On voit bien, dans ces différents exemples, comment la Convention, puis la Conférence intergouvernementale ont travaillé. Elles ont pris pour point de départ les attentes communes des citoyens européens, les demandes qu'ils exprimaient, et elles ont construit des réponses, sans hésiter à bousculer les habitudes diplomatiques de l'Europe.
Les citoyens français peuvent, je crois, pleinement se reconnaître dans ces réponses. Ils peuvent s'y reconnaître comme citoyens européens, partageant de nombreuses préoccupations avec les citoyens des autres pays membres. Mais ils peuvent aussi s'y reconnaître comme citoyens français, car le traité constitutionnel fait une grande place aux thèses françaises, bien plus que les traités d'Amsterdam ou de Nice, par exemple.
Nos gouvernements successifs n'ont cessé de dire que l'élargissement appelait l'approfondissement ; c'est précisément cet équilibre que rétablit la Constitution. Ils n'ont cessé de militer pour une Europe politique et sociale ; avec la Constitution, nous en jetons les bases. Nos gouvernements successifs ont plaidé pour une gouvernance économique propre à la zone euro, pour une meilleure garantie des services publics, pour la reconnaissance de la notion de cohésion territoriale, pour le maintien de l'exception culturelle ; tout cela figure en bonne et due forme dans le traité constitutionnel.
Nous sommes face à un véritable paradoxe : voilà un traité qui, indiscutablement, fait progresser l'Europe et, en même temps, fait droit aux demandes françaises dans une proportion inespérée. Et pourtant, les sondages nous montrent que nos concitoyens sont sur la réserve, inquiets, tentés par un vote négatif, alors que, dans leur immense majorité, les Françaises et les Français sont attachés à la construction européenne.