encore montrent combien il est difficile d'apporter la preuve que des actions de coopération décentralisée présentent un intérêt direct pour les populations locales en France.

C'est donc parce que cette proposition de loi vise à donner une base légale incontestable à l'aide au développement et à l'aide humanitaire d'urgence consentie par les collectivités territoriales françaises qu'elle permettra aux acteurs territoriaux de participer clairement à l'effort de solidarité internationale.

Encore une fois, la brièveté du texte qui nous est soumis ne doit pas cacher l'ampleur de l'enjeu : clarifier et favoriser les actions extérieures des collectivités en leur donnant un cadre juridique certain, évitant ainsi toutes sortes de contestations.

Cet article unique tend, en effet, à réécrire l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales. Il permettra de sécuriser les engagements pris dans le cadre de conventions passées désormais légalement avec les autorités locales étrangères et, surtout, autorisera les actions humanitaires hors convention lorsque l'urgence l'exigera.

Enfin, un souci parfaitement légitime - voire indispensable - de transparence justifie l'obligation qui est faite aux collectivités de mentionner dans la convention l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers.

Cette disposition permettra aux collectivités de mieux justifier leurs choix en cas de contrôle de la chambre régionale des comptes

Madame la ministre, je me permettrai une suggestion : je pense qu'il serait nécessaire que l'ensemble des interventions des collectivités territoriales puissent faire l'objet d'un recensement général, sous votre autorité et, peut-être, dans le cadre de la Commission nationale de la coopération décentralisée. En effet, ceux qui travaillent dans le domaine de la coopération décentralisée - ils sont nombreux et j'en fais partie - constatent très souvent sur le terrain la multiplication des initiatives de coopération, qui sont à la fois efficaces et volontaristes, mais qui, à défaut d'être coordonnées, ne sont parfois même pas connues de nos propres ambassades ni des autorités locales. Il en va de l'efficacité de notre aide et de l'image de la France dans le domaine de la coopération, domaine dans lequel interviennent de nombreux pays, souvent avec moins de moyens mais avec une méthode beaucoup plus efficace pour le faire savoir.

Grâce à cette proposition de loi, les élus locaux pourront agir efficacement aux côtés du Gouvernement pour secourir les innombrables populations qui comptent sur notre solidarité et pour améliorer leurs conditions de vie et leur développement

Désormais, les collectivités agiront en toute sécurité et en toute transparence, l'une et l'autre constituant les fondements mêmes de toute aide librement consentie et largement acceptée.

Parce que ce texte apporte des avancées, le groupe UMP le soutiendra à l'unanimité en félicitant notre collègue Michel Thiollière de son excellente initiative.

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