Intervention de Michel Charasse

Réunion du 27 octobre 2005 à 11h00
Coopération décentralisée en matiere de solidarite internationale — Adoption des conclusions du rapport d'une commission

Photo de Michel CharasseMichel Charasse :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je n'avais pas prévu de m'inscrire dans ce débat, mais l'absence involontaire de mon collègue M. Sueur me fournit un petit créneau, et je remercie la présidence d'avoir bien voulu accepter que je le remplace.

M'exprimant aussi en tant que rapporteur spécial des crédits de l'aide au développement - fonction que j'exerce depuis très longtemps à la commission des finances -, j'estime que la proposition de loi de M. Thiollière, destinée à prévenir les contentieux et soutenue par la commission des lois, est une heureuse initiative.

En effet, ce qui est arrivé jusqu'à présent n'est pas grand-chose par rapport à ce qui pourrait arriver si le juge administratif décidait de s'engager plus systématiquement dans cette voie car, lorsque la coopération décentralisée a été créée, au moment de la première loi de décentralisation de Gaston Defferre, cette possibilité n'avait pas du tout été examinée au regard des dispositions du code des collectivités territoriales, qui prévoient que tout ce qui n'est pas d'intérêt local n'est pas de la compétence du conseil municipal, du conseil général ou du conseil régional.

Donc, cette proposition de loi lève une incertitude, une ambiguïté et, selon moi, elle mettra les préfets beaucoup plus à l'aise qu'ils ne l'étaient : ils ne pouvaient se référer à d'autres textes que celui que je viens de rappeler, mais il y avait une certaine tolérance et ils devaient en appeler au ministère des affaires étrangères, ce qui ne facilitait pas toujours les choses. Mais il est évident - ce n'est d'ailleurs l'objectif ni de M. Thiollière ni de la commission des lois - que cette nouvelle législation ne dispensera pas les préfets d'exercer leur contrôle de légalité.

De ce point de vue-là, la notion d'engagements internationaux de la France ne doit pas soulever une quelconque ambiguïté. Au demeurant, la navette avec l'Assemblée nationale pourrait permettre de la dissiper, s'il y en avait une.

Il doit être entendu que, en l'espèce, les engagements internationaux sont ceux de l'article 5 de la Constitution, dont le Président de la République est le gardien, et non pas ceux, trop vagues et trop généraux, des articles 53 et suivants de la Constitution, sans parler de l'article 16...

En d'autres termes, un échange de lettres de créance d'ambassadeur ou l'établissement et l'existence de relations diplomatiques, ce sont des engagements internationaux. Et si une collectivité territoriale devait contrevenir en quoi que ce soit, par une de ses délibérations, aux relations internationales normales entre la France et un pays donné, conformément aux engagements pris au moment de l'établissement des relations diplomatiques et de l'échange des lettres de créance, il va de soi qu'il pourrait y avoir lieu à contrôle de légalité. Cela ne veut pas dire que ce dernier prospérerait forcément, mais en tout cas cela poserait problème pour la juridiction saisie.

Sous le bénéfice de cette observation, monsieur le président, je voudrais brièvement aborder trois points.

Mes chers collègues, il n'y a pas d'un côté la France et de l'autre ses collectivités locales. Pour les pays étrangers, la France est une, et l'unité de la République impose qu'il en soit ainsi dans toutes les actions extérieures ayant un caractère public. Et les actions des collectivités territoriales sont naturellement des actions publiques !

La politique extérieure relève, dans notre pays, de la seule compétence du Président de la République et du Gouvernement, sous le contrôle du Parlement. Il ne peut donc pas y avoir deux politiques extérieures différentes, l'une de l'Etat et l'autre d'une ou de plusieurs collectivités territoriales. Cela ne s'est d'ailleurs jamais produit depuis la première décentralisation Defferre de 1982.

Cela veut dire que les interventions extérieures des collectivités territoriales ne peuvent pas donner le sentiment qu'elles remettent en cause ou qu'elles contrarient si peu que ce soit la politique extérieure de la France. Elles ne peuvent donc qu'accompagner ou compléter notre politique extérieure et être en toutes circonstances compatibles avec elle.

Troisième et dernière observation, monsieur le président : quels que soient les efforts des collectivités territoriales, elles ne substitueront jamais leur action et leur image - celle d'une ville, d'un département, d'une région - à l'image de la France. Dans les villages du monde les plus reculés, on connaît la France, Paris parfois, mais pas forcément La Rochelle, Limoges, Clermont-Ferrand, Lille, le Puy-de-Dôme

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